Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MEXIQUE (RÉPUBLIQUE DU), État de l’Amérique du Nord

Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 1p. 195-203).

MEXIQUE, État de l’Amérique du Nord, qui s’étend au S. des États-Unis américains ; ses limites sont, à l’E., l’océan Atlantique, qui y forme le grand golfe du Mexique ; au S., la république de Guatemala et la colonie anglaise de Balize ; à l’O., l’océan Pacifique ; enfin, au N., les États-Unis. D’après le traité conclu avec le gouvernement de ce dernier pays le 30 décembre 1853, la frontière part de l’embouchure du Rio del Norte ; elle remonte le cours du fleuve jusqu’au 3l<> 27’ de latitude qu’elle suit à l’O. pendant 150 kilom., descend ensuite au S. jusqu’au 31» 21’de latitude, le suit jusqu’au 113020’ de longitude du méridien de Paris ; puis elle se dirige au N.-O. jusqu’à la rencontre du Rio Colorado avec le 32° 29’ 45" de longitude, et enfin elle suit le cours de cette rivière jusqu’à la rencontre de la ligne qui divise les deux Californies et vient aboutir à 5 ou 6 kilom. au S. de la baie de San-Diego. Le Mexique, situé entre 80" 55’ et 119° 30’ de longit. O., et 15» et 329 40’ de latit. N., a 2,500 kilom. de l’O. À l’È., 3,800 kilom. du N.-O. au S.-E., et une population d’environ 8,280,000 hab., dont les deux tiers sont indigènes.

Aspect général ; montagnes, rivières, lacs. Le Mexique est une contrée tropicale, non dans sa totalité, mais pour la moitié au moins de son étendue. Le tropique du Cancer, qui enveloppe notre hémisphère sous le 23e degré et demi de latit. N., coupe le territoire mexicain en deux parties presque égales, laissant au delà du tropique, c’est-ii-dire au nord, la portion du territoire la plus large de l’est à 1 ouest, et en deçà, c’est-à-dire au sud, une partie beaucoup plus longue, mais qui va se resserrant de plus en plus jusqu’à la limite du Guatemala. Sa frontière septentrionale, du côté du Texas et de la Californie, présente une ligne de plus de 2,000 kilom. Le développement de ses côtes, sur le grand Océan, est de 3,200 au moins, et de 2,000 environ sur le golfe du Mexique. Si la puissance des États se mesurait à l’étendue relative de leur territoire, le Mexique serait quatre fois plus puissant que la France, et sept fois plus que la Grande-Bretagne. Mais sur une superficie de près de 200 millions d’hectares, on ne trouve qu’une population insuffisante et peu éclairée.

Le Mexique comprend presque en entier un immense plateau aride et sablonneux, qui s’incline un peu vers le nord et qui est formé par la chaîne des montagnes Rocheuses, dont la crête le traverse en prenant les noms.de sierra Madré, de sierra de Acha, de sierra de los Mimbres, etc. Suivant l’observation de ’ Humboldt, il existe à peine sur le globe un point dont les montagnes présentent une construction aussi extraordinaire que celles de ce pays.« La chaîne de montagnes qui forme le vaste plateau du Mexique, dit ce savant, est la même que celle qui, sous le nom d’Andes, traverse toute l’Amérique méridionale ; cependant la construction ou charpente de cette chaîne diffère beaucoup au S. et au N. de l’équateur. Dans l’hémisphère austral, la Cordillère est partout déchirée et interrompue par des crevasses ; s’il y existe des plaines élevées de 2,700 à 3,000 mètres, comme dans la république de l’Equateur, et plus au N. dans la province de Pastos, elles ne sont pas comparables en étendue à celles du Mexique. Ce sont plutôt des vallées longitudinales, limitées par deux branches de la grande Cordillère des Andes. Au Mexique, au contraire, c’est le dos même des montagnes qui forme le plateau ; c’est la direction du plateau qui désigne, pour ainsi dire, celle de toute la chaîne. Au Pérou, les cimes les plus élevées constituent la crête des Andes ; au Mexique, ces mêmes cimes, inoins colossales, il est vrai, mais toutefois hautesde4,900à5,400 mètres, sont ou dispersées sur le plateau, ou rangées d’après des lignes qui n’ont aucun rapport de parallélisme avec l’axe principal de la Cordillère. En général, le plateau mexicain est si peu interrompu par les vallées, sa pente est si uniforme et si douce, que jusqu’à la ville du Durango, située à 140 lieues de ’ Mexico, le sol reste constamment élevé de 1,700 a 2,000 mètres au-dessus du niveau de l’oeéan voisin. Le plateau du Mexique s’abaisse insensiblement vers le N. ; aucune masure n’a été faite, au Mexique, au delà de ■ Durango ; mais les voyageurs observent que le terrain s’abaisse visiblement vers le Nouveau-Mexique et vers les sources du Rio Colorado. » Parmi les quatre plateaux situés autour de la capitale du Mexique, le premier, qui comprend la vallée de Toluca, a 2.G00 mètres ; le second, ou la vallée de Tenochtitlan, 2,274 ; le troisième, ou la vallée d’Actopan, 1, ’JGG mètres ; et le quatrième, ou la vallée d’Istla, 981 mètres de hauteur. Ces quatre bassins diffèrent autant par le climat quo par leur élévation au-dessus du niveau de l’Océan. Chacun d’eux offre une culture différente : le dernier, et le moins élevé, est propre à la culture de la canne à sucre ; le troisième, à celle du coton : le second, à la culture du blé d’Europe, et le premier à des plantations d’agaves, que l’on peut considérer comme les vignobles des Indiens Aztèques. Les montagnes les plus élevées sont celles de Citlatlepetl (5,308 met.), Nevada de Toluca (4,623 met.), Cofre de Peroto (4,088 met.). Les habitants du Mexique considèrent à peine les montagnes volcaniques comme une curiosité, tant elles y sont nom MEXI

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breuses. Presque tous les sommets des Cordillères américaines offrent des cratères. Celui du Popocatepetl, dont l’élévation est de 5,400 mètres, peut avoir 2 kilom. de circonférence. L’Orizaba (5,295 met.) est également un volcan qui, en 1545, fit une éruption, et continua de brûler pendant vingt années ; cotte montagne est nommée par les Indiens Citlatlepetl ou montagne de l’Étoile, en mémoire de Quazalcohnatl, surnommé l’Étoile du matin, et que la légende fait disparaître au pied de cette montagne. On peut mentionner encore, comme étant en activité, les volcans de Colima (3,658 met.), de Jornllo et celui situé entre Alvarado et le fleuve Goatzacoaleo ; les cendres de ce dernier, qui fit éruption en 1793", arrivèrent jusqu’à Perote, à 240 kilom. de distance en droite ligne. Les flancs de ces colosses coniques, ornés de belles forêts de cèdres et de pins, ne sont

f> !us bouleversés par des éruptions, ni silonnés par des torrents de lave enflammée ; il paraît même que les coulées de lave proprement dites sont rares au Mexique. Cependant, en 1757, les plaines de Jorullo, sur les bords de l’océan Pacifique, furent le théâtre d’une des catastrophes les plus grandes qu’ait jamais essuyées le globe ; dans une seule nuit, il sortit de la terre un volcan de 1,300 mètres d’élévation, entouré de plus de 2,000 bouches qui furent encore aujourd’hui. Humboldt et Bonpland descendirent dans le cratère embrasé du grand volcan jusqu’à 84 mètres de profondeur perpendiculaire. Malgré ses nombreuses montagnes, le Mexique est en général mal arrosé. Il manque d’eau et de rivières navigables. Le Bravo del Norte et le Colorado sont les seuls grands cours d’eau qui puissent fixer l’attention, tant à cause de la longueur de leurs cours qu’à cause de la grande masse d’eau qu’ils portent à l’Océan ; mais le premier coulant à la frontière et dans la partie du Mexique la plus inculte, l’autre ne lui appartenant que dans la dernière partie de son cours, ces deux fleuves resteront longtemps sans intérêt pour le commerce. Dans toute la partie équinoxiale du Mexique, on ne trouve que de petites rivières dont les embouchures sont considérablement larges. La forme étroite du continent y empêche la réunion d’une grande masse d’eau, et la pente rapide de la Cordillère donne plutôt naissance h des torrents qu’à des fleuves. Dans la partie méridionale, les principaux cours d’eau sont : le rio Guatzacualco, et les fleuves Ta- ’ basco et Uzumacinta, tous les deux à l’est de la Vera-Cruz, et propres à faciliter les communications avec le Guatemala ; le rio de

Montézuma, qui porte les eaux des lacs et de la vallée de Tenoehtitlan au rio de Panuco, et par lequel, en oubliant l’élévation du terrain, on a projeté une navigation depuis la capitale jusqu’à la côte orientale ; le rio Tamesi ; le rio de Zacatula, que l’on nomme encore Mexcala ; le grand fleuve de San-Iago ou Tololotlan, formé de la réunion des rivières de Lerma et de las Lajas, qui pourrait porter les farines de Salainatica, de Zelaga, et peut-être celles de tout l’État de Jalisco au port de San-Blas, Sur les côtes de l’océan Pacifique Les lacs dont le Mexique abonde, et dont la plupart diminuent annuellement, ne sont que des restes de ses immenses bassins d’eau qui paraissent avoir existé jadis dans les grandes et hautes plaines de la Cordillère. Nous citerons le grand lac de Chapalla, entre les États de Jalisco et de Mechoacan, qui a près de 2,550 kilom. carrés ; les lacs de la vallée de Mexico, qui occupent le quart de la surface de cette vallée : ces lacs sont ceux de Tezeueo, le plus grand de tous ; de Xochimilco, de Cholco, de San-Christobal et de Zumpango ; le lac de Patzenaro, dans l’État de Mechoacan, un des plus pittoresque du globe ; le lac de Mextitlau et celui de Parras, dans l’État de Durango.

Climat, flore, faune, productions minérales. Sous le rapport du climat et des cultures, le Mexique offre trois grandes divitions que les Espagnols avaient depuis longtemps désignées par des noms caractéristiques, et qui pourraient se sous-diviser elles-mêmes presque à l’infini, soit en raison des altitudes successives, soit par l’effet de plusieurs circonstances, notamment la diversité des expositions. La première de ces trois zones, appelée la Terre chaude (Tierra caliente), part du littoral et s’étend jusqu’à une certaine hauteur sur le plan incliné par lequel on monte au plateau. La nature végétale y est d’une puissance exubérante, par l’excès même de la température et par la présence des eaux courantes, qui s’y montrent plus qu’ailleurs. Cette zone a une végétation particulièrement active sur le versant oriental du Mexique, parce que les vents dominants, les vents alizés, arrivent de ce côté chargés de l’humidité qu’ils ont recueillie dans leur longue course sur la surface de l’Océan. Elle se distingue par les cultures connues sous le nom de tropicales, c’est-à-dire par celles du coton, du sucre, des bananes, de l’indigo, etc. Malheureusement, sur plusieurs points, surtout dans le voisinage des ports que baigne l’océan Atlantique, elle est désolée par la fièvre jaune, dont le foyer pestilentiel est dans des marécages que l’industrie humaine réussira quelque jour à dessécher, quand elle voudra y appliquer les puissants moyens dont elle uispose aujourd’hui. Au-dessus, à mi-hauteilr sur le

plan incliné, s’étend la zone appelée la Terre 196

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tempérée (Tierra templada ), qui présente une température moyenne annuelle de 18° à 20°, et ou le thermomètre n’éprouve que très-Feu de variation d’une époque à l’autre de année, de sorte qu’on y jouit d’un printemps perpétuel. C’est une région délicieuse, dont le type le plus parfait s’offre aux environs de la ville de Jalapa, et qu’on retrouve avec ses charmes autour de la ville de Chiipancingo, où s’était réuni le premier congrès dans la guerre de l’indépendance. Elle possède une végétaLion à peu près aussi active et aussi vigoureuse que celle du littoral, sans avoir l’atmosphère embrasée et les miasmes empestés de la plage et de la contrée qui l’avoisine. Elle est exempte de ces myriades d’insectes incommodes ou venimeux qui pullulent duns la région basse de la Terre chaude et y font le tourment de l’homme. On y respire l’atmosphère pure du plateau, sans en subir les passagères fraîcheurs et l’air vif, dangereux aux poitrines délicates. La zone tempérée est un paradis terrestre, quand l’eau y abonde, comme à Jalapa et dans quelques autres districts, où les glaciers éternels de quelques montagnes, telles que le pic d’Orizaba et le coffre de Perote, se chargent d’en fournir aux sources toute l’année. Audessus de la zone tempérée se déploie la Terre froide [Tierra fria), ainsi nommée en raison de l’analogie que des colons venus de l’Andalousie durent lui trouver, sur une partie de son développement, avec le climat assez cru des Castilles ; mais les Français, les Anglais et les Allemands, transportés au Mexique dans la Terre froide, s’y jugent à peu près partout en un climat fort doux. La température moyenne de Mexico et d’une bonne portion du plateau est de 17» ; c’est seulement un peu moins que celle de Naples et d,6.’» Sicile, et c’est celle des trois mois de 1 été à Paris. D’une saison à l’autre, les variations, comme partout entre les tropiques, y sont bien moindres que dans les parties les plus tempérées et les plus belles de l’Europe. La végétation varie comme la température, depuis les rivages brûlants de l’Océan jusqu’aux sommets glacés des Cordillères. Dans la région chaude jusqu’à 400 mètres, les palmiers à éventait, les palmiers miraguana et pumos, Yorcodoxa blanc, la tournefortie veloutée, le schestiergeraschantus, la céphalante à feuilles de saule, Yhyplis bourrelé, le salpianthus arenarius, l’amarantine globuleuse, le calebassier pinné, le podapterus mexicain, la bignonie à feuilles d’osier, ia sauge occidentale, le perdinium de la Havane, le gyrocarpus, le leueophyllum ambi-' yuum, la gomphia mexicaine, le panic élargi, la bauhine roida, le campêche rayé, le courbaril émoussé, la swietenie mexicaine, la malpighie à feuilles de sumac, dominent dans la végétation spontanée. Cultivés sur les confins de la zone tempérée et de la zone chaude, la canne à sucre, le cotonnier, le cucaotier, 1 indigotier ne dépassent guère le niveau de 600 à 800 mètres ; cependant, la canne prospère dans les vallées abritées à un niveau de 1,800 mètres. Le bananier s’étend des bords de la mer jusqu’au niveau de 1,400 mètres. La région tempérée, depuis 400 mètres jusqu’à 2,000 mètres, présente le iiquidambar styrax, Yerythroxylon mexicain le poivrier à longue cosse, Yaralia digitata, la quenouille de Pazcuaro, la guardiola mexicaine, le tageles à feuilles minces, la psychotria pauciflora, le quamoclitde Cholula, le liseron arborescent, la véronique de Jalapa, la globulaire mexicaine, le stachys d’Actopan, la sauge mexicaine, le gattilier mou, l’arbousier à fleurs épaisses, le panicaut à fleurs de protéa, le laurier de Cervantes, le daphné à feuilles de saule, la fritillaire à barbe, Yyucca épineux, la cobée grimpante, la sauge jaune, quatre variétés de chênes mexicains, commençant à 900 mètres d’élévation et finissant à 2,200, l’if des montagnes, la banistrie ridée. Dans la région froide, depuis 2,150 mètres jusqu’à 4,500, on remarque le chêne à tronc épais (guercus crassipes), la rose mexicaine, l’aune qui finit au niveau de 3,650 mètres, le merveilleux clteirostemon plutanoïdes, la krame■ria, la valériane à feuilles cornues, la datura superba, la sauge cardinale, la potentille naine, l’arbousier à feuilles de myrte, l’alizierdenté, le fraisier mexicain. Les sapins, qui commencent dans la zone tempérée à 1,800 mètres d’élévation, ne finissent dans zone la froide qu’à 4,000. Ainsi, les arbres conifères, inconnus à l’Amérique méridionale, terminent ici, ■ comme dans les Alpes et les Pyrénées, l’échelle des grands végétaux. Sur les limites mêmes de la neige perpétuelle, on voit naître l’arenaria bryoïdes, le enicus nivalis, la cholone gentianoïdes. Parmi les végétaux mexicains qui fournissent une abondante substance alimentaire, le bananier tient le premier rang. Les deux espèces, nommées platano artor et dominico, paraissent indigènes ; le camburi ou musa sapientium y a été apporté d’Afrique. Un seul régime de" bananes contient souvent 100 à 160 fruits et pèse 30 à 40 kilogrammes. Un terrain de 100 mètres carrés de surface produit aisément 2,000 kilogrammes pesant de fruits. Le manioc occupe la même région que le bananier. La culture du maïs est plus étendue ; ce végétal indigène réussit sur la côte de la mer et dans les vallées de Toluca, à 2,000 mètres au-dessus de l’Océan. Le maïs produit généralement 150 pour 1 ; il forme la principale nourriture des hommes et des animaux. Le froment, le

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seigle et les autres céréales de l’Europe ne sont cultivés que sur le plateau, dans la région tempérée. Le froment donne, en général, de 25 à 30 pour 1. Dans la région la plus fertile, on cultive la pomme de terre originaire de l’Amérique méridionale, le tropœlum esculentum, nouvelle espèce de capucine, et le r.henopodîum quinoa, dont la graine est un aliment aussi agréable que sain. La région" tempérée et la région froide possèdent encore l’oca (oxalis tuberosa) ; la patate et l’igname sont cultivées dans la région chaude. Malgré les abondants produits de tant de plantes alimentaires, les sécheresses exposent le Mexique à des famines périodiques. Ce pays produit des espèces indigènes de cerisiers, des pommiers, des noyers, des mûriers, des fraisiers ; il s’est approprié la plupart des fruits de l’Europe et de ceux de la zone torride. Le magney, variété de l’agave, fournit la boisson nommée pulque, .que les habitants du Mexique consomment en très-grande quantité. Les libres du magney fournissent du chanvre et du papier ; les épines servent d’épingles et de clous. La culture du sucre s’accroît, quoiqu’elle soit, en général, bornée à la légion tempérée, et que, par défaut de population, les plaines chaudes et humides des côtes maritimes, si propres à ce genre de culture, restent en grande partie en friche. La canne est ici cultivée et exploitée par des mains libres. L’État d’Oaxaca est aujourd’hui la seule province où l’on cultive en masse le nopal ou le cactus cochenitifer, sur lequel se nourrit l’insecte qui produit la cochenille. La cochenille présente un objet d’exportation de la valeur annuelle de 12 millions de francs. Parmi les autres végétaux utiles, nous distinguerons le convoloulus jalaptq ou vrai jalap, ~qui croît naturellement dans le canton de Jalapa, nu N.-O. de la Vera-Cruz ; Vepidendrum vanilla, qui, conjointement avec le jalap, aime l’ombre des liquidainbars et des omyris ; ia copaïfera officinalis et le toluifera balsamum, deux arbres qui donnent une résine odorante, connue dans le commerce sous les noms de baume capiri et de l’olu. Les rivages des baies d’Honduras et de Campêche sont célèbres, depuis le moment de leur découverte, par leurs riches et immenses forêts de bois d’acajou et de campêche, si utiles aux fabriques, mais dont les Anglais ont envahi l’exploitation. Une espèce d’acacia donne une excellente teinture en noir. Le gaïac, le sassafras, le tamarin ornent et enrichissent ces provinces fertiles. On trouve dans les bois l’ananas sauvage ; tous les terrains rocailleux et bas sont chargés de diverses espèces d’aloès et d’euphorbes. Les jardins de l’Europe tirent quelques nouveaux ornements de la flore mexi- ’ caine, entre autres la saloila fulgens, à laquelle ses tteurs cramoisies donnent tant d’éclat ; le beau dahlia ; l’élégant sisyrinchium strié ; YhétiatUhtts gigantesque et la délicate mentzelia. Bonpland, compagnon de Humboldt, a trouvé une espèce de plante bombycine qui produit un coton doué à la fois de l’éclat de la soie et de la solidité de la laine. La zoologie du Mexique est médiocrement connue. Plusieurs espèces, voisines de celles que nous connaissons, en diffèrent pourtant par des caractères importants. Parmi les es Îièces décidément neuves et indigènes, sant e coëndon, espèce de porc-épic ; l’apaxa ou le cerf mexicain ; la conopatl, du genre des moufettes, dont on connaît cinq ou six espèces ; l’écureuil dit du Mexique, et une autre es Eèce d’écureuil strié ; le loup mexicain, qui abite les forêts et les montagnes. Parmi les quatre animaux qualifiés de chiens par le Pline mexicain, Hernandez, l’un, nomméxoloitzcuintlir, est le loup distingué par l’absence de tout poil. Le techic/ii est une espèce do chien muet, que les Aztèques mangeaient. Cet aliment était si nécessaire aux Espagnols mêmes, avant l’introduction des bestiaux, que peu à peu toute la race en fut détruite. Le bison et le bœuf musqué errent en grands troupeaux dans la Nouvelle-Californie et le nord de l’État de Sonora. Les élans de cette dernière province ont assez de force pour avoir été employés à traîner un lourd carrosse à Zacatecas, selon le témoignage de Clavijero. On connaît encore très-imparfaitement les grands moutons sauvages de Californie, ainsi que les berendos du même pays, qui paraissent ressembler à des antilopes. Lo jaguar et le cougouar, qui, dans le nouveau inonde, représentent le tigre et le lion de l’ancien continent, se montrent dans toute l’Amérique centrale et dans la partie basse et chaude du Mexique proprement dit ; mais ils ont été peu observés par des naturalistes instruits. Hernandez dit que le miztli ressemble au lion sans crinière, mais qu’il est d’une plus grande taille. L’ours mexicain est le même que celui de la Louisiane et du Canada. Les animaux domestiques de l’Europe transportés au Mexique y ont prospéré et se sont extrêmement multipliés. Les chevaux sauvages, qui parcourent eu bandes immenses les plaines du Nouveau-Mexique, descendent tous de ceux qu’ont amenés les Espagnols. La race en est belle et vigoureuse. Celle des mulets no l’est pas moins. Les moutons sont d’une espèce grossière et mal soignée. L’élève des bœufs est importante sur la côte orientale et dans l’État de Durango. On voit encore des familles qui possèdent de 40,000 à 50,000 têtes de bœufs et de chevaux ; d’anciennes relations parlent même de troupeaux deux ou trois fois plus nombreux.

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Les métaux précieux et les minéraux utiles abondent au Mexique. On trouve de l’étain et du cuivre particulièrement dans les États de Guanaxuato et de Mechoacan, et, dans diverses autres parties du territoire, du zinc, du fer, du mercure, de l’antimoine, du sel gemme, etc. Le produit annuel des mines d’or et d’argent au Mexique, en temps ordinaire, s’élève k une valeur de 22 millions de piastres. L’or, qui n’entre dans ce produit que pour un million, se trouve en paillettes ou en grains dans les terrains d’alluvion de la Sonora et de la Haute Fimerie, qui, à ce qu’il paraît, peuvent rivaliser de richesse avec ceux de la Californie ; il existe aussi en filons dans les montagnes de gneiss et de schiste micacé de l’État d’Oaxaca. L’argent se trouve en quantités prodigieuses dans le plateau d’Annhuac et de Mechoacan. Lamine de Batopilas, dans l’État de Durango, ia plus septentrionale qu’on ait exploitée, a donné plus abondamment de l’argent massif, tandis que, dans les autres, lo métal est extrait, soit des minerais qu’on nomme maigres, tels que l’argent rouge, noir, chloruré et sulfuré, soit dû plomb argentifère. La disette -de mercure, qu’on tire de la Chine, de l’Autriche et de 1 Espagne, arrête seule l’essor de l’exploitation. Les mines connues sont loin d’offrir aucun indice d’épuisement. Il en reste sans doute à découvrir. Un avantage, très-notable [tour le progrès de l’industrie nationale, naît de la hauteur à laquelle la nature du Mexique a déposé les grandes richesses métalliques : les filons d’argent les plus riches, comme ceux de Guanaxuato, de Zacatecas, de Pasco et de Real del Monte, se trouvent à des hauteurs moyennes de 1,700 à 2,000 mètres. Les mines y sont entourées de champs labourés, de villes et de villages ; des forêts couronnent les collines voisines ; tout y facilite l’exploitation des richesses souterraines.

Histoire. Le Mexique tire son nom de Mexico sa capitate. En langue aztèque, Mexico ou Mejico signifie demeure du dieu de la guerre, appelé Mexitli ou Huitzilopochtli. De lointaines traditions, transmises de génération en génération, font venir du Nord les populations mexicaines ; les découvertes que l’on a faites de constructions antiques au milieu des steppes californiens et dans les prairies du Mississipi, et plus sûrement encore l’étude comparée d’une vaste famille d’idiomes américains, ont confirmé l’exactitude générale de ces traditions. On avait gardé le souvenir de trois grandes immigrations qui se répandirent à des époques successives dans les terres de l’Aiirthuac. En premier lieu l’immigration toltèque, puis celle des Chichimèques, et enfin l’immigration des Aztèques, qui étaient les maîtres du pays lors de l’arrivée des Espagnols. Ces trois peuples doivent avoir appartenu à une même souche originaire. Des calculs fort incertains, fondés sur la durée de ce qu’on qualifie de générations royales, Ont fait évaluer à huit cent cinquante ans environ la période que représentent ces trois immigrations, dont 1 époque initiale, c’est-à-dire l’arrivée des Toltèques, tomberait ainsi vers le milieu du vir= siècle de notre ère. D’autres supputations, non moins incertaines, remontent beaucoup plus haut. Les premiers progrès qui marquèrent le commencement de la civilisation de l’Anahuac appartiennent aux Toltèques. Les deux peuples qui vinrent après eux, les Chichimèques et les Aztèques, se les approprièrent et les étendirent.

Les Aztèques, après avoir été un instant soumis par les Colhues, s’emparèrent de la domination et fondèrent, en 1325, Mexico, où vinrent résider leurs rois. Ils soumirent peu à peu les peuples environnants, et atteignirent un haut degré de prospérité et de civilisation (v. Aztèques). La plus grande partie du plateau proprement dit de l’Anahuac formait le royaume aztèque de Momézuma, et d’autres États d’une plus ou moins grande étendue, les uns tributaires ou ennemis, les autres alliés deMontézunia, se développaient sur les deux pentes du plateau, conséquemment dans les régions les plus fertiles de l’Anahuac, lorsque, en 1515, deux expéditions espagnoles parues de Cuba se dirigèrent successivement vers les côtes du Yucatan. Hernandez deCordova commandait la première ; il visita les îles et la terre ferme du Yucatan, escarmoucha contre les Indiens, perdit quelques hommes et revint sans avoir obtenu de grands résultats. Jean de Grijalva fut mis à la tète de la deuxième ; il parcourut les mêmes lieux que son prédécesseur, y ajouta quelques découvertes, et arriva à l’embouchure du rio Randeras, dans la province do Guaxaca, où il vit déployées, pour la première fois, les bannières blanches do Montézuma. Lorsque Grijalva fut de retour à Cuba, le gouverneur de l’Ile, Diego Yelasquez, furieux de ce qu’il n’avait fait aucun établissement dans le pays, lui refusa le commandement d’une troisième expédition, pour en charger Pernand Cortez. En moins do deux ans (1519-1521), celui-ci subjugua tout le Mexique, dont les merveilles le frappèrent vivement, lui et ses compagnons.

La conquête du Mexique fut bientôt suivie de celle de tout le pays, sans en excepter les Tlaxcallèques et les autres alliés, qui subirent le même sort que les Aztèques. L’Espagne en fit un seul royaume et lui donna le nom de Nouvelle-Espagne, divisée en douze

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Intendances dénommées : Potosi, Sonora, Durango, Guadalaxara, Yucalan, Mexico,

Oaxaca, Vera-Cruz, Mechoacan, Puebla, Zacatecas et Guanaxuato. L’arrivée du premier vice-roi espagnol eut lieu en 1536, sous le règne de l’empereur Charles-Quint. Nonseulement les infortunés Mexicains devinrent la proie de conquérants barbares et cupides, qui les dépouillèrent et les plongèrent dans la servitude, mais ils virent s’abattre sur eux un fléau plus horrible encore, l’inquisition. Des moines, envoyés d’Espagne, vinrent convertir les Mexicains et eurent recours, pour atteindre ce but, à leur système d’épouvantables tortures et d’auto-da-fé. Grâce à uns poignée de fanatiques et d’aventuriers, la civilisation du Mexique, et son esprit national disparurent, et la population, décimée par les supplices et les travaux excessifs, décrut avec une prodigieuse rapidité. Les vainqueurs employèrent surtout les vaincus à 1 exploitation des métaux précieux, et l’énorme quantité d’or et d’argent que l’Espagne tira du Mexique au xvie siècle ne contribua pas peu, à cette époque, à lui assurer la prépondérance en Europe. Le sort des Mexicains était alors tellement épouvantable que Las Casas s’en émut et réclama auprès ae Charles-Quint pour empêcher l’extermination de tout un peuple. Ce souverain, cédant à ces réclamations, consentit à reconnaître aux Indiens la liberté personnelle, sous la condition de payer certains tributs et d’être assujettis à certains travaux. Quant aux cultivateurs, attachés à la glèbe, ils furent traités comme serfs jusqu’à Ta fin du xvuie siècle. La cour de Madrid considéra ses possessions mexicaines plutôt comme des propriétés de la couronne que comme des colonies, dans l’acception ordinaire de ce mot. Le pays appartenait au roi, et toutes les terres occupées, soit par les indigènes, soit par les conquérants espagnols et leurs successeurs,

étaient censées des concessions royales. En sa qualité de propriétaire, le roi percevait des redevances et des tributs, mais il ne prélevait pas d’impôts. Tous les fonctionnaires publics étaient les gens du roi ; son délégué spécial portait le titre de vice-roi, et celui-ci nommait aux emplois vacants, sous la réserve de la sanction royale ; il décidait des questions importantes et commandait l’armée. Un tribunal suprême, nommé aadiencia, rendait la justice en dernier ressort quand l’objet en litige ne dépassait pas dix mille dollars. Cette cour, dont les membres jouissaient d’immenses privilèges, avait droit de remontrance, composait une sorte de conseil d’État et formait le contre-poids de l’autorité du vice-roi. L’audiencia correspondait directement avec le conseil des Indes, ce régulateur suprême des affaires relatives aux possessions d’outre-iner. Le vice-roi et les membres de Yaudiencia devaient être avant tout les hommes de la mère patrie. Aussi leur était-il interdit, à eux et à leurs fils, do se marier ou d’acquérir des biens-fonds en Amérique. Les différentes provinces avaient leurs administrations locales, leurs collecteurs des droits, des redevaneeset des douanes, à la tête desquels se trouvait l’intendant. Celui-ci exerçait dans sa’province, tant sous le rapport financier que sous le rapport administratif, une autorité très-étendue. Un

élément démocratique existait au Mexique dans les corporations municipales. Les municipalités ou ayuntamienios, composées des regidores et des alcades, nommés originairement par les habitants des villes, étaient aimées des populations, qui les considéraient comme leurs ■protectrices naturelles et auxquelles les liait la communauté des intérêts et des rapports de famille. Peu à peu, à la vérité, la couronne s’ingéra dans les élections et désigna la plupart des membres des aguntamienlos ; cependant leur position visà-vis du peuple resta invariablement la même. Le code qui régissait le Mexique sous la domination espagnole se nommait llecopilacion de las leyes de las Jndias ; c’était un assemblage de lois, de statuts, d’ordonnances et do décrets rendus successivement par les rois d’Espagne et le conseil des Indes. La procédure était gênée et souvent embrouillée au Mexique par les privilèges (fueros) dont jouissaient les corporations et les professions. Le clergé, le corps enseignant, la milice, la marine, les marchands, etc., avaient leurs fueros, et chacun pouvait choisir, en cas de. procès, le tribunal spécial du corps auquel il appartenait. Le texte de la loi (expression de la volonté royale) établissait la parité entre les Américains et les Espagnols. Malheureusement, cette sage disposition resta à l’état de lettre morte au bout de peu de temps. En dépit des efforts du vice-roi don Antonio de Mendoza et de ses premiers successeurs, la population’ de la Nouvelle-Espagne se divisa en trois classes d’hommes parfaitement distinctes, à savoir : les blancs ou Espagnols, descendants des vainqueurs ; les Indiens, enfants des vaincus, et les bastes ou créoles, de sang mêlé. Les premiers se considéraient connue fort supérieurs aux deux autres races ; presque toutes les richesses et propriétés du royaume se trouvèrent bientôt entre leurs mains. Les conquérants s’étaient approprié les plus belles parties du pays, entre autres les domaines des princes, des caciques et des personnages marquants de la nation indigène. Le gouvernement, en retirant à lui les conimanderies, en laissa cependant quelques-unes aux. descendants de leurs premiers détenteurs ; ainsi se formèrent les énormes possessions des ducs de Monte-Leone, des comtes de Valle, de San-Miguel de Aguayo, de Sun-Jago et tant d’autres. Des dons et des legs pieux livrèrent d’immenses domaines au clergé séculier et régulier, Les acquisitions faites par de riches Espagnols des domaines de l’État et des biens des indigènes, au temps où lu terre avait fort peu de valeur, constituèrent une troisième classe de grands propriétaires, et plusieurs domaines privés très-considérables s’établirent ainsi. Enfin, les possessions de petites exploitations rurales, désignées sous le nom de haciendas et situées, pour la plupart, autour des villes ou des localités importantes, formèrent une quatrième classe de détenteurs du sol. Toutes les possessions, grandes où petites, que nous venons d énumérer, ne tardèrent pas à être entre les mains des Espagnols. Les neuf dixièmes au moins des Indiens, autrefois maîtres du pays, et des créoles de sang mêlé, pauvres et avilis par l’opinion, se virent insensiblement réduits à la qualité de serviteurs des gens aisés et durent vivre dû travail de leurs mains. Il en résulta qu’au bout de peu de temps ils restèrent absolument étrangers au gouvernement du pays. La disposition physique du Mexique lui permettait difficilement de devenir un empire commerçant, dans l’acception la plus large de ce mot. La métropole ne jouait, en réalité, que le rôle d’intermédiaire entre les sujets mexicains et les producteurs européens, et, par le fait, c’était aux mains de ces derniers que passait la plus grande partie des métaux précieux du Mexique. Le monopole frappa également les produits de la terre ; certaines cultures furent interdites à la Nouvelle-Espagne, afin de ménager les intérêts de la métropole ; i ! y en avait d’autres qui eussent pu devenir pour le pays une source d’incalculables richesses, telles que le café, l’indigo, le cacao, etc., et qui, sévèrement réglementées, ne furent plus permises que dans la limite de la consommation espagnole. Ces fautes eurent de très-fâcheuses conséquences. Le Mexique s’était dépeuplé il la suite de la conquête et des maladies contagieuses ; bientôt de vastes territoires, d’une admirable fertilité et compris dans les provinces les plus heureusement situées de l’ancien empire de l’Anahuac, se convertirent en solitudes incultes et improductives. Sur les trois millions d’individus de race blanche et de rare mixte qui peuplaient le Mexique, les dix-huit vingtièmes ne savaient ni lire ni écrire. La société était dirigée par un clergé presque aussi ignorant, mais qui eut assez d’astuce et d’ambition pour se rendre maître, durant trois cents ans, de la plus grande partie des biens du pays. Ce clergé, outre l’influence qu’il exerçait par ses immenses richesses, avait monopolisé l’éducation et égaré l’esprit du peuple dans les collèges, dans la chaire et dans les confessionnaux, où il répandait les idées les plus propres à assurer sa puissance dominatrice. En s’introduisant dans le sein des familles, il observait et dirigeait les plus secrètes actions de la vie privée, s’érigeant ainsi en censeur tyrannique et abusant très-souvent de la confiance qu inspirait son caractère pour commettre les actes les plus odieux et les plus immoraux ; enfin, ce clergé, qui avait acquis le droit de diriger toutes les affaires publiques, avait en même temps la prétention de ne dépendre en rien du gouvernement ni de la nation même, sous le prétexte qu’il remplissait, disait-il, une mission divine sur la terre. Sous l’influence d’une institution aussi monstrueuse, le Mexique, démoralisé, énervé, abâtardi, devait être constamment la victime des vicissitudes et des maux les plus funestes à sa prospérité. L’homme dont l’habitation était placardée d’images de saints et qui allait entendre la messe tous les jours, qui se confessait et communiait souvent, était regardé comme un homme exemplaire, bien qu’il fût criminel et se livrât aux vices les plus honteux. L’hypocrisie était célébrée au Mexique comme a première des vertus, et la franchise, la loyauté châtiées comme un crime. Telle était alors, telle est encore aujourd’hui au Mexique la religion de la multitude.

Dans les principales villes du Mexique, le peuple était plongé dans la plus affreuse misère, conséquence de l’état d’abjection et d’abrutissement dans lequel on le maintenait. Accoutumé à la paresse, à une vie vagabonde, il avait pour divertissements favoris les combats de coqs et de taureaux, les processions, ’qui étaient presque journalières, les neuvaines, et en dernier lieu les tripots et les tavernes, où il passait le temps à jouer ou à s’enivrer, car plus de la moitié de l’année se composait de jours de fête. Il était naturel qu’une population livrée à de tels passetemps fût misérable et dégradée et qu’elle manquât du nécessaire, même pour couvrir sa nudité. Ce peuple, cependant, occupait les trois quarts des grandes villes de la Nouvelle-Espagne. Les classes aisées du pays, qui sa composaient de quelques comtes, marquis et autres nobles, de propriétaires, d’agriculteurs et de commerçants, manquaient généralement d’instruction, et l’on pouvait dire avec raison qu’ils ne se distinguaient du vulgaire que par l’habit et parce qu’ils savaient imparfaitement lire, écrire et compter. Les seuls livres qu’ils connussent étaient l’Almanach, le Catéchisme du Père Ripalda, l’Année chrétienne, la Vie des saints et autres de ce genre. La noblesse se distinguait par son ignorance absolue. Pour la vie tranquille et monotone de ce pays, le savoir était inutile, surtout pour les Mexicains, qui étaient exclus de tous les emplois et à qui il était absolument interdit de s’immiscer dans la politique. Pour une telle vie, l’instruction était de trop, et ce qui importait le plus était de se procurer assez d’argent pour jouir le plus possible de la vie matérielle. La classe la plus distinguée du Mexique se composait des hommes qui exerçaient les professions dites libérales, telles que celles d’avocat, de médecin, et même ceux-ci étaient-ils loin d’être regardés comme des hommes instruits. Les chefs d’institution et les professeurs ne jouissaient d’aucune considération et étaient assimilés dans la société aux artisans les plus humbles. Dans les collèges, on enseignait, le latin du moyen âge, les canons et la théologie scolastique. À cette instruction vicieuse, on joignait les principes les plus faux en matière administrative ; aussi la vraie science était celle qui consistait a acquérir de la fortune, quels que fussent les moyens employés. Les exemples contagieux de plusieurs vice-rois, tels que Branciforte, Yturrigaray, Apodaca, qui emportèrent des millions avec eux, séduisaient quiconque maniait les deniers publics.

Malgré la corruption à peu près générale et l’abaissement des caractères, les privilèges exclusifs dont jouissaient, au détriment des colons, les Espagnols de naissance, ces privilèges, qui froissaient profondément la fierté aussi bien que les intérêts des familles castillanes devenues mexicaines, avaient développé chez celles-ci un ferment de jalousie et d’aversion que la première occasion devait faire éclater. Le Mexique renfermait tous les éléments d’une.guerre de castes, la plus acharnée, la plus implacable de toutes les guerres. On sait quels événements en furent le signal. En 1808, Joseph Bonaparte fut placé sur le trône d’Espagne. À la première nouvelle de ce changement de dynastie, les Espagnols du Mexique manifestèrent l’antipathie la plus vive contre l’usurpateur et se prononcèrent en faveur du prince déchu. Une profonde agitation s’empara du pays ; mais, dès le premier moment, on put reconnaître à de sourds indices qu’un autre sentiment se mêlait à cette explosion de fidélité monarchique. Deux millions de créoles, si longtemps effacés sous la suprématie insolente de quelques milliers d’Espagnols envoyés par la métropole pour administrer et pour exploiter la colonie, voyaient enfin se lever le jour de la réparation. Les Indiens eux-mêmes, travaillés par des idées d’indépendance, sortaient de leur apathie et faisaient entendre des clameurs de menace. Un vaste mouvement s’organisait dans toutes les provinces ; ce fut un prêtre patriote du Guanaxuato, le curé Miguel Hidalgo, qui en donna le signal. L’explosion éclata, dans la nuit du 10 novembre 1810, aux cris de : « Vive Ferdinand VII ! vive la sainte Vierge de Guadalupe ! » cris auxquels se mêlait, et que dominait souvent, le cri sinistre de : « Mort atix Guchupinos ! » sobriquet par lequel les colons et les Indiens désignent communément les Espagnols (ce mot, dans la langue des Indiens, signifie, dit-on, les hommes aux éperons, les cavaliers). Le curé Hidalgo fut vaincu à la bataille de Calderon, par le général royaliste D. Félix Colleja, et mis à mort en 1811. D. José-Maria Morelos prit la place de Hidalgo, réunit un congrès composé de quarante membres, et publia, en 1812, -une constitution, par laquelle Ferdinand VII était encore reconnu roi ; mais il fut bientôt condamné au dernier supplice, le congrès fut dissous, et l’autorité royale entièrement rétablie. Xavier Mina, qui suscita une nouvelle insurrection en 1815 et qui obtint d’abord des succès assez brillants, n’eut pas une fin plus heureuse. Vers le milieu de 1S20, la nouvelle de la révolution de l’Ile de Léon arriva au Mexique ; le vice-roi Apodaca refusa do reconnaître la constitution des cortès ; alors une insurrection s’organisa sous l’influence des patriotes les plus attachés aux intérêts de la mère patrie. Le vice-roi ôta au général Amigo, connu par son dévouement à la constitution, le commandement des troupes stationnées entre Mexico et Acapulco, et le remplaça par Augustin Iturbide ; celui-ci, loin de favoriser les projets d’Apodaca, publia, le 24 février 1821, à Iguala, un manifeste par lequel il déclarait le Mexique un empire constitutionnel indépendant de l’Espagne, et appelait au trône Ferdinand VII ou un prince de sa famille. Apodaca se vit obligé d’abdiquer, et O’Domiju, envoyé par les cortès pour le remplacer, confirma, par le traité de Cordova, du 24 août 1822, le manifeste d’Iguala. Les cortès ayant refusé de ratifier ce traité, le congrès mexicain profita de ce refus pour s’arroger le droit d’élire un empereur, et son choix tomba sur Iturbide, qui fut proclamé sous le nom d’Augustin Ier. Cependant cette mesure fut désapprouvée par une partie du congrès : une opposition armée se forma sous les généraux Vittoria et Guerrero, et au moment où Iturbide se faisait couronner avec une magnificence extraordinaire, les insurgés proclamèrent la république. Après une lutte sanglante, l’empereur consentit à abdiquer, en mai 1823, et partit pour l’Europe. Un nouveau congrès, présidé par Vittoria, publia en janvier 1824 un acte constitutionnel, qui organisait les États-Unis mexicains sur les principes de !n constitution des États-Unis du Nord, excepté quant à la tolérance religieuse. Vers la fin de 1824, Iturbide tenta de reconquérir son trône, mais il fut presque aussitôt arrêté et fusillé. Le général Guadalupe Vittoria, nommé président de la république, était peut-être le patriote le plus pur de tous ceux qui avaient figuré dans la révolution. Un emprunt de 24 millions de piastres, contracté avec plusieurs banquiers anglais, activa momentanément les ressorts du gouvernement, qui contracta des alliances avec l’Angleterre, les États-Unis, la Colombie, etc. Cependant les Espagnols étaient encore en butte aux haines de la majorité : la vengeance ne semblait pas assez complète, parce que, tout abattu qu’il était, leur parti effrayait encore les Mexicains. Le peuple réclamait à grands cris leur expulsion, et il l’obtint partiellement en 1827. Dès cette époque commence une interminable série de luttes intestines, qui devaient déchirer le pays et le plonger pendant tant d’années dans une déplorable et désastreuse anarchie. On voit successivement les fédéralistes et les unitaires, le parti clérical et le parti libéral se disputer le pouvoir avec acharnement. Des généraux ambitieux suscitent des insurrections militaires pour s’emparer du gouvernement, sont renversés, remplacés par d’autres ambitieux, et des troubles à peu près constants désolent le pays. Tel est le spectacle que le Mexique n’a cessé de donner au inonde, et qui provient de l’absence de mœurs politiques, causée par la déplorable influence du clergé sur les masses. Dès 1828 s’ouvre l’ère des pronunciainentos. Le vice-président Pedraza ayant été élu président, une insurrection éclate à Mexico et, après trois jours de lutte sanglante (24 septembre 1828), Pedraza forcé de fuir abdique le pouvoir et est remplacé par le démocrate Vincent Guerrero, auquel on adjoint comme vice-président le général Anastase Bustamente. À peine installé, Guerrero songea à mettre à exécution la promesse solennelle de sa profession de foi politique, l’expulsion des Espagnols. Le congrès seconda ses vues et rendit une loi qui frappait 6,000 Espagnols. Au milieu de l’agitation des esprits et de l’explosion des haines populaires, on apprit tout a coup le débarquement d’un corps d’Espagnols, composé de 3,000 hommes, aux ordres u brigadier Barradas, avec des munitions et un armement pour une armée nombreuse, dans le cas où les mécontents viendraient grossir les rangs du corps expéditionnaire. Le président donna ordre aux généraux Santa-Anna et Teran de se porter avec 6,000 hommes sur Tampico de Tamaulipas. Mais Barradas, général sans talents et sans courage ; ne pouvait trouver que te désappointement et la honte sur la plage mexicaine. Après quelques escarmouches, il demanda quartier et signa une capitulation désastreuse (1829). Trois mois s’étaient à. peine écoulés depuis la capitulation de Tampico, lorsque le général Bustamente, vice-président de la république, se révolta contre l’administration de Guerrero avec les troupes de sa division. Guerrero, à la tête de la garnison de Mexico, marcha contre lui. Mais à peine fut-il parti que les insurgés renversèrent l’autorité établie, déposèrent le président et nommèrent à sa place le général Bustamente (1830) ; mais celui-ci s’aliéna bientôt le parti patriote eu rapportant le décret qui frappait les Espagnols et en montrant des tendances aristocratiques.

Le général Santa-Anna (1832) se mit à la tête d’une conspiration, battit Bustamente à Puebla, le renversa du pouvoir et fit proclamer Pedrozza président ; mais, à la suite des élections de mars 1833, Santa-Anna, représentant le parti libéral et fédéraliste, fut porté à la présidence de la république. Il ne tarda pas à favoriser les prétentions de l’armée et du clergé, et divers mouvements insurrectionnels éclatèrent. Ayant donné sa démission le 2 février 1835, il fut remplacé comme président par le général Miguel Baraganjmais peu après Santa-Anna se mit à la tête d’une nouvelle révolution militaire, devint centraliste ardent, prononça la dissolution du congrès et comprima toute résistance par de sanglantes mesures. Ayant résolu de centraliser le pouvoir à Mexico et de soumettre les États à une même volonté, il publia dans ce but l’édit du 23 octobre 1835 et convoqua un nouveau congrès. Les nouveaux députés, chargés de reviser la constitution, proclamèrent la république mexicaine une et indivisible, changeant en départements relevant du gouvernement central les États qui avaient été proclamés souverains par la constitution de 1824. L’édit de Santa-Anna et les débats du congrès provoquèrent l’insurrection et la séparation du Texas, qui protesta en faveur des droits fédéraux et se déclara indépendant (2 mars 1836). Pour comprimer ce mouvement, Santa-Anna envahit le Texas avec une armée ; mais il fut battu par Hauston au passage de la rivière San-Jacinto, et fait prisonnier. On lui accorda la vie, à condition qu’il donnerait aux troupes mexicaines qui se trouvaient de l’autre côté du San-Jacinto —l’ordre d’évacuer le Texas et qu’il userait de son influence, non-seulement pour que la guerre ne se renouvelât pas, mais encore pour que le congrès mexicain reconnût l’indépendance de la jeune république. Santa-Anna souscrivit à tout. La nouvelle constitution mexicaine avait été jurée au commencement de 1837, et pendant l’absence de Santa-Anna le vœu des départements avait porté à la présidence Anastase Bustamente (1838). À peine ce fonctionnaire eut-il pris possession du palais national, que des révoltes éclatèrent sur plusieurs points. L’année 183S amena encore de plus grands embarras au Mexique. La France, pour appuyer les réclamations de son ministre, dut envoyer une escadre dans les eaux du golfe et bloquer les ports de lu république du côté de l’orient. Le contre-amiral Baudin parut devant Vera-Cruz à la tête de plusieurs bâtiments de guerre. Le 27 novembre, le fort d’Uloa fut attaqué et pris après une défense de trois heures. L’amiral Baudin, pressé d’en finir par un avis secret de Louis-Philippe, se résigna à accepter la médiation anglaise. Délivré de l’agression française, le gouvernement mexicain ne jouit pas pour cela de beaucoup do tranquillité. Santa-Anna, mis en liberté par les Anglo-Américains au bout de quelque temps de captivité à Washington, revint au Mexique, et, après la signature du traité de paix avec la France, il fut appelé par intérim a la présidence, le titulaire étant allé en-personne pacifier les provinces de l’Est. En 1841, le général Paredes s’insurgea à Guadalaxara contre le gouvernement. La chute de Bustamente et la réunion d’un congrès extraordinaire appelé à régler les destinées futures de la république étaient réclamées par le vœu public, dont le cri de guerre de Paredes n’était que l’écho. Santa-Anna fut élu chef provisoire de la nation, et une assemblée des notables abolit la constitution de 1830. Bientôt après les bases organiques, dites de Tacubaya, le rendirent tout-puissant : le septième article lui conférait tacitement la dictature. Il livra les finances aux agioteurs ; la corruption et le désordre parvinrent au comble ;• son arrogance avec les puissances étrangères lui attira des démêlés avec les États-Unis, -la France, l’Angleterre. Enfin l’opinion publique, trompée dans son attente, se prononça ouvertement contre lui le 6 décembre 1844. Paredes s’étant soulevé à Guadalaxara contre Santa-Anna, celui-ci marcha contre les rebelles avec une quinzaine do mille hommes ; mais, à peine était-il arrivé à Lagos, que la ville de Mexico donna son adhésion au plan de Paredes ; le congrès proclama la déchéance du président, et le général Herreia entra en fonction comme chef provisoire de l’État. Le nouveau gouvernement, a la tête duquel il se trouvait, dut consentir à reconnaître l’indépendance du Texas, ainsi que son incorporation a l’Union, qui eut lieu dans l’été de 1845. L’envoi d’un corps de troupes de l’Union, destiné à protéger le Texas contre toute attaque que pourrait tenter le Mexique, puis les difficultés relatives à la délimitation des territoires respectifs du Mexique et du Texas, délimitation fixée par le traité d’union au moyen du cours du Rio Grande del Norte, tandis que le gouvernement mexicain soutenait que ce devait être le Rio Nueces, situé beaucoup plus au nord, et en conséquence exigeait qu’on lui laissât la possession de tout le territoire intermédiaire, amenèrent, le 16 juillet, une déclaration formelle de guerre du Mexique contre les États-Unis. Les troupes de Cette puissance se concentrèrent sur les bords du Rio Nueces, et les troupes mexicaines, commanmandées par le général Ampudia, à Matnmoros, sur le Rio Grande del Norte. Herrera sut s’entourer d’hommes recommandables, et parvint à étouffer, avec l’aide du colonel Uraga, la révolte de Rangel en faveur de Santa-Anna ; mais il ne p.ut vaincre celle de Paredes et tomba du, pouvoir en décembre 1845. Envoyé par Herrera pour repousser l’agression des Anglo-Américains, Paredes, de son quartier général de San-Luis de Potosi, avait refusé obéissance au gouvernement et, marchant sur Mexico, il y était entré sans coup férir (1840). Aussitôt qu’il eut saisi les rênes du gouvernement, il s’appliqua à. faire rentrer dans le trésor tous les fonds publics, à mesure qu’ils étaient perçus par les receveurs de la capitale et des départements ; puis il suspendit les payements qui n’étaient pas de première nécessité. Dès qu’il vit un million de piastres dans ses coffres, il rit marcher ses troupes à la frontière contra les Américains, sous le commandement du général Arista. Le général Taylor, qui avait sous ses ordres une division de 3,000 hommes cantonnés au Texas, franchit la rivière de la Nueces et s’avança vers Matamoros. Le 8 et le 9 mai, le canon gronda à Pato-Alto et au ressac do Guerrero, sur les bords de la rivière du Nord. Arista attaqua mollement les Américains et fut repoussé avec des pertes considérables. Son artillerie, mal servie, fit peu de mal à l’ennemi, tandis que celle de Taylor foudroya ses colonnes. Plus de 1,000 Mexicains restèrent sur le champ de bataille, et un grand nombre se noyèrent dans le fleuve en cherchant a fuir ; la déroute fut complète. Cependant le gouvernement de Paredes était devenu de plus en plus impopulaire ; les revers qu’il avait essuyés à la frontière ne contribuaient pas peu a lui aliéner l’esprit national. Ce fut un officier du nom de Salas, homme inconnu jusqu’alors, qui lui porta la coup fatal : il souleva contre son autorité les troupes casernées dans la citadelle de Mexico, et toute la garnison de la capitale imita son exemple. Salas, devenu président provisoire (1847), proclama le rétablissement de la fédération et protégea le parti démocratique.

L’armée redemandait à grands cris Santa-Anna, et les libéraux purs, trop faibles par eux-mêmes pour faire taire la voix de ces modernes prétoriens, s’unirent à eux dans l’espoir qu’ils pourraient accomplir leurs projets de réforme sous le patronage de leurs Baïonnettes, tout en laissant à Santa-Anna le pouvoir administratif absolu, qu’il était impossible de lui contester. Rappelé à la présidence (1847), Santa-Anna jura de maintenir et de défendre la constitution de 1824, que lui-même avait renversée ; puis il s’occupa activement de remplir les cadres des corps dispersés par la guerre et d’appeler sous les drapeaux de nombreuses recrues, pour s’opposer aux progrès do Taylor, qui menaçait le Saltillo et San-Luis. Cette guerre de trois semaines ne fut •qu’un jeu d’enfants, comme les précédentes, et n’aboutit à rien. Elle se fût prolongée indéfiniment, si l’on n’eut appris la nouvelle de la bataille de la Angostura, de la retraite de l’armée mexicaine et du prochain retour du président. Mais Santa-Anna avait besoin du concours de tous les partis pour soutenir la lutte engagée. Il se contenta de calmer les esprits sans rien décider. Le bombardement et la prise de Vera-Cruz par la division du général Scott et la marche des Américains sur la capitale obligèrent bientôt le président à sortir de Mexico pour s’opposer à leurs progrès. La rencontre se fit à Cerro-Gordo, auprès de Jalapa, où le sort des armes fut encore contraire aux Mexicains : leur déroute fut complète. Mais Scott ne sut pas profiter de sa victoire ; au lieu de marcher sur Mexico, qui, consterné et sans défense, lui eût ouvert ses portes, il resta quatre mois à faire ce trajet, laissant a l’esprit public le temps de se remettre de son abattement, et à Santa-Anna celui de réorganiser une armée, de créer des fortifications, de faire enfin pour la défense de la capitale tout ce qui pouvait en empêcher ou en retarder la prise. Quand le général Scott arriva au bord des lacs, il reconnut sans doute qu’il avait trop tardé, il tâtonna, tourna Mexico, puis vint s’engager dans le mal pais deSân-Angel.d’où il l’ut repoussé, le 19 août, par le général Valencia ; mais il reprit ses avantages le lendemain dans deux combats, l’un à Padierna. contre Valencia, à qui il enleva son artillerie ; l’autre à Chorubusco, contre Santa-Anna en personne, qui avait commis la faute de choisir pour champ de bataille une chaussée entourée de marais, où ses forces ne pouvaient se déployer. Toutefois, ce n’étaient point là des affaires décisives ; Mexico restait à prendre, et ces deux journées avaient coûté 1,056 hommesàScott, dont la division active ne comptait que 9,000 soldats. Le 8 septembre 1847, Scott attaqua le Moulin-du-Roi, qui donne entrée dans le parc de Chapultepec ; il fut repoussé avec une perte de 789 hommes, au nombre desquels se trouvaient ses meilleurs officiers. Ce général était consterné ; un revers de plus pouvait anéantir son armée. Cependant il fallait agir, et quatre jours après il donnait l’assaut au fort de Chapultepec. Cette fois, le courage des volontaires américains, secondés de la troupe de ligne, triompha de la résistance des Mexicains : à huit heures du matin, l’étendard étoile flottait sur la terrasse du château, et le lendemain matin leur quartier général était installé au palais des vice-rois, sans que personne se fût opposé à leur entrée. Cependant Santa-Anna avait donné sa démission ; il fuyait, poursuivi pur le nouveau pouvoir. Le président de la haute cour de justice, Peùay Pefla, appelé par la constitution à la présidence de la république par intérim, avait fixé le siège de son gouvernement à Queretaro. Désirant la paix pour son pays, autant que le cabinet de Washington, il n’hésita pas à envoyer des délègues au bourg de Guadalupe pour poser, avec le plénipotentiaire américain, les bases d’un traité qui fut ratifié, le 25 mai 1848, par les Chambres réunies à Queretaro. Les Mexicains abandonnaient aux Américains le territoire à l’E. du Rio del Norte, le Nouveau-Mexique et la Nouvelle-Californie, et recevaient comme indemnité une somme de 15 millions de piastres. Herrera reprit les rênes du gouvernement ; le temps de sa présidence, interrompue par l’usurpation de Pareues et par l’invasion américaine, n’était pas encore terminé. Le parti rétrograde fut appelé par lui aux affaires ; rien d’important ne signala ce dernier acte de son pouvoir. La nation songeait à lui donner un successeur capable de répondre au vœu public ; mais elle se trompa encore dans son choix : le ministre de la guerre Arista, élu par les états (l850), n’était point à la hauteur des exigences un moment. Il ne fit rien pour mettre un terme à la désorganisation qui était effroyable, aux dévastations des Indiens, aux invasions d’aventuriers, à la détresse du trésor. Deux ans s’écoulèrent sans qu’une seule question importante, diplomatique ou administrative pût être décidée. Tel était l’état des choses, lorsqu’une insurrection éclata à Uuadnhixaru au mois de juillet 1852. Arista tomba du pouvoir et fut remplacé par Ceballos ; mais l’anarchie continua à se manifester par des révoltes populaires, par des insurrections militaires. Santa-Anna, quittant Carthagène où il s’était retiré, revint alors au Mexique et reprit le timon des affaires au mois d’avril 1S53. La fédération fut abolie ; on conféra à Santa-Anna le titre d’Altesse sérénissime ; l’ordre des chevaliers de Guadalupe, institué par l’empereur Iturbide, fut rétabli ; les jésuites, expulsés du Mexique au milieu du siècle dernier, y furent rappelés ; l’instruction publique fut restreinte, l’armée rétablie sur un pied inouï de force et de luxe ; douze mille nominations d’ofrieiers de tous grades surchargèrent les cadres de l’armée, dont l’état-major n’était déjà que trop nombreux. La nation attendait avec impatience le fruit de tant de sacrifices. Les barbares du Nord ravageaient les États de Sonora, de Sinaloa, de Chihuahua, de Durango, de Zacatecas ; des bandes formidables de brigands désolaient Jaliseo ; la moitié du Mexique demandait des défenseurs à l’armée, et l’armée, sourde à son appel, passait le temps à parader sous les fenêtres de Son Altesse Sérénissime. Le premier interprète du mécontentement général fut le gouverneur de Guerrero, Alvarez, surnommé le Roi du Sud. Il refusa obéissance au gouvernement et protesta contre tous ses actes. Santa-Anna envoya contre lui ses plus belles, ses meilleures troupes ; mais les insurgés, forts dans leurs montagnes, harcelaient l’armée et devenaient insaisissables lorsqu’on les poursuivait. Bientôt l’insurrection gagna Mechoacan, Guanaxuato. San-Luis et Nuevo-Léon. Santa-Anna tint bon tant que dura le produit des contributions imposées à la nation ; il abdiqua le pouvoir dès qu’il vit les coffres vides et s’en retourna à Carthagène, terminant ce nouvel acte de sa carrière politique par l’exil, comme il avait terminé les deux précédents. Alvarez fut proclamé à son tour dictateur (1855) ; mais peu ambitieux du pouvoir et très-jaloux de sa liberté d’action, il se retira en laissant à sa place Comonfort (I856). La présidence de Comonfort, qui avait essayé un moment de se poser en conciliateur entre la démocratie et la réaction cléricale alors fort menaçante, dura peu. Un pronunciamento militaire provoqué par Comonfort lui-même, puis tourné contre lui, renversa son impuissante dictature et donna le pouvoir à un nouveau président, le général Félix Zuloaga (1858), qui arrivait au gouvernement, soutenu par 1 armée et investi de la mission de faire prévaloir le pian dit de Tacubaya. Le nouveau pouvoir, sorti vainqueur d’un combat engagé dans les rues de Mexico, ne tarda point à être reconnu par le corps diplomatique. Mais, le parti démocratique, vaincu à Mexico, s’agitait d’un autre côté dans les provinces, et relevait comme un drapeau la constitution de 1857. Le vice-président de la république, Benito Juarez, organisait un gouvernement un nom de cette constitution ; après avoir erré de ville en ville, il finissait par aller s’établir à la Vera-Cruz, dont son parti était parvenu à s’emparer. Quant à Zuloaga, qui avait donné des preuves d’une déplorable médiocrité politique, il devenait l’objet de la déconsidération et de la défiance universelles. Le général Echeagaray, au lieu de tourner ses efforts contre la Vera-Cruz, qu’il était chargé de prendre, s’insurgea contre le président Zuloaga, de qui il tenait ses pouvoirs. Celui-ci eut tout juste le temps de se réfugier à la légation britannique, tandis que le général Roules devenait le maître de la capitale et du gouvernement. Le mot de ce pronunciainento, né de la confusion universelle, était la fusion ou la réconciliation des deux partis en lutte. Juarez n’accepta pas les propositions qui lui furent soumises. Le ler janvier 1859, le générai Miramon fut élu président par le parti rétrograde ; mais, le 24 du même mois, il rétablit lui-même Zuloaga dans son ancienne fonction de président. Il était bien clair cependant que ce pouvoir restauré s’éclipsait entièrement derrière le protecteur qui le remettait ainsi sur pied. C’est ce que le général Zuloaga lui-même était contraint de reconnaître ; et, pressé par l’opinion, une semaine était à peine écoulée qu’il abdiquait l’autorité présidentielle et la remettait par un décret à Miramon. Depuis que les partis étaient aux prises, c’est-à-dire depuis le mois de janvier 1858, il s’était livrés batailles importantes, 24 combats de second ordre, 39 engagements d’un degré inférieur, en tout 71 actions militaires, sur lesquelles 16 seulement étaient à l’avantage des constitutionnels ; le gouvernement de Miramon avait eu la victoire dans les autres. Mais le 8 août 1860, il était battu à Silao, par le général Gonzalez Ortega, et, le 22 décembre 1860, une seconde victoire des libéraux, dite de San-Miguelitto, décida du sort de Mexico. Vers la mi-janvier 1861, Juarez, devenu président de la république, arrivait dans la capitale et y constituait le gouvernement nouveau. La politique démocratique s’attestait bientôt par des actes significatifs au point de vue intérieur comme au point de vue extérieur. Tandis que Juarez faisait des messages et que le congrès se livrait à ses travaux, le désordre et la violence étaient partout. Les bandes réactionnaires tenaient en échec les forces du gouvernement, les battaient quelquefois et parcouraient le pays rançonné par les deux partis. Un jour, un ancien ministre des relations extérieures de Juarez, M. Ocainpo, se trouvant dans une campagne à quelque distance de Mexico, fut pris par une bande de cléricaux ; ou le fusilla aussitôt. À cet acte sanglant, le congrès répondait en mettant à prix les têtes de Marquez et des autres chefs de la réaction qui ravageaient et pillaient le pays, prélevant partout sur leur passage des contributions forcées, sans distinguer d’ailleurs entre les nationaux et les étrangers. Le 17 juillet, le congrès, en présence de la pénurie du trésor, votait en séance secrète et le président approuvait une loi suspendant pour deux ans le payement des sommes affectées, en vertu de conventions diplomatiques, à des intérêts étrangers. Sous le coup de cette loi, les représentants de la France et de l’Angleterre, M, Dubois de Saligny et sir Charles Wyke, sans attendre d’autres instructions, interrompirent leurs relations officielles avec le gouvernement de Juarez.

Le gouvernement français parut prendre particulièrement à cœur les intérêts lésés de ses nationaux et s’adressa aux cabinets de Madrid et de Londres afin de s’entendre sur la conduite à suivre. Les négociations entamées à ce sujet amenèrent entre ces trois puissances la signature du traité de Londres (31 octobre 1861), relatif à une entente commune pour exiger le payement des indemnités dues à leurs nationaux. Mais pendant que les gouments d’Espagne et d’Angleterre voyaient uniquement l’objet précité comme le but à atteindre, la triste politique qui dirigeait alors les destinées de la France voyait dans cet objet non un but, mais un prétexte pour se lancer dans une entreprise absurde que le ministre Rouher qualifiait, dans sa phraséologie pompeuse, « la plus grande entreprise du règne. » Cette entreprise consistait à renverser la république mexicaine et à fonder à la place un empire destiné à contre-balancer la puissance des États-Unis d’Amérique et à paralyser leur développement. Rien n’était plus chimérique qu’un pareil projet. Mais l’homme qui s’était lancé dans les échauffourées de Boulogne et de Strasbourg, qui devait précipiter la France dans l’inepte guerre de 1870, se laissa d’autant plus facilement séduire par cette idée, qu’il y était poussé à la fois par les agents du parti clérical mexicain, désireux de renverser à tout prix le libéral président Juarez, et par les intrigants de son entourage, uniquement préoccupés de bénéficier sur les bons Jecker. À l’article que nous avons consacré au trop fameux banquier suisse (v. Jeckkk), nous avons raconté cette honteuse affaire, oui fut la cause principale de la guerre, et la conduite parfaitement correcte tenue par le président Juarez. Nous n’y reviendrons donc pas. Vers la fin de 1861, un corps expéditionnaire franco-anglo-espagnol partit pour le Mexique, afin d’obtenir par la force la réparation des griefs des trois puissances. À cette nouvelle, le congrès mexicain confia au président Juarez de pleins pouvoirs. Celui-ci s’apprêta à faire une vigoureuse résistance, s’il ne pouvait parvenir à aplanir la différend par les voies diplomatiques. Dès qu’il apprit l’arrivée des forces alliées (janvier 1862), il fit faire le vida autour d’elles, les tint isolées, sans communication avec l’intérieur, et les fit cerner par des guérillas qui avaient pour mission, si les Européens s’avançaient, de se retirer en enlevant tous moyens de transport et toutes ressources en vivres. Peu après, il entama des négociations avec les chefs du corps expéditionnaire et se montra prêt à faire toutes les concessions raisonnables. Ces ouvertures ayant été agréées, on convint d’une entrevue qui eut lieu à la Soledad, le 15 février, et à laquelle assistèrent Manuel Doblado, ministre des affaires étrangères du Mexique, l’amiral Jurien de La Gravière, représentant la France, Prim, représentant l’Espagne, et sir Charles Wylte, chargé des intérêts anglais. Ce fut dans cette entrevue que furent signés les préliminaires de paix devenus fameux sous le nom de convention de la Soledad (19 février l86l). Cette convention suspendait l’expédition, en fixant au 15 avril l’ouverture des négociations de paix, et reconnaissait que le gouvernement existant au Mexique i avait tous les titres et la force d’opinion nécessaires pour rester maître du pays. En ce moment, les chefs de l’expédition avaient cessé de s’entendre sur la façon dont on devait interpréter le traité de Londres. Ils s’étaient divisés dès l’arrivée à la Vera-Cruz, sur l’envoi des ultimatums respectifs des trois puissances. Et ce n’était pas sans une profonde stupéfaction que sir Wyke et le général Prim avaient vu tout à coup que le cabinet des Tuileries exigeait, dans son ultimatum, « la pleine et immédiate exécution » du traité passé par Jecker. Aussi, sachant à quoi s’en tenir sur la moralité de ce traité, ils refusèrent d’en demander l’exécution et de suivre le gouvernement français dans cette voie. Il résultait de cette situation des tiraillements permanents, et, à dater du jour où les alliés se séparèrent, les Français allant camper à Tehuacan, les Espagnols à Orizaba, ce qui restait d’Anglais sur le sol mexicain à Cordova, on peut dire qu’il n’y avait plus d’accord entre eux. Sur ces entrefaites se produisit un incident qui augmenta ces complications en faisant sortir d’une situation si tendue une rupture nouvelle et le rembarquement des troupes espagnoles. Il arriva au Mexique de nouveaux renforts français, expédiés dès le mois de janvier avec le générai de Lorencez. L’augmentation du contingent français froissait secrètement le général Prim, qui avait aspiré jusqu’alors à une certaine prépondérance, qui avait exercé même cette prépondérance à la faveur de l’infériorité de notre corps expéditionnaire, et qui voyait sa position affaiblie dans la suite des opérations. Le 8 avril, les plénipotentiaires des trois puissances se donnèrent rendez-vous à Orizaba, et là éclata définitivement la rupture. Après cette conférence, dans laquelle les représentants de l’Angleterre et de l’Espagne refusèrent de suivre le cabinet des Tuileries dans ses exigences insensées et de se lancer dans une aventure désastreuse, sir Wyke ne songea plus qu’à négocier un arrangement avec le gouvernement mexicain ; le général Prim envoya un chargé d’affaires, M. Caballo, à Mexico, tandis qu’il rembarquait ses troupes en partie sur des vaisseaux anglais, et la France resta seule au Mexique en face de Juarez. L’armée française reçut alors l’ordre de commencer les hostilités sous les ordres du général de Lorencez, et le commandant en chef de l’expédition, l’amiral Jurien de La Gravière, vivement blâmé et désavoué pour avoir signé la convention de la Soledad, fut rappelé en France. À la veille des hostilités, le 7 mars 1862, M. de La Fuente, ministre plénipotentiaire de la république mexicaine à Paris, adressait une longue lettre à notre ministre des affaires étrangères, M. Thouvenel. Il résulte nettement de ce document, qui se caractérise par un ton de franchise peu habituel aux notes officielles, qu’il n’a pas dépendu du gouvernement de Juarez d’éviter la guerre, et qu’il nous a offert toutes les satisfactions que nous pouvions réclamer. Après avoir repoussé tous les prétextes invoqués pour justifier l’agression de la France, M. de La Fuente ne laisse pas ignorer quels obstacles rencontrera l’intervention étrangère, ayant pour objet d’imposer au Mexique par la force un prince étranger pour roi, car on n’ignorait plus les projets de Napoléon sur le Mexique : « Les révolutions du Mexique, dit-il, sont jetées à la face de notre gouvernement. Les vrais maux du pays viennent des luttes incessantes que nous avons eu à soutenir contre la domination étrangère et contre les classes privilégiées. Avec nos révolutions, nous avons conquis l’indépendance nationale, la liberté des esclaves, la destruction de notre oligarchie cléricale et militaire, qui multipliait les séditions et menaçait incessamment l’existence de la république ; la liberté de conscience, le mariage civil, l’amélioration de la condition civile des étrangers, qui ont été placés sur la ligne d’égalité avec les Mexicains. Et, puisqu’il est question d’intervenir et d’imposer au Mexique une monarchie étrangère, il convient d’ajouter que nous comptons l’établissement des institutions républicaines parmi les bienfaits que nous avons retirés de nos révolutions. Ces institutions, le Mexique les aime, et afin de maintenir la république, nous avons fait et sommes résolus à faire toute espèce de sacrifices. Il a fallu supprimer l’histoire, négliger des preuves sans nombre et démentir des relations journalières pour arriver à la conclusion que le gouvernement mexicain est sans scrupule et le pays barbare ; et cependant ceci se fait dans quelques-uns de vos documents officiels. On s’est basé, pour en agir ainsi, sur la faiblesse du Mexique. Mais il n’est pas aussi faible que l’Espagne du temps de Napoléon Ier. Le Mexique pourra être conquis, mais non soumis ; et il ne sera pas conquis sans avoir donné des preuves du courage et des vertus qu’on lui nie. Le Mexique, après avoir secoué la domination monarchique de l’Espagne, domination séculaire et profondément enracinée ; le Mexique, qui ne voulut même pas son libérateur pour roi ; le Mexique, enfin, qui vient de sortir victorieux d’une lutte contre les restes d’une oligarchie qui pesait sur sa démocratie, n’acceptera jamais, à aucun prix, la domination étrangère. Cette monarchie, très-difficile à créer, sera encore bien plus difficile à maintenir. Semblable entreprise, ruineuse et terrible pour nous, le sera encore davantage pour ses promoteurs. Le Mexique est faible sans doute, en comparaison des puissances qui envahissent son sol, mais il possède la conscience do ses droits outragés, le patriotisme qui multipliera ses efforts, et les hautes convictions qu’en soutenant avec honneur cette lutte périlleuse, il lui sera donné de préserver le beau continent de Christophe Colomb du cataclysme dont on le menace. » La note de M. de La Fuente se termine par la protestation suivante : « Le gouvernement français ne désirait pas la paix avec le Mexique. Longtemps ce gouvernement, par ses agents, n’a pas dit un mot ni écrit une ligne sur la république qui ne fût inspiré par la colère et le dédain, et ceci au mépris de la raison et des convenances. Telle est la paix qu’il a laissée au Mexique, une misérable paix ; et, quoi qu’on en dise, c’est le Mexique et non la France qui a donné des preuves réitérées d’une patience exemplaire… Je proteste hautement, monsieur le ministre, au nom de mon gouvernement, que tous les maux qui proviendront de cette guerre injustifiable, causée directement ou.indirectement par l’action des troupes et des agents de la France, retomberont exclusivement sur la responsabilité de son gouvernement. Du reste, le Mexique n’a rien à craindre si la Providence protège les droits d’un peuple qui les maintient avec dignité. » Pendant que Juarez se préparait a une héroïque résistance, la petite année française s’avançait dans l’intérieur du pays, et, au commencement de mai, elle se trouvait en face de Puebla. La tentative dirigée, le 5 mai, contre cette ville échoua complètement et il fallut battre en retraite pour attendre des renforts. L’armée française, qui devait être portée à 35,000 hommes, fut alors placée sous les ordres d’un nouveau commandant en chef, le général Forey. À la fin de février 1863, les troupes françaises marchèrent en avant, les unes venant par la route de lalapa et de Perote, les autres partant directement d’Orizaba, franchissant de nouveau les défilés de Cumbres, et toutes se réunissant sur le plateau pour marcher ensemble sur Puebla, où Gonzalez Ortega venait de se réfugier» Le 16 mars, l’armée française tout entière se concentrait au village d’Amazoe, et, le 18, chaque corps ayant pris son poste pour l’action, le siège commença. Mais bientôt la défuite de l’armée de secours commandée par Comonfort. l’impossibilité désormais démontrée pour les Mexicains de communiquer avec l’extérieur ou de se frayer un passage à travers nos lignes trop bien gardées, paralysèrent la résistance, et, dès le 14 mai, le général Ortega essaya de négocier un armistice d’abord, une capitulation ensuite, pour tâcher au moins de se retirer avec une armée. Le général Porey n’accepta qu’une reddition sans conditions, menaçant la garnison de ta passer au fil de l’ôpée si elle attendait l’assaut général, si elle ne se constituait pas simplement prisonnière après ’être sortie avec les honneurs de la guerre- De plus en plus cerné, Ortega crut avoir assez fait. Il lit briser les armes, enclouer les canons, détruire les drapeaux et se mit k la disposition du général Forey. Il restait entre les mains de l’armée française 26 généraux, 225 officiers supérieurs, 800 officiers subalternes et à peu près 12,000 soldats prisonniers. À la première nouvelle de la reddition de la ville assiégée, dès le 27 mai. Juarez rendait un décret transportant à San-Luisde Potosi les pouvoirs de la fédération mexicaine. Le 10 juin, le général Porey, après s’être fait précéder par le général Bazaine, entrait à son tour dans Mexico à la tête de l’armée, au milieu des cléricaux. À partir de ce moment, tout ce qui se passa à Mexico ne fut en quelque sorte que la mise en scène de la monarchie. Le général Forey créait par un décret une junte composée de trente-cinq notables, désignés par le ministre de France. Cette junte, à son tour, devait nommer un triumvirat de citoyens mexicains pour exercer le pouvoir exécutif et convoquer une assemblée de nouveaux notables, au nombre do 215, pour choisir la forme définitive du gouvernement du Mexique. Le triumvirat fut composé du général Almonte, du général Salas et de l’archevêque de Mexico, Labasrida, qui était absent et qui fut provisoirement remplacé par un évêque. L’assemblée des notables, choisie avec soin, se réunit le 7 juillet, et, selon les instructions qui lui avaient été données, elle se prononça pour le rétablissement de l’empire en proposant d’oli’rir la couronne à l’archiduc Maximilien d’Autriche, désigné par Napoléon III. Le 10 avril 1804, l’archiduc recevait solennellement, à Miramar, la députation mexicaine chargée de lui olfrir la couronne, et l’empire était immédiatement proclamé. L’empereur Maximilien et l’impératrice Charlotte arrivèrent, à la fin de mai 1864, devant la Vera-Cruz sur la frégate autrichienne Novara. Le 12 juin, les nouveaux souverains firent leur entrée à Mexico, entourés de toutes les pompes officielles, au milieu de l’empressement d’une population curieuse, facilement séduite par la nouveauté d’un tel spectacle. Cependant le président Juurez, qui ne renonçait pas à la lutte, tenait toujours au nord du Mexique avec des forces assez sérieuses. L’armée française, dirigée par le maréchal Bazaine et bientôt secondée par les contingents mexicains, belges ou autrichiens, se trouva engagée dans une série d’opérations destinées à rayonner jusqu’aux extrémités de la république, à déloger successivement de tous les points principaux les forces libérales ralliées au drapeau du président. Pendant ce temps, Maximilien essayait, mais en vain, d’asseoir d’une façon stable son gouvernement. Bien qu’il eût attiré à sa cause, par des offres brillantes, un certain nombre des généraux de Juarez, bien qu’il fût appuyé par le clergé, il se trouvait en présence de difficultés sans cesse renaissantes. Vainement, par l’intermédiaire de la France, il avait essayé de se créer des ressources en négociant à un taux ruineux le fameux emprunt mexicain, il n’avait touché que des sommes tout à fait insu fusantes et se trouvait paralysé par le manque d’argent. D’un autre côte, s’il avait été reconnu par les puissances de l’Europe, il était une puissance qui non-seulement avait refusé de le reconnaître, qui ne reconnaissait qu’une autorité au Mexique, celle de Juarez, et qui avait résolu d’empêcher l’établissement sur ses frontières d’un gouvernement monarchique : c’étaient les États-Unis. Le gouvernement de Washington s’était adressé, en conséquence, au cabinet des Tuileries, et avait réclamé avec énergie la fin de l’occupation française au Mexique. Or, devant cette attitude impérative et pleine de fermeté, le chef du gouvernement français voyant, mais trop tard, dans quelle inepte et ruineuse entreprise il avait jeté la France, comprenant que ce serait le comble de la folie d’entrer en lutte avec les États-Unis, résolut d’abandonner Maximilien à lui-même. Enfin la résistance des patriotes, organisée par l’infatigable Juarez, continuait toujours. Quant au parti clérical, lui qui avait tant intrigué, lui qui avait fait croire à Maximilien qu’il avait une mission providentielle a remplir, qu’un peuple entier l’attendait, comme un nouveau messie, pour le sauver de l’abîme, il n’était pas content. Les tendances semi-libérales de l’empereur l’exaspéraient, et déjà il créait des difficultés au nouveau gouvernement. C’est en ces circonstances que Maximilien édicta le fameux décret du 3 octobre 1865, qui mettait hors la loi et déférait aux cours martiales tous ceux qui seraient pris les armes à la main. Ce décret, qui a coûté tant d’existences et tant de larmes, paraissait alors que déjà des cours martiales françaises fonctionnaient énergiquement. L’effet qu’il produisit fut contraire à ce que l’on en espérait ; un sentiment de légitime indignation parcourut le pays ; la résistance y puisa de nouvelles forces, les défections commencèrent et la ville de la Paz, capitale de la basse Californie, fut enlevée aux impérialistes. En ce moment, l’armée impériale (décembre 1805) comptait, sans parler d’une artillerie considérable, 35,650 fantassins, cavaliers et artilleurs, avec 11.073 chevaux et, en troupes étrangères, 1,334 Belges, 6,545 Autrichiens. Notre corps expéditionnaire était supérieur à 28,000 hommes ; toutes les places du pays étaient prises ; il ne restait rien à Juarez qu’un abri dans quelque cabane, le long du Rio Grande.

Avec 1836 commence la période des désastres qui, coup sur coup, ont renversé le fragile empire de Maximilien ; l’esprit d’indépendance, l’amour du sol national la fidélité au principe républicain avaient soulevé le Tamaulipas, le Nuevo-Léon, le Zacaiecas et le Miehoaeaii. Sur ces entrefaites, les Autrichiens se faisaient battre le long du Rio Bravo ; Escobedo, général républicain, rentrait à Matamoros, et les routes de Queretaro, San-Luis et Monterey étaient coupées par des bandes de hardis guérilleros. Voilà où l’on en était après deux ans de règne I Les caisses étaient vides, l’armée réclamait sa solde et menaçait de faire défection ; la débandade était certaine ; le pillage pouvait la suivre et notre corps d’armée courir de grands risques. Le maréchal Bazaine, dans celte situation, avança 5 millions à la cour de Mexico (5 février 1866). Il en fut blâmé par le cabinet des Tuileries, qui lui défendit de consentir de nouveau à aucune libéralité semblable, La chute de l’empire mexicain était certaine, résolue, fatale. Notre ministre des affaires étrangères, dans sa circulaire en date du 26 janvier 1866, écrivait à notre représentant au Mexique : « Il faut que notre occupation ait un terme, et nous devons nous y préparer sans retard. L’empereur vous charge, monsieur, de le fixer de concert avec son auguste allié, après qu’une loyale discussion, à laquelle M. le maréchal Bazaine est naturellement appelé à prendre part, aura déterminé les moyens de garantir, autant que possible, les intérêts du gouvernement mexicain, la sûreté de nos créances et les réclamations de nos nationaux. Le désir de Sa Majesté est que l’évacuation puisse commencer vers l’automne prochain… »

Au mois de septembre de la même année, le général Castelnau, aide de camp de Napoléon III, partait pour Mexico, avec la mission de provoquer l’abdication de Maximilien et d’organiser le rapatriement de nos troupes, non en trois détachements, ainsi qu’il en avait été décidé antérieurement, mais en un seul corps, capable d’arrêter toute velléité d’attaque de la part des juarisies, dont le nombre et les forces augmentaient sans cesse. Mais, après avoir hésité quelque temps, Maximilien, qui avait accepté le concours des généraux Marquez et Miramon, que les cléricaux avaient fait revenir d’Europe, refusa de voir le général Casteinau et résolut de garder provisoirement le pouvoir. Une junte, convoquée par lui le 14 janvier 1867, se prononça à l’unanimité moins cinq voix pour le maintien de. l’empire. L’occupation française touchait désormais à son terme. À la fin de janvier 1867, l’armée française, en pleine retraite, s’allongeait comme un ruban d’acier sur la route poudreuse de Mexico à Vera-Cruz. Elle n’était pas inquiétée ; les libéraux se tenaient à distance sur son passage, mais, partout ailleurs, ils avançaient sans obstacle. Après le départ des Français, le soulèvement contre l’étranger prit soudainement un caractère national ; les guérillas républicaines sortaient de terre, et, vers la fin du mois de février, quand l’impérialisme clérical resta seul en présence de ses adversaires, il ne tenait déjà plus que quatre villes importantes, où il était refoulé : Mexico, Puebla, Vera-Cruz et Queretaro. Depuis les grandes guerres de l’indépendance, le Mexique n’avait pas vu des actions si fortement engagées, si obstinément soutenues. La prise de Puebla par les juaristes, consommée le 2 avril, fut considérée comme un événement militaire qui devait décider du sort de la campagne ; ainsi se trouvait rompue la ligne de Mexico à Vera-Cruz, que les impérialistes avaient tant d’intérêt à conserver, et la fuite de l’empereur, en cas d’insuccès de son côté, était rendue très-difficile. Résolu à prendre le commandement en chef, Maximilien partit le 13 mars pour la ville de Queretaro, dont Miramon, Mejia et Marquez avaient fait leur place d’armes. Il laissait Mexico sous la garde du général Tabera, ministre de la guerre, et du général O’Harran, avec le titre de préfet politique. Les libéraux vinrent aussitôt, sous les ordres du général Escobedo, mettre le siège devant Queretaro, où, par suite de la trahison du colonel Lopez, les troupes républicaines pénétrèrent dans la nuit du 14 au 15 mai. Maximilien y fut fait prisonnier sans conditions, avec Thomas Mejia, Castillo, plusieurs généraux, 14 colonels, 18 lieutenantscolonels, 15 capitaines. 86 majors, 108 lieutenants et quelques milliers de soldats. Le 20 juin, la ville de Mexico, après un siège de soixante-dix-huit jours, capitulait également devant les forces républicaines, commandées par le général Porfirio Diaz. Le lendemain mutin, la proclamation suivante, apportée par le général Diaz de la Vega, était publiée dans la ville :

« RÉPUBLIQUE MEXICAINE.

Quartier général, Queretaro, 19 juin 1867.

’ » Le secrétaire do la guerre vient de communiquer ce qui suit : Le 14 du présent mois, à onze heures du soir, le conseil de guerre a condanuné à mort Ferdinand-Muximilien de Habsbourg, don Miguel Miramon et don Thomas Mejia. Le major général de ce département a confirmé la sentence le 15 et ordonné qu’elle fût exécutée le 16 ; mais elle a été suspendue jusqu’aujourd’hui par le gouvernement suprême. Il est maintenant sept heures du matin, et la sentence a été exécutée, et les ci-dessus nommés, Maximilien, Miramon et Mejia ont été fusillés.

Signé.- Escobbdo.

On peut consulter à ce sujet notre article Maximilien.

Le 15 juillet 1867, Benito Juarez faisait son entrée triomphale à Mexico, où il était accueilli avec enthousiasme. Le Mexique, rendu enfin à lui-même, pouvait entreprendre de se relever de ses ruines. Après avoir convoqué un congrès national, auquel il rendit compte des efforts qu’il avait faits pour délivrer la patrie, l’illustre Juarez présenta aux représentants du pays une série de mesures réparatrices et libérales, et il fut réélu président en octobre 1867. Malgré l’immense popularité dont il jouissait alors, Juarez ne pur. parvenir à rendre complètement le calme au pays, à apaiser les ambitions malsaines, à empêcher de se produire sur cet immense territoire la maladie chronique et désastreuse des insurrections locales. Les cléricaux continuèrent après leur défaite à agiter le pays, et des généraux qui s’étaient ralliés a l’étranger essayèrent, sinon de le renverser, du moins de former une sorte de gouvernement partiel dans les provinces. Ortega, un des principaux instigateurs de mouvements qui perpétuaient le troubla et le malaise au Mexique, finit par se soumettre et reconnut l’autorité du président. Celui-ci, dans l’espoir de mettre un terme à l’agitation, lit adopter par le congrès une loi d’amnistie en faveur de tous ceux qui avaient fait acte d’adhésion au gouvernement de Maximilien. Mais cette mesure do clémence eut peu d’effet. Malgré les difficultés do la situation, malgré la pénurie du trésor, Juarez n’en faisait pas moins de suprêmes efforts pour améliorer l’état du pays, soit par des lois libérales supprimant le timbre et le cautionnement pour les journaux, appliquant le jury en matière de presse, soit en établissant des réseaux télégraphiques et en donnant une active impulsion à la création des chemins de fer. Malheureusement, le budget présentait un énorme déficit. Les dépenses pour l’exercice de 1870 s’élevaient à 128,176,805 francs, pendant que les recettes ne s’élevaient qu’à 70,816,765 francs. Pour combler ce vide de 5i,360.040 francs, le gouvernement était contraint de recourir à des emprunts forcés et à de nouvelles contributions, dont la perception, dans l’état du pays, était des plus difficiles. À cette époque, les insurrections s’étendaient sur une énorme partie du territoire, dans le Méchoagan, le Durango, le Queretaro, le Moreles, etc. Lozada se proclama indépendant dans l’État de Jalisco ; Palacio prononça la déchéance de Juarez dans l’État de Sinaloa, et l’État de San-Luis devint Ier foyer d’un soulèvement formidable, qui ne fut réprimé qu’avec une peine extrême. Au mois d’octobre 1871, le congrès se réunit pour nommer un nouveau président, et Juarez fut proclamé pour la troisième fois chef du pouvoir exécutif. La minorité du congrès, qui lui était hostile, l’accusa de vouloir se perpétuer au pouvoir, se retira de la salle des séances après la proclamation du vote et se répandit dans les provinces, où des insurrections nouvelles éclatèrent de tous côtés. Peu de jours avant le 1er octobre, les généraux Negrete, Toledo, Riveras et Echeverria s’étaient, emparés de la citadelle de Mexico ; mais les troupes de Juarez avaient repris peu après la citadelle d’assaut et passé pur les armes 250 insurgés. À la suite de l’élection présidentielle, on vit se prononcer contre Juarez le général Pedro Martinez à Ualliano, Marquez et Escobedo à Sinaloa, Geronimo et-Trevino dans le Nouveau-Léon, etc. Au mois de janvier 1872, le général insurgé Diaz battit les troupes du gouvernement dans l’État d’Oaxaca et Quiroga menaça Matamoros. Avec son énergie habituelle, Juarez entreprit de faire triompher la légalité ; mais il n’était pas parvenu à comprimer ces soulèvements, qui menaçaient gravement son pouvoir, lorsqu’il fut emporté par une attaque d’apoplexie (juillet 1872). Lerdo de Tejeda, un de ses plus habiles conseillers et qui avait fait preuve du plus grand patriotisme pendant la guerre contre Maximilien, fut appelé par le congrès à lui succéder comme président de la république. Il proclama une amnistie, reçut la soumission de Porfirio Diaz, le principal chef des insurgés, et le pays jouit alors d’un calme presque complet. En 1873, •le gouvernement mexicain a autorisé la construction de deux nouvelles lignes de chemins de fer, l’une allant du Rio Grande à Mexico par le Texas, l’autre de Mexico au Pacifique. Au mois de juin de cette même année, le congrès a adopté une loi très-importante, q»i proclame l’indépendance de l’Église et de l’État, la complète liberté de conscience, interdit aux corporations religieuses de posséder des biens immeubles, exempte les habitants du Mexique du serment religieux et ne reconnaît pas les vœux religieux. Elle déclare, en outre, que le mariage et les autres actes de la vie civile sont de la compétence exclusive des fonctionnaires et des autorités de l’ordre civil. La suppression des couvents a provoqué des troubles dans quelques villes. Les jésuites ayant tenté de soulever la population et s’étant fait remarquer par leurs violences, le président Lerdo les a chassés du Mexique.

Pour compléter cet article historique, nous donnerons la liste des hommes qui se sont succédé au pouvoir depuis la proclamation de l’indépendance.

1821 Iturbide, généralissime.

1822 Iturbide, empereur.

1823 Les généraux Guerro, Bravo et Negrete, dictateurs.

1824 Le général Guadelupe Vittoria, président.

1827 Le général Pedraza, président.

1828 Guerrero, président.

1829 Guerrero, dictateur.

1830 Le général Bustamenle, président.

1832 Pedraza, président.

1833 Santa-Anna, président.

1835 Baragan, président.

1835 Santa-Anna, dictateur.

1836 Bustamente, président.

1841 Paredes, président provisoire.

1841 Santa-Anna, président.

1843 Santa-Anna, dictateur.

1845 Herrera, président.

1846 Paredes, président.

1846 Solas, président provisoire.

1846 Santa-Anna, dictateur et généralissime.

1847 Peîia y PeBa, président par intérim.

1848 Herrera, président.

1851 Arista, président.

1852 Ceballos, président.

1853 Santa-Anna, dictateur.

1855 Carrera, président provisoire.

1855 Alvarez, dictateur.

1856 Comonfort, président.

1858 F Zuloaga, président.

1859 Miramon, président.

1861 Juarez, président.

1864 Maximilien, empereur.

1867 Juarez, président, réélu en 1871.

1872 Lerdo de Tejada, réélu en 1S76.

Deux conciles ont été tenus au Mexique. Dans le premier, présidé par le légat du pape Clément VI, Martin de Valence, en 1525, on ordonna que ceux qui se feraient chrétiens n’auraient qu’une seule femme, et qu’ils l’épouseraient selon les cérémonies accoutumées de l’Église. On y fit aussi plusieurs règlements sur l’instruction des fidèles pour les disposer au baptême et pour les entretenir dans la foi dont ils faisaient profession, Dans le second, tenu, en 1585, sous la présidence de l’archevêque de Mexico, Pierre Moya de Contreras, on promulgua un très-grand nombre de règlements relatifs à la direction des églises et aux Indiens convertis au catholicisme.

Agriculture, commerce, industrie. Chose digne de remarque, le Mexique a été la première terre continentale que les Européens aient colonisée. Or, ce pays conquis par les Espagnols dès 1519, est à peine plus peuplé qu’alors, et, de tous les États américains, c’est, sans contredit, le plus arriéré. Les établissements anglais et hollandais, fondés cent ans plus lard, n’ont cessé, au contraire, de progresser. Une partie du Mexique est située sous le tropique du Cancer, l’autre en dehors du tropique. Cette dernière, de beaucoup la moins peuplée, est cependant celle qui offre relativement le plus de ressources agricoles. Nous nous contenterons de signaler cette anomalie sans chercher à l’expliquer, bien que ses causes paraissent entièrement dériver du mode de colonisation adopté par les Espagnols, qui furent si longtemps possesseurs du Mexique.

L’agriculture variant dans ce pays selon les régions, il est assez difficile d en donner une idée exacte en traits généraux. Il nous semble donc préférable d’en indiquer brièvement la situation dans quelques États destinés en quelque sorte à servir de types.

Dans le Yucatan, qui forme une presqu’île baignée par la mer des Antilles et séparée du continent par une chaîne de montagnes d’un accès très-difficile, le territoire est plat, avec une lisière de lagunes et de marécages qui cessent à une lieue environ de la mer pour faire place à un sol pierreux, sec, plat, formé d’un calcaire coquillier caverneux, très-friable, couvert seulement d’une végétation rabougrie où se remarquent des yuccas, des bromélius, des bignonias, des céibas, etc. Du côté de Campèche, le sol, un peu plus fertile, était autrefois le théâtre d’une exploitation fructueuse du bois de campèche, qui y abondait. Aujourd’hui, les forêts sont à peu près épuisées, et, comme on n’a pas pris soin de les renouveler, avec elles a disparu la source de revenus qui attirait de ce côté un certain mouvement de population. Dans cette contrée, il y a peu de bétail. Toute la culture consiste à brûler les broussailles et les taillis un peu avant la saison des pluies et à jeter la semence dans des trous creusés au moyen d’un pieu. Dans les pays secs, on ne cultive guère que le maïs et le jeneqiten, espèce d’agave, qui fournit une fibre dure, lisse et résisLante avec laquelle on fait des hamacs et des cordages. Sur les bords des cours d’eau, on cultive, en outre, le riz, la canne à sucre. Ces diverses récoltes ne peuvent être obtenues plus de deux à trois fois sur le même écobuage- On ne revient à la même place qu’au bout de quinze ans. Les semailles du maïs se font en juin, aussitôt après les premières ondées ; la récolte a lieu dans les mois de février ou de mars de l’année suivante. Au mois d’octobre, on ploie les tiges de manière à incliner les épis vers la terre, pour éviter la pourriture. L’usage de la charrue n’a commencé à s’introduire que dans les districts de Campèche, de Hopelchen et de Champoton. La culture du jenequen est en quelque sorte propre au Yucatan. Le jenequen se multiplie au moyen de drageons. Au bout de cinq ans, il est susceptible d’être exploité, et ne dure guère ensuite que six ans, après lesquels il périt d’épuisement. La fibre se tire des feuilles, que l’on enlève tous les mois.

L’État de Tabasco, dans la région maritime, est formé d’alluvions. Les rivières et les fleuves y sont aussi abondants qu’ils sont rares dans le Yucatan. Les inondations y sont périodiques à l’époque des pluies et couvrent de vastes espaces, surtout aux bords de la mer. Cette humidité surabondante, jointe aune haute température, donne à la végétation une vigueur extraordinaire, mais est très-funeste à la vie humaine. Aussi la population y est-elle très-clair-semée. Malgré la fertilité extrême de la contrée, le manque de bras borne l’industrie agricole à la culture du cacao et à la coupe du bois de campèche. On plante te cacaotier au pieu, après écobuage, à raison de 1.00O pieds par hectare. Pendant les quatre premières années, la plante est délicate, et il faut des soins constants pour la défendre contre l’envahissement des mauvaises herbes et contre les attaques des quadrupèdes et des oiseaux, qui en sont très-friands. Pour la préserver des rayons brûlants du soleil, on place entre les cacaotiers un arbrisseau qui lui sert d’abri. Au bout de quatre ans, les cacaotiers entrent en plein rapport. Dès lors, leurs branches sont constamment chargées de fruits. On fait quatre récoltes par an. En moyenne, la récolte est de 600 livres espagnoles de fèves par hectare. Une plantation de ce genre peut durer de trente à quarante ans. Le bois de campèche donne lieu à une exploitation très-fructueuse. Ce bois est, dans le Tabasco, d’une qualité supérieure. 11 est connu dans le commerce sous le nom de bois de la Lagune, du nom du port qui est son principal centre d’exportation. On ne cultive que la quantité de maïs strictement nécessaire aux besoins delà consommation, et l’on a dû renoncer, faute de bras, à la culture du café, du tabac, du riz, bien qu’ils réussissent admirablement. Le manque de travailleurs est tel, que les propriétaires n’hésitent pas à employer les moyens les plus atroces pour retenir les ouvriers, la plupart Indiens, qui ont eu le malheur de s’aventurer sous ce climat meurtrier. Ils leur font des avances qui les lient jusqu’à la mort ; car, ne pouvant se libérer, ils sont, de par la loi, obligés de servir le maître dont ils ont eu le malheur de se constituer débiteurs. Celui-ci ne se contente pas de ce gage ; il les force à se marier, parce qu’il sait que c’est là un moyen sûr d’augmenter les charges du malheureux travailleur. Dès lors, ce dernier n’est plus un homme ; il est la chose de son maître, qui peut, selon son caprice, le frapper, le moitié au carcan, le charger de chaînes. Le maigre salaire qu’il reçoit est tout juste suffisant pour l’empêcher de mourir de faim. Sa compagne elle-même est soumise aux plus durs travaux par le maître impitoyable, qui ne lui donne pas la moindre rétribution.

L’isthme de Tehuautepec pourrait avoir une grande importance au point de vue du transit entre les deux océans. Le territoire de l’isthme forme un État où l’on trouve do nombreux cours d’eau et des terres d’alluvion couvertes d’une riche végétation forestière. Les moyens de transport sont fournis par le Rio Guatzacualeo et ses nombreux affluents. Le maïs donne trois récoltes par an ; cependant, la population végète misérablement dans la misère la plus profonde. Les inondations du Guatzacualco rendent son bassin extrêmement insalubre. La principale culture de cet État est-le cacao. Elle est en grande partie concentrée dans la région centrale, qui, malgré son climat brûlant, est encore la moins insalubre.

L’État de Vera-Cruz est le lieu de débarquement et de passage des étrangers qui vont à Mexico. Ses plages sablonneuses et marécageuses n’ont pas moins de 000 kilomètres de développement et se prolongent de 40 à 80 kilomètres en avant dans les terres. Les denrées des environs de Puebla, à 60 lieues de Vera-Cruz, ne peuvent arriver dans cette dernière ville, à cause de la difficulté des communications et des frais de transport, qui sont très-onéreux. Les habitants de Vera-Cruz préfèrent tirer leurs farines de la Nouvelle-Orléans, qui est pourtant située à plus de 300 lieues de distance, Sur les plages de cet État, la disette de bras et le manque de population rendent les cultures peu variées et très-restreintes. Le tabac, la vanille, le coton y donnent pourtant des produits remarquables. Les hautes terres, bien qu’un peu plus peuplées, ne sont guère mieux cultivées. En revanche, les productions naturelles de l’État de Vera-Cruz sont d’une variété merveilleuse, et il n’en saurait être autrement sous un climat tantôt torride, tantôt tempéré et même froid, mais toujours humide, sur un sol qui du niveau de la mer atteint jusqu’à 5,300 mètres d’altitude. Le bétail abonde ; mais le défaut de consommateurs, les frais de transport énormes et les pertes résultant de la longueur des routes qu’il faut parcourir rendent cette ressource purement illusoire. On voit par là que, dans ces régions si merveilleusement favorisées par la nature, les conditions de la vie humaine ne sont pas des meilleures. C’est ce qu’il peut être utile de rappeler à ceux qui seraient tentés d’aller chercher fortune dans ces parages lointains.

Les parties du territoire mexicain situées sur le sommet de la Cordillère sont généralement plus élevées vers le sud, On y trouve de vastes plaines, coupées çà et là par les rameaux de la chaîne principale. La plaie de ces contrées est la sécheresse Les végétaux, après avoir été brûlés par le soleil dans la journée, gèlent quelquefois durant la nuit suivante. La plante la plus cultivée est le maïs, qui fait la base de la nourriture des habitants. Le bétail est abondamment nourri durant les mois pluvieux ; mais, à mesure que la saison sèche s’avance, il souffre de plus en plus de la disette d’eau et de fourrage. Par suite d’un phénomène singulier, les productions de nos régions tempérées y demeurent languissantes ; nos fruits n’y mûrissent qu’imparfaitement, tandis qu’à côté on peut voir prospérer l’agave, le nopal, l’obvier On attribue cette anomalie à ce que l’air, peu dense, n’est pas échauffé suffisamment par les rayons du soleil.

Cet examen rapide montre l’agriculture du Mexique sous un jour peu avantageux ; le sol fertile est peu ou mal cultivé, des déserts immenses séparent les villes et un grand état de misère règne dans le pays. La production ne dépasse pas la consommation, si même elle peut y suffire. L’absence de routes, dans un pays parsemé d’obstacles naturels presque insurmontables, oppose d’ailleurs une barrière à l’exportation, si elle pouvait se produire.

Il serait difficile de donner le chiffre exact du commerce du Mexique, tout le inonde, dans ce pays, se livrant au négoce, la contrebande s’y faisant sur une grande échelle, et le gouvernement n’ayant pour la réprimer sur 2,000 kilomètres de côtes qu’environ 400 hommes, c’est-à-dire moins d’un homme par 4 kilomètres ; nous nous bornerons à dire, pour ce qui concerne la France, que le montant de nos importations n’excède pas 30 millions. Depuis quelques années, l’industrie mexicaine a pris un développement remarquable ; elle s’exerce surtout sur le tissage des cotons (manias), les draps grossiers, les étoffes de laine pour manteaux et couvertures) les rebozas ou écharpes de coton ou de soie pour les femmes, la sellerie, la chapellerie, la carrosserie et surtout l’orfèvrerie. Les mines d’or et d’argent du Mexique forment aujourd’hui encore sa principale richesse et donnent lieu à un certain mouvement d’affaires, surtout dans la partie méridionale des hauts plateaux. Les principaux ports de la république sont, dans le golfe du Mexique : Vera-Cruz, Tampico, Matamoros, et, dans la mer Pacifique : Huatuloo, San-Blas, Mazatlan et Guaymas.

Population, mœurs. En 1793, suivant le rapport adressé au roi d’Espagne par le comte de fîavellagigedo, la population du Mexique, a l’exclusion des intendances de Vera-Cruz et de Guadalaxara, était répartie de la manière suivante :

Indiens 2,319,741

Européens 7,904

Créoles 677,458

Métis, nègres, mulâtres, etc. 1,478,42G

Total....... 4,483,529

Quant à la population des intendances de Vera-Cruz et de Guadalaxara, elle était, d’après le recensement de 1803, de... 786,500

Population du Mexique à la fin du dernier siècle 5,270,029

De Humboldt, en 1803, estimait cette mime population à 5,837,100 ; en 1824, Poinsett l’évaluait à 6,500,000, et, en 1830, M. Bqrkhardt, savant voyageur allemand, la distribuait ainsi :

Indiens 4,500,000

Blancs 1,000,000

Nègres 6,000

Métis et autres mélanges... 2,490,000

Total 7,906,000

Aujourd’hui, la population du Mexique est de 8,283.083 hab. Les éléments dont elle se compose sont très-inégalement répartis. Le siège principal des blancs, originaires d’Europe, est sur les plateaux, particulièrement au centre, dans les États de Puebla, de Mexico, de Queretaro, de Mechoacan, de Chianasuato, de Zacatecas et de Jalisco, ainsi que dans les États d’Oaxaca et de San-Luis de Potosi. Les différentes races indiennes sont également concentrées dans ces mêmes États, qui comprennent tout le territoire de l’ancien empire d’Anahuac et ceux des royaumes et des républiques alliés, amis ou tributaires de cet empire. Au N., on ne rencontre presque exclusivement que des descendants de blancs. Ils sont issus pour la plupart de colons basques, navarrais et catalans, et comme ils sont restés purs de tout mélange avec les indigènes, ils s’en montrent très-fiers. Ils ont conservé le ; mœurs et les qualités de leurs ancêtres. Ils sont entreprenants, braves, hospitaliers, polis, intelligents et adroits. Les Indiens nomades (hidianos bravos), qui, autrefois, se livraient à la chasse dans ces contrées, comme les Apaches et les Comanches, — se retirèrent à l’époque de la conquête, mais après avoir longtemps résisté aux envahisseurs, dans le Bolson de Maphni, dans les montagnes de San-Saba, entre le Rio del Norte et les frontières méridionales des États-Unis, et dans les régions inhospitalières du N -O. On les voit sortir quelquefois, mais rarement, de leurs forêts, pour commercer avec les blancs ou inquiéter leurs établissements. Dans le Durango, le Chihuahua, le Nouveau-Léon et Cohahuila, la race indienne pure est totalement inconnue. On la retrouve dans l’État de Sinaloa et dans la Sonora, où les vainqueurs arrivèrent à temps pour arrêter l’émigration des tribus et les empêcher de passer le Rio Gila. On rencontre encore çà et là des tribus d’indigènes en Californie ; mais, dans ce pays, les Indiens à demeure fixe vivent partout séparés des blancs. Sur les côtes des deux océans, ainsi que dans les profondes vallées chaudes et humides de l’intérieur, habitent des nègres, des mulâtres et des zambos, qui y cultivent’ la canne à sucre et les bananes. Les zambos sont des espèces de mulâtres issus de noirs et d’Indiens : ils sont de haute taille, forts, robustes et parfaitement propres aux travaux de la Tierra ca’-iente. Ceux qui habitent les côtes y exercent, dans les villes, les métiers pénibles et y font tous les gros ouvrages. Quant aux métis, ils composent la liasse moyenne de la population, et sont ouvriers, fermiers, petits marchands ou petits employés. Les Indiens purs, que l’on pourrait croire au premier abord ne former qu’une seule grande masse, se divisent en une foule de dénominations d’origine, en général, tout à fait différente. Voici quelles sont les principales familles d’Indiens que l’on retrouve encore dans le Mexique. 1° dans l’État de Yucatan, les Mayas ; 2° dans l’État de Chiapa et dans une partie de celui de Tabasco. les Teochiapanèques, les Zoques, les Cendales et les Marnes ; 3° dans l’État d’Oaxaca, les Za- potèques, les Mixtèquos, les Mijes, les Chinantèques, les Chontales, les Ûuieatèques, les Chochus, les C’hatènes, les JJuabes, les Huatequimanes, les Izcatèques, les Almoloyas, les Sollèques, les Triques, les Paleuques, les Amurgos, les Zoques, sur les frontières de l’E., et des Aztèques disséminés çà et là ; 4° dans les États de Mexico, de Puebla et de Vera-Cruz, les Aztèques en général ; on trouve encore, dans l’État de Puebla, des Totonaques ; dans l’État de Vera-Cruz, au N -E, des Popolucas et desTlapanèques, et, sur les frontières d’Oaxaca, des Mixtèques ; dans l’État de Mexico, des Huastèques et des Cuitlatèques ; 5° dans l’État de Mtchoacan, des Tarrasques et des Otomis ; 6° dans l’État de Queretaro, des Otomis, quelques familles de Chichimèques et des colonies d’Aztèques ; 7° dans l’État de Guanajuato et dans celui de Zacatecas, les ramifications chichimèques des Pâmas, des Capuces, des Samues, des Mayolias, des Guainaues et des Guachichiles, avec des colonies d’Aztèques ; 8° dans l’État de Jalisco, des Gazcanes, des Guachichiles, des Guainaues, des Tenosquines, tous autant de rameaux de la grande famille chichimèque, ainsi que des Matlacingoa et des Jaliscos ; 9° sur les frontières des États de San-Luis de Potosi, Nouveau-Léon et Tamaulipas, quelques faibles restes des tribus chichimèques et de colonies d’Aztèques ou plutôt ne Tlascaltèques ; 10° dans les États de Durango et de Chihuahua, les Tepehuanes et leurs ramifications, c’est-à-dire les Topias, les Acaxis, les Xtximes, les Sicurabas, les Heimas et les Huimis, avec quelques colonies aztèques ; en.outre, les Acotlanes, les Cocoyanes, les Yanos et lés Tarahumaras dans les gorges de Tarahumara-Alta ; 11° dans l’État de Sinaola, les Tubars, les Sinaloas et les Cahitas, au N. ; 12° l’État de Sonora renferme un nombre considérable de tribus indiennes, dont les plus importantes sont : les Mayos, les Yaquis, tes Seres, au S. ; les Pinas, les Apaches, etc., au N. ; 13° dans la presqu’île californienne, au S., les Pericues, les Monguis, auxquels se rattachent, les Guaycuras et les Coras, des Cochimas ou Colmis, des Laimones, des Utchitas ou Vehitis et des Icas. Quelque séparées les unes des autres que soient ces nombreuses tribus, quelque grande différence qu’on remarque dans leurs langues, leurs mœurs, leur constitution physique même, elles ont cependant toutes des traits qui leur sont communs entre elles et avec toutes les autres familles de la grande race américaine, depuis le Saint-Laurent et le lac Mackensie jusqu’au détroit de Magellan et à la Terre de Feu.

Auprès de cette population indigène, qui constitue l’élément indien, se trouve l’élément mexicain, composé de descendants des Espagnols et de sang-mèlé. Tout ce qui n’est pas Indien pur est Mexicain. Depuis l’époque de l’affranchissement, les vieilles dénominations de créoles (criolles) et de métis (niesiizos) sont censées abolies. Mais en ceci, les habitudes, les mœurs, le préjugé ont survécu à la prescription légale. Une tradition séculaire ne s’efface pas dans un jour. Il se passera du temps encore avant que le blanc (ce qu’on nommait autrefois le créole), celui qui peut se vanter d’avoir conservé dans ses veines ta pureté sans mélange du sang européen, admette le mestizo plus ou moins foncé, celui qui est plus ou moins mêlé de sang indigène, sur un pied de parfaite égalité. L’aristocratie mexicaine, représentée par un certain nombre d’anciennes familles, par les dignitaires ecclésiastiques, par les grands propriétaires et par un certain nombre de noms éminents à divers titres, est concentrée dans un petit nombre de villes importantes, mais principalement à Mexico. Il n’y a qu’une voix parmi les voyageurs pour vanter l’exquise politesse, l’aménité de caractère et la facilité de relation de cette classe supérieure, qui constitue ce que, dans notre langue parisienne, nous nommons la société. L’étranger, admis dans cette classe privilégiée, peut se croire encore au sein des meilleurs salons de Paris, de Londres ou de Pétersbourg. Un homme qui, par sa profession et sa longue résidence, a été à même de bien voir et de bien juger, le docteur Jourdanet, dans son remarquable ouvrage, les Altitudes de l’Amérique tropicale comparées au niveau des mers, nous donne ainsi son impression sur le caractère mexicain : « Le Mexicain est de taille moyenne ; sa physionomie porte l’empreinte de la douceur et de la timidité ; il a le pied mignon, la main parfaite. Son œil est noir, le dessin eu est dur, et cependant, sous les longs cils qui le voilent, et par l’habitude de l’affabilité, l’expression en est d’une douceur extrême ; la bouche est un peu grande et le trait en est mal défini, mais sous ces lèvres, toujours prêtes à vous accueillir d’un sourire, les dents sont blanches et bien rangées. Le nez est presque toujours droit, quelquefois un peu aplati, rarement aquilin. Les cheveux sont noirs, souvent plats, et couvrent trop amplement un front qu’on regrette de voir si déprimé. Ce n’est pas là un modèle académique, et pourtant, quand la suave expression féminine vous présente cette forme américaine que l’école traiterait peut-être d’incorrecte, vous imposez silence aux exigences du dessin et vos sympathies approuve»’ le nouveau modèle. Le Mexicain des hauteurs a l’aspect calme d’un homme maître de lui ; H a lu démarche aisée, les manières polies. Quoi que vous ayez fait contre lui, quoi qu’il médite contre vous, son habitude de l’urbanité vous assure toujours une politesse exquise en dehors du cercle de ses ressentiments. Beaucoup de gens appellent cela de la fausseté de caractère ; je les laisse dire et je ne m’en plais pas moins à vivre parmi des hommes qui, par la douceur do leur sourire, l’aménité de leurs manières et leur obstination à me plaire, m’entourent de tous les dehors de l’amitié et de la plus cordiale bienveillance. Le Mexicain aime à jouir, mais il jouit sans calcul ; il prépare sa ruine sans inquiétude et se soumet avec calme au malheur. Ce désir du bien-être et cette indifférence dans la souffrance sont deux nuances du caractère mexicain bien dignes de remarque ; ces hommes craignent la mort, mais ils se résignent facilement quand elle approche : mélange étrange de stoïcisme et de timidité. Dans la basse classe, le mépris de la mort est de boa ton, et, comme les gladiateurs romains, ils aiment à poser en mourant. C’est pour cela qu’ils font échange de coupa de poignard, comme nous donnerions des chiquenaudes. Et puis, à l’hôpital, ils vous disent avec calme au milieu de leurs mortelles souffrances ; « Bien touché ! » rendant hommage avant d’expirer à l’adresse de leurs adversaires. »

Il existe malheureusement au Mexique un funeste préjugé, provenant des anciens Espagnols qui, dominés par leur idée de noblesse et de chevalerie, enseignèrent à leurs descendants à regarder avec mépris tout homme qui exerce un métier. Pour être un. homme considéré, il faut être officier, employé, ecclésiastique, avocat ou médecin. Toutes les autres classes, sont inférieures dans la société mexicaine, sans en exempter les instituteurs et les commerçants, appelés du terme méprisant de traperos. Par suite de ces idées aussi pernicieuses que ridicules, aucun père de famille un peu aisé ne veut donner à ses enfants une profession artistique, et il a honte de les placer commis dans une maison de commerce, parce que, en vertu des sots préjugés qu’il conserve contre le commerce et les arts mécaniques, il regarde comme dégradant d’entrer au service d’un maître, comme il dit, soit dans un magasin, soit dans une manufacture. Ces préjugés sont tels, que beaucoup d’artisans, qui ont passé une vie honorable et confortable dans leur profession, loin de l’enseigner à leurs enfants, les mettent dans un collège pour étudier le droit et la médecine, et, aussitôt qu’ils savent imparfaitement lire, écrire et compter, ils s’adressent à quelque personne influente afin d’obtenir du gouvernement mexicain un emploi civil ou militaire. Rien n’est plus facile à obtenir avec de l’argent ; et l’ouvrier enrichi, tout orgueilleux, de voir que ses enfants sont plus que lui, ne pense pas au mépris qu’il en recueillera plus tard. Il y a aussi beaucoup de pères qui, plutôt que de donnera leurs fils une profession, préfèrent les laisser vivre en aventuriers. Ne voyant de honte que dans le travail manuel, ils ne croient pas qu’on se déshonore en menant la vie d’un vagabond ou d’un escroc. D’où il résulte que, tandis que la république mexicaine compte les généraux par centaines, les officiers, les employés, les ecclésiastiques, les avocats et les médecins par milliers, elle ne possède pas un seul artiste ou industriel de talent ; dans toutes les villes, le meilleur architecte, le meilleur sculpteur, le peintre habile, le bon carrossier, le tapissier et l’ébéniste intelligents, le meilleur doreur ou serrurier, le bon tailleur et même le bon cordonnier ne sont point des Mexicains, ce sont des étrangers. Disons enfin que le peuple mexicain est généralement très-dévot et subit l’influence du clergé. Fort heureusement que, depuis une vingtaine d’années, il s’est produit dans les classes éclairées une très-vive réaction contre cette influence, et que, grâce à elle, le Mexique tend chaque jour davantage à se pénétrer des idées modernes. Au Mexique, comme, en. Espagne et en Italie, les voleurs et les prostituées ont une dévotion qui leur est propre ; ils honorent les images des saints, auxquels ils adressent de nombreuses prières pour se voir délivrés des persécutions de la justice, et, en sortant de leur demeure pour se livrer a leur genre d’industrie, ils ne manquent jamais de faire le signe de croix en prononçant ces paroles : Voyons ce que Dieu va nous donner aujourd’hui ! Les bandits et les assassins croient qu’ils leur suffit de prononcer quelques paroles mystiques, de porter l’image de la Vierge ou de quelque saint dans un scapulaire, pour pouvoir dévaliser ou tuer sans scrupules ni remords.

Gouvernement, administration. Le Mexique forme une confédération républicaine qui comprend, outre un district fédéral, vingt-cinq États et trois territoires, c’est-à-dire trois provinces qui n’ont pas d’administration intérieure indépendante, et sont régies par l’Union fédérative. Chaque État a son gouvernement particulier, ainsi que ses trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, distincts. Le district fédéral, Mexico, est le lieu qui sert de résidence aux pouvoirs suprêmes de la confédération.

DÉPARTEMENTS OU ÉTATS. CHEFS-LIEUX.

Mexico. Toluca.

Mochoacan.

Queretaro.

Aguas-Calientes.

Zacalecas.

Jalisco ou Xalisco.

Sinaloa,

Sonora.

Guanaxuato.

Guerrero.

Chihuahua,

Durango.

Cohahuila.

Nouveau-Léon.

San-Luis-Potosi.

Tainaulipas.

Vera-Cruz.

La Puebla.

Oaxaca.

Chiapa.

Vucatan.

Tabasco.

Tehuantepec.

Sierra-Gorda.

Carmen.

Moreles.

Hidalgo.

Morelia ou Valladolid. Queretaro. Aguas-Calientes. Zacatecas. Guadalaxara. Culiacan. Urès.

Guanaxuato. Tixtlan. Chihuahua. Durango. Saltillo. Monterey. San-Luis-Polosi. Victoria. Vera-Cruz. La Puebla. Oaxaca. San-Christobal. Merida. " San-Juan-Bautista. Tehuantepec.

TERRITOIRES.

Basse-Californie. La Paz.

Colima. Coliraa.

Tlascala. Tlascala.

DISTRICT FÉDÉRAL.

Mexico.

Le pouvoir exécutif de la confédération est confié à un citoyen qui prend le titre de président des États confédérés mexicains ; il est suppléé par un vice - président ; tous deux sont nommés pour quatre ans. Le pouvoir législatif est confié à un congrès général formé de deux chambres ; le sénat se compose de deux sénateurs par chaque État ; il se renouvelle par moitié tous les deux ans. La Chambre des représentants se compose d’un nombre de représentants qui varie selon la population des États ; ils sont élus pour deux ans. Le pouvoir judiciaire est exercé par une cour suprême de justice, et par les tribunaux d’arrondissement et les audiences de district. La religion du pays est le catholicisme ; trois archevêques et quinze évêques sont a la tête du clergé. Quatre ministères se partagent l’administration : 1° les finances, auxquelles sont annexés l’agriculture et le commerce ; 2° les relations extérieures et intérieures ; 30 la justice et les affaires ecclésiastiques : 40 la guerre et la marine. Les revenus du Mexique s’élèvent, année moyenne, à 42 millions de francs. Ces revenus se composent des droits de douane, qui montent à 20 ou 25 millions de francs.

Les cadres de l’armée mexicaine, ayant l’expédition française de 1863, se composaient, en temps de guerre, de 12 généraux de division, 18 de brigade, et 16,417 hommes fournis par le contingent de tous les États.

L’instruction primaire, dit M. Chauveau, correspondant du Moniteur pendant l’expédition française, est beaucoup plus développée au Mexique qu’on ne le croit généralement. On trouverait plus d’une contrée en Europe qui, sous ce rapport, ne pourrait pas soutenir la comparaison avec la république mexicaine. Les villages indiens ont leurs écoles tout aussi bien que les grandes villes, écoles do filles et écoles de garçons, non moins assidûment fréquentées les unes que les autres, et entretenues aux frais du gouvernement. On y apprend, outre la lecture et l’écriture, les éléments de la langue espagnole, les quatre règles et les fractions, et les principes de la géographie. Toutes les classes de la population apprennent donc à lire couramment l’espagnol. Aussi, lorsque l’autorité fait apposer quelque affiche au coin des rues, voit-on tous les leperos (vagabonds et gens sans aveu) s’arrêter devant elle et prendre, un peu platoniquement, connaissance de leurs devoirs civiques. Outre ces écoles primaires gratuites, chaque ville un peu importante possède un certain nombre d’institutions particulières très-prospères, où l’on donne un enseignement analogue, mais plus développé. La jeunesse des deux sexes y apprend à connaître et à parler les langues étrangères, l’anglais, et le français.

Langue. On désigne sous le nom de langues mexicaines toute une famille de langues américaines appartenant à la division du plateau d’Anahuac ou du Mexique. La famille mexicainé ou aztèque a pour type le nahuatl ou mexicain proprement dit, parlé d’abord par les Toltèques ou Nahoas, que le baron de Humboldt appelle les Pélasges du nouveau continent, et adopté ensuite par les Aztèques ; parlé également par les Chichimèques et les Colhues, ainsi que l’a démontré l’étude des noms de lieux. C’est celui des idiomes de l’Amérique centrale qui est aujourd’hui le mieux connu, et le seul qui ait donné naissance à une littérature, grâce à l’emploi d’une écriture spéciale, symbolique, désignée généralement sous le nom d’hiéroglyphes mexicains. Le nahualt fut introduit au Mexique, à la suite de la conquête, 279 ans av. J.-C. « L’idiome primitif, dit M. l’abbé Brasseur de Bourbourg, dans son Histoire des nations civilisées du Mexique, l’idiome primitif, que l’on suppose être le maya, se subdivisa en plusieurs dialectes. Sur ses débris, la langue nahualt fonda sa suprématie, aidée par la force des armes, par la persuasion religieuse ou par une supériorité irrésistible ; en une foule de lieux elle se substitua entièrement à l’ancienne langue, et des rives de Gila à l’isthme de Panama elle obtint un ascendant que rien encore n’a pu détruire. Ce qui, depuis l’époque d’Alexandre, a fait la gloire de la langue grecque et lui donne encore tant d’illustration sur le continent européen, ce que la langue latine a obtenu par l’extension des armes romaines, continue également, depuis des siècles, sur le continent américain, a faire la gloire de la langue nahualt ou mexicaine. Des hauteurs les plus sublimes do la métaphysique, elle descend aux choses les plus vulgaires avec une sonorité et une richesse d’expression qui n’appartiennent qu’à elle ; elle embrasse toutes les sciences, elle a des mots pour toutes les branches, pour toutes les individualités, soit de la médecine ou de la musique, de la minéralogie, de l’histoire naturelle des plantes ou des animaux, et ces mots sont ceux dont on se sert dans toutes les langues de ces contrées, et dont les Européens eux-mêmes usent aujourd’hui à défaut d’autres. » Cette observation a été faite personnellement par l’auteur que nous venons de citer, sur une étendue de près de 1,000 lieues, de l’extrémité de l’Amérique centrale jusqu’à la Sonora, qu’il a parcourue à petites journées, s’arrétant longtemps dans un grand nombre d’endroits. La plupart des étrangers résidant dans l’Amérique centrale usent, en parlant l’espagnol du pays, de termes mexicains sans le savoir. Cette grande extension de la langue nahuall a souvent étonné les voyageurs, qui l’ont attribuée les uns à la dispersion des Toltèques au XIe siècle, les autres à Alvarado, qui amena dans le Guatemala une troupe nombreuse de soldats mexicains. Cette dernière supposition, pour peu qu’on y réfléchisse, ne saurait être admise.

Le nahualt présente le caractère holophrastique qui appartient aux langues de 1 Amérique du Nord, c’est-à-dire que le mot renferme en lui seul tous les éléments d’une pensée complexe, sans que ces éléments puissent former des mots séparés. Ainsi l’expression nicakhihua signifia : « Je construis ma maison, » et se compose des éléments ni, cal, chihua, signifiant : « Je, maison, fais, • sans qu’aucun de ces éléments puisse être employé comme mot isolé. Les substantifs propres surtout offrent un sens étendu et complet, ainsi que cela se voit pour les noms de lieux et les noms d’hommes. Ainsi le nom d’une ancienne ville du royaume d’Acolhuacait était Achichillacachocan, lequel signifie : à Lieu où lus hommes pleurent parce que l’eau est rouge. » Ce mot est formé pur agglutination de atl, eau, chichiltic, rouge, ttacatl, homme, choca, pleurer.—Tenochtiltan, nom indigène de Mexico, se décompose en le, pierre, nochtl, le cactus nommé nopal, et titlan, près. La pierre et le nopal se rapportent à une légende relative à la fondation de cette ville, et entrent encore dans la composition de ses armoiries. Les noms des personnes semblent rappeler sou vent quelque aventure ou quelque trait du caractère. Celui du prince Nezahutdcoyotl signifie : «Renard affamé» ou «à jeun, » et indiquerdit-on, la sagacité naturelle et les privations de la jeunesse de ce prince.

En nahuatl, les substantifs se réduisent presque toujours à de simples radicaux, et sont dépourvus des désinences substantives caractéristiques li, tli, tl, in, qu’on peut cependant y joindre ; les noms géographiques, invariablement terminés par une préposition (co, ilan, pan, etc.), ne reçoivent presque jamais ces désinences. Quoique la langue mexicaine soit une de celles qui portent davantage les traces du mouvement intellectuel et du progrès social, les formes grammaticales y sont encore d’une grande simplicité : la conjugaison offre peu de modes, peu de temps, peu d’inflexions, et on y remarque l’absence de l’infinitif ; mais, en revanche, on y trouve une première personne impérative et certaines dérivations communes à d’autres langues américaines. Le verbe actif ne peut être employé seul ; il n’entre dans la phrase qu’avec son complément et son sujet. Pour la conjugaison, on ne pourra pas dire « porter, garder, aimer, » ni même «je porte, je garde, j’aime ; » il faudra conjuguer : je porte ou je garde quelqu’un ou quelque chose ; tu portes ou tu gardes quelqu’un ou quelque chose, etc., le mexicain distinguant avec soin, en pareil cas, les personnes des choses même animées ; lia exprime les choses, te les personnes. Conjuguant ainsi : nitlapia, je garde quelque chose ; titlapia, tu gardes quelque chose, la troisième personne, tlapia, signifie à la fois : « il garde quelque chose » et « un garde, » et tepia, « il garde quelqu’un » et « un gardien de personnes. » Cette troisième personne du temps, répondant à peu près à notre indicatif présent, est, comme dans les langues sémitiques la même personne du prétérit, le véritable radical ; et tlapia exprimant aussi bien l’action que l’état, la première et la seconde personne du même verbe, nitlapia, titlapia, traduites intransitivement, signifient : « je suis garde, tu es garde. » Le verbe fournit de la sorte, dans un sens réfléchi, une foule d’appellatifs mexicains. Par exemple Mozoma, troisième personne indicative de zoma (nino), je ma fâche, donnera, en incorporant teutltli, seigneur, le nom de l’empereur Moteuhzoïna (vulgairement Montézuma), signifiant ainsi : « qui se fâche en seigneur, souverainement courroucé, grandement irrité ou sévère. »

Quant au système phonétique, le nahualt est assez pauvre. Il lui manque les sons correspondant aux signes de l’alphabet français b, d, f, g, j, ll mouillés, gn doux, r, v, w, z (le z étant toujours prononcé comme s dur), eu et u et la plupart des nasales. Il n’y a de plus que le ch espagnol, l’anglais (tch) et l’aspiration uh, hu, voisine du w anglais, et qui, de même que ce w, est souvent remplacée dans les dialectes par le son gou. En outre, aucun mot mexicain ne commence par la lettre l, si fréquente en cette langue. La vocalisation aztèque présenté en général une douceur qui rappelle celle des langues japonaises, et qui contraste avec la dureté et l’étrangeté des sons appartenant aux langues aborigènes de la famille quicho-maya.

M. Buschmann, un savant philologue de Berlin, qui s’est beaucoup occupé de l’étude des idiomes américains, a retrouvé un grand nombre de mots aztèques dans les langues athapaskas, dans celles des Kinai. De plus, il a découvert de nombreux éléments aztèques dans le tarahumara et le tepeguana, parlés dans le nord de la province de Sonora, dans le cora, idiome de la partie méridionale de la province mexicaine de Sinaloa, et le cahita, idiome de la partie septentrionale de la même province. À ces quatre langues peut se rattacher l’idiome des Indiens Pimos, qui constitue un cinquième rameau, et dans lequel reparaissent également des éléments aztèques.

La langue des affaires, au Mexique, est l’espagnol mélangé de beaucoup de termes indigènes. La langue indigène la plus répandue est le nahuatl et ses dialectes ; viennent ensuite l’othomi, dont le domaine a pour limites, au sud, les anciens royaumes de Tenochtitlan et d’Acolhuacan, et au nord les plaines sauvages du Nouveau-Mexique, le huastèque, le tlapanèque parlé dans l’État de Puebla, le tarasque, le pirinda, langue des Pirindis dans le Mechoacan, le popolouque, le chochona, le mazatèque, le mixo, le chiuantèque, le mixtèque, le zapotèque, le totonaque, le matlazinga, parlé dans la vallée de Toluca, etc., etc.

Les peuples aztèques, comme jadis les Péruviens et autres nations de l’Amérique méridionale, ainsi que de quelques-unes de celles du Canada, de l’Asie centrale et orientale et de l’Afrique, se servirent de quipos ou nœuds tressés avec des fils de plusieurs couleurs, pour garder la mémoire des événements. Ces quipos mexicains se nommaient nepo/tultzitziu, et le chevalier Boturini, dans le dernier siècle, a pu en trouver encore quelques-uns dans le pays des Tlascallèques. Mais ce procédé fut remplacé, vers le milieu du vil" siècle de notre ère, par l’écriture figurative que les Mexicains ont portée à un haut degré de perfection. Du temps de Montézuma, des milliers de personnes étaient occupées à peindre des ouvrages de leur composition ou à copier ceux qui existaient déjà. La facilité avec laquelle on fabriquait le papier avec les feuilles de magney ou aloès-pitte (agave) n’a pas peu contribué à rendre si fréquent dans ce pays l’emploi de la peinture symbolique. Les manuscrits mexicains qui ont été conservés sont peints, les uns sur de la peau de cerf, les autres sur de la toile de coton, mais le plus grand nombre sur du papier de magney. Ces manuscrits renferment des hiéroglyphes particuliers aux Aztèques, qui avaient des signes graphiques spéciaux pour l’eau, ’ la terre, l’air, le vent, le jour, la nuit, le milieu de la nuit, la parole, le mouvement, etc. ; ils en avaient pour les nombres, pour les jours et les mois de l’année solaire. Ces signes, ajoutés à la peinture d’un événement, marquaient si l’action s’était faite le jour ou la nuit, quel était l’âge des personnes qu’on voulait désigner, si elles avaient parlé et laquelle d’entre elles avait parlé le plus. On trouve aussi chez les anciens Mexicains des hiéroglyphes phonétiques, c’est-à-dire indiquant des rapports, non avec la chose figurée, mais avec la langue parlée. M. Aubin, à qui la philologie doit un savant Mémoire sur l’écriture figurative et la peinture didactique des anciens Mexicains, a donné la nomenclature d’une centaine de signes phonétiques.

Littérature. Au moment de la conquête espagnole, les Aztèques passaient pour avoir une assez riche littérature ; mais les ignorants et barbares conquérants de Cortez s’appliquèrent si bien à en détruire tous les monuments qu’ils rencontraient, comme témoignages d’une civilisation païenne, que c’est à peine si un petit nombre de manuscrits échappèrent. Quelques-uns sont aujourd’hui répandus dans les principales bibliothèques de l’Europe. Cette littérature consistait principalement en annales historiques, en rituels sacerdotaux, écrits astrologiques et géographiques, etc. Les manuscrits que l’on possède sont en caractères hiéroglyphiques ; cependant, un des manuscrits de Paris et un autre de Dresde paraissent présenter des caractères phonétiques. Il est inutile de dire que personne n’a encore pu les déchiffrer ; Afexandro do Humboldt et W. Prescoti, s’y sont appliqués avec’ardeur, mais on en est encore a se demander s’il faut lire de bas en haut et de droite à gauche, ou de gauche à droite et de haut en bas. Les lignes font les circuits les plus capricieux, et sont interrompues par des représentations figurées qui éclaireront le texte quand on saura ce qu’elles veulent dire. Le premier archevêque de Mexico, Juan de Zumarraga, avait établi, en 1553, une chaire où l’on expliquait les hiéroglyphes des Aztèques ; un siècle après lui. cette étude était tout à fait abandonnée et les indigènes eux-mêmes étaient dans l’impossibilité de lire leurs anciennes écritures. Le plus ancien ouvrage qui parait avoir été composé en nahualt est le fameux livre appelé Teoumoxtli, rédigé à Tula en 600, par l’astrologue Huetmatzin. On y trouvait l’histoire du ciel et de la terre, la cosmogonie, la description des constellations, la division du temps, les migrations des peuplés, la mythologie et la morale. Dans le XVe siècle, Nezahualeojolfc, roi d’Acolhuacan ou Tezcuco, qu’on pourrait appeler le Salon de l’Amérique, composa en langue aztèque" soixante hymnes en l’honneur de l’Être suprême, une élégie sur la destruction de la ville d’Azcapozalco, et une autre sur l’instabilité des grandeurs humaines, prouvée par le sort du tyran Tezozomoc. Ces deux dernières ont été traduites en espagnol par son petit-neveu Ferdinand Alba lxtilxochitl, et se sont conservées, de même qu’existent encore en manuscrits les quatre-vingts lois promulguées par ce grand prince. Les volumes que les premiers missionnaires de la Nouvelle-Espagne appelaient des livres mexicains renfermaient des notions sur toutes sortes de sujets : c’étaient des annales historiques de l’empire mexicain, des rituels indiquant le mois et le jour auxquels on devait sacrifier à telle ou telle divinité’, des représentations cosmologiques et astrologiques, dos calendriers indiquant les intercalations de

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l’année civile et de l’année religieuse, des documents relatifs à la division des propriétés, des rôles de tributs payables à telle ou telle époque de l’année, des tableaux généalogiques d’après lesquels on réglait les héritages ou l’ordre de succession dans les familles, des pièces de procès ; enfin, des peintures qui rappelaient les peines par lesquelles les juges devaient punir les crimes et les . délits.

Après la chute de l’empire mexicain et l’introduction du christianisme, les Aztèques, ainsi que les autres peuples du plateau d’Anahuac, adoptèrent 1 alphabet latin. Plusieurs auteurs mexicains ont profité de la facilité que leur offrait cet alphabet pour écrire- différents ouvrages dans leur langue. On peut citer, entre autres, Christoval del Castillo, natif de Tezcuco et mort en 1606 à l’âge do quatre-vingts ans ; Fernando de Alvarado-Tezozomoc et Domingo Chimalpain, qui ont

laissé des manuscrits précieux sur l’histoire et la chronologie de leurs ancêtres. Ces manuscrits, qui renferment un grand nombre de faits dont les dates sont indiquées a la fois selon l’ère chrétienne et selon le calendrier civil et rituel des indigènes, ont été étudiés par le savant Carlos de Siguenza, par le voyageur milanais Boturini Bernaducci, par l’abbé Clavigero, par Antonio de Léon y Gama. Quoique le nahuatl fût enseigné a l’université de Mexico depuis 1553, la littérature aztèque moderne est très-pauvre. Elle ne consiste guère qu’en livres ascétiques, en quelques grammaires et dictionnaires et en quelques livres d’instruction élémentaire. Don José Guadalup’e Roineroadonné le catalogue des écrivains des idiomes indigènes du Mexique. V. le Bulletin de la Société de géographie et de statistique de Mexico (1803).

Les principaux manuscrits aztèques se trouvent dans les bibliothèques de l’Escurial, du Vatican, de Bologne, de Dresde et d’Oxford ; Mexico, ce qui est singulier, est pauvre en documents de ce genre. Notre Bibliothèque nationale possède un rituel, un livre d’astrologie et un livre d’annales ; la bibliothèque du Corps législatifs un calendrier mexicain. Ces manuscrits sont généralement en peau de cerf, en tissu de coton ou en papier fabriqué avec les feuilles de l’agave.

. —Peinture. On possède de très-rares échantillons de peintures mexicaines ; quelques morceaux sont conservés au Louvre (Musée américain) ; la plupart sont des effigies de rois et des représentations de dieux. Les couleurs sont généralement vives, posées sans le moindre souci des nuances et de façon à contraster le plus possible ; le dessin est tout à fait grossier. Comme dans l’art égyptien, avec lequel celui des Aztèques a beaucoup de rapports, les corps sont présentés de face et la tête da profil, tout en montrant les deux yeux. C’est de l’art tout à fait informe. On doit à M. L. de Rosny une étude sur les Anciennes peintures mexicaines (1S55, in-4o, avec atlas).

Architecture. Le Mexique, terre par excellence de la civilisation et des arts en Amérique, a vu naîtra et fleurir une architecture qui lui est propre et dont on trouve les monuments les plus complets et les plus considérables dans le Yucatan. Ces monuments sont des temples pyramjdaux ou téocallis, des sépultures en tertre ou taillées dans le roc, des ponts, des forteresses et des aqueducs construits dans le système cyclopéen. Ces monuments paraissent appartenir à trois principales périodes. Ceux qui semblent les plus anciens et en môme temps dus à une civilisation déjà fort avancée se trouvent dajis le Teotihuacan ; ce sont des édifices en pierre. Ceux qui appartiennent à la seconde période sont en brique, et les plus récents, ceux de la troisième époque, sont construits avec de la terre et du sable. Les premiers, que l’on croit être l’ouvrage des Toltèques, ornaient, sans doute, la ville de Tula, qui occupait a peu près l’emplacement de Mexico, et le Yucatan, où se réfugia cette nation vers 1052. Les Aztèques passent également pour avoir construit une partie des monuments dont les ruines se trouvent dans la vallée de Mexico. «Les temples, dit M. Batissier, sont les édifices les plus anciens et les plus nombreux du Mexique. Ils sont tous édifiés sur le même plan. Ce sont des pyramides à plusieurs assises, dont les côtés suivent exactement la direction du méridien et du parallèle du lieu. Elles s’élèvent au milieu d’une vaste enceinte carrée, entourée d’un mur, enceinte que l’on peut comparer exactement au ifpi5o>0« des temples grecs, et qui renfermait des jardins, des fontaines, les habitations des prêtres et un arsenal. Un grand escalier, avec ou sans rampe, conduisait au sommet de la pj’rainide. Celle-ci, dans les téocallis les plus anciens, était tronquée et surmontée d une chapelle abritant des idoles de taille colossale. Dans les téocallis plus récents, la plate-forme de la chapelle supportait les images des dieux et l’autel des sacrifices. C’est là aussi que les prêtres entretenaient le feu sacré. Le spectacle que présentaient les pratiques du culte était, d’ailleurs, fort imposant. Tout le peuple voyait la procession des Téopiqui, qui montaient et descendaient l’escalier de la pyramide. Les téocallis n’étaient pas seulement des édifices religieux : il est certain qu’à leur intérieur on pratiquait des chambres sépulcrales dans lesquelles on renfermait la dépouille mortelle des rois et des princes. L’art

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était si bien traditionnel au Mexique, que le téocalli de Mexico, bâti six ans avant l’invasion de Fernand Cortez, était fait sur un plan tout à fait identique à celui des pyramides de Saint-Jean de Teotihuactan, attribuées à la nation toltèque. » Vers la fin, du dernier siècle, deux voyageurs découvrirent les ruines d’une ville considérable appelée Palenque ou Culhuacan, dont le monument le plus considérable est le téocalli de Guatusco ; mais le monument de ce genre le plus célèbre est celui de Cholula. On cite également comme un des édifices les plus curieux du Mexique le monument de Xochicalco ou Maison des fleurs. Il y a aussi au Mexique des monuments analogues aux pierres branlantes des Celtes, que l’on pense avoir été des pierres limitantes et dont le plus célèbre est la roche Théololinga, bloc sphérique de 22 pieds de circonférence environ. Quant aux palais, M- Benlloch a donné, d’après d’anciens documents, la description de celui de Montézuma, analogue, paratt-il, aux habitations impériales en Chine. Nous ayons dit que le Yucatan renfermait les spécimens les plus remarquables de l’art mexicain. M. Stephens, voyageur anglais, , donne à ce sujet les détails suivants, — extraits de son ouvrage intitulé Impressions de voyage dans te Yucatan : « Les constructions observées dans le Yucatan sont de trois espèces : ce sont des palais, des temples ou téocallis et des gymnases. Ces monuments, bâtis en belles pierres taillées avec unegrande précision et disposées par assises régulières, s’élèvent en général sur des remparts en terre. Les portes sont le plus souvent rectangulaires, quelquefois plus étroites par le haut que par le bas ; les salles sont couvertes par un plafond plat ou par une voûte tout à fait analogue à celle du trésor d’Atrée. Des colonnes ont été employées comme ornement, et alors elles sont engagées dans les murs ; quand elles servent de supports, elles sont isolées et reçoivent une architrave en pierre ou en bois. Elles sont cylindriques. Au lieu de chapiteau, elles sont couronnées par un simple tailloir carré. Quant ùla nature des ornements, sculptés sur la paroi extérieure des murailles, ils sont très-variés ; ce sont d’énormes serpents enlacés, des figures humaines, des sortes de trompes d’éléphant, recourbées, saillantes au dehors, des arabesques dont plusieurs ressemblent à celles des Grecs, des méandres, des entrelacs, et aussi des zigzags et des losanges. Les moulures mêmes sont très-souvent distribuées de manière à figurer grossièrement la représentation d’une tête humaine ou d’un monstre. Tout cela donne à l’ancienne architecture de ce pays un caractère original et bizarre. Nous citerons, entre autres, un édifice de Chichenitza, remarquable par sa conservation et par la profusion de ses ornements. La partie inférieure, dans laquelle est pratiquée la porte, est ornée de sculptures représentant des figures étranges. Le soubassement est couronné par une corniche

saillante, laquelle.est rehaussée d’entre-lacs élégants. Cette corniche se brise et se relève au-dessus de la porte. Le linteau offre des inscriptions hiéroglyphiques dont le sens est inconnu, et il est surmonté de cinq crochets en pierre. Au milieu du premier étage, on voit une niche circulaire dans laquelle est placée une figure assise, avec une coiffure dont les plumes retombent symétriquement à droite et it gauche. Quant aux parties latérales do cet étage, un entablement saillant, maintenant ruiné, disloqué qu’il est par les buissons et les plantes tropicales qui ont poussé entre les joints des pierres, couronnait toute la construction. Les autres monuments du Yucatan sont disposés et décorés dans le même système , que cette façade, si ce n’est cependant que leur soubassement est presque toujours lisse. Outre les constructions dont nous venons de parler, on trouve encore des monticules factices qui paraissent avoir servi de sépultures, et aussi des puits et des lacs, sur lesquels nous devons donner quelques détails. Comme le pays dans lequel s’élevaient les villes n’était traversé par aucune rivière, les habitants se procuraient de l’eau en creusant des puits à une profondeur extraordinaire. La puit de Chack, par exemple, où ont pénétré des voyageurs anglais, peut donner une idée des travaux exécutés par les indigènes pour se procurer des sources. Les aguadas sont des lacs qu’on peut comparer à de vastes citernes. Elles servent de réservoir d’eau pendant les saisons de sécheresse. Au fond du lac, il y a les ouvertures de plusieurs puits, de diverses formes, dans lesquels l’eau se conserve encore quand déjà les lacs sont épuisés. Les puits sont pâtis en grandes pierres et sont évasés par le bas. On a la certitude que ces puits et ces aqueducs ont été exécutés par les anciens habitants du Yucatan. »

Musique. La musique resta tout à fait rudimentaire chez les Mexicains jusqu’à la conquête espagnole. C’est à peine si l’on peut donner le nom d’instruments de musique aux ustensiles informes avec lesquels ces peuples faisaient du bruit : deux ou trois espèces de tambour, des trompes de corne, une flûte suraiguë et un petit instrument particulier, l’ajacaztli, dont les danseurs s’accompagnaient eux-mêmes. Malgré leur civilisation avancée, les Mexicains en étaient restés au matériel musical du sauvage.

Numismatique. Les seules monnaies

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mexicaines que l’on possède sont en cuivre grossièrement travaillé ; elles ont la forme d’un T ; dans la province de Tasco, on en a trouvé quelques-unes de même forme en étain. Ni l’or ni l’argent ne se monnayaient chez les Aztèques ; les grains de métal précieux, enfermés dans des tuyaux de plume afin qu’on put les compter, circulaient comme moyens d’échange et dispensaient de toute autre monnaie.

— Bibliogr. Parmi les ouvrages qu’on peut consulter sur le Mexique, nous citerons : Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, par da Huinboldt (1827, 4 vol. in-8o) ; Antiquités du Mexique, par Kingsborough (Londres, 1830 et suiv., 9 vol. in-fol.) ; le Mexique et ses révolutions, par Mora (1836, 8 vol.) ; la Vie au Mexique, par Mme Calderon de La Barca (1842) ; histoire de la conquête du Mexique, par Prescott, traduite en français (1846, 3 vol. in-8o) ; Histoire du Mexique, par Young (1847) ; le Mexique et l’intervention (1861, in-8u) ; Cités et ruines américaines, par Désiré Charnay, avec un texte par Violletle-Duc (1862, in-8o) ; Souvenirs d’un prisonnier de guerre au Mexique, 1854-1855, par E. Vigneau (1862, in-12) ; les Jtépubliques de l’Amérique espagnole, parS.-M. Guardia (1862, in-18) ; le Mexique contemporain, par le baron de Bazancourt (1S62, in-18) ; le Mexique ancien et moderne, par Michel Chevalier (1863, in-is), etc.

Mexique (la conquête du), par don Antonio Solis (Madrid, 1684, in-fol.). Malgré ses défauts, cette histoire est restée le meilleur titre littéraire de Sblis, dont les poèmes et les comédies sont oubliés. Traduite dans toutes les langues à, son apparition, elle a été | trop louée par les critiques espagnols et dé-I préçiée outre mesure par les Anglais et les I Italiens. La raison de ces divergences d’ap-I prédation est dans le sujet et surtout dans I la forme du livre de Solis, Pour les Espagnols, quel plus magnifique texte d’épopée que cette aventureuse expédition de Fernand Cortez à la tète dune poignée d’hommes, dans ces pays inconnus, pleins* de richesses féeriques I Avec quelle puissance les récits qui arrivaient d’outre-mer, appuyés et confirmés par l’or des galions, devaient frapper l’imagination du peuple I Solis entreprit de chanter ce héros légendaire, et, en poëte qu’ilétait, ileonçut la Conouista de Mexico, plutôt comme une épopée que comme une histoire. Les Espagnols, tout entiers aux louanges du héros que Solis représente comme le type parfait du guerrier, du conquérant, ’ du chrétien, ont trouvé le livre admirable ; les étrangers, qui cherchaient dans une œuvre espagnole, prise aux sources, l’étude approfondie des événements, les détails ignorés de la conquête, les mœurs des peuples soumis, les patientes investigations de l’observateur à travers des pays ignorés, magnifiques, n’ont rencontré que des amplifications verbeuses, des descriptions de fantaisie, et ont placé l’œuvre de Solis, sinon au rang des romans, du moins au rang de ces livres déclamatoires dont l’autorité historique est

nulle. Le jugement est sévère, mais Solis le mérite parfois.

Ce qui le séduisit surtout, lorsqu’il entreprit d écrire ce fragment historique de la conquête américaine, c’est l’unité du sujet, la possibilité de circonscrire dans les limites d’un plan sagement ordonné tous les détails de l’action, avec un commencement, un milieu et une fin bien déterminés ; un héros principal, type de toutes les perfections, autour duquel viennent se grouper symétriquement quelques capitaines d’un mérite inférieur. Un sent tout ce que cette construction littéraire doit avoir de défectueux. Quelle différence entre cet écrivain • qui fait son siège d’avance» et le premier venu des chroniqueurs, un capitaine d’aventure, comme

Bernai Diaz de Castillo, par exemple, un des compagnons de Cortez et témoin oculaire de tout ce qu’il raconte I

Solis avait en sa possession cette chronique en composant son histoire, ainsi que le grand ouvrage de Herrera. las Decados de las Jndias ; mais toutes les fois qu’un fait ie gêne, fùt-il vrai, toutes les fois surtout qu’il rencontre un événement de nature à diminuer le prestige de son héros, il le laisse en dehors de sa narration ou le tourne avec habileté. En revanche, il accepte sans discussion tout ce qui est à l’avantage de Cortez. Et les Espagnols s’étonnent qu’on ait porté sur ce livre, malgré ses mérites littéraires, de sévères jugements I

Cependant, comme exposition générale, comme ensemble, la Conquista de Mexico mérite de rester. La lecture en est agréable, attachante ; le style, malgré quelque affectation propre au goût du temps et trop de tournures sentencieuses à la manière des anciens, est pur et élevé. Les descriptions sont d’une grande richesse ; mais le procédé trop poétique de Solis empêche qu’on ne les croie vraies. La forme même, empruntée à Tite-Live, à Quinte-Curce, à Salluste, n’est pas un médiocre embarras pour l’historien moderne ; Solis se complaît dans les morceaux oratoires, et Xicotencal, Cacuinatzin, Magiscatzin prononcent des discours qui pourraient figurer avec honneur, comme des modèles de gravité, de noblesse, d’élévation, dans les Conciones de rhétorique. Mais c’est là un moule usé, et quand bien même ces

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discours, dans la bouche des Mexicains, n’au raient pas une double invraisemblance, il n’est plus permis aujourd’hui de se servir de ces procédés artificiels ; ils n’aident en rien la vérité et le plus souvent ils l’altèrent. Ro bertson a montré, en outre, que Solis, par négligence ou par impossibilité, n’avait tiré aucun parti des immenses documents diplomatiques de la cour d’Espagne en ce qui tcuche 1 histoire de la conquête, ni des archives du conseil des Indes, où se trouvaient les

fnèces les plus précieuses. Son éditeur, dans a bibliothèque Baudry (Paris, 1844, in-8"), avoue que, pour rectifier les faits controversables, éclaircir les points obscurs, suppléer

! au manque de renseignements vrais, ce qui

serait possible aujourd’hui avec tous les paj piers de la forteresse de Simancas et autres, il faudrait un volume de notes, égal au moins en étendue à l’ouvrage lui-même. C’est donc un livre à refaire au point de vue de l’exactitude moderne. Il en existe une assez bonne traduction française de Bon-André, sieur de La Guette (Paris, 1691, in-4").

Mexique (HISTOIRE DE LA CONQUÊTE Du),

par William Prescott (1849, 3 vol. in-8» ; trad. franc, de MM. Borghers et de Salleneuve, 1864). L’ouvrage de l’historien américain est autrement sérieux que celui de Solis ; il est divisé en six livres : le premier traite de la découverte du Mexique ; le second retrace la marche de Fernand Cortez sur Mexico ; le troisième, son séjour dans la capitale des Aztèques ; le quatrième, l’expulsion des Espagnols ; le cinquième, le siège et la reddition de la ville. Dans le sixième et dernier, l’historien relate la mort du conquérant. Un appendice, qui figurerait mieux en introduction, traite des antiquités et des origines des peuples mexicains ; l’auteur cherche à établir les rapports possibles qui ont pu lier, à une époque ignorée encore, ces peuples aux peuples occidentaux, et les rapproche des races aryennes dont il compare quelques anciennes coutumes à celles des Slexicains ; il montre aussi la conformité de certaines traditions.

Tel est le plan de cet ouvrage, qu’ont rendu populaire, autant que le talent de l’auteur, l’intérêt presque romanesque des incidents et la description pittoresque d’une nature merveilleuse et d’une civilisation étrange et deini-my’stérieuse pour nous. La science est, en effet, réduite à des conjectures sur l’origine et sur 1 histoire de tout un peuple, la barbarie espagnole ayant détruit et saccagé la plupart des monuments édifiés par les Aztèques. La peinture savante que fait Prescott de cette civilisation disparue est écrite, ainsi que tout son livre, d’un style sobre et simple qui emprunte toute sa poésie et toute sa grandeur de la nouveauté et de la magnificence des matières qu’il traite. Prescott, sans appartenir à cette école historique qui colore les objets d’une couleur fantaisiste et fantastique, n’appartient pas non plus à cette école abstraite qui isole l’homme de son milieu et se confine dans la sèche narration des faits. À l’intérêt de l’histoire proprement dite, il unit l’attrait d’un voyage à travers des mondes nouveaux qui invitent puissamment l’imagination. D’ailleurs, toute sa méthode est contenue dans cette phrase de sa préface : «Au risque de me répéter quelquefois, j’ai voulu bien pénétrer le lecteur de l’esprit du temps, et le rendre, pour ainsi dire, contemporain du xvte siècle. » Ce qui ne veut point dire que, comme tant d’historiens qui s’éprennent en quelque sorte amoureusement

des héros dont ils ont entrepris de raconter la vie, Prescott se fasse l’avocat et le pané fyriste de Fernand Cortez. Il raconte sans ésitation et sans indulgence les excès des conquérants, ramassis d aventuriers qui se souillèrent de toutes sortes d’excès et de crimes. Il a décrit admirablement le mélange de fanatisme religieux, de sentiments héroïques et de passions honteuses qui se confondaient chez ces hommes de sang : ils croyaient, selon l’expression de Navajiero, conquérir au roi des terres infinies et à Dieu une infinité d’âmes. C’est le zèle religieux qui les a poussés à. détruire tous les monuments de l’idolâtrie mexicaine, pertes irréparables pour l’histoire.

Mexique ancien et moderne (LE), par M. Michel Chevalier (1863, in-18). Ce livre fort remarquable, plein de faits et d’idées, touchant aux plus hautes questions de l’histoire, de. l’ethnographie, de l’économie politique et sociale, parut d’abord par fragments dans la Revue des Deux-Mondes. Il avait pour but de corroborer le fameux rapport du député Corta, envo3’é au Mexique pour y étudier la situation du pays, et qui en revint avec tant d’éblouissements dans les yeux. Ce rapport, qui faisait entrevoir un mirage de richesses incalculables, décida le Corps législatif à voter l’expédition où s’engloutirent les ressources militaires de la France ; l’ouvrage de M, Michel Chevalier, beaucoup plus sérieux, tenta de ramener l’opinion publique, toujours rebelle à cette aventure, et n’y réussit aucunement.

Les origines des populations aztèques, les descriptions géographiques de leurs territoires, leur gouvernement, leurs mœurs, leurs religions, enfin l’expédition de Cortez occupent la première partie du livre, la meilleure sans contredit. Les renseignements sont puisés à de bonnes sources historiques, et les MEXI

faits, sobrement exposés, intéressent. Enfin, l’auteur arrive à l’expédition française dans ces contrées si riches, que la conquête espagnole a faites si pauvres et auxquelles une nouvelle conquête, à son avis, devait restituer toute leur opulence. Aux yeux de M. Michel Chevalier, cette expédition était l’un des plus grands événements de l’histoire ; elle devait donner aux puissances européennes le moyen d’arrêter dans leur épanouissement formidable, dans leur politique d’envahissement, les États-Unis-de l’Amérique du

Nord. Aucune des nations de l’Europe occidentale n’était, suivant lui, désintéressée dans cette question ; mais la France s’y trouvait engagée d’une manière toute spéciale, comme étant à la tête des races latines. Dès ses premiers pas darfs cette voie, M. Michel Chevalier est appelé à comparer dans le développement du monde moderne les peuples

de race latine avec les peuples de race anglo-saxonne, et il reconnaît lui-même que

cette comparaison est désespérante pour les premiers. « Le bilan comparé des progrès des États catholiques et de ceux des peuples chrétiens qui professent d’autres cultes estdénature à inspirer de sombres réflexions

aux hommes qui considèrent, non sans raison, que les destinées de la France et la grandeur de son autorité sont subordonnées aux chances d’avenir des États catholiques en général et des races latines en particulier. • L’abaissement des États appartenant à la catholicité est très-sensible en Europe ; mais il est encore plus manifeste en Amérique, où les États de race latine tombent en décomposition, tandis que la grande "nationaméricaine, dirigée par le génie du protestantisme, accroît chaque jour sa puissance

et atteint une prospérité que les fureurs mêmes de la guerre civile n’ont pu interrompre. M. Michel Chevalier en concluait

l’urgence d’une expédition qui rendrait aux races latines d’Amérique le terrain perdu. Mais quelle illusion, même en admettant le triomphe constant de nos armes I Victorieuse au Mexique, la France était dans l’impossibilité de s’y établir définitivement. L’Espagne, ni l’Italie, ni les catholiques de l’Amérique du Sud n’avaient une vitalité suffisante pour la soutenir dans cette cause. L’eussentelles pu, qu’elles n’auraient pas lutté contre l’activité politique et commerciale des États-Unis du Nord. 1 ! y a, dans le livre même de M. Michel Chevalier, de nombreux passages qui mènent à cette conclusion, en sorte que 1 auteur semble avouer malgré lui l’insuccès inévitable de la Cause dont il désirait le triomphe.