Helgvor du Fleuve Bleu/Partie II/Chapitre II

Plon (p. 158-172).
Deuxième partie

CHAPITRE II
GLAVÂ DANS LA NUIT

Quand Helgvor eut disparu derrière les collines, l’horreur s’empara de Glavâ. Hagarde, elle considérait ces êtres inconnus dont la vue devenait toujours plus insupportable.

Akroûn, cependant, avait donné l’ordre aux guerriers de ne pas approcher de l’étrangère. Elle était vers le milieu du camp ; les regards des hommes se dirigeaient vers elle, d’une manière équivoque et irritante. Parce qu’elle était seule, le péril était moins grand et la protection d’Akroûn plus efficace : presque tous ces guerriers, ayant perdu leur femme, devenaient des rivaux.

Un jour passa, morne et sans événement. Un vaste ennui appesantissait les hommes, et beaucoup s’endormaient. Akroûn scrutait l’horizon ou bien il envoyait en reconnaissance des guerriers qui ne devaient pas s’éloigner au delà des collines… Bientôt ils revenaient, sans avoir rien vu.

Akroûn attendait avant d’envoyer de nouveaux éclaireurs. Le camp était gardé par six guerriers, postés tout autour, à distance, et qui se relayaient : aucune surprise n’était possible…

Le chef restait sombre : la méfiance des Ougmar pesait sur lui et il savait que, au moindre échec, elle allait grandir… Alors, il perdrait le commandement et serait mis à mort, car Heïgoun, son successeur, ne laisserait pas vivre un rival…

L’image d’Heïgoun le menaçait comme si le guerrier eût été là, avec sa poitrine d’ours des cavernes, ses yeux féroces et ses épaules énormes… Il songeait aussi à Helgvor dont il admirait sourdement les actes, l’agilité et la force. Beaucoup trop jeune pour être un chef, Helgvor, quoi qu’il arrivât, ne serait pas dangereux. Et Akroûn souhaitait que le jeune guerrier réussît, puis qu’il abattît le géant. D’ailleurs, si lui, Akroûn, reprenait les femmes aux Tzoh, il se montrerait impitoyable.

Mais les reprendrait-il ? Les Tzoh étaient trop nombreux et les alliés si faibles ! Un doute morose rongeait la chair du chef.

Le soir tomba. Ni Chtrâ ni Heïgoun n’étaient revenus et, du haut des collines, les veilleurs ne signalaient aucune présence. Peut-être les éclaireurs avaient-ils succombé, surpris par l’ennemi. Alors, toute lutte devenue impossible, les Ougmar retourneraient vaincus, végéteraient sans femmes et leur descendance serait condamnée.

Et le chef ne pourrait plus vivre.

Les feux s’allumèrent qui étonnaient les bêtes errantes. À cause de l’humidité du bois et de la terre, une fumée épaisse planait sur le campement et se dispersait lentement dans les ténèbres…

Glavâ songeait — âpre et douloureuse. Sa jeunesse, lasse comme une vieillesse, avait des réveils aussi soudains que ceux de la flamme…

Autour d’elle, les hommes s’endormaient un à un ; l’anxiété devenait plus forte, car Glavâ craignait davantage ceux qui veillaient, à mesure qu’ils devenaient moins nombreux.

Quelques astres parurent, qui scintillaient éperdument, et s’éteignirent ; la pluie descendit du ciel, légère, puis dense.

Les rivières emplirent l’étendue… L’eau monta des mares ; les fauves frileux se terrèrent ; des effraies gémirent lugubrement ; les chacals se plaignaient en glapissements lents et doux… Un à un, les feux expirèrent, et la nuit, opaque comme les basaltes, s’appesantit sur l’humidité.

De-ci de-là, les hommes s’agitaient encore, mais l’eau pénétrait leurs fourrures, leurs poils et leurs cheveux, envahissait leurs oreilles et leurs narines, éteignait leurs passions comme elle avait éteint les bûchers…

Cependant leurs souffles, parfois rauques, incommodaient Glavâ.

Incapable de les supporter davantage, elle se mit à ramper dans les ténèbres.

Aucun projet net n’existait encore dans son crâne : elle se sauvait comme se sauve la biche qui a flairé le loup, le megaceros qui perçoit l’émanation du tigre…


Cela dura longtemps. Elle avançait avec la prudence animale, contournant sans bruit les corps étendus. Des chiens s’éveillèrent avec de courts grondements : reconnaissant l’odeur de Glavâ, déjà familière, tout de suite, ils retombaient dans la torpeur frissonnante.

À la fin, elle fut seule et, rampant plus vite, elle perçut que le campement disparaissait. Plus de souffles, plus d’odeurs que celles de la terre, des herbes, des arbres, des eaux…

Lasse, un instant immobile, ses idées éparses s’assemblent. Elle désire violemment rejoindre Amhao et ce désir devient une volonté. Elle voudrait aussi revoir Helgvor. Elle l’aime plus qu’elle ne le sait elle-même, d’une tendresse presque semblable à celle qu’elle éprouve pour Amhao.

Mais il est avec les autres ; on l’a éloigné, sans qu’il puisse se défendre ; elle ignore pourquoi on l’a éloigné et pense qu’il ne pouvait résister aux chefs. La stature d’Heïgoun paraît sur l’Ombre, épouvantable… Pourquoi Helgvor n’est-il pas revenu ? La mort plane…

Elle s’est remise en route… Comme un torrent sans bornes, la pluie roule, et son bruit éteint tous les autres. Même les chacals se sont tus ; Glavâ est transie, ses membres s’épuisent…

Il n’y a plus de durée, plus d’étendue, tout se fond dans la nuit d’eau ténébreuse… Et voici que la savane s’effondre… L’eau monte à la poitrine de la fugitive ; elle ne sait plus même par où fuir : partout ses mains rencontrent le fluide froid, qui pénètre, qui submerge toutes choses…

Un objet dur la heurte ; la chose est mouvante ; Glavâ connaît que c’est une pirogue. Elle la retient, elle l’attire et, déjà plongée dans l’inondation jusqu’au cou, elle réussit à grimper dans l’embarcation… Il y a des rames, qu’elle manie au hasard ; elle sent le glissement doux qui l’emporte, qui tantôt s’accélère et tantôt se ralentit…

Le temps passe si monotone et si noir qu’elle est plongée dans l’Éternel : elle rame, mue par un instinct obscur, elle s’arrête et grelotte. Une angoisse effroyable, le sentiment de la solitude infinie, pèse sur sa poitrine.

Aucun être. Rien que le fluide immense… rien que le noir inscrutable… À peine, de-ci de-là, une phosphorescence nébuleuse. Peut-être regrette-t-elle même ces hommes haïssables qui, naguère, étaient autour d’elle…

Elle ne sait ; elle sait de moins en moins. L’instinct la submerge comme les eaux submergent la terre, — et longtemps, longtemps, elle passa de la torpeur grelottante à l’activité vague et sans espérance.

Elle s’endort enfin, d’un sommeil qui ressemble à l’évanouissement, un sommeil froid dont elle sort par sursauts confus… Quand elle s’éveille, l’aube n’est pas là encore, mais l’énorme pluie a cessé. Des nuages s’ouvrent, elle voit ces lueurs menues, ces lueurs de vers luisants qui parsèment, après le jour, le haut du monde.

Avec eux, l’étendue a reparu : Glavâ perçoit, sur la nappe d’eau, des mouvements qui sont déjà des orientations — mais inutiles, car elle ne discerne aucune rive.


À la fin l’aube se montra — un peu de cendre blanche dans la profondeur du ciel. Elle grandit. La joie du monde monta… Au loin, Glavâ distinguait les végétaux et les rocs, et comme le courant l’entraînait maintenant, elle sut que la pirogue flottait sur le fleuve. Bientôt, elle en eut la certitude ; une faible sécurité rassura sa poitrine : elle espéra rejoindre Amhao dans la Presqu’île Rouge…

Pour accroître la distance entre elle et les Ougmar, malgré sa lassitude, elle rama jusqu’à ce que ses forces la trahissent… Alors seulement, elle examina l’embarcation : il n’y avait qu’un épieu et une pierre tranchante. La pointe de l’épieu était usée et n’eût pu servir que contre de faibles bêtes…

Pendant longtemps, le froid la harcela, puis le soleil sécha ses membres transis, qui reprirent de la souplesse, et la sève des jeunes êtres l’arma contre les météores.

— Je reverrai Amhao ! s’affirma-t-elle.

Le canot filait lentement sur le fleuve immense. Glavâ s’était rapprochée de la rive gauche, afin d’être mieux à l’abri des poursuivants… Elle avait faim ; elle chercha et trouva un havre…

Dans une muraille de rocs, c’était une plate-forme en pente douce, au fond de laquelle se creusait une niche. Glavâ, s’étant assurée qu’aucune bête ne lui disputait le refuge, traîna la barque dans une fente et l’attacha, à l’aide des amarres de cuir laissées par les Ougmar.

La plate-forme, par des fissures, communiquait avec la rive haute et Glavâ saisit l’épieu pour chasser ou se défendre.

Par un couloir de basalte, elle aborda une terre que les eaux d’en bas ne pouvaient atteindre : une étroite savane précédait ces forêts invincibles qui croissaient déjà avant la naissance des Gwah, Fils de la Nuit.

Glavâ avait peur, moins des bêtes que de la forêt, des choses innombrables qui menacent les créatures. Lorsqu’elle fuyait avec Amhao, la seule présence de la sœur et de l’enfant peuplait le monde d’humanité… Maintenant, il n’y avait qu’elle-même et, dans toute l’immensité du fleuve et de la forêt, l’existence ennemie.

Elle hésita avant d’entrer dans la sylve — mais rien n’apparaissait sur la savane, sinon quelque bête lointaine et furtive, impossible à atteindre.

Dans la forêt, Glavâ trouva des champignons blancs, tels qu’en consommaient les Tzoh. Crus, ils répandaient une odeur de bois moisi, presque répugnante. Elle en mangea deux, pour apaiser une faim impérieuse, puis le dégoût la saisit et elle rêva le feu. Mais tout était humide et, même avec l’herbe sèche, deux pierres ne suffisaient pas toujours pour donner des étincelles assez nombreuses, si l’une des deux n’était la marcassite.

Sur la première branche d’un sycomore, deux écureuils parurent. Invisible derrière un jeune arbre, elle épia les bêtes légères qui, vêtues de gris fauve, les oreilles en pinceau, déployaient des queues plus longues que leurs corps et extraordinairement touffues. Leurs yeux de rat luisaient faiblement et chacun de leurs mouvements décelait une grâce aérienne. Avec un arc, peut-être une sagaie, elle eût pu en atteindre un, mais l’épieu manquerait le but…

Ils grignotaient d’un air paisible et ne virent pas, dans une touffe de feuilles, la mort qui approchait…

Le lynx était là, félin étrange, avec des oreilles triangulaires, une barbe à deux pointes et un pelage tacheté. Il était venu, aussi silencieusement dans la ramure qu’un strix dans la nuit.

Soudain, épouvantés, ils l’aperçurent, ils bondirent, mais la bête fulgurante tombait sur eux comme un projectile et, de deux coups de pattes, leur brisait les reins.

Ils roulèrent sur le sol où le lynx, glissant au long du sycomore, descendit pour les rejoindre…

Il trouva devant lui la jeune fille.

La fureur de voir échapper la proie alors qu’il l’avait conquise, faisait vibrer ses vertèbres, palpiter ses yeux de feu jaune, et il leva ses griffes avec un cri rauque.

Glavâ tendait la pointe émoussée de l’épieu.

Il mesura la hauteur et la masse de Glavâ, il se souvint des Gwah rencontrés dans la forêt natale… Ce sont des êtres plus forts que les loups, armés de griffes singulières qu’ils projettent au loin. Les lynx s’effacent devant eux… Mais ils n’avaient jamais encore saisi la proie de celui-ci.

— Glavâ est plus forte que le lynx ! cria la jeune fille qui savait qu’il faut menacer les bêtes.

Le lynx gronda, elle darda l’épieu. Alors, furieusement résigné, en trois sauts il disparut dans le sous-bois.

L’un des écureuils achevait de mourir ; l’autre ne bougeait plus : Glavâ, avec leur chair, pouvait braver les puissances invisibles qui nous détruisent…

Chargée des petits cadavres fauves, elle retourna vers la barque et elle examina les pierres, dans l’espérance de trouver la marcassite.

Elle ne découvrit que des silex, des calcaires et des granits.

D’ailleurs chaque brin d’herbe était encore saturé d’eau : elle ramassa pourtant des brindilles pour les faire sécher au soleil…

L’un des écureuils lui donna son énergie mystérieuse sans dissiper le besoin de dormir. Elle chercha un abri et ne le trouva point : au bord du fleuve, tous les fauves avaient accès ; nul fourré n’était assez épais dans la sylve. Elle aurait pu dormir dans son canot : d’un bond, le tigre ou le lion l’eussent atteinte. Et la pirogue était trop lourde pour que Glavâ pût la retourner, comme elle faisait, aidée d’Amhao, les nuits où le gîte était précaire…

Une île serait le meilleur refuge, mais la crue avait submergé les îles basses, et des plus grandes, il ne restait que les cimes… Glavâ eût préféré un îlot facilement explorable, où elle s’assurerait de l’absence des grands carnivores, et elle songeait avec mélancolie à la caverne aérienne qu’elle occupait avec Amhao.


La pirogue est repartie et, sur les flots farouches, elle emporte plus rapidement la chétive bête humaine.

Après beaucoup de temps, Glavâ découvrit deux îles d’étendue inégale. La plus grande se prolongeait en minces promontoires, aux deux orées d’un plateau touffu… La vue de grands sauriens et de serpents que l’inondation avait agglomérés au centre de l’île, la dissuada de débarquer… La seconde île, plus petite et très rocheuse, semblait plus hospitalière : les arbres rares et les herbes chétives ne décelèrent aucune présence suspecte.

Deux blocs erratiques laissaient entre eux un espace libre, trop étroit pour livrer passage au tigre, au lion ou à l’ours gris qui, d’ailleurs, eussent dû venir d’une des rives, ce que Glavâ jugeait impossible. À tout hasard, elle entrelaça des branchages et des lianes, puis ayant amarré la pirogue, elle s’abandonna aux circonstances…

Le soleil était déjà bas à l’horizon quand elle s’éveilla… Sur les forêts de la rive droite, son brasier jaune grandissait à mesure et une profonde douceur lumineuse planait sur le fleuve… Un vieil hippopotame, hideux et pacifique, somnolait à la pointe de l’îlot ; un oiseau enflait sa petite cornemuse et pépiait, sur un rameau tremblotant ; le monde pernicieux des insectes se livrait à ses tâches patientes ou à son activité meurtrière…

De nouveau, Glavâ sentit l’horreur d’être seule, son accablante faiblesse l’orientait farouchement vers Amhao et le grand Ougmar. En parcourant l’îlot, elle trouva la pierre marcassite et du bois mort. Or, les brindilles ayant séché, le feu s’empara d’elles, les dévora et se mit à ronger les rameaux. Il palpitait dans la fumée, il semblait prêt à mourir, puis il disparaissait sournoisement dans les interstices et allongeait ses dents rougeoyantes. Enfin, il triompha, il s’empara des branches, il développa sa vie effroyable et salutaire.

Alors Glavâ fut moins seule, une confuse gaîté anima ses fibres tandis qu’elle rôtissait la chair du second écureuil.

Il était trop tard pour s’embarquer sur le fleuve : écarlate et colossal, le soleil semblait consumer la forêt occidentale, surmontée d’un faible croissant qui, la nuit venue, n’éclairerait qu’un moment la terre.

Tout danger de poursuite parut écarté : les Ougmar auraient besoin de toutes leurs forces pour lutter contre les Tzoh.

Vers le matin, un faible bruit la réveilla et, dans l’ombre stellaire, elle aperçut une tête qui rongeait les os de l’écureuil. C’était une bête grêle, de la taille d’un jeune renard, aux oreilles aiguës, aux yeux luisants comme des lucioles…

Les savanes du firmament étaient pleines encore de fleurs lumineuses : à leur faible lueur, Glavâ reconnut un chacal. Il ne devait pas avoir atteint toute sa stature et sa présence dans l’îlot était singulière. Sans doute avait-il été emporté par l’inondation, ballotté sur les grandes eaux et rejeté sur cette roche désertique. Était-il seul ? Glavâ ne vit rien dans les ténèbres qu’un rapace, qui volait mystérieusement au-dessus des eaux.

Elle ne chassa point le chacal, elle écoutait le petit bruit des dents sur les os et l’obstination de la bête montrait combien elle était affamée.

Glavâ, n’ayant plus sommeil, se dressa lentement. Le petit chacal s’enfuit, et déjà elle le regrettait, lorsqu’elle le vit revenir, furtif, les yeux fixés sur les branchages qui cachaient à demi la bête inconnue.

Il se remit à ronger, puis il trouva la peau de l’écureuil, qu’il s’acharnait à mâcher… Sa présence devenait agréable ; lui-même, à l’âge où la méfiance n’a pas encore ses racines aux profondeurs de l’instinct, s’accoutumait aux effluves de Glavâ. Prompt à la terreur, il était prompt aussi à la familiarité lorsqu’on ne le menaçait point.

Les plus petites étoiles blêmirent, puis expirèrent, les grandes scintillaient plus lentement et, au fond de la rive droite, où les Ougmar poursuivaient les Tzoh, une pâleur monta si doucement qu’elle semblait ne devoir jamais atteindre la rive droite. Elle l’atteignit cependant ; les sylves à leur tour pâlirent ; un brasier énorme projeta sa flamme immobile dans les nuées ; le ciel devint un monde sans bornes.

Les bêtes diurnes ressuscitèrent, les passereaux enflèrent leurs poitrines, tournés vers ce feu qui, une fois encore, chassait le froid, les ténèbres et la mort.

Le chacal poussa un petit cri plaintif… Sans cesse il s’enfuyait et sans cesse il revenait. Il était plein de grâce, avec son pelage fauve, pâle au poitrail ; ses oreilles agiles et fines, ses pattes délicates. Tous ses mouvements avaient la souplesse gauche des bêtes qui croissent encore : à le regarder, une obscure douceur envahissait la jeune Tzoh…

Cependant la faim était revenue et l’îlot ne produisait aucune plante propre à nourrir les hommes. Les Tzoh savaient chasser le poisson avec le harpon et parfois avec leurs mains. Immobile, Glavâ épia longtemps les perches, les brochets ou les truites qui passaient au fil de l’eau… Ce fut une tortue qui apporta la force. Elle s’était glissée sur le roc et, sa tête de serpent dardée vers le flot, elle cherchait la proie lorsqu’elle-même fut saisie… La tête disparut ; il n’y eut plus qu’une carapace qui ressemblait à une pierre taillée…

Glavâ ralluma un feu et cuisit la tortue… Le chacal rôdait toujours, perpétuellement chassé par la peur et ramené par l’espérance.

Quand il eut reçu les viscères de la proie, sa foi devint définitive, il s’associa à Glavâ comme il se fût associé à ses semblables… Il la frôlait, il ne craignit pas le contact d’une main légère, mais quand Glavâ le mena dans la pirogue, quand il se vit flottant sur le fleuve, une fièvre alluma ses prunelles.

Puis, le canot même lui devint familier et, dans le hasard infini de la vie et de la mort, il suivit le destin de la femme.