Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BOURBON (Louis II, troisième duc DE), dit le Bon et le Grand

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 1110).

BOURBON (Louis II, troisième duc de), dit le Bon et le Grand, né en 1337, mort en 1410, était fils du précédent. Après avoir rendu les derniers devoirs à son père, il alla, avec ce qu’il avait d’hommes d’armes, près du dauphin Charles, qui avait pris la régence du royaume pendant la captivité de Jean Ier et fut compris, en 1359, après le traité de Brétigny, au nombre des otages livrés au roi d’Angleterre pour garantir le payement de la rançon du roi de France. Louis resta à Londres pendant huit années. Bien que sa courtoisie et les grâces de son esprit lui eussent fait donner le surnom de roi d'honneur et de liesse, Édouard refusa longtemps de lui accorder sa liberté, même après avoir reçu sa rançon. De retour en France, il institua l'ordre de chevalerie de l’Écu d’or pour récompenser les chevaliers et les barons de son duché, qui, pendant sa longue absence, avaient protégé ses domaines contre les déprédations des grandes compagnies ; puis il fit, avec autant de succès que d'ardeur,la guerre aux Anglais dans le Poitou et dans la Saintonge (1371-1372). S'étant lié d’une étroite amitié avec Duguesclin, il alla combattre avec lui le duc de Bretagne, qui venait d'appeler les Anglais (1373). La duchesse tomba entre ses mains. « Ah ! beau cousin, lui dit-elle, suis-je donc prisonnière ? - Nenni, Madame, lui répondit-il, nous ne faisons pas la guerre aux dames. » Et il la renvoya à son mari. Bientôt après, il se rendait près du duc d'Anjou, prenait aux Anglais Brives-la-Gaillarde, l'Agenois, le Condomois et une partie de la Gascogne, et les expulsait complètement de l'Auvergne (1374). Une trêve ayant été conclue cette année même entre la France et l’Angleterre, Louis de Bourbon, sur l'invitation d'Henri Trastamare, se rendit en Espagne pour y combattre les Maures. Ce projet ne se réalisa point, par suite de la guerre qui éclata entre le Portugal et la Castille. De retour en France, le duc de Bourbon fit en Bretagne, avec Duguesclin, une expédition qui échoua et amena la disgrâce du connétable. Celui-ci avait renvoyé son épée au roi et se disposait à passer en Castille, lorsque Louis de Bourbon intervint, ramena l’esprit de Charles V à des sentiments plus équitables, et obtint de Duguesclin qu'il revînt sur sa détermination. Après la mort du roi, en 1380, Louis de Bourbon fut l’un des quatre princes du sang chargés de la tutelle de Charles VI, ainsi que de l'administration du royaume, et il fut le seul qui s'acquitta de cette mission d’une manière louable et désintéressée. En 1382, il prit part à la bataille de Rosebecq, dirigea le siège de Bourbourg, fit l'année suivante une expédition glorieuse contre les Maures d’Afrique, et, de retour en France, il batailla de nouveau contre les Anglais, à qui il enleva un grand nombre de places en Poitou et en Saintonge. Il se rendit alors près du roi ; mais, profondément dégoûté de la corruption qu’il vit régner à la cour, il résolut de s’en éloigner, et entreprit en 1390 une nouvelle expédition contre les Maures et les pirates de Tunis, à la tête d’une flotte de quatre-vingts vaisseaux. Bien que son armée se trouvât bientôt décimée par un climat meurtrier, il remporta plusieurs victoires, qui forcèrent le bey de Tunis à faire un traité par lequel il s'engageait à mettre en liberté tous les esclaves chrétiens, à payer 10,000 besants d’or pour frais de la guerre, et à ne plus inquiéter la navigation sur la Méditerranée. En 1392, Charles VI étant tombé en démence, le duc d'Orléans, son frère, et Philippe de Bourgogne se disputèrent le pouvoir et jetèrent un trouble profond dans le royaume par leur ambitieuse rivalité. Le duc de Bourbon tenta vainement d'apaiser les querelles sanglantes qui divisèrent de plus en plus les maisons de Bourgogne et d'Orléans. Il se retira dans ses domaines et mourut à Moulins. Aussi humain que brave, d’un esprit élevé et véritablement chevaleresque, Louis de Bourbon fut vivement regretté de tous ceux qui déploraient l'état d’anarchie profonde dans lequel se trouvait la France. Si l'on en croit un contemporain, les gens du peuple disaient, en voyant passer son convoi : « Ah ! mort, tu nous as ôté en ce jour notre soutien, celui qui nous gardoit et nous défendoit de toutes oppressions. C’étoit notre prince, notre confort, notre duc, le plus prud’homme et de la meilleure vie et conscience qu’on pût trouver. » Le duc de Bourbon ne s'était pas borné à faire bâtir des couvents et des hôpitaux, il avait fait fortifier et paver à ses frais plusieurs villes du Bourbonnais et de l’Auvergne.