Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Réforme/Appendice
APPENDICE
Un événement fort grave est arrivé récemment dans le monde scientifique, il faut bien qu’on se l’avoue.
L’histoire de France est écroulée.
Je veux dire l’histoire doctrinaire, l’histoire quasi-officielle dont notre temps a vécu sur la foi de certaine école. Une main forte et hardie a enlevé au système la base où il reposait.
C’était un axiome partout écrit, enseigné, professé dogmatiquement et docilement accepté, transmis du plus haut au bas, de la Sorbonne aux collèges, aux moindres écoles, que « quatorze cents ans de despotisme avaient fondé la liberté ».
D’où suivait que celle-ci devait, non pas amnistier, mais honorer le despotisme. « Père et mère honoreras. »
L’école historique née de 1815 nous enseignait que nos défaites furent toutes des degrés heureux de cette initiation. Toutes les victoires de la force se trouvaient légitimées. La philosophie faisait plus. Elle proclamait sa formule : « La victoire est sainte, le succès est saint. »
Dans l’exagération croissante et le progrès du paradoxe, après l’apologie des victoires barbares, féodales, royales, vint l’éloge des victoires du catholicisme, de l’Inquisition, de la Saint-Barthélemi (dans la bouche d’un républicain).
Ce fut le Consummatum est. — Quiconque refusait de subir la tyrannie du système recevait la qualification d’écrivain systématique. Si la conscience résistait, si la critique indocile trouvait dans l’examen des faits des raisons de ne pas se rendre, on souriait de pitié ; on opposait à toute preuve d’érudition la preuve décisive, palpable, actuelle ; on frappait de la baguette la pièce probante, l’œuvre et le dernier fruit des siècles : le gouvernement constitutionnel.
Deux hommes, à ma connaissance, ont résisté à cet entraînement.
L’un, c’est mon vénérable maître Sismondi, qui, dans l’œuvre plus faible sans doute de ses dernières années, n’en a pas moins lutté contre ce système immoral par sa vigueur républicaine et la générosité de son caractère.
L’autre, c’est moi. Je résistai par l’amour des réalités et le sentiment de la vie, qui domine dans tout cœur d’artiste, et qui, sans effort, sans dispute, lui fait fuir et détester les mortes créations que les scolastiques quelconques échafaudent contre la nature et la création de Dieu.
Par le cœur seul et le bon sens, par ma naturelle impuissance d’accepter un optimisme barbare sur cet océan de malheurs, je restai moi, libre du système des historiens hommes d’État.
Aujourd’hui que la réalité, inexorable et terrible, les a violemment réfutés, ils se maintenaient encore par une certaine attitude, affectant de ne pas voir l’anéantissement de leurs théories, Mais voici qu’une voix s’élève, respectueusement ironique. (Quinet, 15 avril 1855, Philosophie de l’histoire de France.) Elle les prie de faire savoir ce qu’est devenue la pierre sur laquelle ils avaient bâti. On ne méconnaît nullement leurs mérites de détail, leurs recherches et leurs découvertes : loin de là, on les console, en leur disant qu’après tout, si l’ensemble manque, il leur restera d’avoir éclairé tels points spéciaux. Seulement, avec douceur, sans bruit et sans violence, on écarte le petit plâtrage qui honorait encore un peu les dehors de la construction décrépite. On se permet de regarder dessous. Mais quoi ! dessous c’est le vide, l’abîme. Et la base est partie.
Pour nous, qu’ils ont mis au ban depuis si longtemps, est-ce par rancune que nous constatons cette ruine ? Point du tout. Nous nous sommes toujours fié au temps pour faire tomber ce qui doit tomber. Nous allâmes toujours devant nous, sans nous amuser aux disputes. Mais aujourd’hui, à une époque où l’âme, fortement avertie, cherche à se prendre à quelque chose (quelque chose qui sera sa perte ou son renouvellement), on ne peut laisser ainsi les masures encombrer le sol, faire ombre et garder la place, empêchant que rien n’y vienne.
Arrière, faux docteurs et faux dieux !
Page 9-28. — Le Turc, les Juifs.
Dans ce chapitre et les suivants, la Presse, la Banque, la Réforme de Luther, nous avons dû poser les questions dominantes du siècle avant de les voir se débattre en France. Cette méthode était la seule logique.
La question dominante et souveraine se présente dès le premier chapitre : La Révolution se fera-t-elle par la Renaissance et la création d’un nouvel esprit, ou par la Réforme et le renouvellement de l’esprit chrétien ?
Le signe du nouvel esprit est la réconciliation du genre humain, l’adoption même des proscrits, des maudits, des Turcs, des Juifs, des tribus sauvages, etc., dans lesquels l’humanité européenne reconnaîtrait des frères. Cette reconnaissance, préparée pour l’Orient dans la trop courte époque des quinze premières années de Soliman, est ajournée par l’effroi de l’Europe, par l’horreur qu’inspirent Barberousse, les ravages des Barbaresques.
De nos jours, l’œuvre de rapprochement s’est avancée par le commerce et la colonisation, par la science et par la critique. L’humanité s’éveille avec bonheur dans l’idée consolante de son identité. Nous vivons, nous fraternisons, nous combattons avec les Turcs.
Mais ce n’est plus seulement cet Orient occidental du monde musulman qui nous apparaît comme frère. L’immensité du monde chinois se révèle comme une autre Europe au bout de l’Asie. La religion bouddhique, avec ses trois cents millions de croyants, y répond au christianisme, et comme nombre, et comme morale, et comme hiérarchie, comme monachisme, etc. Ce surprenant Sosie de la religion occidentale que nous venons de découvrir est-il ou n’est-il pas vraiment frère du christianisme ? Celui-ci le reconnaîtra-t-il ou le repoussera-t-il ? Oui ou non, selon le caractère que le christianisme revendique pour lui-même comme essentiel et constitutif. Si le christianisme met son essence dans la promesse du monde à venir, dans l’espoir du salut, dans l’intérêt, il n’est pas le frère du bouddhisme, il peut le repousser. S’il veut se définir la religion de la charité, il reconnaîtra le bouddhisme comme son frère, comme un autre lui-même ; il ne déclinera cette fraternité et cette ressemblance qu’en déclarant que la charité n’est point essentielle au christianisme.
Le clergé se garde bien de toucher cette question. Il laisse une philosophie complaisante insister sur les différences des deux religions, c’est-à-dire sauver et défendre le christianisme comme unique et miraculeux. Pour nous, les ressemblances nous semblent bien autrement frappantes. C’est au cœur de juger. Qu’il dise si le charme moral de la légende évangélique ne se retrouve pas tout entier dans la légende bouddhique, avec sa placide sainteté, même ses tendances féminines à la quiétude monastique. Il faut être bien déterminé à ne rien voir pour nier une ressemblance de famille qui n’est pas seulement dans les grands traits généraux de la face et dans l’expression, mais dans les menus détails, dans les petits signes fortuits, jusque dans les plis et les rides. Non seulement les deux frères se sont ressemblé en naissant, mais dans le progrès de la vie ; ils ont changé et vieilli de la même manière.
À ces dictées du cœur et du bon sens répondent entièrement les résultats de l’érudition. Que de fois je les recueillis (dans cette heureuse amitié de trente ans !) de la bouche aimable et chère, autant que grave, d’Eugène Burnouf !… Oui, chère et regrettable à jamais ! Je passe tous les jours, le cœur plein d’amers regrets, devant cette maison, où tous nous prîmes le lotus de la bonne loi, devant ce savant cabinet, si bien éclairé, soleillé, où, dans les jours d’hiver, nous réchauffions notre pâle science occidentale à son soleil indien. L’émanation régulière des langues, exactement la même en Asie, en Europe, la génération correspondante des religions et non moins symétrique, c’était son texte favori et mon ravissement.
Voilà ce que j’ai emporté de cette maison : sa lumière (qui est ma chaleur), sa parole limpide, où je voyais si bien naître d’Orient, d’Occident, le miracle unique des deux Évangiles. Touchante identité ! deux mondes séparés si longtemps dans leur mutuelle ignorance et se retrouvant tout à coup pour sentir qu’ils sont un, comme deux poumons dans la poitrine ou deux lobes d’un même cœur !
Mot sacré de la Renaissance ! Là, je l’ai bien senti ! l’unité de l’âme humaine, la paix des religions, la réconciliation de l’homme avec l’homme et leur embrassement fraternel.
Un mot encore sur ce premier chapitre. Comment personne ne s’est-il avisé d’une chose si facile et si belle, de réunir tant d’histoires ravissantes, qui sont dans Burnouf et ailleurs, en un même Évangile bouddhique ? Comment n’a-t-on pas publié dans un format populaire la merveille du Zend-Avesta ? Comment les Juifs n’ont-ils pas traduit leur magnifique histoire d’Iozt ? Comment ne traduisent-ils pas de français en allemand la Kabbale de M. Franck, un chef-d’œuvre de critique ; et d’espagnol en français les Juifs d’Espagne de M. José Amador de los Rios ?
Le point capital peut-être de l’histoire des Juifs, c’est l’effort qu’ils ont fait à certaines époques pour sortir de l’usure, et l’inepte fureur avec laquelle les chrétiens les y repoussaient. (Voir particulièrement les édits de 1774, 1775, 1777.)
Page 29. — La Presse, le chevalier Hutten (1512, 1516.)
La source principale où j’ai puisé constamment est la belle édition de M. Münch (Berlin, 1821), en cinq volumes, riche de renseignements, d’éclaircissements historiques et biographiques, qui éclairent singulièrement cette époque. M. Zeller a donné une courte, mais excellente biographie d’Hutten (Rennes, 1849). On croit trop généralement qu’Hutten ne fut que le pamphlétaire des disputes éphémères du temps. On voit en le relisant qu’il vit toujours, qu’il est plein d’à-propos comme athlète permanent de la Révolution. Tel cri, sorti d’un cœur si chaleureux, vibrera à jamais : celui-ci, par exemple, dans sa lettre à l’Électeur de Saxe : « Qui veut mourir avec Hutten pour la liberté de l’Allemagne ? » La parfaite douceur de ce grand homme paraît à plus d’un trait. Il voit pour résultat de la Révolution « l’union de tous les peuples, la paix, la fraternité universelle ; plus de haine, même pour les Turcs. » (Hutteni Opera, III, 603.)
Pages 45-78. — La Banque, l’élection impériale, les Indulgences (1516, 1519.)
Ces quarante pages, entièrement neuves, sont sorties des documents publiés par M. Le Glay, Négociations entre la France et l’Autriche, tome II. On y suit parfaitement le fil de l’intrigue financière. M. Mignet, dans l’excellent morceau qu’il a publié sur l’élection de Charles-Quint, met dans une fort belle lumière le côté politique, en laissant sur le second plan l’action de la banque et de l’argent, que j’ai mise en première ligne.
Page 50. — Les voyages éternels de François Ier de château en château.
La difficulté que les ambassadeurs avaient à le joindre est frappante dans les Négociations (édit. Le Glay), et le gaspillage infini d’une telle vie est sensible dans les Comptes de la bouche que possèdent les Archives. Ils donnent plus d’un curieux détail : « Tant pour le sucre de bouche à l’apothicaire du roy », etc.
Page 61. — Sur la dépopulation de l’Amérique.
Une perte non moins regrettable que celle des hommes est celle de la civilisation et des arts de ces peuples, bien plus avancés qu’on n’a dit. Les Mexicains étaient arrivés à connaître, à peu de chose près, la grandeur de l’année. M. de Humboldt (Nouvelle Espagne, I, 370) explique, avec une grande modération qui frappe d’autant plus, cette horrible destruction, cette chute à la barbarie. Le peuple sous les missionnaires, retomba partout à l’ignorance, dans une espèce d’enfance et d’imbécillité que n’ont nullement les Américains restés indépendants et comme on dit, sauvages, hors de l’abrutissement des missions.
Page 78-80. — La couronne de Hongrie, la sainte couronne des héros, le palladium de l’Europe.
L’unité de cette histoire, la nécessité d’en suivre le fil central entre la France, l’Italie et l’Allemagne, m’impose un cruel sacrifice : c’est de ne rien dire ici du héros de l’Europe, qui finit, s’éclipse du moins au seizième siècle. Ce héros est le peuple hongrois. Ajournera-t-on toujours ce que lui doit l’histoire ?… Notre De Gérando est mort ! irréparable perte !… Le savant Téléki vient de mourir. La grande histoire de Fesler attend encore un traducteur. Et cependant d’infâmes et menteuses compilations paraissent, fleurissent de toutes parts. — Les Hongrois ne daignent répondre. — S’ils parlent, c’est pour le monde (Atlas anglais). — Je vois avec bonheur un Français plein de cœur et de talent, M. Chassin, entrer avec éclat dans ces études (Huniade). Puisse-t-il payer la dette de nos cœurs à ce peuple entre tous héroïque, qui de ses actes, de ses souffrances, de sa grande voix forte, nous relève et nous fait plus grands ! On lui accorde volontiers la vaillance ; mais cette vaillance n’est que la manifestation d’un haut état moral. Dans tout ce qu’ils font ou qu’ils disent, j’entends toujours : Sursum corda !
Tout ce qui nous est revenu de leurs paroles en 1848 est purement et simplement sublime. Un paysan vient s’engager : « — Jusqu’à quand ? — Jusqu’à la victoire. » Un enfant se présente aussi pour être soldat : « Mais tu es trop petit… — Je grandirai devant l’ennemi. » Ce qui étonne le plus de ce peuple, c’est son silence. Il laisse les journaux ignorants dire, répéter que la Révolution hongroise fut aristocratique. — Chose pourtant vraie en un sens. La nation entière est une aristocratie de vaillance et de dignité. Il y a là cinq millions de chevaliers. Et pas un paysan ne s’estime moins que le premier palatin du royaume. On le voit dans les chants innombrables, guerriers ou satiriques, que 1848 a inspirés, surtout dans l’œuvre de leur premier poète, Petœfi, le boucher de Pesth.
Page 85. — La musique était née.
Le plus simple des hommes qui lirait seulement les chroniques d’avant le seizième siècle, puis celles du seizième, serait parfaitement éclairé sur la question. Il verrait les premières toutes muettes et sombres de silence, les autres, au contraire, resplendissantes de lumière et de chants. Le chant devient alors universel et populaire. Tous les événements tristes ou gais, les combats, les supplices même, se passent au milieu des cantiques. « Là, tel fut mis à mort pour avoir chanté des psaumes sous un rocher. » Ailleurs : « Il chanta dans les flammes, et la foule étouffait sa voix par des hymnes à la Vierge, Ave maris Stella, etc. » Voilà les passages que vous trouvez continuellement dans les chroniques et catholiques et protestantes. On en ferait un énorme volume.
Nul doute que le Moyen-âge n’ait eu aussi des mélodies. À côté des beaux chants de la messe qui nous viennent d’Orient, l’antique chanson gauloise trouva toujours des accents vifs, agrestes, chœurs de moissons ou de vendanges, plus rythmiques que ceux des offices.
L’Église, de bonne heure, dans sa haine des formes mondaines, négligea, dédaigna la mesure, en même temps qu’elle favorisait la sculpture roide et longue qui fait de l’homme une momie, supprime les articulations et ce qu’on peut appeler les rythmes du corps. La nature a mis le rythme partout. L’Église le supprima partout, en haine de la nature.
Mais, aux moments émus, la nature revient invincible ; le rythme reparaît, du moins au battement du cœur trop oppressé, ou par l’intervalle des soupirs. Dans la tremblotante complainte du pauvre Gotteschalck, persécuté déjà au neuvième siècle, dans ce doux chant coupé de larmes, n’y a-t-il pas un rythme de douleur ? Et il y en a un certainement de fureur et d’effroi dans le chant des persécuteurs, l’hymne dominicain compilé de vingt autres, le véhément Dies iræ. (Coussemaker, 94, 115.)
Le silence profond des chroniques, qui ne parlent jamais d’aucun chant, nous autorise à croire que ces hymnes d’Église qui resserraient plutôt les cœurs furent peu dans la bouche du peuple. Ils sont très méridionaux, nullement dans le caractère de la France, opposés, nous pouvons le dire, à l’aimable génie de nos aïeux.
Tout cela, au reste, est purement mélodique. Le Moyen-âge connut-il le contre-point et l’harmonie ? Le contre-point double n’apparaît certainement qu’au seizième siècle. (Voir Kiesewetter et Fétis.) — On connut de bonne heure les règles élémentaires de l’harmonie ; mais on en fit le plus baroque usage. Du plain-chant grégorien, où la division des sons est imparfaite, et qui n’admet ni rythme ni sons complexes, on passa de bonne heure à des combinaisons scientifiques fort compliquées, dont la difficulté absorbait toute l’attention. Ni goût, ni sentiment, ni inspiration musicale.
Les patients rechercheurs de ces curiosités, fort tentés de les admirer, avouent pourtant eux-mêmes, quand ils sont de bonne foi, que la plupart furent dignes de figurer aux Fêtes de l’âne. Les chants d’Hucbald, au dixième siècle, réputés très suaves alors, effrayent tellement M. Kiesewetter, qu’il décide « que jamais il n’y eut oreille assez barbare pour les supporter un instant ». Mais MM. Fétis et Coussemaker disent et prouvent qu’on les supportait. (Coussemaker, p. 18.) Un manuscrit de 1267, qui du reste témoigne des progrès déjà faits, arrache cependant cet aveu à son admirateur : « Dans l’ensemble, il déchire l’oreille. » (Fétis, Revue de M. Danjou, octob. 1847, p. 222.)
On devient plus savant, mais aussi plus absurde, n’attachant de mérite qu’à la complication, à la difficulté. Les maîtres de chapelle des princes du quinzième siècle mettent les paroles du Credo, du Sanctus, sur le thème d’une chanson grivoise, et brodent là-dessus mille ornements bizarres. Le charivari est au comble, charivari moral et musical. On ne disait plus la messe du Sanctus, mais la messe de Vénus la belle, de l’Ami Baudichon, ou la messe d’Adieu mes amours. Ajoutez des idées grotesques et puériles d’exécution matérielle : s’il s’agissait de nuit, de mort, les notes étaient noires ; si de fleurs, de prairies, les notes étaient vertes ; rouges, si l’on parlait de sang, et autres pauvretés.
Toutes ces misères duraient encore au seizième siècle. Le charivari augmentait. J’entends dire que le Marignan du très fameux Josquin des Prés, qu’on a essayé d’exécuter récemment, est un affreux tapage.
Enfin vinrent le protestantisme et les psaumes admirables de Goudimel. Enfin le concile de Trente, éclairé par ces psaumes, demanda la réforme de la musique catholique. Rome en chargea l’élève de Goudimel, l’aimable Paleslrina, grand homme qui néanmoins fut impuissant pour faire école. Ce qui est mort est mort. (Voir Baini, Memorie di Palestrina, 1828, et l’excellent article de M. Delécluze, ancienne Revue de Paris, qui résume et juge très bien cet important ouvrage.)
Page 89. — Le lollard… Chant de lolo, à bercer les enfants. (Voir mon Histoire de France au Moyen-âge, liv. XII, chap. i.)
Lolhardus, lullhardus, lollert, lullert. (Mosheim, De beghardis et beguinabus, Append., p. 583.) — En vieil allemand, lullen, lollen, lallen, chanter à voix basse ; en allemand moderne, lallen, balbutier. En anglais, to lull, bercer. En suédois, lulla, endormir.
Page 92. — La table (de Luther)… où moi-même si longtemps admis j’ai trouvé tant de fruits divins dont mon cœur vit encore.
Oui, les années heureuses où j’ai vécu lisant l’œuvre de Luther (l’exemplaire allemand de la Mazarine, unique à Paris), ces années m’ont laissé une force, une sève, que Dieu me conservera, je l’espère, jusqu’à la mort. Malheureusement mes Mémoires de Luther, qui donnent l’homme au vif, ont deux défauts : d’abord une préoccupation trop grande du point de vue théologique (très secondaire, car le peuple n’y sentit que l’éveil moral). L’autre défaut, c’était ma timidité, mon hésitation. Nourri hors du catholicisme, n’en ayant point souffert, sans rapport avec lui que par ma curiosité archéologique, je le ménageais d’autant plus ; je retenais mon souffle de peur de rien faire envoler de la poussière de ces vieux temps.
Page 98. — La famille catholique. La tradition paternelle y est moins forte. L’enfant reste un individu.
Que penser de l’ignorance de nos faiseurs de systèmes qui vous disent gravement encore : « Le catholicisme réunit, le protestantisme divise. Le protestant, c’est l’individu », etc. Eh ! pauvres gens, étudiez donc un peu, observez, voyagez. Regardez-moi, le soir, la famille protestante unie dans la lecture commune. Observez cette femme, comme elle écoute le touchant commentaire, la pieuse réflexion du mari ! comme tous deux sentent et comprennent d’un même cœur ! Leur profonde unité imprime au cœur de l’enfant une autre Bible encore. Il n’oubliera jamais le regard attendri dont sa mère surprit l’esprit saint dans les yeux émus de son père. Voilà la tradition forte. Il y a un peu loin de cela à la traduction scolastique donnée par l’homme officiel à un enfant distrait qui ne comprend guère et ne retiendra pas. L’autre, élevé dans la famille vraie, à ce puissant foyer, qu’il aille en Amérique, qu’il s’enfonce aux forêts, loin de toute demeure humaine, qu’il vive pionnier solitaire, il ne sera point seul. Il a avec lui la tradition. Quelle ? Est-ce ce volume qu’il emporte partout, l’Encyclopédie juive, mêlée de tant de choses ? Non, mais ce volume, qu’il le lise ou non, il a été sur la table sacrée. La simple couverture, maniée, usée par ces chères mains, que de choses elle dit ! Dans les nuits les plus sombres, la lueur y revient de la lampe de famille, la divine lumière de ce tendre regard que son père et sa mère échangèrent devant lui dans un moment de sainteté.
Page 108. — Rome ne perdit pas un moment.
Léon X, dans sa bulle Exsurge (error 35), et la Sorbonne, dans sa Determinatio, condamnent spécialement cette hérésie de Luther : « Brûler les hérétiques, c’est contre le Saint-Esprit. » Il persévéra toute sa vie dans cette magnifique hérésie. On peut le prouver par cent passages. Même dans sa colère contre les paysans révoltés, qui ne veulent pas l’écouter, il ne se dément pas ; il condamne leurs actes, non leurs croyances. Sa plus grande sévérité est de conseiller le bannissement pour les blasphémateurs qui enseignent leurs blasphèmes. Castalion, dans l’écrit où il blâme la mort de Servet, s’appuie principalement de l’autorité de Luther. On peut dire que c’est à ce grand homme que remonte la tradition de la tolérance.
Page 130. — L’heureuse, l’aimable occasion de l’affranchissement de l’Angleterre, Anne Boleyn.
Je ne suis pas de ceux qui aiment à attribuer les grands effets aux petites causes. Personne ne sent plus que moi la vigoureuse spontanéité des commencements de l’Église d’Angleterre, que M. Merle d’Aubigné a mis dans une si belle lumière d’après les contemporains. Il faudrait cependant ignorer l’énorme influence de la Couronne sous les Tudor pour ne pas sentir que l’exemple d’Henri VIII dut décupler la force du mouvement commencé. Peu le suivirent dans sa doctrine, tous dans sa séparation de Rome. Ce dernier point fut l’essentiel. Je n’hésite pas, p. 241, à l’appeler un roi protestant. La série des portraits d’Henri VIII est infiniment curieuse à étudier. Tout le monde connaît celui d’Holbein. Nos Archives en possèdent un très soigné et très bon en tête du traité de 1546. Il est placé assez bizarrement entre deux cariatides demi-nues, jolies et indécentes. Le sceau, d’or massif, et d’un fort relief, est d’un travail allemand. (Armoire de fer. Trésor des Chartes, J, 651, pièce 53.)
Page 141. — Le vieux trésorier Semblançay, homme sûr et estimé.
Mis à mort en 1527, à l’époque où l’on rechercha les traitants. Le Bourgeois de Paris (publié par M. Lalanne en 1854) croit qu’il n’était pas innocent. Entre autres récits de sa mort, j’en ai lu un remarquable dans une petite Histoire inédite de François Ier (de 1515 à 1530), généralement assez judicieuse. (Ms. de la Bibliothèque de l’université de Turin, petit in-folio d’environ 200 pages.)
Page 162. — Nous possédons la lettre autographe et olographe que Marguerite adressa à son frère.
Publiée par Génin, en tête de la seconde partie des Lettres. Le savant éditeur, qui avait d’abord préféré une autre interprétation, la modifie sur l’exposé des faits. Il nous écrit que la nôtre lui semble bien plus admissible. Nous aurions hésité à l’adopter si nous n’avions pour nous l’avis définitif du pénétrant critique. La profondeur et l’innocence du sentiment de Marguerite sont singulièrement marquées dans les vers pathétiques qu’elle adresse, pendant la captivité de son frère, à une enfant, sa nièce, fille du roi, qui venait de mourir à huit ans. (Voir Captivité de François Ier.)
Pages 167-182. — Le connétable de Bourbon.
Les documents officiels (Le Glay, Weiss, Lanz, etc.) donnent peu ou rien, sauf la minute informe du traité de Bourbon avec l’empereur (dans les papiers Granvelle). Heureusement toutes les dates et le beau récit de la page 201 nous sont fournis par Turner, d’après les mss. anglais. Un fait très grave et inconnu se trouve dans une pièce inédite de nos Archives. C’est qu’au moment où Bourbon quitta si brusquement le roi et fut suivi des nobles, le Grand-Conseil frappa un coup sur la noblesse en condamnant à mort Charles de Caesmes, seigneur de Lucé, et ses adhérents, pour rapt et inceste commis en la personne de Gabrielle d’Harcourt. {Archives, J, 903, arrêt du 17 mars 1523.)
Page 195. — Le roi rendit aux seigneurs le pouvoir de juger.
C’est probablement à cette époque que se rapporte le bruit qu’on avait répandu et auquel il fait allusion plus tard : « Pour autant que j’ay entendu qu’il y en a de si méchans qui ont osé semer cette parole que je voulois faire les gentilshommes taillables. » (Archives de Turin, Discours de François Ier, septembre 1529.) Cette collection immense contient vingt-huit volumes in-folio de pièces pour le seul règne de François Ier (copies du dix-septième siècle.)
Page 197. — Le roi et Diane de Poitiers ; un volume de lettres.
Ce dernier mot est inexact ; il n’y a que trois pages (in-4o) de lettres du roi à Diane et dix pages de Diane au roi, d’après des originaux entièrement autographes (p. 217). Il semble que ces lettres soient adressées a François Ier et avant 1531, avant la mort du mari de Diane. Ce sont celles d’une femme inquiète, surveillée, mal reçue des parents du mari au retour des voyages qu’elle faisait à la cour. Elle dit expressément : « Mon mari (223). » Il y a un mot qui semble indiquer que François Ier enrichissait ce mari pour lui faire avaler la chose : « Si vous plaît faire entendre à mon beau-père et belle-mère que vous n’avez fait ce bien à leur fils que pour cette raison (222). » Ceci ferait croire à l’authenticité des vers trouvés par M. Esmangart sur un rouleau de plomb à Gentilly :
En ce doux lieu, le roi François premier
Trouve toujours jouissance nouvelle.
Qu’il est heureux !… Car ce lieu lui recèle
Fleur de beauté, Diane de Poitiers.
Dans le recueil où nous trouvons les lettres de Diane (Poésies et Correspondance intime de François Ier, éd. A. Champollion), je trouve une lettre bien tragique sous le nom, supposé peut-être, de madame de Bonnivet (serait-ce madame de Chateaubriant ?) : « Sire, vous estes délibéré à me laisser mourir ? Ne savez-vous que les deux en prison use de poison, et mes enfants et moy ne mangeons autre chose. C’est pour l’amour de vous que l’on me fait tant de mal, et vous l’endurez !… De Crèvecœur, 7 janvier. »
Page 205. — Pavie et Madrid.
Les Archives du Vatican ne sont pas sans intérêt pour cette époque. C’est à ce moment où le pape voulait tromper les deux partis qu’il envoie au jeune empereur ce conteur libertin Balthazar Castiglione, 20 novembre 1524. Après Pavie, éperdu de peur, il demande passage au général impérial pour ses agents (qui vont armer l’Angleterre contre l’empereur.) (Extraits des actes et lettres du Vatican, Archives, carton L, 379.)
Page 214. — Défaite de Pavie.
J’omets ici beaucoup de circonstances accessoires, entre autres la fuite d’Alençon avec l’arrière-garde. Il eut le malheur d’arriver le premier de tous les fuyards à Lyon, fut accablé de reproches par sa femme et sa belle-mère, mourut de chagrin ou de fatigue. — La balle d’or est dans D. Juan Antonio de Vera, Vie de Charles-Quint.
Page 251. — Sur Chambord.
Voir la belle et exacte description de M. Henri Martin, et le plan (étage par étage) conservé à la Bibliothèque, d’après l’état ancien du château.
Page 260. — Bourbon trompe le pape.
Charles-Quint ignorait-il entièrement ce que faisait Bourbon ? Il semble que Castiglione, envoyé par le pape pour amuser l’empereur, est maintenant employé par l’empereur à amuser le pape. Castiglione écrit de la cour impériale à Clément VII qu’il recevra bientôt la visite du confident de l’empereur, Paul Arétin. Le 31 mars 1527, le connétable écrit au pape que, malgré la trêve, son armée s’obstine à avancer, et qu’il est forcé de marcher aussi pour éviter un plus grand mal. La lettre est en italien, mais signée en français : « Votre très humble et très obéissant serviteur, Charles. (Du camp impérial.) » (Extrait des actes et lettres du Vatican, Archives, carton L, 384.)
Page 275. — La France, après Venise, fut le grand renégat qui, le Turc aidant, défendit la chrétienté contre elle-même.
Ce point de vue si juste est très finement indiqué dans la belle introduction de M. Charrière (Négoc. de la France avec le Levant, t. Ier). Comment la presse n’a-t-elle pas fait ressortir davantage l’importance de ce grand travail, si neuf et si intéressant ?
Page 284. — Charles-Quint se venge sur les enfants de François Ier, envoie leurs domestiques aux galères, les fait vendre, etc.
Ce fait choquant est constaté, non seulement par les réclamations de François Ier, mais par les aveux de Charles-Quint, aveux plusieurs fois répétés (dans les papiers Granvelle).
Page 306. — Vaudois des Alpes… Le doux génie de la contrée, les fées (ou les Fantines).
Un mot de M. Muston, dans sa première édition, avait vivement excité mon intérêt. Je fis appel à son obligeance, et j’eus le bonheur d’en recevoir cette réponse. C’est la dernière relique de cet innocent paganisme, le dernier souffle et la suprême haleine de ces pauvres petits êtres qui vivaient encore dans les fleurs.
Ay vist una Fantina | J’ai vu une Fantine |
Que stendava là mount, | Qui étendait là-haut |
Sa cotta néblousina, | Sa robe nébuleuse |
Al’brouc de Bariound | Aux crêtes de Bariound. |
Una serp la séguia | Un serpent la suivait, |
De coulour darc en cel, | De la couleur de l’arc-en-ciel, |
Et su di roc venia | Et sur les rocs elle venait |
En cima dar Castel. | Vers la cime du Castel. |
Comme ’na fiour d’arbroua, | Comme une fleur de clématite, |
Couma nèva dal col, | Comme neige du col, |
Possava su la broua, | Elle passait sur la côte, |
Senz’affermiss’ ar sol. | Sans appuyer au sol. |
Avioù perdu ma féa ; | J’avais perdu ma brebis ; |
La Fantina me di : | La Fantine me dit : |
Ven coum mi sû la scea : | Viens avec moi sur la colline, |
Et la troubérou li. | Et je la trouvai là. |
— Cosa fasè-ve çi, bella spousinotta ?
— Il ay pers lou camin, et scarsa mia cotta,
Li broussè m’an perdû, saignou souta di pê,
Et me sentou may pî d’endar fin d’ay casè.
— Paoura bergira ! ven ; ven pura, brisa mia !…
— Que faites-vous ici belle petite épousée ?
— J’ai perdu le chemin, et déchiré ma robe.
Les broussailles m’ont égarée ; je saigne sous les pieds,
Et je ne me sentirai jamais d’aller jusqu’au hameau.
— Pauvre bergère ! viens : viens seulement, ma petite…
« Voilà tout ce que je possède en fait de documents originaux relatifs aux Fantines. Voici maintenant ce qu’on m’en a dit dans mon enfance, et encore ne sont-ce que des vieillards à qui j’en ai entendu parler. Les vieux montagnards pouvaient bien en parler à un enfant, mais s’en fussent tu devant une personne raisonnable.
« Les Fantines ne se voyaient que de loin, mais ne se laissaient jamais approcher.
« Lorsqu’au temps des moissons une mère déposait le berceau de son enfant dans les blés, elle était rassurée par la pensée qu’une Fantine venait en prendre soin pendant son absence, le consoler, le bercer s’il pleurait, lui chanter confusément pour l’endormir, écarter de son front les mouches piquantes, etc.
« Si dans les rochers arides s’épanouissait une magnifique fleur, c’est qu’une Fantine l’avait arrosée, cultivée, etc.
« Lors d’une inondation, un berceau entraîné sur les flots vint aborder sans accident au rivage : c’était une Fantine qui l’avait dirigé. »
Telle est la lettre du bon et savant historien des Vaudois, leur première gloire en ce temps. C’est une belle singularité de ce petit peuple d’occuper par l’histoire une place si haute en Europe. Rien de plus grand dans notre littérature que la trilogie vaudoise du naïf Gilles, de l’éloquent Léger et du vaillant Arnaud. (La glorieuse rentrée des Vaudois, par M. Arnaud, colonel et pasteur des vallées.) De nos jours, cette inspiration s’est retrouvée dans Muston. La première édition de son histoire contient une délicieuse description du pays (réimprimée récemment). La seconde, complète et refondue entièrement, est précieuse par les renseignements qu’il a recueillis dans toutes les archives de l’Europe. Ce noble et savant homme, qui rajeunit en vieillissant, nous donne en ce moment, sur cette histoire si dramatique, un poème plein de beaux vers : l’Israël des Alpes.
Page 365. — La vie de Rabelais est impossible pour qui voudrait tout éclaircir ; mais, quant à l’aspect principal, la bonté, la grandeur de ce beau génie, il a été mis en complète lumière. Un jeune paysan de Normandie, dans un village, sans autre secours que la sagacité pénétrante d’un esprit fin et tendre, très réfléchi sous sa forme naïve, a suivi et senti le mystère de la Renaissance dans Rabelais, Molière et Voltaire. Ce mystère peut se dire d’un mot (celui de Vasari sur Giotto) : « Il a mis la bonté dans l’art. » Bonté et tolérance, ardente humanité, ce fut l’âme commune de ces grands hommes. La foule inintelligente n’avait vu en eux que l’esprit critique ; ils ont attendu jusqu’à nous leur révélation. (Rabelais, Molière, Voltaire, par Eugène Noël. Trois petits volumes in-18.)
Page 380. — En 1540, Paul III approuve les constitutions des Jésuites.
La même année, il institue une confrérie du Sacré-Corps de Jésus. Serait-ce le premier nom des Jésuites, qui plus tard si habilement exploitèrent le Sacré-Cœur ? (Extrait des actes du Vatican, Archives, carton L, 379.) L’histoire des Jésuites a été fort éclaircie par l’ouvrage de M. Alexis de Saint-Priest sur leur suppression, d’après les documents conservés au ministère des Affaires étrangères. Nulle part ils n’ont été plus finement appréciés que dans le beau livre, tout récemment publié, de M. Lanfrey : L’Église et la Philosophie au dix-huitième siècle, 1855.
Page 401. Le roi malade.
Les persécutions recommencent à l’instant même. Un inquisiteur converti au protestantisme est brûlé à Toulouse. (Voir la procédure aux Archives, carton J, 809.)
Page 402. — L’ami de la duchesse d’Étampes, Brion (ou l’amiral Chabot.)
Peut-être a-t-on dit trop de mal et d’elle et de lui. Leur crime à tous les deux fut surtout d’avoir défendu les protestants, ou plutôt l’humanité. La sœur de la duchesse, madame de Cany, était elle-même protestante. (Lettres de Calvin, édition Bonnet, t. I, p. 281.) — Je ne vois jamais au Louvre la belle et rêveuse statue du pauvre Chabot, un chef-d’œuvre de la Renaissance, sans penser aux belles paroles qu’il prononça devant le roi. François Ier parlant un jour des plaintes que faisaient les protestants sur la mort des leurs, brûlés en France et en Angleterre, l’amiral fit cette réflexion : « Nous faisons des confesseurs, et le roi d’Angleterre fait des martyrs. » Il fallait quelque courage pour dire alors si hautement qu’en envoyant les protestants à la mort on faisait des confesseurs de la vérité. (Extrait des actes et dépêches du Vatican, Archives, carton L, 384.)
Page 420. — Le légat d’Avignon donna l’autorisation pour poursuivre le massacre sur terre papale.
Il semblerait même que la première impulsion vint de lui et qu’il offrit d’aider. Voir une curieuse pièce manuscrite, le procès-verbal original de l’exécution, que l’exécuteur Paulin de La Garde conservait précieusement à son château d’Adhémar, et qui est maintenant aux Archives d’Aix.
Page 423. — Les Guise.
Nous avons vu parfaitement, à l’époque des affaires d’Isly et autres, les moyens simples et grossiers par lesquels on fait des héros à force de réclames. Ces moyens sont fort employés au seizième siècle. Telle fut certainement une chanson, assez mesurée pour le roi (donc faite avant sa mort), dans laquelle on le montre appelant la France au secours par sa fenêtre de Madrid. Le premier qui accourt pour délivrer le roi, c’est Guise. (Bulletin de la Société d’histoire de France, t. I des Documents, p. 276.)
Page dernière. — Quatorze cents familles françaises s’établirent à Genève, en huit années seulement, sous le règne de Henri II : c’est le chiffre donné par M. Gaberel. (Histoire de l’Église de Genève, t. I, p. 346.) Le Registre des réceptions de la bourgeoisie, que j’ai compulsé aux Archives de Genève, donne un chiffre inférieur ; mais il est visiblement incomplet et mutilé. Voir sur le temps antérieur la Chronique de Bonnivard, le Journal du syndic Ballard et la belle Chronique de Froment (1855), éditée avec un soin infini, admirable, par M. Revilliod. Beaucoup de pièces inédites et de renseignements curieux ont été publiés dans l’excellent Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme, spécialement par M. Read, et dans la France protestante de M. Haag.
J’ai réservé Genève pour le règne de Henri II, ainsi que plusieurs détails essentiels sur l’histoire intérieure de l’administration de François Ier, et de la politique de Charles-Quint, sur le changement progressif qui fit du Flamand un Espagnol, etc.