C. O. Beauchemin et Fils (p. 30-40).

CHAPITRE V

« le grand-père de montréal. » « le culte des saints. »


Quelques jours plus tard, Gustave, rentrant à la maison, fut agréablement surpris d’entendre la voix si aimée de son aïeul causant au salon avec son père et sa mère.

En apercevant son grand-père, il se jette dans ses bras et des larmes de bonheur inondent son visage. Il demande des nouvelles de sa chère grand’mère, du collège, de ses amis, et lui fait mille questions, auxquelles le bon vieillard répond en souriant. Il prend place à table à côté de lui, et se montre plein des plus douces prévenances à son égard.

Après le souper, M. Dumont, suivant sa coutume, ouvre la Bible, choisit pour lecture le 5e chapitre du Deutéronome, versets 7, 8 et 9, et se met à lire à haute voix :

Tu n’auras pas de dieux étrangers devant ma face. Tu ne te feras point d’image taillée, ni de ressemblance de tout ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou de ce qui est dans les eaux sous la terre. Tu ne les adoreras pas et tu ne les serviras pas, car je suis le Seigneur ton Dieu, etc.

S’adressant alors à son père et à Gustave, il leur dit :

— Je viens de lire les trois premiers commandements de Dieu, que l’Église romaine a retranchés et qu’elle n’enseigne pas.

— Je nie ton avancé, répond le vieillard, et je suis surpris de ton peu de mémoire. Dans les trois versets que tu viens de lire, tout homme intelligent ne voit qu’un seul commandement, et ce commandement, l’Église catholique te l’a enseigné à toi comme à ses autres enfants.

— Je suppose, reprit M. Dumont avec feu, que vous voulez justifier le culte d’adoration que votre Église vous fait rendre aux images et aux statues des saints qui remplissent vos églises et vos demeures ?

— Garde ton sang-froid, dit le vieillard avec calme, et tu comprendras que je ne veux en aucune manière justifier le culte d’adoration que, d’après toi, nous rendons aux saints. Au contraire, je nie complètement que nous adorions les saints ; le catholique n’adore que Dieu seul. Tu as été longtemps catholique, réponds franchement, as-tu adoré des saints ou des images ?

— Je n’ai pas adoré des images, moi, mais les catholiques ignorants ne connaissent pas la différence qu’il y a entre le culte qu’ils rendent à Dieu et celui qu’ils rendent aux images et aux statues devant lesquelles ils se prosternent.

— Tu me surprends de plus en plus, dit le vieillard avec dignité, tu parlais avec plus d’intelligence à l’âge de dix ans. Demande donc à l’enfant catholique le plus ignorant s’il adore les images, les statues on même le crucifix ; sais-tu ce qu’il te répondra ? il rira de toi d’abord. Il te demandera ensuite si tu as appris ton catéchisme et si tu crois en Dieu. Voyons, sois franc, réponds donc clairement à ma dernière question, t’avons-nous enseigné à adorer les images ou les saints ?

— Non, j’en conviens, cependant Dieu, par ce deuxième commandement, défend même de faire des images taillées ou aucune ressemblance de qui ou quoi que ce soit ; et l’Église romaine l’a effacé complètement, de peur de se compromettre ou d’être confondue par ses propres adhérents.

— Tu prétends donc que, par ce commandement, Dieu défend de faire aucune image ou ressemblance de quoi que ce soit ?

— Il nous faut l’admettre.

— Alors, pourquoi, toi qui me jettes la première pierre, transgresses-tu ce commandement ?

— Comment cela ? dit M. Dumont en pâlissant.

— Tu demandes comment ?… Mais regarde donc les gravures qui ornent ta demeure, les statues placées dans ton jardin ; toutes ces choses sont des images ou des ressemblances, et te voilà en contravention avec ce que tu viens de lire. Eh bien ! qu’as-tu à répondre ?

— Je… je… répondit M. Dumont en hésitant, je ne veux pas dire que Dieu a défendu la peinture ou la sculpture, mais il a voulu nous faire comprendre que nous ne devions pas rendre aux images un culte qui n’est dû qu’à lui seul. C’est un acte d’adoration que de s’agenouiller devant une image ; il n’y a que les païens et les idolâtres qui agissent ainsi, et, je le répète, l’Église romaine a supprimé ce commandement, afin de défendre et de confirmer le culte des images et des saints.

— Tu ne comprends donc pas la Bible que tu lis ? N’est-il pas aisé, pour tout homme intelligent, de comprendre que Dieu en ajoutant :  : Et tu ne les adoreras pas et tu ne les serviras pas, a voulu défendre la confection d’images et de statues pour les adorer. Or, le catholique n’adore que Dieu seul. Est-ce ton préjugé ou ton aveuglement qui t’empêche de voir la différence qui existe entre l’adoration que le catholique rend à Dieu et la vénération, remarque bien ce mot, qu’il rend au crucifix, aux images et aux statues des saints ? L’Anglais adore-t-il la reine, lorsqu’il s’agenouille devant elle pour lui présenter ses hommages ? L’enfant adore-t-il son père lorsque, agenouillé devant lui, il lui demande sa bénédiction ? Et toi, as-tu adoré le ministre, lorsque tu t’es agemouillé devant lui pendant qu’il t’imposait les mains pour te constituer ministre toi-même ?

— Attendez, dit M. Dumont ; si je me suis agenouillé devant le ministre qui m’a consacré, c’est par respect pour le pouvoir dont Dieu l’a investi pour me conférer ce ministère.

— Ne blâme donc pas le catholique qui agit précisément comme tu l’as fait, reprit le vieillard. Sache-le bien, si les catholiques s’agenouillent devant une image, c’est afin de donner une posture respectueuse au corps, et de le joindre ainsi à l’esprit dans la vénération qu’il porte à celui que cette image représente. J’affirme de plus qu’il n’y en a pas un parmi nous assez stupide pour croire qu’il y a de la divinité dans les images ou les statues. Il sait discerner le veau d’or adoré par les Israélites du serpent d’airain vénéré par ce même peuple, sur l’ordre de Dieu. C’est ce que tu sembles ne pas vouloir comprendre.

— Admettons, dit M. Dumont pâle et défait, mais conservant encore de l’espérance, que le catholique n’adore pas les images, vous ne pouvez nier qu’il prie les saints, et cela en opposition à ce que dit Jésus-Christ dans l’apôtre saint Jean : Je suis la porte et la vie, le seul médiateur entre Dieu et les hommes ; si quelqu’un veut parvenir à mon Père qui est dans le ciel, il faut qu’il passe par moi, et tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom vous sera accordé. Eh bien ! comment pouvez-vous accorder ces paroles avec l’enseignement de l’Église romaine, qui veut qu’on s’adresse aux saints ? Jésus-Christ dit : Je mis le seul médiateur, et elle dit : « En voici des milliers. »

— Des milliers de quoi ?

— Des milliers de médiateurs.

— Et qui t’a enseigné cela ? Ce n’est pas l’Église catholique assurément.

— Son propre enseignement le démontre assez clairement, dit M. Dumont d’un air triomphant.

— Si tu interprètes la Bible aussi bien que cet enseignement, dit le vieillard en souriant, je plains ceux à qui tu sers de pasteur.

— Comment cela, s’il vous plaît ?

— Parce que celui qui ne peut voir de différence entre un médiateur et des intercesseurs, est encore moins capable de prêcher la parole de Dieu en l’interprétant fidèlement.

— Supposons, dit M. Dumont dans un état d’irritation mal contenue, que vous les preniez pour des intercesseurs, ce n’en est pas moins un mal. Lorsque Jésus-Christ a dit : Je suis le seul médiateur, il a voulu nous faire comprendre que nous ne devions adresser nos prières qu’à lui, et non pas à d’autres. L’eût-il voulu, les Évangélistes en auraient parlé ; mais vous aurez beau chercher, vous n’y trouverez rien de ces intercessions ou de cette communion des saints que l’Église romaine enseigne. Ce n’est rien autre chose qu’une innovation introduite par les prêtres, pour mieux vendre leurs médailles et leurs chapelets.

— Je vois que tu as su profiter des leçons de tes bons maîtres dans le protestantisme, dit le vieillard avec dignité : comme eux, tu n’as que des moqueries et des insultes à lancer à la face du prêtre catholique. Je t’assure cependant que de telles insultes ne lui font pas grand mal. Voici ma réponse. Tu dis que l’Évangile ne fait pas mention d’intercession ou de cette « communion des saints ; » je vais tout de suite te prouver le contraire. Voyons, Gustave, ouvre ton catéchisme.

Gustave s’empressa d’obéir, et lut :

Priez les uns pour les autres. (Éphésiens, chap. 6, verset 18.)

Les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, ayant chacun des harpes et des coupes d’or remplies de parfums, qui sont les prières des saints. (Apocalypse, chap. 5, verset 8.)

Et la fumée des parfums, jointe aux prières des saints, s’élevant de la main de l’ange, monta devant Dieu. (Apocalypse, chap. 8, verset 4.)

« Et ils criaient à haute voix »…

— C’est assez, Gustave, dit le vieillard, ton père doit en avoir suffisamment pour le convaincre que les anges et les saints prient pour nous ; ils ne sauraient prier pour eux-mêmes, ils n’en ont pas besoin. Et que veut dire Notre-Seigneur par ces paroles : Gardez-vous de mépriser un de ces petits, car je vous le déclare, leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux ? Après cela qu’as-tu à répondre ? Non seulement les prophètes et les apôtres déclarent que la « communion des saints » existe, Jésus-Christ même le démontre formellement.

M. Dumont, confondu, gardait le silence ; son épouse, qui avait prêté une grande attention à cette discussion, était bien persuadée dès le commencement que M. Dumont gagnerait une victoire aisée sur un catholique ; mais bientôt l’inquiétude s’empara d’elle. À chaque question ou réponse du vieillard, elle voyait que son époux perdait du terrain.

Ne le voyant pas répondre, elle crut lui venir ne aide en disant :

— Ces paroles sont frappantes, il est vrai ; mais, après tout, elles ne constituent pas des ordres pour nous de prier les saints, et vu que Jésus-Christ a dit : Je suis la porte et la vie, et le seul médiateur, je continuerai de m’adresser à lui seul, et je lui donnerai toute ma confiance.

— Le catholique aussi, madame, dit le vieillard, met toute sa confiance en Jésus-Christ, et le regarde comme le seul médiateur entre Dieu et les hommes.

— Alors, pourquoi s’adresser aux saints, puisque Jésus-Christ nous suffit ? dit M Dumont avec emphase.

— Parce que le catholique a plus d’humilité que le protestant, répondit le vieillard, il se reconnaît comme un misérable pécheur. Sa propre faiblesse l’effraie, et il craint que Dieu ne le repousse ; voulant à tout prix s’approcher de lui. il cherche les moyens et trouve dans l’Évangile que les saints, qui jouissent de sa présence, peuvent intercéder en sa faveur. Joyeux de cette découverte, il s’empresse de leur présenter sa requête. Ah ! si vous connaissiez le bonheur que le catholique éprouve dans cette « communion des saints, » communion pleine de charité entre l’Église triomphante et l’Église militante, vous ne la rejetterez pas comme vous le faites !

— Depuis quand existe cette communion des saints, ou plutôt cette croyance ? demanda madame Dumont.

— Cette croyance a toujours existé, et spécialement depuis Jésus-Christ et les apôtres. Ce sont les apôtres eux-mêmes qui ont rédigé le Symbole appelé le Symbole des apôtres, que nous récitons tous les jours, et dans lequel il est dit Je crois à la communion des saints.

— Encore une invention de Rome, dit M. Dumont avec ironie ; nous, protestants, ne reconnaissons pas ce symbole, qu’on vous fait croire avoir été rédigé par les apôtres.

— Je m’attendais à une réponse semblable ; parce que vous rejetez ce Symbole, il faut que ce soit une invention de Rome. C’est votre unique argument. Chose curieuse, vous n’êtes jamais capables de prouver vos avancés. Et moi, je te prouverai que ce Symbole existe depuis les apôtres ; l’Église d’Angleterre, protestante pourtant, n’a-t-elle pas conservé ce Symbole dans sa liturgie ? et, ajouta-t-il en souriant, un ministre comme toi doit savoir que cette Église n’a gardé que ce qui existait au temps des apôtres et des cinq premiers siècles de l’Église fondée par Jésus-Christ. Tu ne nieras pas cela, j’espère ?

C’en était trop pour M. Dumont ; se voyant battu sur tous les points, il se lève tout à coup de table et dit d’un ton impatient :

— Vous allez m’excuser, mon père, je dois me rendre au service du soir.

Ce n’était qu’un prétexte, mais au moyen de ce stratagème, il sortit de la maison, la honte et la rage dans le cœur.

Madame Dumont, intéressée à savoir ce que voulait dire cette « communion des saints, » demanda au vieillard :

— Veuillez donc, monsieur, m’expliquer cette croyance.

— Pour mieux vous répondre, madame, vous me permettrez une comparaison. Un gouverneur envoyé par un roi dans une de ses colonies, est un médiateur entre ce roi et la colonie, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur.

— Alors, comment s’y prend celui qui veut obtenir une faveur de ce gouverneur ? Va-t-il s’adresser immédiatement à lui, s’il veut bien réussir ? Non, il tâchera de se faire présenter à une personne d’un rang moins élevé, par conséquent, plus facile à approcher, et qu’il saura jouir d’un certain crédit auprès du gouverneur. Après lui avoir communiqué sa requête, il la priera d’user de son influence et de son crédit auprès du gouverneur pour lui faire agréer sa demande. Eh bien ! madame, le catholique agit ainsi ; avant de se présenter à Jésus-Christ, la sainteté infinie, nous prions les saints d’intercéder pour nous auprès de lui. Les saints, vous ne pouvez le nier, jouissent d’un plus grand crédit auprès de lui que nous et, en conséquence, obtiennent mieux que nous les faveurs que nous demandons.

— Je conçois que leur crédit est plus grand que le nôtre auprès de Dieu ; mais Jésus-Christ est tout-puissant et miséricordieux et, à mon point de vue, cette intercession des saints, ou plutôt les prières que nous pourrions leur adresser, me paraissent injurieuses à la toute-puissance de Jésus-Christ. Quand il intercède pour nous, qu’avons-nous besoin d’autres médiateurs ?

— Alors, madame, pourquoi priez-vous vous-même ? L’acte seul de votre prière ne semble-t-il pas supposer l’insuffisance de celle de Jésus-Christ ? Une question, s’il vous plaît : n’avez-vous jamais demandé à quelques personnes de prier pour vous ?

— Oui, monsieur, surtout à ceux que je croyais être de bons chrétiens.

— Vous croyez donc que vos prières et celles de ces bons chrétiens sont plus agréables à Dieu que celles des saints consommés dans la gloire, que les prières de celle que Dieu a choisie pour sa mère, la Vierge Marie, et que le Saint-Esprit a déclarée bénie entre toutes les femmes ? Vous êtes donc persuadée que leurs prières ne sont rien en comparaison des vôtres ?

— Oh ! dit madame Dumont, c’est à mes frères que je m’adresse ; ils sont encore sur cette terre et comme moi, ils peuvent s’adresser à ce divin Maître, soit pour eux-mêmes ou pour d’autres qui se recommandent à leurs prières ; de plus, il n’y a pas de superstition à craindre.

— Alors, l’utilité ou le danger de l’intercession repose donc sur ce corps périssable, de sorte que les âmes peuvent communiquer et sympathiser entre elles tant qu’elles sont enveloppées dans la matière ; mais aussitôt qu’elles sont sorties de leur prison, qui est ce corps périssable, et rendues parfaites en jouissant du bonheur infini dans le ciel, toute sympathie, toute communication est suspendue et rejetée comme dangereuse, superstitieuse et insultante à la médiation de Jésus-Christ. Voyons, est-ce logique, dites-le-moi ? Ne vous semble-t-il pas, au contraire, que, s’il en était ainsi, les saints ne jouiraient que d’un bonheur borné et non infini, et que Dieu leur aurait enlevé les plus belles facultés de leur âme, celles de pouvoir aimer et assister leurs frères moins heureux qu’eux.

— Mais il se présente encore une objection : vous priez saint François Xavier, saint Augustin, saint Benoît, et une foule d’autres. Qui vous a dit qu’ils sont des saints ?

— L’Église, madame.

— L’Église ne peut-elle pas se tromper, monsieur ?

— L’Église catholique ne se trompe pas ; Jésus-Christ a promis d’être toujours avec elle, et nous a donné l’assurance que le Saint-Esprit la présiderait et l’éclairerait dans toutes ses décisions ; ainsi nous ne devons pas craindre lorsqu’elle déclare que telle personne jouit du bonheur céleste. Vous seriez peut-être plus satisfaite de connaître comment l’Église procède à la canonisation d’un saint. Gustave, ajouta-t-il, ton catéchisme doit en dire un mot.

— Oui, mon grand-père, dit Gustave, je lisais ce passage l’autre jour. Si vous le désirez, maman, j’en ferai la lecture devant vous.

— Oui, certainement, mon enfant.

Gustave, au comble de la joie de voir sa mère prendre autant d’intérêt à cette discussion, s’empresse de trouver la page désirée et se met à lire :

« L’Église, avant de procéder à la canonisation de ces pieux fidèles qui se sont signalés par leurs grandes vertus pendant leur vie, doit d’abord recevoir une requête signée par des milliers de personnes dignes de foi. Remarquez bien, ce ne sont pas les pasteurs de l’Église qui prennent l’initiative, mais ceux qui ont été témoins des grandes vertus et de la sainteté de la vie de ceux dont on propose la canonisation. Cette requête doit faire valoir les titres qu’ils peuvent avoir à cette grande dignité ; les vertus, les actes les plus minutieux, les bienfaits dont ils ont doté l’humanité, les miracles opérés par leur intercession, miracles attestés par de nombreux témoins. Cela n’est pas encore suffisant aux yeux de l’Église. De nouveaux miracles doivent être opérés, des enquêtes nouvelles sont faites, et ce n’est qu’après maintes délibérations, beaucoup de prières et de jeûnes, et après avoir imploré les lumières du Saint-Esprit, que la sacrée congrégation des rites se prononce, et que l’Église ajoute un nouveau nom à son catalogue des saints. »

— Vous voyez bien, madame, dit le vieillard, que nous pouvons ajouter foi à la sainteté de telles personnes, lorsque l’Église a parlé. Qu’en pensez-vous ?

— Si c’est ainsi qu’elle procède, il lui est très difficile de se tromper.

— Elle procède toujours ainsi. Comme dernier mot, madame, je vois qu’il se fait tard, je vous dirai que le catholique aime, lui aussi, à orner sa demeure de statues et de gravures de ce monde, mais, avant tout, il veut y voir figurer des héros de Dieu. Dans nos églises, nous aimons à voir en grand nombre des tableaux représentant Notre-Seigneur, la Vierge Marie et les saints, c’est-à-dire des personnes qui se sont distinguées, non seulement par leur science et leur habileté, mais encore par leurs grandes vertus et la sainteté de leur vie ; leurs figures sont là, comme autant de flambeaux pour nous éclairer dans le sentier périlleux de notre vie mortelle, comme autant de monuments élevés à la gloire de Dieu, et enfin, comme autant de modèles à imiter.

Quelques minutes plus tard, le bon vieillard souhaita le bonsoir, et après avoir embrassé la petite Alice, il se rendit à sa chambre pour prendre son repos.

Madame Dumont, pensive, embrassa Gustave avec plus de tendresse qu’à l’ordinaire, et se retira avant le retour de son époux qui, ne voulant pas s’exposer, revint fort tard dans la soirée.