Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Charles XIV ou Charles-Jean, maréchal Bernadotte (J.-B.-Jules), général français, puis roi de Suède

Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1018).

CHARLES XIV ou CHARLES-JEAN, maréchal Bernadotte (J.-B.-Jules), général français, puis roi de Suède, né à Pau le 26 janvier 1764, mort à Stockholm en 1844. Il était fils d’un avocat, s’engagea à dix-sept ans dans le régiment de Royal-Marine, et n’était encore que sergent en 1789. Mais les événements lui donnèrent bientôt l’occasion de déployer ses talents. Colonel en 1792, il fut nommé général de brigade l’année suivante, sur la recommandation de Kléber, contribua à la glorieuse victoire de Fleurus (1794), où il commandait une division de l’armée de Sambre-et-Meuse, assista au passage du Rhin, près de Neuwied, s’empara d’Altorf, soutint la retraite de Gourdan, mais essuya une défaite en combattant contre l’archiduc Charles. En 1797, il passa à l’armée d’Italie, et, malgré quelques dissentiments de caractère et d’opinion avec Bonaparte, dont il avait pénétré les vues ambitieuses, il le seconda vaillamment au passage du Tagliamento, à Palmanova, à Gradisca. s’empara de Trieste, fut chargé de porter au Directoire les drapeaux enlevés à l’ennemi, se prononça énergiquement pour le coup d’État du 18 fructidor, reçut l’ambassade de Vienne après le traité de Campo-Formio, et provoqua dans cette ville un mouvement populaire en arborant le drapeau tricolore à la porte de son hôtel. De retour à Paris, il se lia avec Joseph Bonaparte, dont il épousa la belle-sœur, Mlle Clary, fille d’un négociant de Marseille, reçut en 1799 le commandement de l’armée d’observation du Bas-Rhin, bombarda Philipsbourg, prit Manbeim, fit chasser de Francfort les agents de l’Autriche, et fut appelé au ministère de la guerre après l’épuration du Directoire (30 prairial). Dans ce département, il rendit des services réels, réorganisa la défense militaire, réprima les spoliations et introduisit d’importantes améliorations dans toutes les parties du service. Renversé par les intrigues de Siéyès, qui le trouvait trop démocrate, il vécut quelque temps dans la retraite, désapprouva formellement l’acte du 18 brumaire, et fut nommé par le gouvernement consulaire général en chef de l’armée d’Ouest, battit en plusieurs rencontres les royalistes et empêcha le débarquement des Anglais à Quiberon (1800). Disgracié un moment, il reçut cependant de nouveaux commandements et la dignité de maréchal de France en 1804. Plus tard, cet ancien général jacobin fut créé prince de Ponte-Corvo, mais le dissentiment ne continua pas moins d’exister au fond de ses relations avec le maître qui s’était imposé à la France. Sous l’Empire, son rôle militaire ne fut pas moins brillant que pendant les guerres de la Révolution. En 1805, il agit en Allemagne, occupa Wurtzbourg, rétablit dans Munich l’électeur de Bavière, allié de Napoléon, contribua à la mémorable victoire d’Austerlitz, fut vainqueur à Saafeld pendant la guerre contre la Prusse, emporta Hall, vainquit, avec Soult et Murat, le prince de Wurtemberg sous les murs de Lùbeck, pénétra en Pologne après la capitulation de Magdebourg, battit les Russes près de Thorn, remporta une nouvelle victoire à Braumberg, commanda en 1808 dans la Fionie, le Jutland et les villes hanséatiques, et laissa dans ces contrées un honorable souvenir de son administration. En 1810, les états de Suède, sentant pour leur pays le besoin d’un guerrier et d’un administrateur, le proclamèrent prince royal de Suède et héritier présomptif de la couronne. Il partit sans vouloir asservir sa politique future aux plans de Napoléon, fut accueilli comme un fils par Charles XIII, qu’il entoura jusqu’à ses derniers jours de déférence et de soins affectueux. Dès ce moment il régna de fait, et la Suède n’eut qu’à s’applaudir de son choix. Mais les intérêts de sa patrie adoptive, les devoirs nouveaux que lui imposait sa position, les exigences despotiques de Napoléon, l’envahissement de la Poméranie et de l’île de Rugen par les troupes françaises, l’entraînèrent dans la coalition de 1812. Il essaya cependant de jouer le rôle de médiateur, et il écrivit à l’empereur des lettres fort sensées pour l’engager à ne point s’opposer à la paix du continent. L’injustifiable agression du monarque français, ses menaces, ses injonctions insultantes, l’inintelligente hauteur avec laquelle il traita une nation qui eût pu lui être d’un secours inappréciable pour son expédition de Russie, portèrent leurs fruits. Le prince royal (Bernadotte) remporta sur Ney et Oudinot les victoires de Grossbeeren et de Dennewitz (1813), décida du succès de la bataille de Leipzig, mais ne prit aucune part à l’invasion de la France, pour laquelle il s’était fait promettre des souverains la conservation de ses limites naturelles. On a prétendu qu’alors il nourrissait l’espérance secrète d’être choisi pour remplacer Napoléon sur le trône. Malgré sa réserve prudente pendant la campagne de France, il fut mal accueilli à Paris lorsqu’il parut en 1814. À la mort de Charles XIII (1818), il fut proclamé roi de Suède et de Norvège, et prit le nom de Charles-Jean IV. Malgré la prédiction de Napoléon, il a conservé paisiblement le trône pendant vingt-cinq ans, jusqu’à la fin de sa vie, et put le transmettre à son fils Oscar. Son règne fut une ère de prospérité pour les Suédois, qui lui témoignèrent toujours un vif attachement. Il a relevé le pays qui l’avait adopté d’une décadence qui semblait irrémédiable. Commerce, agriculture, industrie, finances, marine, travaux publics, tout s’est ranimé par ses soins intelligents et son activité. On a publié en 1819 (Paris) sa Correspondance avec Napoléon, ainsi qu’un Recueil de lettres, proclamations et discours (Stockholm, 1825).