Calmann Lévy (p. 278-281).
◄  XVII


XVIII


Une heure et demie plus tard, le duel avait lieu dans le bois des Marnes, et M. de Maurescamp recevait un coup d’épée en pleine poitrine.

On crut longtemps qu’il n’y survivrait pas, car les poumons avaient été lésés. Mais la force de son tempérament le sauva. — Sa santé néanmoins demeure précaire et son moral paraît devoir rester toujours inquiet et abattu.

Il semble avoir admis d’ailleurs, avec la partie la plus indulgente du public, que sa femme, dans cette affaire du capitaine de Sontis, n’avait eu en réalité d’autre tort que de boire un peu trop de sauterne et de fumer un cigare qui avait achevé de lui ôter la conscience de ses actes. Il a donc pu continuer de vivre avec elle en termes convenables, et il lui montre même une sorte de déférence résignée et soumise assez surprenante de la part d’un homme autrefois si impérieux et si plein de lui-même.

Il est vrai qu’il a réussi à modifier complètement le naturel de sa femme et qu’il doit être satisfait de son ouvrage. Jeanne n’est plus romanesque ; elle ne lit plus Tennyson. Depuis qu’on lui a tué son complice d’idéal, l’idéal même est mort pour elle. Après avoir affecté d’abord, par un esprit d’ironie vengeresse, les allures d’une femme uniquement avide de plaisir, de mouvement et de sensualité, elle semble maintenant par découragement et par abandon d’elle-même, jouer ce rôle au naturel.

Froide, railleuse, coquette à outrance, mondaine furieuse, indifférente à tout, elle ne paraît garder, depuis la mort récente de sa mère, qu’un sentiment honnête et élevé, — c’est celui qui la conduit trois fois chaque semaine au chevet d’une vieille femme paralytique qui est tombée en enfance, — la comtesse de Lerne.

Nous ne dirons rien de plus de Jeanne-Bérengère de Latour-Mesnil, baronne de Maurescamp. Nous avons cessé — de même que le lecteur probablement, — de nous intéresser à elle depuis que son atroce réponse au billet de M. de Sontis nous a démontré que cet ange était décidément devenu un monstre.

La conclusion de cette histoire trop véritable est que, dans l’ordre moral, il ne naît point de monstres : Dieu n’en fait pas ; — mais les hommes en font beaucoup. — C’est ce que les mères ne doivent pas oublier.



fin