Traduction par Olga de Lébédew.
Casa editrice italiana (p. 54-56).

IV.

Les trois miracles de St. Georges


Apprends que les Géorgiens estiment beaucoup St. Georges, en l’honneur duquel ils ont érigé une quantité d’églises. Trois d’entre elles opèrent des miracles, aux jours consacrés à ce saint.

Elles se trouvent toutes les trois en Mingrélie.

La première, à l’orient de la Mer Noire, s’appelle Ilody et l’on célèbre sa fête le 10 Octobre, à peu près en même temps que la fête de la restauration de l’église de St. Georges.

C’est une grande église en pierre avec des portes de fer. La fête de sa paroisse est célébrée en grande pompe.

On raconte qu’après les vêpres, le Prince et les seigneurs en ferment les portes et y mettent les scellés. Le lendemain matin en ouvrant l’église, on y trouve un bœuf lié ; on le délie et le conduit trois fois autour de l’église : Le peuple le suit en criant unanimement : « Kyrie Eleïson ! » « Kyrie Eleïson ! »

Après cette cérémonie on tue ce bœuf en dehors de l’église et on en distribue des morceaux aux assistants en guise de bénédiction. On les mange immédiatement, ou bien on en garde pour les malades, qui les mangent ou en res51pirent la fumée[1]. Et Dieu donne à chacun selon sa foi.

La seconde église, du nom de Soujéna, est soumise à l’évêque de Joukoundaly.

À la veille de la fête de cette paroisse, qui tombe le 23 Avril, on amène à l’église, après les vêpres, un vieillard que l’on fait coucher au milieu de l’église en le couvrant des vêtements sacerdotaux de l’évêque. Les seigneurs ferment l’unique porte de cette église en la scellant, et s’en vont.

Le lendemain matin on enlève les scellés devant une foule nombreuse et on ouvre la porte de l’église où j’ai officié moi-même. On en fait sortir le vieillard qui y avait passé la nuit et on le fait asseoir sur le toit. Le peuple fait trois fois le tour de l’église en criant : « Kyrie Eleïson ! »

Puis on s’approche du vieillard à tour de rôle et on se met devant lui en se taisant.

Le vieux leur raconte qu’il a eu une vision de St. Georges Martyr qui lui a dit :

« Dis à ce peuple de se repentir de ses péchés tels et tels… Dis à tel prince ou à tel évêque qu’il cesse d’opprimer les gens et qu’il soit juste envers leur peuple et leurs ouailles, pour éviter tel ou tel châtiment ».

Puis il leur ordonne de témoigner du respect envers certaines personnes estimables, et leur fait le récit de toutes sortes de choses étonnantes qu’il a vues à l’église, en confirmant ses paroles par des serments effrayants.

Quelques-uns suivent ses conseils. Cet usage se répète annuellement à la fête de St. Georges.

Lorsque j’étais en Géorgie je trouvai cet usage étrange.52 Un jour, je fis appeler ce vieillard que je trouvais être un homme simple et candide. M’étant retiré avec lui, je lui demandai comment il passe la nuit à l’église et de quoi il parle au peuple ce jour-là. Je le menaçai d’anathème en cas de mensonge.

Il me répondit d’une voix et avec des gestes qui rappelaient ceux des prophètes au moment où ils recevaient une révélation. On sait que les prophètes ne parlaient pas de leur propre chef au moment des révélations, mais que les scribes inscrivaient ce qu’ils voyaient. C’est ainsi que lorsque le peuple demandait à un prophète ce qu’il avait dit la veille, il leur répondait : « Je n’en sais rien. Lisez ce qui a été écrit et agissez d’accord avec cela. »

Ce vieux parlait de la même manière et j’eus foi en ses paroles à cause de sa candeur et parce que « les miracles de Dieu se manifestent par Ses saints » et que les mystères se trouvent au sein de Ses créatures.

Tout ce que ce vieillard dit n’est qu’un appel à la pénitence et aux bonnes œuvres ; il n’y a rien de blâmable dans ses paroles.

La troisième église miraculeuse consacrée à St. Georges s’appelle Obouge. À la veille de sa fête qui tombe le 23 Avril, après les vêpres, on fait sortir tout le monde de l’église, on ferme les portes avec de gros cadenas en fer et on les scelle.

Le lendemain matin on ouvre les portes et on trouve à l’église le prêtre de cette église ; il est assis, occupé à lire, avec deux cierges brûlant devant lui.

Le père Joseph de Crète m’a communiqué ce qui suit au sujet du prêtre Géorgien.

Une fois, à la veille de la fête de cette église le père Joseph prit ce prêtre chez lui et lui mit des fers aux pieds ; il en 53fit de même à deux autres hommes, et il les enferma à clef.

Étant venu les voir le lendemain matin, il vit que le prêtre s’était échappé et se trouvait à l’église, lisant avec deux cierges brûlant devant lui, tandis que les autres étaient restés enchaînés. Le père Joseph demanda à ces derniers comment il avait pu s’échapper ; mais ils lui répondirent qu’ils n’en savaient rien. L’église était restée scellée tout le temps.

Le père Christophe, prêtre Grec, me conta la même chose, en la même année. Par exemple, il me dit que, étant venu pour la fête de cette église, avec son ami le prêtre géorgien Euphème, il avait répété à l’égard de ce prêtre la même expérience qu’avait faite le père Joseph.

Ce jour-là ce prêtre remarquable adresse au peuple des paroles inspirées tout comme le vieillard dont nous avons parlé.

  1. Dans tout l’Orient l’usage existe de brûler la viande ou autre chose, sur un réchaud et d’en faire respirer la fumée aux malades, ou bien on les fait sauter par dessus le réchaud. [Note de la trad.].