Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Vox clamantis in deserto

Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1203).

VOX CLAMANTIS IN DESERTO (La voix de celui qui crie dans le désert), Réponse de saint Jean-Baptiste aux Juifs qui lui demandaient. s’il était le Christ ou s’il était prophète : « Je suis, leur dit-il, la voix de celui qui crie dans le désert ; rendez droite la voie du Seigneur ! » Aujourd’hui, sous les deux formes, les mots : Vox clamantis in déserto, Voix de celui qui crie dans le désert, ont un sens détourné du sens primitif. Ils signifient, dans l’application, prêcher, conseiller, parler en vain, et de là est venue l’expression crier, prêcher, parler dans le désert, c’est-à-dire parler sans être écouté :

« C’est votre vie, monsieur, et non pas la mienne, qui est utile au monde ; je ne suis que vox clamantis in déserto. »

Voltaire.

« La voix de saint Vincent de Paul, cette voix qu’on retrouve au-dessus de toutes les misères de notre nature, criant et implorant, vox clamantis in déserto, fut la seule qui s’éleva jamais en faveur des aliénés. »

Alphonse Esquiros.

« J’ai toujours dit la vérité, ou du moins ce que j’ai cru être la vérité. Sans doute, c’a été bien des fois vox clamantis in deserto ; mais qu’importé, quand le devoir est accompli ! »

Matharel de Fiennes.


L’histoire que je viens de raconter est l’histoire du coq de bruyère de la Laponie, de la Souabe, de la Sibérie, de la Bohême, etc., et non celle du coq de bruyère de France. Celui-ci, réduit à la continence par la misère des temps, et à qui sa pauvreté ne permet pas d’entretenir le nombre d’épouses légitimes que sa loi autorise, s’estime quelquefois heureux de trouver une poule qui réponde a sa voix. On en a vu qui ont prêche des semaines entières dans le désert, et qui sont morts à la peine avant même d’avoir fait leurs frais. »

Toussenel.

« Vous ne savez pas quel est le sort d’un journaliste en province... Incompris, froissé, dédaigné, les moindres phrases qu’il publie sont interprétées et commentées par la mesquinerie des intérêts privés, par une jalousie haineuse, par une stupidité méchante. Exprime-t-il une idée généreuse, on en fait une idée cupide et basse ; propose-t-il âne amélioration, c’est, dit-on, parce qu’il doit y gagner quelque chose ; attaque-il un abus, c’est un esprit de vengeance personnelle qui l’anime. Il faut qu’il cache, comme, un vice, ses goûts littéraires, car on lui rirait au nez pour tant de présomption. Personne ne l’aide, personne ne l’approuve, même ceux qui le mettent en avant. Oh ! voyez-vous, c’est une existence intolérable que d’être ainsi la voix qui crie dans le désert, que d’entendre des rires et des injures répondre aux paroles généreuses qu’inspirent la conscience du bien et l’amour du pays. »

Henri Berthoud.