Hamlet/Traduction Hugo, 1865/Le Second Hamlet/Scène XVII
Scène XVII
— Qui sont ceux qui voudraient me parler ?
Des matelots, monsieur ; — ils disent qu’ils ont des lettres pour vous.
Qu’ils entrent !
— J’ignore de quelle partie du monde — ce salut peut me venir, si ce n’est du seigneur Hamlet. —
Dieu vous bénisse, seigneur !
Qu’il te bénisse aussi !
Il le fera, monsieur, si ça lui plaît. Voici une lettre pour vous, monsieur ; elle est de l’ambassadeur qui s’était embarqué pour l’Angleterre ; si toutefois votre nom est Horatio, ainsi qu’on me l’a fait savoir.
« Horatio, quand tu auras parcouru ces lignes, donne à ces gens les moyens d’arriver jusqu’au roi : ils ont des lettres pour lui. À peine étions-nous vieux de deux jours en mer, qu’un pirate, armé en guerre, nous a donné la chasse. Voyant que nous étions moins bons voiliers que lui, nous avons déployé la hardiesse du désespoir. Le grappin a été jeté et je suis monté à l’abordage ; tout à coup leur navire s’est dégagé du nôtre, et seul, ainsi, je suis resté leur prisonnier. Ils ont agi avec moi en bandits miséricordieux, mais ils savaient ce qu’ils faisaient : je suis destiné à leur être d’un bon rapport. Fais parvenir au roi les lettres que je lui envoie, et viens me rejoindre aussi vite que si tu fuyais la mort. J’ai à te dire à l’oreille des paroles qui te rendront muet ; pourtant elles seront encore trop faibles pour le calibre de la vérité. Ces braves gens te conduiront où je suis. Rosencrantz et Guildenstern continuent leur route vers l’Angleterre. J’ai beaucoup à te parler sur leur compte. Adieu ! Celui que tu sais être à toi,
— Venez, je vais vous donner le moyen de remettre ces lettres, — et dépêchez-vous, pour que vous puissiez me conduire plus vite — vers celui de qui vous les tenez.