Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MAXIMILIEN (Ferdinand-Joseph), empereur du Mexique, archiduc d’Autriche

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1375-1376).

MAXIMILIEN (Ferdinand-Joseph), empereur du Mexique, archiduc d'Autriche, né à Schoenbrünn le 6 juillet 1832, fusillé le 19 mars 1867. Frère de l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier, il devint successivement, par droit de naissance, vice-amiral, membre du conseil d'amirauté, commandant en chef de la marine, colonel d'un régiment de lanciers autrichiens, chef du régiment prussien des dragons de Neumark n° 3. Le 23 juillet 1857, l'archiduc Ferdinand épousa la fille de Léopold, roi des Belges, la princesse Charlotte, âgée de dix-sept ans. Peu après, il reçut le gouvernement du royaume Lombard-Vénitien, et habita Milan jusqu'à l'époque de la guerre d'Italie en 1859. Deux ans plus tard, il fut nommé président de la Chambre des seigneurs; mais il ne tarda pas à se démettre de ce poste, fit un voyage en Angleterre, puis se rendit avec sa jeune femme à Paris. Le frère du vaincu de Solferino et la petite-fille de Louis-Philippe reçurent un brillant accueil à la cour des Tuileries, et se concilièrent les sympathies du despote qui gouvernait alors la France.

Lorsque, à l'instigation du parti clérical et des porteurs de bons Jecker (v. JECKER), le gouvernement français fit l'impolitique et funeste expédition du Mexique, et résolut d'implanter un empire dans ce pays, il jeta les yeux sur l'archiduc Ferdinand, et le désigna à l'assemblée de cléricaux notables qui se réunit à Mexico après la prise de cette ville par les Français. Cette assemblée, représentant non le pays, mais le parti rétrograde, s'empressa de proclamer Ferdinand empereur du Mexique (10 juillet 1863), et envoya auprès de l'archiduc une commission chargée de lui offrir la couronne. Le 3 octobre 1863, la commission arriva au château de Miramar et présenta au jeune prince le vote des notables. Ce ne fut pas, parait-il, sans de longues hésitations que l'archiduc Ferdinand se détermina à se lancer dans une aventure qui devait lui être si fatale ; mais, sur les instances de sa femme, avide de ceindre une couronne ; sur l'assurance formelle que lui donna le chef du gouvernement français de le maintenir sur le trône avec l'argent et les soldats de la France jusqu'en 1868, après une longue et laborieuse négociation dirigée par Gutterrez de Estrada, il finit par accepter (10 avril 1864), avec le consentement de son frère, l'empereur d'Autriche, et renonça alors à ses droits éventuels sur la couronne d'Autriche.

Devenu empereur du Mexique sous le nom de Maximilien, il s'embarqua avec l'impératrice Charlotte, le 14 avril, sur la frégate autrichienne la Novara, et débarqua à la Vera-Cruz le 29 mai. Il fut froidement reçu dans cette ville, où dominait le sentiment patriotique et libéral. Mais, grâce au parti clérical qui organisa des ovations sur sa route, il put croire, en arrivant à Mexico (12 juin), qu’il était accepté par la population. Pendant que l'armée française poursuivait le grand patriote Juarez (v. JUAREZ), et essayait, mais en vain, d'écraser définitivement la résistance héroïque des républicains au joug étranger, Maximilien s'occupa d'organiser le gouvernement. Mis au pouvoir par les cléricaux et les réactionnaires, il les appela à la direction des affaires, décréta une amnistie pour les délits politiques, dans l'espoir de s'attirer des partisans, décida que chaque dimanche il donnerait des audiences à ceux qui avaient à lui proposer des projets utiles ou à lui demander le redressement d'abus, et institua plusieurs commissions, chargées d'étudier et d'organiser les diverses parties de l'administration. Le maréchal Bazaine fut mis à la tête de la commission de la guerre ; un autre Français, M. Corta, présida la commission des finances, et M. Velazquez de Léon, ministre d’État, fut chargé de modifier dans le sens d'un gouvernement absolu l'administration intérieure. Après avoir, le 26 juin, donné la régence à l'impératrice, il partit pour aller visiter les provinces de l'empire et les villes les plus importantes de l'intérieur, dans le but d'étudier par lui-même l'esprit des populations. Bien que circonvenu par son entourage clérical, Maximilien, qui ne manquait ni de sagacité ni de bon vouloir, put bientôt constater qu'il faisait fausse route, et acquit la conviction qu'il n'y avait que danger dans une politique de réaction, qu'il ne pouvait rien fonder que par un large système de conciliation, s'étendant à ceux-là mêmes qui étaient ses adversaires. Jusque-là il était l'empereur du parti clérical qui l'entourait, qui occupait les principales fonctions. Après son voyage, Maximilien inclina visiblement vers des nuances d'opinions plus libérales qu'il s'efforça de rallier à l'empire ; il étendit le cercle de ses choix pour les fonctions du gouvernement, sans tenir compte des antécédents ; il appela notamment au ministère des hommes plus jeunes et plus actifs, qui étaient connus pour leur libéralisme modéré. Le 27 décembre 1864, il se décida à faire de lui-même ce que le saint-siége ne voulait pas l'aider à faire. Il chargea le ministre de la justice de lui proposer immédiatement une mesure ayant pour effet d'assurer l'entretien de l'Église aux frais de l'État, la gratuité du culte, de garantir les intérêts légitimes créés par les lois de réforme, au moyen d'une révision soigneuse des opérations de désamortissement ; enfin, il recommanda à son ministre de se guider « d'après les principes les plus larges et les plus libéraux sur la tolérance religieuse, sans perdre de vue que la religion de l'État est la religion catholique. » Pendant l'année 1865, Maximilien porta dans toutes les parties de l'administration des velléités de libéralisme, et montra le désir de doter le Mexique de plusieurs institutions et améliorations utiles. À vrai dire, le statut ou constitution qu'il avait promulgué n'offrait aucune garantie, et laissait au pouvoir toute latitude dans l'arbitraire, car il n'établissait ni institutions politiques sérieuses ni une représentation nationale réelle. Mais si, à la mode de l’empire français, il faisait bon marché des libertés politiques, il comprenait du moins la nécessité d’accroître la prospérité du pays, dont les finances étaient épuisées. Dans une lettre à son ministre Siliceo, il lui recommanda d’organiser l’instruction primaire gratuite et obligatoire, puis il décréta l’établissement du système métrique, d’une école polytechnique, d’Académies, de diverses institutions de crédit, de chemins de fer, de télégraphes électriques, la création de voies de communication nombreuses et de colonisations militaires. En même temps, il s’occupa de réorganiser l’armée. Mais, pour réaliser ces projets, il ne lui manquait pas seulement d’être assis, d’être reconnu sans conteste par la nation, il lui fallait encore et surtout beaucoup d’argent. « On ne saurait rejeter sur Maximilien, dit le comte de Kératry, la responsabilité de toutes les défaillances auxquelles devait succomber la monarchie : c’est que l’argent, le nerf de la guerre, lui manquait déjà. Le gouvernement français n’était-il pas vraiment coupable, après avoir voulu, au prix d’énormes sacrifices repoussés par l’opinion publique, fonder une dynastie au Mexique, de n’avoir compté entre les mains de son allié que 40 millions, provenant de deux énormes emprunts, emprunts par lesquels il avait, grâce à ses propres receveurs généreux, obtenu la réalisation de 500 millions prêtés par d’imprudents souscripteurs alléchés et trompés ? N’était-ce pas du premier jour mettre sciemment au monde un royaume mort-né ?… »

Pendant qu’il luttait contre d’inextricables difficultés financières, pendant que le gouvernement français cherchait les moyens de se dégager de la pitoyable entreprise dans laquelle il s’était jeté de gaieté de cœur, le parti national et républicain, comprimé par la force, regagnait du terrain, et la lutte recommençait. Le 3 octobre 1865, à l’instigation, parait-il, du maréchal Bazaine, Maximilien signa un odieux décret par lequel il donnait l’ordre de fusiller quiconque aurait fait partie des bandes de Juarez ou leur aurait prêté assistance, puis il mettait en état de siège toutes les provinces où la résistance nationale n’avait pas cessé. Grâce à ces mesures de rigueur, il espérait ramener la tranquillité dans le Mexique. Mais, dès les premiers jours de janvier, de tous côtés, au cœur même de l’empire, éclatèrent des défections. Le souffle de la résistance avait passé sur tous les hauts plateaux. En février, la situation était des plus critiques. Les caisses de l’État étaient complètement vides, et l’armée mexicaine réclamait hautement sa paye ; peu après, Matamoros et Tampico tombaient au pouvoir des républicains. En même temps, Maximilien découvrait l’existence d’une vaste conspiration qui avait des ramifications jusque dans le ministère et à la cour même ; et, au lieu de trouver un appui dans le maréchal Bazaine, il ne rencontrait dans le chef des troupes françaises que mauvais vouloir et sourde hostilité.

Ce fut sur ces entrefaites que le gouvernement français, cédant aux impérieuses exigences du cabinet de Washington, se décida à abandonner l’homme qu’il avait lancé avec force promesses dans la plus absurde des aventures, et envoya à Mexico le baron Saillard, chargé d’annoncer à Maximilien la prochaine évacuation du Mexique par l’armée française : Cette nouvelle, en un pareil moment, produisit l’effet d’un coup de foudre dans le palais impérial. Maximilien envisagea sur-le-champ, sans se rendre compte d’où le coup partait, les terribles conséquences du brusque abandon de la France. Quand il devint plus maître d’un juste ressentiment qu’il ne déguisa pas, il repoussa nettement les propositions qui lui avaient été formulées au nom de Napoléon III. Sur de nouvelles instances de notre diplomatie, Maximilien ne tarda pas à s’apercevoir que sa cause était gravement compromise à Paris. Comme il n’avait pas encore perdu toute illusion sur le compte de l’homme qui lui avait promis son appui, il fit immédiatement partir pour Paris le général Almonte, afin d’exposer sa situation, puis s’occupa d’organiser la légion étrangère et la brigade austro-belge, les seules forces sur lesquelles il pût compter après le départ des Français. À la fin de juin, il reçut la réponse de Napoléon à son ambassadeur Almonte, réponse qui impliquait un abandon définitif et aggravait encore sa situation. « La cour de Mexico, dit M. de Kératry, resta frappée de stupeur, et témoigna même toute sa douleur de la conduite des Tuileries, et cela avec d’autant plus de force, que le trésor mexicain s’était épuisé pour faire face à ses engagements vis-à-vis de la France. À l’heure où arrivait ce message de Napoléon III, il est constant que Maximilien, à 400,000 francs près, ne devait rien : il avait, depuis quelque temps, apporté tous ses soins, tous ses efforts à satisfaire aux conditions du traité de Miramar, qui était désormais foulé aux pieds, et on exigeait de lui une nouvelle convention qui devait lui enlever ses dernières ressources les plus liquides, les douanes de Tampico et de la Vera-Cruz, sur la moitié desquelles il devait consentir une délégation en faveur de la France. Si cette convention n’était pas acceptée, le maréchal Bazaine avait l’ordre de se replier immédiatement et d’abandonner Maximilien à ses seules forces. Le ressentiment de la famille impériale s’exhala en plaintes amères, et transpira même jusqu’à l’extérieur du palais. Maximilien s’écria, en présence de son entourage : « Je suis joué : il y avait une convention formelle intervenue entre l’empereur Napoléon et moi, sans laquelle je n’eusse jamais accepté le trône, qui me garantissait absolument le secours des troupes françaises jusqu’à la fin de l’année 1868. »

Dans la situation inextricable où il se trouvait placé, Maximilien comprit qu’il ne lui restait plus qu’à abdiquer. Il allait signer son abdication le 7 juillet 1866, lorsque l’impératrice Charlotte l’empêcha d’accomplir cet acte et résolut de se rendre elle-même à Paris et à Rome, pour amener une solution favorable aux difficultés de la situation. En cas d’insuccès, Maximilien devait se démettre de ses pouvoirs et revenir en Europe. Après le départ de l’impératrice, qui devait échouer complètement et qui, sous le coup des émotions violentes qu’elle avait subies, devait perdre la raison, Maximilien, frappé d’aveuglement, rompit avec les modérés, se jeta dans les bras des ultra-cléricaux et vit aussitôt grossir le nombre de ses ennemis. C’est alors qu’il apprit l’insuccès de la démarche de l’impératrice Charlotte.

Aussitôt, il prit la détermination de quitter le Mexique, et, dans la matinée du 20 octobre, il annonça au maréchal Bazaine qu’il s’éloignait de Mexico. Il prit, en effet, pour s’embarquer à la Vera-Cruz, la route d’Orizaba ; mais, arrivé dans cette ville, il y fut rejoint par le Père Fischer, qui lui offrit, au nom du clergé et des cléricaux, 20 millions de piastres, une armée, et parvint à lui faire changer de résolution. Complètement dominé par ce jésuite, dont il devint l’instrument docile, Maximilien s’engagea à réintégrer le clergé dans ses biens amortis et à abandonner aux cléricaux toutes les dignités. Le 1er décembre paraissait le manifeste impérial d’Orizaba qui annonçait au pays la réunion d’un congrès national, et, deux jours après, le président du conseil, M. Larès, au nom de l’empereur, signifiait aux autorités françaises la résolution prise par Maximilien de ne s’appuyer que sur ses propres forces. La rupture était consommée de fait avec le gouvernement français : à partir de ce jour, Maximilien ne communiqua plus directement avec notre quartier général. Il rentra quelques jours après à Mexico, et, renonçant au palais de Chapultépec, il vint prendre ses quartiers dans une modeste hacienda voisine de la capitale, nommée la Téja. Le 14 janvier 1867, une junte, composée des partisans de l’empire, fut convoquée au palais de Mexico. À l’unanimité moins cinq voix, il y fut décidé que, la monarchie devait lutter. La junte déclara, en outre, que tout autre appel était inutile, malgré le désir formel de l’empereur d’en référer au congrès national. Les ministres de la guerre et des finances assurèrent posséder, l’un 250,000 piastres en caisse, le second 11,000,000 de piastres, dont 8,000,000 (c’est-à-dire 40,000,000 de fr.) à sa disposition immédiate : pas une de ces promesses ne fut tenue.

À partir de ce moment, Maximilien mit une ardeur incroyable à défendre son trône, qui s’effondrait fatalement. Pour faire face à des besoins urgents, il envoie à la Monnaie son argenterie et ses bijoux, il met en vente ses voitures, ses équipages de luxe et les parties de son mobilier immédiatement réalisables. Le 9 février 1867, au matin, le drapeau tricolore qui flottait sur le quartier général de Buena-Vista fut amené, et, peu de jours après, toutes les troupes françaises s’embarquaient pour la France. À ce départ répondit un soulèvement général. Le 13 mars, laissant sous la garde du ministre de la guerre Mexico, dont les républicains allaient faire le siège, il partit pour Queretaro, dont Miramon, Starquez et Mejia avaient fait leur place d’armes, et s’enferma dans cette ville, qu’assiégea Escobedo à la tête d’une armée républicaine. Maximilien avait fait trois sorties infructueuses, envoyé Marquez à Mexico pour chercher des renforts, et les vivres commençaient à devenir rares lorsque, au bout de soixante-huit jours de siége, le colonel Lopez, un des confidents de l’empereur, livra aux républicains, dans la nuit du 14 mai, le fort de la Cruz qui était la clef de la ville. Au point du jour, Maximilien apprit qu’il était cerné de tous côtés, que toute résistance était impossible, et il dut se rendre prisonnier sans condition avec Miramon, Mejia, Castillo, etc. Un mois plus tard, Maximilien était traduit devant un conseil de guerre. Juarez refusa de le voir, mais il l’autorisa à faire venir auprès de lui deux avocats et les ministres plénipotentiaires de Prusse, d’Angleterre, d’Italie et de Belgique. Son procès, commencé à Queretaro le 13 juin, se termina le lendemain ; l’ex-empereur fut condamné à la peine de mort, ainsi que Miramon et Mejia, comme ayant usurpé l’autorité suprême, fomenté la guerre civile au Mexique et porté le décret du 3 octobre 1865, qui avait fait couler le sang de tant de républicains, notamment des généraux Arteaga et Salazar. Cette sentence fut l’objet d’une délibération dans le conseil du gouvernement, présidé à San-Luis-de-Potosi par Juarez. Ce dernier inclina vers la clémence et pour le bannissement ; mais la majorité du conseil des ministres, particulièrement M. Leido de Tejada, se prononça pour l’exécution du jugement, qui seule, d’après eux, pouvait mettre un terme à l’anarchie. Vainement la diplomatie étrangère intervint-elle pour arracher l’ex-empereur à la mort ; il fut fusillé avec ses deux coaccusés le 19 juin, à sept heures du matin, et mourut bravement, après avoir adressé aux troupes une allocution dans laquelle il essaya de justifier sa conduite. Son corps fut embaumé et remis au vice-amiral autrichien Tegethoff, qui transporta ses dépouilles en Autriche. Ses funérailles furent célébrées en grande pompe à Vienne le 19 janvier 1868.

Maximilien était un lettré, un homme d’une imagination romanesque, un rêveur. On ne saurait méconnaître en lui des qualités réelles. Gouverneur du royaume lombardo-vénitien, il avait rêvé de réconcilier, par sa bienveillance et sa modération, l’Autriche avec l’Italie. Il rêva ensuite que le Mexique l’attendait comme un libérateur ; qu’un pays, où dominaient au plus haut point la haine de la monarchie et l’instinct de la nationalité, accepterait un empereur de la main des étrangers ; il crut naïvement aux belles promesses du Cabinet des Tuileries, qui, au moment même où il l’envoyait au Mexique, dès le 22 mai 1863, ainsi qu’il résulte de déclarations faites par Napoléon III au général Webb, regardait la position des Français au Mexique comme n’étant pas tenable ; il rêva qu’il trouverait un appui dans ce parti clérical qui a précipité la chute de tous les gouvernements assez aveugles pour chercher en lui ses inspirations. Enfin, aux derniers jours, alors qu’aucun homme de sens ne gardait une ombre d’espérance, il rêvait encore de conserver le trône du Mexique avec des soldats mexicains, sans l’appui d’un seul régiment français. Il ne se réveilla de son rêve que quelques jours avant la sanglante tragédie de Queretaro.

Maximilien a laissé sept volumes d’œuvres mêlées, comprenant des impressions de voyages, en Italie, en Espagne, au Brésil, des mémoires, des poésies, des pensées philosophiques. Ces œuvres, il les écrivit avant son départ pour le Mexique et en commença la publication à Vienne en 1862. Toutefois, comme elles n’étaient destinées qu’à quelques amis intimes, il ne les fit tirer qu’à cinquante exemplaires. L’année suivante, il résolut de les faire connaître au public et chargea Frédéric Hahn de les publier à Leipzig. Cette édition commença à paraître en 1865. Maximilien s’occupa lui-même au Mexique de la révision de ses œuvres, et envoya d’outre-mer à Hahn des additions et des corrections. Quatre volumes avaient paru lorsqu’eut lieu la fin tragique de ce prince. Il restait encore la matière de trois volumes qui, sur l’ordre de l’empereur d’Autriche François-Joseph, furent publiés en 1867. Ces œuvres, qui portent le titre de Tableau de ma vie, Esquisses de voyages, Aphorismes, Poésies, ont été traduites en français par M. J. Gaillard en 1868. On trouve dans ces écrits un tour d’imagination poétique, un goût prononcé pour les beaux-arts, un vif sentiment des beautés de la nature ; mais la partie la plus intéressante de son œuvre, c’est certainement celle qu’il a intitulée Aphorismes. On y remarque des pensées ingénieuses, des réflexions qui ne manquent pas de profondeur, des maximes qu’on croirait écrites par un philosophe qui a observé la vie humaine et étudié la politique loin des palais et des cours. Pour en donner une idée, nous allons en citer quelques-uns :

15 avril 1860. Le peuple en masse n’a pas d’intelligence, mais de l’instinct, et cet instinct est toujours juste. Les gouvernants qui savent le diriger vers un développement graduel et libre récolteront la paix et la prospérité. Si l’instinct, au contraire, est systématiquement méconnu pour la satisfaction momentanée d’une politique au jour le jour, il s’ensuivra une immense déraison et de redoutables catastrophes. Discerner l’instinct ; l’éprouver et le diriger réclame de l’intelligence, et cette intelligence n’est donnée qu’à l’individu.

20 avril 1860. Le despotisme exige de la part de celui qui l’exerce une intelligence énorme et une ténacité de fer ; il meurt infailliblement avec la personne. Le despotisme d’un individu se supporte difficilement, celui d’une caste est insupportable, et se fait tôt ou tard renverser.

16 août 1860. Bigotisme et lâcheté sont sœurs.

3 janvier 1861. Il faut savoir deviner les désirs des femmes, et des peuples, et leur en offrir l’accomplissement comme une surprise, avant qu’ils les aient exprimés ; en agissant ainsi, on leur est agréable, mais on fait preuve de supériorité, et l’on garde les rênes du gouvernement.

13 septembre 1861. Les peuples ne sont pas faits pour les souverains, mais les souverains pour les peuples.

22 septembre 1861. Constitution implique nécessairement opposition.

29 septembre 1861. Une vie sociale trop heureuse énerve l’activité morale d’un peuple.

Enfin les œuvres de Maximilien se terminent par un choix de poésies où l’on remarque d’assez jolies pièces, entre autres : l’Alhambra, l’Acropole d’Athènes, une Nuit en mer, Fantaisie, le Pin des Alpes, Ma patrie, le Tableau de Gérome, etc.