Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CONDÉ (Louis-Antoine-Henri DE BOURBON), fils du précédent, connu surtout sous le nom de ''duc d’Enghien''

Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 4p. 868).

CONDÉ (Louis-Antoine-Henri de Bourbon1), fils du précédent, connu surtout sous le nom de duc d’Enghien. V. Enghien.

Condé (LES TROIS DERNIERS PRINCES DE LA MAISON DE), par Crétineau-Joly (Paris, 1867, 2 vol.), titre fort attrayant d’un livre fort curieux. Le sujet était délicat. C’était une belle, mais difficile entreprise, que de nous raconter, en 1867, des existences très-chevaleresques sans doute, mais totalement en dehors des conditions de la société moderne, et consacrées à la défense d’un régime justement condamné aujourd’hui. L’auteur avait à évoquer les souvenirs sinistres du fossé de Vincennes et de l’espagnolette de Saint-Leu. Est-ce tout ? Il avait souvent à nous citer des lettres où l’on voyait à chaque ligne des princes français traiter leurs concitoyens d’ennemis, se désoler des victoires de la France et se réjouir de ses échecs. Au XIXe siècle, pour que l’histoire de pareils hommes et de pareilles choses fût supportable, il fallait qu’elle fût tout à fait impartiale. Il fallait que l’écrivain, tout en rendant justice à la sincérité, à la bravoure, à l’héroïsme de ses personnages, n’essayât point cependant de prendre leur parti et de plaider leur cause auprès de la postérité. La cause est jugée ; la cause est perdue : tout ce que pouvait faire l’avocat des princes de Condé, c’était de plaider les circonstances atténuantes. M. Crétineau-Joly a voulu faire absoudre ses héros : il a eu l’audace inconcevable de nier leur crime. C’est trop de partialité : disons-le-lui, c’est trop de maladresse.

Nous ne sommes pas seul à le lui dire. Il est curieux d’entendre M. de Pontmartin, qui n’est pourtant pas un bien chaud démocrate, reprocher à M. Crétineau-Joly ses velléités réactionnaires et sa maladroite apologie de la trahison. « Si vous voulez, dit-il à l’historien de la maison de Condé, que je ne regarde pas de trop près à vos enthousiasmes, ne soyez pas trop implacable dans vos haines ; si vous voulez tresser ou faire refleurir des couronnes, ne rouvrez pas des blessures. » Et le spirituel auteur des Samedis se plaît à donner la leçon à son confrère ; il refait son livre en quelques pages, et lui montre de quelle façon il fallait s’y prendre. Mais la leçon est-elle bonne ? Si le livre de M. Crétineau-Joly est partial et faux, celui que M. de Pontmartin propose serait-il plus vrai et plus historique ? Suivant lui, pour faire accepter la tragique histoire des Condés avec les pieux commentaires de l’auteur, il suffisait d’un changement d’optique ; il fallait reculer la perspective, exagérer le lointain, faire des légendes, entourer la figure du prince de Condé, du duc de Bourbon, du duc d’Enghien d’un nimbe lumineux ; les représenter dans une espèce de brume vaporeuse, qui efface tous les traits saillants, tous les tons criards ; en faire une sorte de trinité mystérieuse, qu’on entreverrait à peine et qu’on admirerait de confiance. Singulière conception ! étrange méthode historique ! Décidément, nous aimons encore mieux les procédés de M. Crétineau-Joly. Ils sont plus francs, s’ils sont moins habiles. Quand on juge des personnages si connus, presque des contemporains, on ne fait pas une œuvre d’artiste ; et ces portraits vagues et indécis que voulait nous peindre M. de Pontmartin seraient une pure fiction, qui pourrait trahir beaucoup de talent, mais qui n’aurait aucune valeur historique. Le premier mérite d’un portrait, c’est d’être ressemblant ; tant pis pour le modèle s’il a des imperfections. Qu’on nous permette de mettre dos à dos l’auteur et le critique, M. Crétineau-Joly et M. de Pontmartin, et de leur dire à tous deux qu’ils ne sont pas de vrais historiens, l’un parce qu’il n’est pas assez impartial, l’autre parce qu’il l’est trop. Encore un mot ; si l’un ne sait pas l’art des nuances, l’autre, au contraire, le possède si bien, qu’il n’a plus de couleur ; il y a un milieu à tenir entre ces deux excès.