Guillaume Tell (poème)

Poésies
Traduction par Adolphe Régnier.
Hachette (1p. 274).

GUILLAUME TELL[1].


Quand des forces brutales se divisent pour se combattre et qu’une aveugle fureur attise les flammes de la guerre ; quand la voix de la justice se perd dans la lutte des partis déchaînés ; quand tous les vices s’affranchissent sans pudeur ; quand la licence impudente s’attaque aux choses saintes, et détache l’ancre qui retient les États… alors il n’y a pas de place pour les chants joyeux.

Mais quand un peuple pieux, qui garde paisiblement ses troupeaux, se suffisant à lui-même et n’enviant pas le bien d’autrui, rejette le joug qu’il porte sans le mériter, et qu’alors, même dans sa colère, il respecte l’humanité, et se modère dans le bonheur, au sein de la victoire… c’est là une gloire immortelle, digne des chants du poète, et telle est l’image que je puis aujourd’hui te montrer avec joie : tu la connais, car toute grandeur t’appartient.

  1. Ces deux stances accompagnaient l’exemplaire du drame de Guillaume Tell que l’auteur envoya à l’Électeur archichancelier, Charles-Theodore de Dalberg. (Note de l’édition allemande.)— Cette petite pièce, écrite en 1804, est, selon toute apparence, la dernière poésie lyrique de Schiller. Le Chasseur des Alpes pourrait seul être d’une date plus récente.