Henri Cornélis Agrippa/Lettre XLVI

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XLVI
Agrippa à son ami Chapelain.

Lyon, 25 juillet 1528.

Salut, cher Chapelain, le Seigneur Dieu est plein de longanimité et de patience pour amener les pécheurs à la pénitence, eux qui, suivant la dureté de leur cœur, méprisent sa bonté, mais ne pourront éviter son jugement. Il vient de périr, le Naboth de Bourbon[1], et l’impie Jézabel[2] s’est emparée de sa vigne. Vous savez qu’elle a secrètement fait mourir les Prophètes, hommes justes, et à combien d’autres elle a infligé les tourments de la faim et de la soif, dans les tribulations et les embûches. Vous savez le supplice malheureux de Samblançay ; de quelles grâces en retour on a payé celui qui, tant de fois, avait exposé pour eux sa foi, sa réputation, toute sa fortune et même sa vie. Vous savez quelle tragédie a suscité notre Épître catholique à un ami comme Élie de Thesbite, je suis devenu odieux à Jézabel pour la cause de la vérité et de la justice et l’on a cherché ma mort. Mais l’ange du Seigneur m’a prémuni et m’a délivré de la méchanceté de cette femme. Il ne reste plus qu’à voir la chute de cette Jézabel, son corps mangé par les chiens et la ruine de tous les adorateurs de Baal. Prenez donc garde, évitez à temps la société des méchants, de peur que la main de Dieu ne vous frappe aussi et que vous ne périssiez avec ceux qui souillent la muraille, alors que Jéhu viendra frapper la maison de votre Achab et punir la cruelle Jézabel du sang de l’innocent et des serviteurs de Dieu. On dit que Baboinus[3] Lycaon a uni ses enfants aux bâtards de Méduse, pour ne faire qu’une chair et qu’un corps avec elle. Prenez garde d’en être dévoré. Au reste, vous savez ce que vous m’avez promis, et montrez-vous fidèle en me le remettant le plus tôt possible. Portez-vous bien.

  1. Le connétable fut tué sous les murs de Rome le 6 mai 1527.
  2. Louise de Savoie.
  3. Barguin. Voir p. 89, la lettre du à Jean Chapelain, où il dit haïr tous ces « babouins ».