Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CASSAGNE ou CASSAIGNE (l’abbé Jacques), littérateur français

Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 2p. 498).

CASSAGNE ou CASSAIGNE (l’abbé Jacques), littérateur français, né à Nîmes en 1636, mort en 1679. Il rédigea d’abord des canevas de sermons pour les prédicateurs, composa ensuite de fort médiocres poésies, qui lui ouvrirent les portes de l’Académie française, où il remplaça Saint-Amand (1662). Il fut nommé par Colbert garde de la bibliothèque du roi et membre de l’Académie des inscriptions. Désigné pour prêcher à la cour, il n’osa monter en chaire, intimidé par le trait que lui avait décoché Boileau dans ces trois vers :

Moi qui ne compte rien, ni le vin ni la chère,
Si l'on n’est plus à l’aise assis en un festin
Qu’aux sermons de Cassagne ou de l’abbé Cotin.

On prétend même que de nouvelles moqueries du cruel satirique égarèrent sa raison, et qu’on fut obligé de l’enfermer au couvent de Saint-Lazare, où il termina sa vie ; mais ce fait a été contesté, Pour donner une idée du poëte, nous citerons de lui cette pièce, qui a pour titre : Vers sur la mort, et qui a paru dans l’Élite de poésies fugitives ;

Roses en qui je vois paraître
Un éclat si vif et si doux,
Vous mourrez bientôt ; mais peut-être
Je dois mourir plus tôt que vous.

La Mort, que mon âme redoute,
Peut m’arriver incessamment,
Vous mourrez en un jour, sans doute,
Et moi peut-être en un moment.

Si Cassagne ne s’éleva jamais au-dessus de la médiocrité et comme poète et comme orateur de la chaire, on ne saurait lui contester toutefois une érudition solide et variée. Fort apprécié de Colbert et ami de Chapelain, il reçut une pension de 1,500 livres et fut un des beaux esprits du temps les mieux rentés. Dans son poème de Henri IV, qui lui conquit surtout la faveur du ministre, on trouve ces deux vers dont Voltaire s’est approprié le dernier dans sa Henriade ;

Lorsque après cent combats je possédai la France
Et par droit de conquête et par droit de naissance.

Outre la préface des œuvres de Balzac, édition de 1665, Cassagne a publié : Traité de morale sur la valeur (Paris, 1674, in-12) ; une traduction des Dialogues de l’orateur, de Gicéron, sous le titre de Rhétorique de Cicéron (Paris, 1673, in-8o) : une traduction de Salluste : Histoire de la guerre des Romains (Paris, 1675, in-8o), en tête de laquelle on trouve sous forme de discours préliminaire, une dissertation sur l’art d’écrire l’histoire, etc. En dépit d’un savoir incontestable et d’un bon jugement, Cassagne, par le fait d’une boutade de Boileau, se trouve pour jamais classé parmi les immortels voués à la célébrité du ridicule-.