Grammaire de l ornement/Chap XVII

Day & Son, Limited-Cagnon (p. 107--).

Chapitre XVII. — Planches 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82.
ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.
1, 8, 
9. Bas-reliefs de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
2. 
Bas-reliefs de la Scuola di San Marco, Venise.
3. 
Bas-relief formant la continuation en montant de la fig. 2
4, 6. 
Bas-reliefs de l’église de San Michele in Murano, Venise.
5, 7. 
Bas-reliefs de la Scala dei Giganti, Venise.

1, 2. 
Tirés d’une collection de plâtres pris, sous la surintendance du Professeur Varny, des principaux monuments du Cinque-cento, Gènes.
3. 
Pris de la première porte faite par Ghiberti au baptistère, Florence.
4, 5, 
8, 9, 11. Recueillis à Gènes.
6. 
Pris à Venise.
7. 
Pris de l’église de Santi Giovanni e Paolo, Venise.
10. 
Pris de l’hôtel Bourgtheroulde, Rouen.

1. 
Bas-relief par Andreo Sansovino, pris de l’église de Sta. Maria del Popolo, Rome.
2. 
Bas-relief de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
3. 
Bas-relief de l’hôtel Bourgtheroulde, Rouen.
4. 
Bas-relief tiré d’une collection de plâtres des meilleurs ornements du cinque-cento de Gènes, pris sous la surintendance du Professeur Varny.
5, 7, 
8, 10. Bas-reliefs, de Gènes.
6. 
Bas-relief du tombeau Martinengo, Brescia.
9. 
Bas-relief de la base des “ Trois Graces ” de Germain Pilon, Louvre.

1-3. 
Ornements émaillés sur cuivre, dans l’ancien style champlevé de Limoges, pris du musée de l’hôtel Cluny. Paris.
4, 8. 
Idem, d’une période plus récente.
9. 
Ornement du fond d’un tableau, Hôtel Cluny.
10, 11. 
Émaux sur fond d’or, Louvre.
12. 
Incrustation d’argent sur ivoire du seizième siècle, Hôtel Cluny.
13. 
Pris d’un coffret qui se trouve à l’Hôtel Cluny.
14. 
Pris d’une poire à poudre en fer, du seizième siècle, Hôtel Cluny.
15-17. 
Objets semblables en buis, du même musée.
18-20. 
Pris d’émaux de Limoges du seizième siècle, du même musée.
21. 
Idem, du Louvre.
22-24. 
Émaux sur fond d’or, seizième siècle, Louvre.
25. 
Partie d’un cabinet d’ébène du seizième siècle, Hôtel Cluny.
26. 
Ornements incrustés sur un fourreau de poignard du seizième siècle, Hôtel Cluny.
27, 28. 
Ornements de poterie du seizième siècle, Louvre.
29. 
Émail sur cuivre, style champlevé de Limoges.
30. 
Ornements peints, Hôtel Cluny.
31. 
Pris de l’armure de Henri III., Louvre.
32. 
Plaque en métal, du même musée.
33-35. 
Pris d’objets en métal qui se trouvent au Louvre.
36. 
Pris de l’armure de François II., Louvre.
37-39. 
Ornements repoussés en cuivre. Hôtel Cluny.
40, 41. 
Émaux style champlevé de Limoges, du même musée.
42-44. 
Ornements d’orfévrerie du seizième siècle, Louvre.
45, 46. 
Pris d’une peinture en émail peint de Limoges, seizième siècle, Hôtel Cluny.
47. 
Ornement en cuivre, même musée.
48. 
Incrustation d’ivoire sur ébène, idem.
49. 
Ornements peints, idem.
50-53. 
Émaux style champlevé de Limoges, idem.
54-56. 
Pris des accessoires de diverses peintures, idem.
57-61. 
Émaux style champlevé de Limoges.

1-36. 
Ornements pris des différents specimens de faïences hispano-arabiques, castelanes, françaises et italiennes qu’on conserve au musée de South Kensington ; et surtout des faïences dites majoliques de Pesaro, Gubbio, Urbino, Castel Durante, et d’autres villes d’Italie, du quinzième, du seizième, et du dix-septième siècle.

1-3. 
Ornements recueillis de la faïence émaillée de Bernard de Palissy, Hôtel Cluny.
4-10. 
Pris de différents spécimens de majolique, Hôtel Cluny.
11-13. 
Ornements de faïence du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
14-18, 
21. Ornements de faïence du seizième siècle, Louvre.
19, 20. 
Ornements de porcelaines du dix-septième siècle, Louvre.
22, 23. 
Ornements de poterie allemande en grés, décorée de vernis peint, seizième siècle. Hôtel Cluny.
24, 33. 
Ornements de faïences françaises, espagnoles et italiennes, Hôtel Cluny.
34. 
Pris du Louvre.

1, 2. 
Ornements de faïence.
3-6. 
Ornements de faïence du seizième siècle.
7-10. 
Ornements de faïence, du dix-septième siècle.
11, 12. 
Ornement de faïence à lustre métallique.
13. 
Pris d’un vase en verre vénitien du seizième siècle.
14-21. 
Ornements de faïence, du seizième siècle.
22, 23. 
Ornements de faïence d’une époque plus reculée.
24-27. 
Ornements de grés flamand.
28-32. 
Ornements de faïence du seizième siècle.
33. 
Pris d’un panneau de bois sculpté, du dix-septième siècle.
34-38. 
Ornements de grés émaillés.
39-12. 
Pris d’une broderie de soie sur velours.


N.B. 
— Tous les spécimens reproduits sur cette planche ont été tirés de l’Hôtel Cluny, Paris.

1. 
Pris d’un buffet de bois sculpté daté 1554, Hôtel Cluny.
2. 
Panneaux de bois du seizième siècle, Hôtel Cluny.
3. 
Pris d’un dossier de chaise en chêne, Hôtel Cluny.
4-6. 
Pris de différentes stalles de bois sculpté, du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
7-10, 
25, 26, 35, 36. Pris de différents objets d’ameublement, Hôtel Cluny.
11. 
Bout de poutre, fin du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
12, 13, 
20, 21, 39, 40. Pris de divers objets d’ameublement du seizième siècle, Hôtel Cluny.
14, 15. 
Pris d’objets d’ameublement du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
16. 
Pris d’un buffet, Hôtel Cluny.
17. 
Panneaux de volets, fin du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
18. 
Ornement sculpté, Louvre.
19. 
Pris d’un peigne en buis, Hôtel Cluny.
22. 
Balustrade de pierre, Château d’Anet.
23. 
Sculpture en pierre, Louvre.
24. 
Pris d’une cheminée, Hôtel Cluny.
27-30
Sculptures en marbre du fameux bassin de la fontaine du Château Gaillon, qu’on conserve actuellement au Louvre.
31, 32. 
Sculptures en pierre du dix-septième siècle, Louvre.
33. 
Sculpture de bois, Hôtel Cluny.
34, 38. 
Pris de la fontaine du Château Gaillon, Louvre.
37. 
Pris d’un fût d’arquebuse du seizième siècle, Hôtel Cluny.

1-9. 
Ornements sculptés d’objets d’ameublement en chêne du seizième siècle, Hôtel Cluny.
10, 11, 
19, 34. Pris du lit de François I., Hôtel Cluny.
12, 13, 
14, 32, 33. Pris de divers objets d’ameublement du seizième siècle, Hôtel Cluny.
15-17. 
Pris d’un buffet du quinzième siècle.
18. 
Pris d’un buffet en chêne daté 1524, Hôtel Cluny.
20-29. 
Pris de divers objets d’ameublement du seizième siècle, Hôtel Cluny.
30, 31. 
Panneaux de volets, fin du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.

Si deux hommes doués d’intelligence et ardents à la poursuite de l’étude de la littérature et des arts de l’Italie, allaient se mettre à l’œuvre, l’un à tracer la date la plus récente, à laquelle le reflet direct mais languissant de la grandeur romaine avait décliné, au point à ne plus répandre qu’une faible lueur sur le pays qu’il avait inondé jadis de sa lumière éblouissante ; pendant que l’autre chercherait à remonter vers les premiers efforts faits dans le même pays, pour réveiller la vénération pour ce qui, au dire des historiens, a été complètement éteint dans le cours des siècles — savoir la beauté classique — ces deux investigateurs ne manqueraient pas de se rencontrer et même de se croiser en directions inverses, dans le cours de leurs recherches. Le fait est, que les monuments matériels des anciens Romains, répandus avec profusion sur le sol de l’Italie, étaient si solides et si majestueux, qu’il aurait été impossible de vivre près d’eux et de les oublier. Pour trouver des fragments d’une beauté exquise, en pierre, en bronze, ou en marbre, on n’avait qu’à se donner la peine de fouir la terre qui les couvrait à peine ; aussi s’en servait-on de temps en temps, soit pour faire des tombeaux, soit pour former les accessoires de divers bâtiments, dans la construction desquels cependant, on perdait de vue et négligeait les principes de l’art auxquels ces fragments devaient toute leur beauté. Voilà pourquoi le style gothique a été lent à prendre racine en Italie, où il était destiné à fournir une carrière brillante mais de courte durée. À l’époque même, ou à peu près, où un Anglais introduisait le cintre en ogive dans la construction de St. Andrea, à Vercelli, au Nord de l’Italie, et où les constructions allemandes du Magister Jacobus s’élevaient à Assisi ; Nicolo Pisano, le grand rénovateur de la sculpture antique, commença sa première protestation en faveur des anciens et de leurs arts. La fin du treizième siècle fut marquée d’ailleurs, par une révolution complète dans le monde des lettres. Dante, dans son temps, n’a pas moins été connu comme grand poète chrétien, que comme émule de l’immortel poète de Mantoue, qui avait fait une étude approfondie des sciences classiques. Au quatorzième siècle, Pétrarque et Boccaccio, amis intimes, passèrent une vie longue et laborieuse, pas seulement à écrire des ouvrages italiens en vers ou en prose, mais à travailler sans cesse pour conserver et pour rendre au monde, le texte, perdu depuis long-temps, des auteurs romains et grecs. Cino da Pistoia, de même que quelques autres savants commentateurs et juristes, mit à la mode l’étude du grand « corpus » des anciennes lois, et établit des académies où ce recueil fut adopté comme texte. Ce fut Boccaccio qui donna à l’Italie le premier récit lucide de la mythologie païenne, et qui institua la première chaire de langue grecque à Florence, où il amena de Constantinople le savant grec Leontius Pilatus pour y remplir, le premier, les fonctions de professeur. Ces efforts de ressusciter les connaissances classiques furent secondés par une nombreuse cohorte de notables, parmi lesquels nous citerons, comme les plus généralement connus, Jean de Ravenna (élève de Pétrarque), Leonardo Aretino, Poggio Bracciolini, Æneas Sylvius (plus tard Pape Pie II., 1458-1464) et Cosmo, le père des Médicis. Ce fut à l’époque où les hommes dont nous venons de parler, étaient parvenus, à force de travail, à accumuler dans les bibliothèques publiques et particulières, tout ce qui restait de l’ancienne littérature classique, que l’art de l’imprimerie fut introduit en Italie, vers le milieu du quinzième siècle. Sous les auspices des Bénédictins de Subiaco, deux allemands, Sweynheim et Pannartz, établirent leur presse dans le célèbre monastère de Santa Scholastica, où ils publièrent, en 1465, leur édition de Lactantius. En 1467 ils se rendirent à Rome où ils produisirent, comme premier fruit de leurs travaux, « Cicero de Oratore. » En Allemagne et en France, ce fut la littérature biblique et ecclésiastique qui fournit la première occupation à l’imprimeur, en Angleterre ce fut la littérature populaire, tandis qu’en Italie, la littérature classique absorba, pendant quelque temps, presqu’exclusivement l’attention des typographes. Nicholas Jenson, que Louis XI. avait envoyé aux ateliers de Fust et de Scheffer pour y apprendre « le nouvel art par lequel on faisait des livres, » se rendit de Mayence à Venise pour y exercer les connaissances qu’il avait acquises dans cet art. C’est lui qui a inventé le caractère italique adopté dans la suite par le savant Aldus Manutius, homme remarquable, aussi érudit éditeur qu’imprimeur zélé, qui, à commencer de l’an 1490, a donné au monde en succession rapide, les éditions des différents auteurs classiques grecs et romains. Parmi ces premières œuvres, se trouve le « Hypnerotomachia, » ou rève de Poliphilus, écrit par le savant ecclésiastique Fra Colonna ; ouvrage à jamais mémorable dans l’art typographique. Il est profusément illustré de gravures sur bois, dont les dessins ont été attribués par quelques autorités au grand artiste Andrea Mantegna. Grace à ces illustrations, qui trahissent une étude approfondie des anciens ornements ; des types opposés diamétralement à ceux du moyen-âge, se répandirent sur le continent de l’Europe. La publication de Vitravius qui eut lieu à Rome vers 1486, à Florence en 1496, et qui parut accompagné d’illustrations à Venise en 1511, ainsi que le grand ouvrage d’Alberti, « De Re Ædificatoriâ, » Florence, 1485, mit le sceau à la tendance classique du siècle en fait d’arts ; et fournit les moyens de transmettre rapidement aux autres pays, les détails du dessin antique accueilli avec tant de ferveur en Italie. Les successeurs du premier Aldus à Venise, les Gioliti de la même ville, et les Giunti de Florence, multiplièrent rapidement les œuvres classiques ; ainsi l’imprimerie rendait universel et cosmopolite, ce mouvement de la rénovation, lequel, sans ce grand art, se serait limité probablement au sol de l’Italie.

Mais, long temps même avant que les aspirations des premiers explorateurs des mines de l’antiquité eussent commençé à porter des fruits, les indices ne manquaient point dans le monde artistique, de cet antagonisme aux formes gothiques, qui était, pour ainsi dire, inné chez les Italiens. Dans les ornements qui entourent le plafond de l’église d’Assisi, œuvre attribuée à Cimabue, le père de la peinture, l’acanthe est dessiné avec beaucoup d’exactitude ; et Nicola Pisano et quelques autres maîtres du trecento, ou treizième siècle[1], avaient déja su tirer de l’étude des restes antiques, nombre d’éléments importants pour le dessin. Ce ne fut cependant qu’au commencement du quinzième siècle, que le mouvement de la rénovation commença à porter des fruits précieux. Dans son premier état, la renaissance des arts n’a été qu’une rénovation de principes, et ce n’a été guère avant le milieu du quinzième siècle, qu’elle devint en quelque sorte une rénovation littérale. Nous voulons bien admettre que, dans la première période où les inspirations se puisaient aux sources de la nature, et où les détails des formes classiques n’étaient encore que peu connus et peu imités, quelques unes des productions aient présenté des défectuosités, auxquelles un système plus régulier d’éducation remédia plus tard ; mais nous ne saurions nier cependant, que nous préférons la fraîcheur et la naïveté, que les premiers pionniers ont mis dans leur ouvrage, aux graces plus complètes, mais aussi plus faciles, qui ont résulté de la reproduction presque directe de l’antique.

Le premier grand pas en avant, a été fait par le célèbre Jacopo della Quercia, qui, après avoir été exilé de Sienne sa ville natale, à Lucques, exécuta vers 1413, dans la cathédrale de cette ville, un monument à la mémoire d’Ilaria di Caretto, épouse de Giunigi de Caretto, seigneur de la ville. Dans cet ouvrage intéressant, (dont il existe un bon plâtre au Palais de Cristal) Jacopo a prouvé une étude soigneuse de la nature, tant dans les festons qui entourent la partie supérieure du piédestal, que dans les « puttini, » ou enfants joufflus, qui leur servent de supports ; la simplicité de son imitation se trahit dans les petites jambes tordues d’un de ces « puttini. » Son grand ouvrage cependant, c’est la fontaine de la Piazza del Mercato, à Sienne, qui a coûté deux mille deux cents ducats d’or, et qui présente, même dans son état actuel de délabrement et de dépérissement, des preuves du rare talent de l’auteur. Après l’exécution de ce capo d’opera, on lui donna le nom de Jacopo della Fonte ; cet ouvrage lui a valu de grandes distinctions, parmi lesquelles il faut compter sa nomination de marguillier de la cathédrale de Sienne, ville où il mourut en 1424, à l’âge de soixante quatre ans, après une carrière marquée par de grands travaux et par beaucoup de vicissitudes. Quoiqu’il ne fût pas heureux au concours pour la seconde porte de bronze du baptistère de Florence, comme on verra ci-après, il n’en a pas moins été estimé pendant sa vie et il a continué, même après sa mort, à exercer sur la sculpture une influence aussi grande que salutaire. Mais quelque grand que fût son mérite, il était bien au dessous de celui de Lorenzo Ghiberti son contemporain, tant pour l’imitation correcte de la nature que pour la grace, la dextérité et la facilité dans les combinaisons de l’ornementation.

En 1401, Florence, sous une forme de gouvernement essentiellement démocratique, était devenue une des villes les plus florissantes de l’Europe. Dans cette démocratie civique, les différents métiers étaient divisés en corporations appelées « arti, » représentées par des députés (consoli). Dans l’année mentionnée ci-dessus, ces députés résolurent de faire élever au baptistère, une seconde porte de bronze pour faire pendant à celle d’Andrea Pisano, laquelle avait été exécutée dans un style noble mais gothique.

La Signoria, ou gouvernement exécutif, fit part de cette résolution aux premiers artistes de l’Italie, pour les inviter au concours. Lorenzo Ghiberti, natif de Florence, qui n’avait que vingt-deux ans à cette époque, osa se présenter au concours, et fut prononcé capable et digne d’entreprendre l’ouvrage conjointement avec deux autres artistes, Brunelleschi et Donatello. Ceux-ci, cependant, se retirèrent volontairement en sa faveur ; et vingt-trois ans plus tard, Ghiberti acheva et posa la porte. La beauté du dessin et du travail était telle, que la Signoria lui donna la commande d’une autre porte, qui fut finie en 1444. Il serait impossible d’estimer trop haut l’importance de cette œuvre, soit à l’égard de son influence historique sur l’art, soit pour son mérite intrinsèque — car c’est un ouvrage qui, pour la beauté du dessin et la supériorité du travail, n’a point son égal parmi tous les spécimens semblables, de n’importe quelle époque. Les ornements (dont nous avons reproduit une partie, planche LXXV., fig. 3) qui entourent les panneaux, sont dignes de l’étude la plus minutieuse. Lorenzo Ghiberti, avait reçu son éducation de son beau-père, un orfèvre ; il n’appartenait à aucune école et l’on ne saurait dire qu’il en ait fondé une ; et son influence sur l’art, se manifeste plutôt dans l’hommage que des hommes tels que Buonarotti et Raphaël ont rendu à ses ouvrages, que par la formation de sa part, d’une école pour élèves. Il mourut dans sa ville natale, à un âge avancé, en 1455. Un de ses successeurs immédiats, Donatello, a su imprimer à ses ouvrages une verve et une vigueur mâle, qu’on ne trouvait pas toujours dans les compositions de Ghiberti, malgré la beauté qui les distinguait ; mais les qualités de l’un et de l’autre de ces artistes se trouvèrent réunies dans Luca della Robbia, qui a exécuté, dans le cours de sa longue vie (de 1400 à 1480) un nombre infini de travaux, dans lesquels les détails de l’ornementation étaient exécutés dans un style libre, gracieux et fort analogue à l’antique. Filippo Brunelleschi combina le talent d’un sculpteur avec celui d’un architecte. Il a fourni la preuve du premier, dans l’excellent spécimen d’ouvrage avec lequel il entra en concurrence avec Ghiberti pour l’exécution des portes célèbres de San Giovanni Battista ; et de l’autre, par la magnifique cathédrale de Sta. Maria qu’il construisit à Florence. Cette combinaison des capacités d’architecte et de sculpteur était, du reste, un trait qui caractérisait l’époque, dont les monuments nous présentent un mélange harmonieux de figures, de feuillages, et d’ornements conventionnels, qui s’allient si agréablement avec les moulures et avec les autres formes de la construction, qu’on voit au premier coup-d’œil, que tout l’ensemble a dû éclore, dans une forme parfaite, dans l’âme de l’artiste qui l’a exécuté.


Arabesques destinées par Baccio Pintelli, église de Sant’Agostino, Rome.


Arabesques destinées par Baccio Pintelli, église de Sant’Agostino, Rome.
00Ce développement du goût qui distinguait la Toscane se fit remarquer aussi à Naples, à Rome, à Milan, et à Venise. Le flambeau allumé par Massuccio à Naples passa successivement entre les mains d’Andrea Ciccione, de Bamboccio, de Monaco, et d’Amillo Fiore.

Panneau de la Piscine du maitre-autel de la Cortosa, Pavie.
L’opulence des princes à Rome, et les grands travaux entrepris par les pontifes successifs, tendaient à attirer vers la cité impériale les premiers talents de l’époque ; aussi y trouve-t-on jusqu’à ce jour, dans les différents palais et églises, des fragments de la sculpture décorative la plus exquise. Bramante, Baldassare, Peruzzi, Baccio Pintelli (nos gravures sur bois ci-contre reproduisent quelques exemples élégants des arabesques exécutées par

Panneaux de la Piscine du maître-autel de la Certosa, Pavie.
cet artiste à l’extérieur de l’église de Sant’Agostino, un des premiers bâtiments dans le style pur de la rénovation, exécutés dans la ville impériale) et le grand Raphaël même, ne dédaignaient point de dessiner pour les sculpteurs, des ornements qui trahissaient le goût le plus pur et l’imagination la plus exquise. La preuve la plus frappante de la perfection acquise dans ce département de l’art, par le dernier des artistes que nous venons d’énumérer, se trouve sans contredit dans les fameuses stalles en bois du chœur de San Pietro dei

Casinensi, à Perugia. L’exécution des sculptures par Stefano da Bergamo est parfaitement digne des compositions admirables de Raphaël.

Le dôme de Milan et la Certosa de Pavie ont créé une école d’art vraiment remarquable, école qui comptait au nombre de ses plus importants maestri les artistes Fusina, Solari, Agrati, Amadeo, et Sacchi. Ces localités, du reste étaient depuis longtemps traditionnellement connues pour le talent de leurs sculpteurs ; et il n’y a point de doute que ces artistes n’aient réalisé dans les formes les plus parfaites, les traditions qui existaient encore des Maestri Comaschi, ou Franc-maçons, de Como, au génie desquels les bâtiments les plus célèbres du moyen-âge doivent leurs ornements les plus gracieux. Parmi les Cinque-centistes Lombards, ce sont Agostino Busti, mieux connu sous le nom de Bambaja, et son élève Brambilla, qui ont le plus haut titre à l’admiration générale, et dont les charmantes arabesques, qui ornent la Certosa, resteront toujours des merveilles d’exécution. Nos gravures sur bois, prises de la Piscine du maître-autel, peuvent servir à donner une idée du style général des arabesques de Pavie.

Parmi les artistes que produisit Venise, il faut mentionner en premier lieu, les Lombardi (Pietro, Tullio, Giulio, Sante, et Antonio), aux talents desquels la ville a dû ses monuments les plus fameux. Après eux vinrent Biccio, Bernardo, Domenico di Mantua, et nombre d’autres sculpteurs, dont la gloire cependant a été éclipsée par celle du grand Jacopo Sansovino. À Lucques, ce fut Matteo Civitale (né 1435, mort 1501) qui soutint amplement la réputation de l’époque. Retournant à la Toscane nous y trouvons, vers la fin du quinzième siècle, la plus grande perfection déployée dans la sculpture

Ornements de la Piscine du maître-autel de la Certosa, Pavie.
Partie d’un pilastre de l’église Sta. Maria dei Miracoli, Venise, par les Lombardi.
Partie d’un pilastre de l’église de St. Maria dei Miracoli, Venise.
des ornements, dont le principal trait caractéristique n’était plus alors, comme auparavant, la simple imitation soigneuse de la nature, mais plutôt une reproduction conventionnelle de l’antique. Les noms de Mino da Fiesole — le plus grand parmi les artistes de l’école des Fiesolani — de Benedetto da Majano, et de Bernardo Rossellini, nous rappellent les nombreux monuments exquis qui abondent dans les églises de Florence et des autres principales villes du Grand-Duché. Ces artistes excellaient dans les ouvrages en bois, en pierre et en marbre ; et leurs ouvrages dans ce style de l’art, n’ont été surpassés que par ceux de leurs prédécesseurs, dont nous avons parlé, et par ceux d’un petit nombre de leurs contemporains.

Parmi ceux-ci nous nommerons Andrea Contucci, mieux connu sous le nom de Sansovino l’aîné, comme prééminent dans son art ; et il serait impossible de porter le modelé des ornements à un plus haut degré de perfection, que celui qu’il a déployé dans les monuments admirables, qui font la gloire de l’église de Sta. Maria del Popolo, Rome. Son élève Jacopo Tatti, qui prit dans la suite le nom de son maître, est le seul artiste qu’on puisse regarder comme son rival. Nous en parlerons ci-après.

Ayant tracé succinctement la succession historique des grands sculpteurs de l’Italie, qui étaient tous ornementistes en même temps que sculpteurs, nous allons signaler quelques unes des leçons, qu’à notre avis, l’étude de leurs ouvrages ne peut manquer d’enseigner aux artistes et aux artisans. Une des qualités les plus séduisantes, qui distingue plus particulièrement les ornements supérieurs en relief du Cinque-cento, c’est le talent judicieux avec lequel ceux qui les ont produits, ont su tirer parti du jeu de la lumière et de l’ombre, produit par les variations infinies du plan, non seulement sur des surfaces parallèles au fond d’où s’élève l’ornement, mais aussi sur des surfaces qui en forment les tangentes aux angles de contact qui varient à l’infini.

Entre un enroulement en forme de volute, où le relief diminue graduellement depuis le départ jusqu’à l’œil de la volute, et un enroulement où le relief est uniforme sur toute l’étendue, la différence de l’effet est très-grande ; et c’est à leur préférence constante pour la première de ces formes, que les artistes du Cinque-cento sont redevables des résultats infailliblement agréables, qu’ils ont atteints dans les combinaisons les plus simples, comme dans les plus compliquées, de leurs formes spirales.

Cette appréciation raffinée des nuances délicates du relief en sculpture, fut portée à sa plus grande perfection par Donatello, dont l’autorité, en fait de goût, avait le plus grand poids possible chez ses contemporains de Florence, et dont l’exemple fut suivi avec respect et dévotion par les artistes de toutes les classes. Il n’a pas été seulement le premier à pratiquer le bassissimo relievo, où l’effet de la projection et du modelé arrondi est produit dans des limites de relief si minimes, qu’elles paraissent presque impraticables, mais il a été aussi le premier à combiner ce genre d’ouvrage avec le mezzo et l’alto relievo ; et au moyen de cette combinaison il parvint à diviser son sujet en différents plans, presque comme dans une peinture. Donatello connaissait trop bien son métier pour jamais dépasser les conventions spéciales de la sculpture, mais il enrichit la pratique des Cinque-centisti florentins, de nombreux éléments dérivés de l’art de la peinture. Ces inventions — car elles sont presque dignes de ce nom, quoiqu’elles ne soient que le fruit d’une étude soigneuse de l’antique — furent adoptées et imitées avidement par les ornementistes de l’époque, et c’est à ces inventions qu’on peut faire remonter la trace de la supériorité technique si frappante, qui distingue les meilleures sculptures et le modelage de la renaissance.

Enfin, quand ce système de l’arrangement régulier des ornements en plans, eut atteint à l’apogée de la perfection, les effets de lumière et d’ombre se trouvèrent ménagés si ingénieusement, que vu de loin, le relievo ne présentait que des points disposés symétriquement en rapport avec certaines figures géométriques dominantes. En s’approchant de quelques pas, l’œil pouvait démêler les lignes et les figures qui joignaient les points des plus saillants. En se reprochant de plus près encore, on distinguait les feuillages et les tendrons, qui servaient à donner une idée tangible du type de la nature reproduit conventionnellement, et plus l’inspection était minutieuse et rapprochée, plus elle découvrait l’appréciation parfaite de
Petits pilastres d’un escalier en marbre de l’église de Sta Maria dei Miracoli, Venise, par Tullio Lombardo, vers l’an 1455.

Petits pilastres d’un escalier en marbre de l’église de Sta Maria dei Miracoli, Venise, par Tullio Lombardo, vers l’an 1455.
la part de l’artiste, de tous les raffinements du tissu de la surface. La « cisellatura, » ou « ciselure, » des meilleurs ornements italiens de la période du cinque-cento, telle qu’on en voit dans l’église dei Miracoli, Venise (fig. 1, 8, 9, planche LXXIV.), par les Lombardi ; dans l’église de Sta. Maria del Popolo (fig. 1, planche LXXVI.), Rome, par Sansovino ; sur les portes du baptistère, Florence (fig. 3, planche LXXV.), par Ghiberti ; dans les sculptures de San Michele di Murano (fig. 4, 6, planche LXXIV.) ; à la Scala di San Marco (fig. 2, planche LXXIV.) ; à la Scala dei Giganti (fig. 5, 7, planche LXXIV.), et dans d’autres bâtiments de Venise, est au dessus de toutes louanges. Jamais on n’y voit les fibres d’une feuille ou d’un tendron tournées dans une fausse direction, jamais la tendance gracieuse que la nature déploie dans la croissance, n’y est pervertie ou mal entendue. La polissure et les détails n’y trouvent leur place, qu’autant qu’ils ont quelque fonction spécifique à remplir ; et quoique le travail y ait été prodigué à pleines mains, à tel point que chaque touche prouve que c’était un travail d’amour, il n’y est jamais prodigué en pure perte, comme cela arrive souvent de nos jours, où l’on transforme quelquefois en dessins primaires ceux qui, au point de vue de l’intérêt, devraient être secondaires ou tertiaires.

L’introduction dans les bas-reliefs des éléments, qui sont du domaine de la peinture, dégenéra bientôt en confusion entre les mains d’artistes moins pénétrés que Donatello, de l’appréciation des limites exactes du traitement conventionnel en fait de sculpture. Le grand Ghiberti même a gâté l’effet de plusieurs de ses compositions les plus gracieuses, par l’introduction de la perspective et d’autres accessoires copiés trop directement d’après nature. Dans quelques uns des ornements sculptés de Certosa, cette faute est poussée à un tel point d’exagération, que des monuments qui, par leur beauté et leur dignité devraient inspirer au spectateur une admiration grave et sérieuse, ne servent qu’à l’amuser — ressemblant à une maison de poupées peuplée de fées, décorée de guirlandes, revêtue de tablettes, et couverte fantastiquement de feuillage, au lieu de représenter des œuvres d’art importantes, élevées en commémoration des morts, ou destinées à un usage sacré.

Un autre reproche qu’on peut adresser avec justice à bon nombre de ces monuments, c’est que les idées que leur destination doit nécessairement faire naître, s’accordent mal avec les ornements déployés dans les frises, les pilastres, les panneaux, les tympans, et les autres points enrichis d’ornements. Les masques tragiques et comiques, les instruments de musique, les ornements terminaux semi-priapiques, les autels antiques, les trépieds, les coupes à libations, les amorini dansants, les hybrides monstres marins et les chimères, sont peu en harmonie avec des monuments érigés dans des édifices consacrés ou dédiés au culte religieux. Il ne serait pas juste cependant, de mettre la faute de confondre le sacré avec le profane, entièrement sur le compte des artistes de la renaissance, dont les œuvres ne servaient qu’à refléter l’esprit prédominant de l’époque, où la rénovation du symbolisme mythologique n’était qu’une protestation contre les entraves gênantes d’une tradition ascétique, érigée en dogme sous la domination de l’Est, et endossée par l’église pendant les siècles, où l’ascendant qu’elle exerçait sur une population ignorante et turbulente, avait atteint le comble de sa hauteur. Au quatorzième siècle l’esprit des hommes les plus religieux était imbu des associations les plus incongrues ; et il n’est pas nécessaire d’aller au-delà de la « Commedia » de Dante, désignée par le monde littéraire comme le poème épique divin, pour reconnaître le fil embrouillé de l’inspiration gothique et classique, qui sillonnait tout le tissu de la littérature de cette époque.

L’étude des ornements italiens en relief du Cinque-cento, n’est pas moins utile à l’architecte qu’au sculpteur ; car il n’y a point de style dans lequel les ornements aient été mieux espacés, ou arrangés plus heureusement, de manière à contraster agréablement avec la direction des lignes architectoniques adjacentes, qui les limitent et les tiennent en subordination. On n’y trouve que rarement, pour ne
Petit pilastre de l’escalier des Géants, Palais Ducal, Venise, par Bendetto et Domenico da Mantua.

Petit pilaste d’un escalier de marbre de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
pas dire jamais, placé dans une position verticale, un ornement qui demandait plutôt une position horizontale, ou vice versâ ; il n’arrive que fort rarement, pour ne pas dire jamais, que les ornements et les moulures, ou les styles et les liernes, qui servent à donner la régularité et la symétrie à tout l’ensemble, soient en désaccord les uns avec les autres. Les planches LXXIV., LXXV., et LXXVI., représentent une suite de spécimens qui se caractérisent, pour la plupart, par la grace des lignes et par la distribution des ornements sur le plan, distribution hautement artificielle malgré son apparence naturelle. Ce sont les Lombardi, dans leurs ouvrages de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise (planche LXXIV., figs. 1, 8, 9 ; planche LXXVI., fig. 2) ; Andrea Sansovino de Rome (planche LXXVI., fig. 1) ; et Domenico et Bernardino de Mantoue, Venise (planche LXXIV., figs. 5 et 7), qui ont atteint la plus grande perfection sous ce rapport. Subséquemment à l’époque où florissaient ces artistes, on commença généralement à faire les ornements d’un haut relief plus uniforme ; en même temps on donnait plus d’épaisseur aux tiges et aux tendrons, qu’on n’effilait plus si uniformément ; on n’imitait plus si soigneusement les accidents variés de la croissance et le jeu de la nature ; on enrichissait le plan des panneaux avec plus de profusion, et l’on donnait à l’ensemble un aspect plus hérissé et moins raffiné. Le sculpteur se fit valoir comme concurrent de l’architecte, de manière que le dernier, pour se défendre contre le sculpteur et pour l’éclipser, se mit à faire des moulures plus lourdes ; et un style plus pesant devint graduellement à la mode. Nous trouvons l’indication de cette tendance vers le plethora en fait d’ornements, dans bon nombre des ouvrages gênois représentes, planche LXXV., figs. 1, 2, 4, 5, 8, 9, 11 ; et planche LXXVI., figs. 4, 5, 7, 8, et 10. ; La figure 6, de même planche, prise du célèbre tombeau Martinengo à Brescia, trahit aussi cette même tendance à surcharger.

On vit en même temps se développer dans l’art de la peinture, un mouvement correspondant à celui qui avait eu lieu dans la sculpture, et dont nous venons de donner un aperçu succinct. Giotto, élève de Cimabue, secoua les entraves de la tradition grecque, mettant toute son âme à l’étude de la nature. Ses ornements, comme ceux de son maître, se composaient d’une combinaison de mosaïques peintes, de bandes entrelacées et de reproductions libres de l’acanthe. Dans ses ouvrages à Assisi, à Naples, à Florence, et à Padoue, il a invariablement déployé une conception gracieuse de la balance qu’il est essentiel de maintenir entre les peintures sur murs et les ornements des murailles, tant pour la quantité que pour la distribution et les couleurs relatives. Ces principes si justes de la balance, ont été généralement compris et adoptés pendant le quatorzième siècle ; Simone Memmi, Taddeo Bartolo, les Orcagnas, Pietro di Lorenzo, Spinello Aretino, et nombre d’autres artistes étaient reconnus
Partie d’une porte dans un des palais des Dorias près de l’église de San Matteo, Gênes.
comme maîtres dans l’art de décorer les murs. Benozzo Gozzoli, le fameux
Ornement qui s’élance verticalement, près de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
contemplateur de la nature, qui vivait dans le siècle suivant, était également assidu dans ses études de l’antiquité, comme on peut le voir dans les ornements architectoniques qui forment le fond de ses tableaux au Campo Santo, ainsi que dans les magnifiques arabesques qui divisent ses peintures de San Gimignano. Ce fut Andrea Montegna, cependant, qui imprima à la peinture le mouvement que Donatello avait donné à la sculpture, et cela, non seulement pour les figures, mais aussi pour toutes les variétés des ornements empruntés à l’antique. Les magnifiques cartons de cet artiste, que nous avons le bonheur de posséder à Hampton Court, pourraient passer, jusques dans leurs détails les plus minutieux, pour les dessins d’un ancien Romain. Vers la fin du quinzième siècle, le style de la polychromie prit une tournure nouvelle et marquée, dont nous détaillerons les particularités dans une autre notice subséquente, où nous traiterons des arabesques et des ornements grotesques.

En détournant nos regards de l’Italie pour les diriger vers la France, pays qui, le premier parmi les nations de l’Europe, alluma son flambeau au grand feu des arts de la renaissance, auquel l’Italie avait mis la flamme ; nous trouvons que les expéditions guerrières de Charles VIII. et de Louis XII., avaient communiqué à la noblesse de France une admiration ardente pour la splendeur des arts, qu’ils rencontraient à Florence, à Rome, et à Milan. Les premiers indices évidents du changement qui allait s’opérer, furent manifestés dans le monument (détruit malheureusement en 1793), érigé en 1499, à la mémoire de Charles VIII., autour duquel des figures de femmes, en bronze doré, représentant les vertus, étaient groupées exactement dans le genre italien. Dans la même année, le Roi Louis XII. invita le célèbre Fra Giocondo, architecte de Verona, ami et condisciple d’Aldus l’aîné, et le premier qui publiât une bonne édition de Vitruvius, à se rendre en France. Il y resta de 1499 à 1506, et fournit au roi son maître, le dessin de deux ponts sur la Seine, et probablement aussi quelques œuvres moins importantes qui ont péri depuis. C’est à lui qu’on a fréquemment attribué la construction du superbe château de Gaillon, commencé par le cardinal d’Amboise en 1502, mais au dire d’Émeric David et d’autres archéologues français, cette assertion ne s’appuie pas sur des fondations suffisamment satisfaisantes. L’évidence que l’on peut tirer de la construction même, est tout en faveur d’une origine française, et contraire à Giocondo, qui était plutôt un ingénieur et un investigateur, qu’un ornementiste. D’ailleurs on y trouve, entremêlé avec ce que l’on peut avec justice appeler classique, une masse d’ouvrage bourguignon ; de manière qu’on commettrait une injustice envers Giocondo en lui attribuant la construction de ce château, de même qu’on ferait tort à la France, en lui contestant l’honneur, de devoir son premier grand monument de la renaissance, au talent d’un artiste français. Du reste, les comptes publiés en entier par M. Deville en 1850, mettent la question presqu’au delà de tout doute, en démontrant, que Guillaume Senault en a été l’architecte et le maître maçon. Il n’est pas impossible cependant, que le cardinal ait consulté Giocondo sur le plan général, dont les détails ont été exécutés ensuite par Senault et ses compagnons, français pour la plupart. Le principal artiste italien qui a travaillé à quelques unes des arabesques les plus classiques, s’il faut en juger par le style, fut Bertrand de Meynal, qui avait reçu la commission d’apporter de Gènes la magnifique fontaine vénitienne, si bien connue comme le vasque du château de Gaillon ; cette fontaine se trouve actuellement au Louvre, et nous en avons reproduit quelques ornements élégants, planche LXXXI., figs. 27, 30, 34, 38. Colin Castille, qui figure principalement sur la liste des ouvriers-artistes, comme « tailleur à l’antique, » était peut-être un espagnol qui avait étudié à Rome. Telles parties de cet ouvrage de la renaissance qui ne sont pas dans le style bourguignon, sont très pures dans tous les points les plus essentiels, et diffèrent à peine des beaux spécimens italiens.

Ce ne fut cependant que dans le monument de Louis XII., actuellement à St. Denis, près de Paris, un des monuments les plus riches du seizième siècle, que la symétrie de la disposition architecturale fut, pour la première fois en France, combinée avec une exécution de maître déployée dans les détails. Cette belle œuvre d’art commandée par François I., a été exécutée entre 1518 et 1530, par Jean Juste de Tours. Douze arcs semi-circulaires entourent les corps du couple royal, représenté nu ; sous chacun des arcs est placé un des apôtres, et au quatre coins il y a quatre grandes statues représentant la Justice, la Force, la Prudence, et la Sagesse ; le tout étant surmonté par les statues du roi et de la reine à genoux : Les bas-reliefs représentent l’entrée triomphale de Louis à Gènes, et la bataille d’Aguadel où il se signala par sa valeur personnelle.

On a voulu attribuer ce monument de Louis XII. à Trebatti (Paul Ponee), mais le monument était achevé avant que cet artiste vînt en France ; ce qui est prouvé par l’extrait suivant tiré des archives Royales : François I. écrit au Cardinal Duprat : — « Il est deu à Jehan Juste mon sculteur ordinaire, porteur de ceste, la somme de 400 escus, restans des 1200 que je lui avoie pardevant or donnez pour le menage et conduite de la ville de Tours au lieu de St. Denis en France, de la sculpture de marbre de feuz Roy Loys et Royne Anne, &c, Novembre 1531.»

Tout aussi dignes d’étude que le tombeau de Louis XII., sont les magnifiques sculptures en alto et basso relievo, exécutées à la même époque, qui décorent tout l’extérieur du chœur de la cathédrale de Chartres ; le sujet en est pris de la vie du Sauveur et de celle de la Vierge, et forme quarante et un groupes, dont quatorze sont l’ouvrage de Jean Texier qui les commença en 1514, après avoir achevé la partie du beffroi érigée par lui. Ces compositions sont pleines de beauté et de vérité, les figures en sont animées et naturelles, la draperie est libre et gracieuse, et les têtes sont pleines de vie ; mais ce qu’il y a de plus beau peut-être, ce sont les arabesques qui couvrent presque entièrement les parties saillantes des pilastres, des frises, et des moulures de la base. Ces ornements sont fort exigus ; les groupes qui couvrent les pilastres, et qui sont les plus grands, n’ont que huit ou neuf pouces de largeur. Mais tout petits qu’ils sont, ces ornements montrent une verve de sculpture et une variété de devises vraiment merveilleuses. On y voit arrangés avec un goût exquis, des feuillages en masse, des branches d’arbres, des oiseaux, des fontaines, des faisceaux d’armes, des satyres, des insignes militaires et des outils appartenant aux différents arts. Un F couronné — monogramme de François I. — se distingue visiblement dans ces arabesques, et sur les draperies sont tracées les dates des années 1525, 1527, et 1529.

Le tombeau qu’Anne de Bretagne fit élever à la mémoire de son père et de sa mère, fut fini et placé dans le chœur de l’église Carmélite de Nantes, le 1er Janvier 1507. C’est le chef-d’œuvre de Michel Colombe — artiste d’un grand talent et de beaucoup de naïveté. Les détails des ornements surtout, sont des plus élégants. Le monument, élevé au Cardinal d’Amboise, à la cathédrale de Rouen, fut commencé en 1515, sous Roulant le Roux, maître-maçon de la cathédrale. Aucun italien n’a eu part dans l’exécution de ce monument, qu’on peut regarder comme l’expression de la vigueur avec laquelle la renaissance avait exercé son influence sur les artistes du pays.



Parties du tombeau de François II., Duc de Bretagne, et de sa femme Marguerite de Foix, érigé par Anne de Bretagne à l’église carmélite de Nantes, par Michel Colombe, en 1507.

Ce fut en 1530 et 1531 que François I. invita Rosso et Primaticcio à venir en France ; et à ces artistes suivirent, en succession rapide, Nicolo del’ Abbate, Luca Penni, Cellini, Trebatti et Girolamo della Robbia. L’arrivée de ces artistes et la fondation de l’école de Fontainebleau introduisirent dans la renaissance française de nouveaux éléments, dont nous parlerons subséquemment.

Nous aurions à dépasser les limites de cette esquisse, si nous allions entrer dans les détails historiques de l’art de la sculpture en bois. Aussi nous contenterons nous de remarquer, que tous les ornements adaptés à la pierre, au marbre, et au bronze, ont été appliqués aussi aux ouvrages en bois ; et que dans aucune autre époque de l’art industriel, le sculpteur n’a exercé son talent avec plus de grace pour rehausser la richesse des objets d’ameublement somptueux. Nos planches Nos. LXXXI. et LXXXII. offrent un témoignage éclatant en faveur de notre assertion. Ceux qui étudieront ces planches avec attention, ne manqueront pas d’y apercevoir l’abandonnement graduel des ornements à feuillages, qui formaient le fonds des premiers artistes de la renaissance. Ce qui frappera en second lieu, ce sera l’entassement de différents sujets et « Capricci » tirés de l’antique, accompagnés d’une certaine ampleur de projection et d’une légère tendance à la lourdeur ; et enfin on y reconnaîtra l’adoption générale d’une suite de formes particulières, et toutes nationales, différant des formes italiennes, telles que les volutes conventionnelles entrecoupées de petites entailles carrées ou oblongues (Planche LXXXI. figs. 17 et 20), et les têtes en médaillons (Planche LXXXI. figs. 1 et 17).

Il serait difficile de découvrir les traces de l’aube naissante de la renaissance des Arts en France dans les vitraux peints du quinzième siècle. Les ornements, les dais, de même que les feuillages, y sont généralement d’un caractère flamboyant et angulaire, quoiqu’ils soient finis d’une manière nette et aisée ; et les figures portent le cachet du style de dessin qui prévalait à cette époque. Le verre, tout en produisant un effet fort agréable, est beaucoup moins épais — surtout le verre bleu — que celui du treizième siècle. Le nombre des vitraux exécutés à cette époque est immense ; et on en trouve des spécimens, plus ou moins parfaits, dans presque toutes les grandes églises de la France. L’église de St. Ouen à Rouen, possède sur les fenêtres du cléristère, quelques belles figures sur un fond blanc et carré ; et on trouvera de beaux exemples des vitraux du même siècle à St. Gervais, Paris, et à Notre-Dame, Chalons-sur-Marne.

Cet art a subi de grandes améliorations à l’époque de la renaissance. On employait les premiers maîtres pour faire les cartons ; on se servait d’émail pour donner aux couleurs de l’épaisseur sans en diminuer le riche éclat, et on employait beaucoup plus de blanc. Bon nombre de ces vitraux ne sont guère autre chose que des grisailles, comme ceux de la Sainte Chapelle à Vincennes, dessinés par Jean Cousin ; parmi lesquels il y en a un, représentant l’ange sonnant la quatrième trompette, qui est admirable de composition et de dessin. La cathédrale d’Auch contient également quelques exemples excessivement beaux, exécutés par Arneaud Demole ; Beauvais possède aussi nombre de vitraux de la même époque ; entre autres, une fort belle fenêtre à arbre de Jessé, œuvre d’Enguerand le Prince ; les têtes sont d’un style grandiose, et la pose des figures rappelle les œuvres d’Albert Durer.

Les grisailles qui ornaient les fenêtres des maisons de la noblesse et même de la bourgeoisie, étaient petites mais exécutées avec une délicatesse admirable ; et elles étaient dessinées et groupées de manière à ne laisser que très-peu à désirer.

Vers la fin du seizième siècle, cet art commença à décliner ; les nombreux peintres sur verre chômaient faute d’emploi, et le célèbre Bernard de Palissy quitta ce métier dans lequel il avait été élevé, pour se dévouer à un état qui présentait de plus grandes difficultés, mais qui lui a acquis, à la fin, la plus haute renommée. C’est à lui que nous sommes redevables des charmantes grisailles, représentant l’histoire de Cupidon et de Psyché, d’après les dessins de Raphaël, qui décoraient autrefois le château d’Écouen, résidence de son grand patron, le connétable Montmorency.

Les ornements de la renaissance ne tardèrent pas à pénétrer en Allemagne, mais ils furent lents à s’emparer de l’âme des habitants, jusqu’à ce que la propagation des livres et des gravures vînt à en accélérer l’acceptation générale. Depuis long temps il y avait eu un courant constant d’artistes qui quittaient l’Allemagne et la Flandre pour aller étudier dans les grands ateliers de l’Italie. Dans le nombre, Roger de Bruges, qui a passé une grande partie de sa vie en Italie, et mourut en 1464, — Hemskerk et Albert Durer, qui ont exercé une influence particulière sur leurs compatriotes. Ce dernier artiste trahissait, dans un grand nombre de ces gravures, une appréhension parfaite des conditions du dessin italien, penchant tantôt vers la manière gothique de son maître Wohlgemuth, tantôt vers la simplicité Raphaëlesque de Marc’Antonio. La propagation, en Allemagne, des gravures de celui-ci a incontestablement eu pour suite, de former le goût d’hommes tels que Peter Vescher, qui fut le premier à mettre à la mode en Allemagne l’art plastique de l’Italie. Mais la renaissance de l’Allemagne, même à sa période la plus heureuse, était impure — une prédilection laborieuse pour les difficultés de la main en préférence des difficultés de l’esprit, y produisit bientôt ces zigs-zags bizarres, ces ornements à lacets et en forme de joyaux, et ces monstres compliqués, animés plutôt que gracieux, qui prirent la place de l’élégance raffinée des premières arabesques italiennes et françaises. (Voyez la gravure ci-dessous.)

Laissons maintenant les Beaux-Arts pour nous tourner vers les arts industriels, dont nous tracerons la rénovation comme elle se manifestait dans les dessins des fabricants de l’époque. Grâce à leur nature immuable et invariable, les produits en verre et ceux de la céramique offrent une évidence de style aussi complète que satisfaisante, aussi avons nous consacré trois planches entières (Nos. LXXVIII., LXXIX., et LXXX.) pour illustrer ces produits. La plupart des spécimens que nous y avons réprésentés ont été choisis parmi la « Majolica » d’Italie, et nous allons faire quelques remarques sur cette faïence et sa décoration.


Arabesque par Theodor de Bry, un des « Petits-maîtres » de l’Allemagne (1598), en imitation du style italien, en y ajoutant des lacets, des carricatures, et des formes de joyaux.

Il paraît que l’art de vernisser la poterie a été introduit en Espagne et dans les Îles Baléares par les Maures, qui avaient connu et exercé cet art depuis longtemps, sur les carreaux coloriés dont ils décoraient leurs bâtiments. La faïence dite « Majolica » tire son nom, à ce que l’on croit, de l’île de Majorcque, d’où la manufacture de poterie vernie a passé, à ce que l’on suppose, au centre de l’Italie ; et ce qui vient à l’appui de cette supposition, c’est le fait, que la première faïence d’Italie était ornée de dessins géométriques et de feuilles à trèfle, portant le cachet Sarracénique, (planches LXXIX. et LXXX., figs. 31 et 13). On s’en servit d’abord à fabriquer des tuiles coloriées et concaves qu’on fit entrer dans les constructions de briques, et plus tard sous la forme de pavés encaustiques. La manufacture de ce genre de faïence se poursuivait sur une grande échelle, entre 1470 et 1700, dans les villes de Nocera, Arezzo, Citta di Castillo, Forli, Faenza (de là nom de faïence), Florence, Spello, Perugia, Deruta, Bologna, Rimini, Ferrare, Pésaro, Fermignano, Castel Durante, Gubbio, Urbino, et Ravenna, de même que dans plusieurs villes des Abruzzi ; mais c’est un fait admis que Pésaro fut la première ville où cette fabrication acquit une certaine célébrité. On donna d’abord à cette faïence le nom de « mezza » ou demi-majolica et on en faisait des assiettes épaisses et lourdes et quelquefois très-grandes. Ces assiettes sont d’une couleur gris-foncé, et enduites à l’envers d’un vernis jaune-sombre. La contexture en est grossière et graveleuse, mais on y voit çà et là un lustre doré et prismatique, quoiqu’elles soient plus généralement d’une nuance de perle. Cette demi-majolica, au dire de Passeri et d’autres autorités, a été faite au quinzième siècle, et ce n’est que subséquemment à cette époque qu’elle a été remplacée entièrement par la majolique fine.

Un moyen de vernisser la poterie a été découvert par Luca della Robbia, né à Florence en 1399, qui se servait, à ce qu’on dit, d’un mélange d’antimoine, d’étain et d’autres substances, appliqué comme vernis à la surface des charmantes statues en terre-cuite, et des bas-reliefs modelés par lui. Le secret de préparer ce vernis fut conservé dans la famille de l’inventeur, jusqu’en 1550, où il fut emporté dans le tombeau par le dernier membre de la famille. On a tenté à Florence, de ressusciter la fabrication de la faïence de Robbia, mais le succès a été minime, par suite des grandes difficultés que présentait l’entreprise. Les sujets des bas-reliefs de Della Robbia sont religieux pour la plupart, genre auquel le blanc luisant des figures est parfaitement adapté ; les yeux y sont noircis pour relever l’expression, et les figures blanches sont détachées par un fond bleu-foncé. Les successeurs de Della Robbia ajoutèrent des guirlandes de fleurs et de fruits en teintes naturelles, et quelques uns d’entr’eux coloriaient les costumes et laissaient les chairs sans vernis. Passeri prétend que cette découverte avait été faite, déja à une époque plus reculée, à Pésaro, où l’on fabriquait de la faïence au quatorzième siècle ; mais quoiqu’il soit possible que la combinaison du vernis avec la couleur, fût connue à cette époque reculée, il est certain qu’elle n’a acquis de célébrité qu’en 1462, époque où Matteo di Raniere, de Cagli, et Ventura di Maestro Simone dei Piccolomini, de Sienne, s’établirent à Pésaro pour continuer la fabrication de faïence qui s’y exerçait déja alors ; et il est fort probable que leur attention ait été réveillée par les ouvrages de Della Robbia, que Sigismond Pandolfo Malatesta avait employé à Rimini. Il y avait, à ce qu’il paraît, quelque confusion quant au procédé précis que Della Robbia avait inventé, invention que lui, ainsi que toute sa famille, regardait comme un secret précieux. Quant à nous, nous croyons que le secret consistait plutôt dans la manière de détremper et de cuire parfaitement les grandes masses d’argile, que dans le moyen de faire le vernis protecteur, lequel offrait, à ce qu’il paraît, trop peu de nouveauté pour qu’il fût nécessaire d’en faire un secret.

Le lustre prismatique et un vernis blanc brillant et transparent, telles étaient les qualités qu’on cherchait surtout à obtenir dans la majolique fine et dans la faïence de Gubbio ; le lustre métallique se produisait par des préparations de plomb, d’argent, de cuivre et d’or, et sous ce rapport la faïence de Gubbio surpassait toutes les autres faïences. Pour donner à la faïence l’émail d’un blanc éclatant, on se servait d’un vernis fait d’étain, dans lequel on plongeait la poterie à demi-cuite ; puis on y peignait les dessins avant que le vernis ne fut sec, et la promptitude avec laquelle celui-ci absorbait les couleurs, explique l’inexactitude du dessin qu’on y trouve si souvent.

Une assiette en vieille faïence de Pésaro, qui se trouve au musée de la Haye, porte un chiffre qui paraît être composé des lettres « C. H. O. N. » Une autre assiette, mentionnée par Pungileoni, porte une marque formée par les lettres « G. A. T. » entrelacées. Mais ce sont des exemples rares, attendu que les artistes qui faisaient ces assiettes, ne signaient leurs ouvrages que très-rarement.

Les sujets choisis par les artistes, étaient généralement, des figures de saints, et des représentations d’événements historiques tirés de la sainte Écriture ; mais ils choisissaient de préférence les figures de saints, sujets qui continuèrent à jouir de la faveur générale jusqu’au seizième siècle, époque à laquelle on commença à y substituer des scènes empruntées aux œuvres d’Ovide et de Virgile, sans renoncer toutefois aux dessins tirés de la Sainte Écriture. Ordinairement on donnait, à l’envers de l’assiette, en lettres bleues, la description succincte du sujet et le renvoi au texte. La mode de décorer les objets, des portraits de personnages historiques, classiques et vivants, date d’une époque plus récente. Tous ces sujets sont peints d’une manière plate et molle, et ils sont entourés d’une espèce d’ornement sarracénique assez rude, différant complètement des arabesques Raphaëlesques qui étaient si fort à la mode pendant les dernières années du règne de Guidobaldo. Les assiettes couvertes de fruits coloriés et en relief appartiennent probablement à la faïence de Della Robbia.

Le déclin de la manufacture de Majolica, causé par la réduction des revenus du Duc régnant, et par le peu d’intérêt que son successeur témoignait pour cette industrie, fut accéléré encore par l’introduction de la porcelaine orientale et par l’emploi de la vaisselle d’argent, qui devint de plus en plus général parmi les classes élevées et riches ; on cessa de décorer la majolique de sujets historiques, qu’on remplaça par des dessins parfaitement exécutés, d’oiseaux, de trophées, de fleurs, d’instruments de musique, de monstres marins, etc., mais ces dessins devinrent graduellement de plus en plus faibles sous le rapport du coloris et de l’exécution, jusqu’à ce que leur place fût occupée par des gravures d’après Sadeler et autres artistes flamands. Toutes ces causes réunies contribuèrent à la décadence rapide de ce genre de fabrication, que le Cardinal Légat Stoppani chercha en vain à ressusciter.

La majolique fine de Pésaro atteignit sa plus grande perfection sous le règne de Guidobaldo II, qui tenait sa cour à Pésaro, et qui soutenait de sa protection les poteries de cette ville. À cette époque la majolique produite à Pésaro, ressemblait à celle d’Urbino de si près, qu’il était impossible de distinguer l’une de l’autre ; la contexture de la faïence était la même, et les mêmes artistes travaillaient souvent dans les poteries des deux villes. Déjà en 1486, la faïence de Pésaro commença à passer pour être supérieure à toute autre faïence d’Italie, à tel point que le gouverneur de Pésaro de ce temps la prit sous sa protection, en défendant, sous peine d’amende et de confiscation, l’importation de poterie étrangère quelconque, et en ordonnant même que tous les vases étrangers fussent bannis de l’état dans l’espace de huit jours. Cette protection fut confirmée, en 1532, par Francesca Maria I. En 1569, Guidobaldo II accorda un brevet pour vingt-cinq ans, infligeant une amende de 500 scudi pour toute infraction, à Giacomo Lanfranco de Pésaro, pour ses inventions dans la construction de vases travaillés en relief, de grandes dimensions et de formes antiques, auxquels il appliquait de l’or. En outre, Giacomo et son père furent exemptés de tous les impôts ou taxes.

À cause de la nouveauté et de la variété que présentait la majolique, les seigneurs du duché choisissaient des objets de cette faïence, pour les cadeaux destinés aux princes étrangers. En 1478, Costanza Sforza envoya à Sixte IV certains « vasa fictilia ; » et dans une lettre adressée à Robert Malatiste par Lorenzo le Magnifique celui-ci lui rend grâces pour un présent semblable. Un service peint par Orazio Fontana, d’après des dessins de Taddeo Zuccaro, fut présenté à Philippe II d’Espagne par Guidobaldo qui avait donné aussi un double service à Charles V. La collection de jarres, présentée à la trésorerie de Loreto par Francesca Maria II, avait été faite sur l’ordre de Guidobaldo pour servir dans son laboratoire ; quelques unes d’entr’elles sont décorées de portraits ou de quelque autre sujet, et toutes sont étiquetées du nom de quelque drogue ou mixture. Ces jarres, dont il existe encore 380 à la trésorerie de Loreto, sont bleues, vertes et jaunes. Passeri donne une classification de poterie décorée, accompagnée de la liste des termes employés par les ouvriers pour distinguer les différentes espèces de peinture employées à la décoration des assiettes, et des sommes payées aux artistes qui avaient exécuté les peintures. Il donne aussi un extrait curieux d’un manuscrit de la main de Piccolpasso, un « majolicaro » du milieu du seizième siècle, qui a publié des écrits sur son art. Pour comprendre l’extrait en question, il est nécessaire de se rappeler, qu’un bolognino était l’équivalent d’un neuvième de paul, et le gros, à un tiers de paul (dix sous et un liard) ; la livre était le tiers, et le florin présentait les deux tiers d’un petit écu ; et le petit écu ou écu ducal valait les deux tiers d’une couronne romaine (valeur actuelle : cinq francs, six sous et demi).

Trophées. — Ce genre d’ornements se composait d’armes anciennes et modernes, d’instruments de musique et de mathématique, et de livres ouverts ; ils sont peints généralement en camaïeu jaune, sur un fond bleu. Les assiettes de ce genre se vendaient principalement dans la province même (Castel Durante) ou elles étaient fabriquées, et les artistes qui en faisaient les peintures recevaient la somme
Piédestal qui fait partie d’une porte du palais, donné par les Génois à Andrea Doria.
d’un écu ducal pour le cent. Ce genre d’ornements était en grande faveur parmi les Cinque-centisti, soit pour le marbre soit pour la pierre : témoin le monument érigé à Gian Galeazzo Visconti, à la Certosa, Pavie, ainsi que les parties de la porte génoise dont nous donnons la gravure ci-contre.

Arabesques. — Ornements qui se composent d’une espèce de chiffre légèrement lié, de nœuds et de bouquets entrelacés. Les objets décorés dans ce genre, s’envoyaient à Venise et à Gènes, où on les payait au taux d’un florin le cent.

Cerquate, c’était le nom qu’on donnait aux entrelacs de feuilles de chêne, peints en jaune foncé sur un fond bleu ; on les appelait aussi « peintures Urbino, » parce que le chêne faisait partie des armoiries du Duc. Ce genre de décoration valait quinze gros le cent ; mais lorsque le fond de l’assiette était décoré, en outre, d’un petit sujet quelconque en peinture, l’artiste recevait un petit écu.

Grotesques, c’étaient des entrelacs de monstres mâles et femelles, dont le corps se terminait en feuillages ou en branches. Ces décorations fantastiques se peignaient généralement en camaïeu blanc sur un fond bleu ; le prix en était de deux écus le cent, à moins qu’elles ne fussent peintes par commande, pour Venise ; dans ce cas le prix alloué était de huit livres ducales.

Feuilles. — Ces ornements se composaient de quelques branches de feuilles, toutes petites, éparpillées sur le fond. Le prix en était de trois livres.

Fleurs et Fruits. — Ces charmants groupes s’envoyaient généralement à Venise, où on les payait au taux de cinq livres le cent. L’autre variété de ce style consistait en trois ou quatre grandes feuilles peintes d’une couleur, sur un fond d’une couleur différente. Le prix en était d’un demi-florin le cent.

Porcelaine, tel était le nom donné à un style d’ouvrage qui consistait en fleurs bleues fort délicates, garnies de petites feuilles et de boutons, peintes sur un fond blanc. Cet ouvrage se payait à raison de deux livres, et au delà, pour le cent. C’était fort probablement un style imité et importé de Portugal.

Tratti, ou bandelettes larges, nouées de différentes manières,
Partie de pilastre d’une porte du palais présenté par les Génois à Andrea Doria.
et d’où s’élançaient de petites branches. Prix, deux livres le cent.

Soprabianco, c’était une peinture blanche sur un fond de céruse, pendant que la marge de l’assiette était entourée de bordures vertes ou bleues. Ces ornements valaient un demi-écu le cent.

Quartiert. — Dans ces motifs, l’artiste divisait le fond de l’assiette en six ou huit rayons, qui allaient en divergeant du centre à la circonférence ; chaque espace était d’une couleur particulière, sur laquelle on mettait des bouquets peints en différentes nuances. Les peintres recevaient pour ce genre d’ornement le prix de deux livres le cent.

Gruppi. — C’étaient des bandes larges entrefilées de petites fleurs. Le motif en était plus grand que celui des « tratti ; » et on l’embelissait quelquefois par une petite peinture placée au centre ; dans ce cas le prix en était d’un demi-écu, mais sans cette peinture additionnelle, on n’allouait que deux jules.

Candelabri. — Ces ornements se composaient d’un bouquet vertical s’étendant d’un côté de l’assiette à l’autre, l’espace des deux côtés étant rempli par des feuilles et des fleurs éparses. Le prix des Candelabri
Partie de pilastre d’une porte du palais présenté par les Génois à Andrea Doria.
était de deux livres le cent. La gravure ci-contre démontre que ce sujet était dès le commencement, en grande faveur chez les meilleurs artistes du Cinque-cento, qui l’employaient très généralement.

Nous aurions à dépasser les limites de cette notice, si nous voulions nous étendre en détail sur le mérite et sur les œuvres d’artistes tels que Maestro Georgio Andreoli, Orazio Fontana, et Francesco Xanto de Rovigo, ce qui serait inutile, d’ailleurs, puisque M. Robinson dans son catalogue de la collection de Soulages, publié tout récemment, a avancé quelques vues fort intéressantes sur les différentes questions difficiles qui ont rapport à ce sujet. De même, nous ne ferons que signaler ici les modifications intéressantes apportées à la fabrication et aux dessins céramiques en France, par la persévérance indomptable de Bernard de Palissy, maître-potier de François I. Nous avons reproduit, planche LXXIX., figs. 1, 3, plusieurs spécimens des décorations de sa faïence élégante, qui, pour le dessin, occupent par rapport aux autres monuments de la renaissance française, à peu près la même position que la première majolique occupe à l’égard des monuments de la rénovation italienne. Ce style commença à se faire remarquer, il est vrai, dans la bijouterie française, déjà sous le règne de Louis XII., à l’époque où l’appui vigoureux du puissant Cardinal d’Amboise, imprima un élan considérable à cet art ; mais ce ne fut que du temps de François I., qui invita à sa cour le grand maître de la renaissance — Cellini — que l’art du bijoutier atteignit sa plus haute perfection. Pour apprécier, cependant, à sa juste valeur la condition et la nature précise des ouvrages en métaux-précieux, il est indispensable de jeter un coup-d’œil rapide sur les principaux traits
Partie inférieure qui montre la naissance de la moulure d’un petit pilastre, de l’église Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
caractéristiques de cette école admirable d’émailleurs, qui, par leurs productions pendant le quinzième siècle, et plus encore par celles du seizième siècle, disséminèrent de tous les côtés quelques uns des ornements les plus élégants qui aient jamais été appliqués aux ouvrages en métal.

Vers la fin du quatorzième siècle, les artistes de Limoges trouvèrent non seulement, que les émaux de l’ancien genre champlevé — dont nous avons donné, dans le but de montrer le contraste, de nombreux exemples, planche LXXVII., figs. 1, 3, 4, 8, 29, 40, 41, 50, 53, 57, 61 — avaient entièrement passé de mode, mais que presque tous les orfèvres importaient d’Italie les émaux transparents, ou en faisaient eux-mêmes, avec plus ou moins de succès, selon le talent de chacun. Dans cet état des choses, ces artistes, au lieu de tenter la concurrence, inventèrent un procédé tout nouveau, qui ne regardait que l’émailleur, et qui mit celui-ci à même de se dispenser entièrement du burin de l’orfèvre. Les premières tentatives étaient fort grossières, et il n’en reste que peu d’exemples. Que les progrès étaient lents, c’est prouvé par le fait, que les premiers spécimens qui aient quelques prétentions au mérite, remontent au milieu du quinzième siècle. Quant au procédé, le voici : On traçait le dessin à l’aide d’une pointe aiguë, sur une plaque dépolie de cuivre, qu’on couvrait d’une couche mince d’émail transparent. Après avoir passé une ligne épaisse et noire sur le tracé, l’artiste remplissait les intervalles de différentes couleurs, transparentes pour la plupart, pendant que les lignes noires faisaient le même emploi que tiennent les bandes d’or dans l’ouvrage cloisonné. C’est la carnation qui offrait le plus de difficulté ; on la couvrait d’abord de noir, sur lequel on modelait ensuite les grandes lumières et les demi-teintes, à l’aide d’un blanc opaque, auquel on donnait parfois quelques touches de rouge transparent. La dernière opération qui restait à faire, c’était d’appliquer la dorure et de fixer les imitations de pierres précieuses : — la dernière trace presque de l’école byzantine, qui avait autrefois exercé une si grande influence en Aquitaine.

L’ouvrage fini présentait une apparence semblable à celle d’un émail grossier et transparent, — ressemblance qui était probablement préméditée, d’autant plus que les spécimens de cet émail n’étaient jamais fort grands, et par conséquent ils étaient parfaitement adaptés à remplacer l’ivoire dans la construction de ces petits triptyques, accessoires indispensables dans les appartements et les oratoires des riches pendant le moyen-âge. Aussi, trouvons nous, que tous les premiers émaux peints ont la forme d’un triptyque ou d’un diptyque, ou bien qu’ils avaient formé partie de l’un ou de l’autre ; il en existe encore bon nombre qui sont garnis de leur monture originale de laiton, et les antiquaires croient qu’ils sont sortis de l’atelier de Monvearni, car ils portent généralement le nom ou les initiales de ce maître. Quant aux autres artistes, ils suivaient, malheureusement, l’habitude générale qui prévalait pendant le moyen-âge, de ne pas signer leurs œuvres, aussi leurs noms sont ils ensévelis dans l’oubli, si nous exceptons ceux de Monvearni et de P. E. Nicholat, ou plutôt de Pénicaud, qui est la version plus correcte des inscriptions.

Au commencement du seizième siècle, le style de la renaissance avait fait de grands progrès, et parmi les autres changements qu’il amena, il mit en vogue les peintures en camaïeu, ou grisaille. Les fabricants de Limoges adoptèrent immédiatement ce nouveau genre de peinture ; et cette adoption eut pour résultat de produire ce qu’on peut appeler la seconde série d’émaux peints. Le procédé suivi dans ce genre de peinture, était à peu près le même que celui qu’on employait à l’égard des carnations des anciens spécimens : on couvrait d’abord toute la surface de la plaque de cuivre, d’un émail noir, puis on obtenait les clairs et les demi-teintes par le moyen d’un blanc opaque ; les parties qui demandaient l’application d’un coloris, tels que les visages et le feuillage, recevaient un vernis de la teinte voulue ; on ajoutait presque toujours des touches en or pour compléter la peinture, et quelquefois, lorsqu’on désirait produire un brillant plus qu’ordinaire, on appliquait sur le fond noir une feuille mince d’or ou d’argent, appelée paillon, qu’on recouvrait ensuite de vernis. Toutes ces différentes opérations ont été employées dans les portraits de François Ier et de Henri II., exécutés par Léonard Limousin pour la décoration de la Sainte Chapelle, mais qui se trouvent maintenant au musée du Louvre. Limoges, il faut le dire, doit beaucoup au premier de ces monarques, qui non seulement y établit une manufacture, mais décerna au directeur Léonard, le titre de « peintre, émailleur, valet de chambre du Roi, » et lui conféra en même temps le surnom de « le Limousin, » pour le distinguer d’un autre artiste encore plus fameux, Leonardo da Vinci. Le Limousin, du reste, était loin d’être un artiste ordinaire, comme on peut le voir, soit en examinant ses copies des anciens maîtres allemands et italiens, ou ses portraits originaux de contemporains célèbres, tels que ceux du duc de Guise, du connétable de Montmorency, de Catherine de Medicis et autres — exécutés, il faut bien se le rappeler, avec les matériaux les plus difficiles à manier qui aient jamais été encore employés dans un but artistique. Les ouvrages de Léonard ont été exécutés entre 1532 et 1574, et, contemporains avec lui florissaient un grand nombre d’artistes émailleurs, dont plusieurs l’ont égalé, si non surpassé dans leurs productions ; tels sont, entre autres, Pierre Raymond, la famille des Pénicaud et celle des Courtey, Jean et Susanne Court, et M. D. Pape. Pierre, l’aîné de la famille des Courtey était non seulement un excellent artiste, mais il jouissait de la réputation d’avoir fait les plus grands émaux qu’on eût jamais exécutés ; ils sont au nombre de douze, dont neuf se trouvent au musée de l’Hôtel de Cluny, et les trois autres, au dire de M. Labarte, sont en Angleterre. Ces émaux avaient été fabriqués pour la décoration de la façade du château de Madrid, pour la construction et l’embellissement duquel, François Ier et Henri II dépensèrent des sommes considérables. Nous ferons remarquer que les artistes de Limoges, dans cette dernière phase de l’art de l’émaillure, ne se limitèrent pas, comme ils l’avaient fait précédemment, à la reproduction de sujets sacrés ; mais même les plus distingués parmi eux, ne dédaignèrent pas de modeler des vases, des cassettes, des cuvettes, des aiguières, des coupes, des plateaux, et une variété d’autres objets à l’usage journalier, qu’on couvrait d’abord entièrement d’émail noir, et qu’on décorait ensuite de médaillons, etc. en blanc opaque. Au commencement de ce nouveau genre de manufacture, les artistes prenaient la plupart de leurs sujets, des gravures de Martin Schöen, d’Israel van Mecken, et autres artistes allemands ; puis ils copièrent celles de Marc Antoine Raimonds et autres artistes italiens ; et enfin vers le milieu du seizième siècle ils reproduisirent les ouvrages de Virgile Solis, Théodore de Bry, Étienne de l’Aulne, et autres petits-maîtres.

Les ateliers de Limoges employés à la fabrication des émaux peints, étaient en pleine activité pendant le quinzième siècle, le seizième, le dix-septième et une grande partie du dix-huitième, époque à laquelle l’art s’éteignit entièrement. Les derniers artistes émailleurs furent les Nouaillers et les Laudin, dont les meilleurs ouvrages se font remarquer par l’absence des paillons, et par un dessin d’un style tant soit peu indécis.

Il ne nous reste plus, en terminant, qu’à engager les étudiants et les artistes à cultiver les beautés du style de la renaissance, avec un soin égal à celui qu’ils devront apporter à en éviter les extravagances. Lorsqu’un art permet une grande liberté à l’artiste, celui-ci encourt une aussi grande responsabilité, qu’un politique dans la science du gouvernement. Dans les styles où l’imagination ne peut être arrêtée que par une force intérieure, il est du devoir de l’artiste de tenir en bride sa puissance inventive. Qu’il emploie les ornements en abondance s’il le désire ; mais que ses compositions respirent un air de modestie et de convenance, tenant un juste milieu entre l’exagération et une trop grande simplicité. Si son imagination ne lui est pas propice, qu’il se contente de produire des formes fleuronnées d’ornements conventionnels, genre qui plaît toujours à l’œil et ne demande pas de grands efforts d’esprit ; et s’il désire ensuite attirer l’attention par la reproduction comparativement directe d’objets matériels, il n’en sera que plus certain d’atteindre son but. Dans un style, comme celui de la renaissance qui, non seulement permet, mais même exige le concours des autres arts, l’artiste ne doit jamais perdre de vue les spécialités de chacun des arts individuellement. Qu’il les tienne comme les différents membres d’une famille bien réglée, dans les relations les plus intimes et les plus harmonieuses, mais qu’il ne permette jamais à aucun parmi eux d’empiéter sur les prérogatifs d’un autre, ni même de quitter son département pour envahir celui de son voisin. Ainsi réglés et contenus, les styles les plus nobles, les plus riches, et les mieux adaptés aux besoins multiples d’un système social des plus artificiels, seront ceux qui, comme la renaissance, exigeront le concours de l’architecture, de la peinture, de la sculpture, et la plus grande perfection technique en industrie, pour réaliser les conditions qui sont essentielles et indispensables pour produire l’effet voulu.


OUVRAGES AUXQUELS NOUS AVONS EU RECOURS POUR LES ILLUSTRATIONS LITTÉRAIRES ET PITTORESQUES.
Alciati (A.) Emblemata D. A. Alciati, denuo ab ipso Autore recognita ; ac, quæ desiderabantur, imaginibus locupletata. Accesserunt noua aliquot ab Autore Emblemata suis quoque eiconibus insignita. Petit in-octavo., Lyons, 1551.
Antonelli (G.) Collezione dei migliori Ornamenti antichi, sparsi nella città di Venezia, coll’aggiunta di alcuni frammenti di Gotica architettura e di varie invenzioni di un Giovane Alunno di questa I. R. Accademia. In-quarto, oblong, Venise, 1831.
Baltard. Paris, et ses Monumens, mésurés, dessinés, et gravés, avec des Descriptions Historiques, par le Citoyen Amaury Duval : Louvre, St. Cloud, Fontainebleau, Château d’Ecouen, &c. 2 vol. grand in-folio. Paris, 1803-5.
C. Becker et J. von Hefner. Kunstwerke und Geräthschaften des Mittelalters und der Renaissance. 2 vol. in-quarto. Francfort, 1852.
Bergamo Stefano Da. Wood-Carvings from the Choir of the Monastery of San Pietro at Perugia, 1535. (Cinque-cento.) D’après des Dessins par Raphaël, dit-on.
Bernard (A.) Recueil d’Ornements de la Renaissance. Dessinés et gravés à l’eau-forte. In-quarto, Paris. Pas de date.
Chapuy. Le Moyen-Age Pittoresque. Monumens et Fragmens d’Architecture, Meubles, Armes, Armures, et Objets de Curiosité Xe au XVIIe Siècle. Dessiné d’après Nature, par Chapuy, &c. Avec un texte archéologique, descriptif, et historique, par M. Moret. 5 vol. petit in-folio. Paris, 1838-40.
Clerget et George. Collection portative d’Ornements de la Renaissance, recueillis et choisis par Ch. Ernest Clerget. Gravés sur cuivre d’après les originaux par C. E. Clerget et Mme. E. George. In-octavo. Paris, 1851.
D’Agincourt, J. B. L. G. S. Histoire de l’Art par ses Monuments, depuis sa Décadence au IVe siècle, jusqu’à son Renouvellement au XVIe. Ouvrage enrichi de 525 planches. 6 vol. in-folio, Paris, 1823.
Dennistoun (J.) Memoirs of the Dukes of Urbino, illustrating the Arms, Arts, and Literature of Italy from 1440 to 1630. 8 vol. in-octavo. Londres, 1851.
Deville (A). Documents inédits sur l’Histoire de France. Comptes de Dépenses de la Construction du Château de Gaillon, publiés d’après les Registres Manuscrits des Trésoriers du Cardinal d’Amboise. Avec un Atlas de Planches. In-quarto. Paris, 1850.
———— Tombeaux de la Cathédrale de Rouen ; avec douze planches, gravées. In-octavo. Rouen, 1837.
Durelli (G. & F.) La Certosa di Pavia, descritta ed illustrata con tavole, incise dai fratelli Gaetano e Francesco Durelli. 62 planches. In folio, Milan, 1853.
Dussieux (L.) Essai sur l’Histoire de la Peinture sur Émail. In-octavo. Paris, 1839.
Gailhabaud (J.) L’Architecture du Ve au XVIe siècle et les Arts qui en dépendent, la Sculpture, la Peinture Murale, la Peinture sur Verre, la Mosaïque, la Ferronnerie, &c., publiés d’après les travaux inédits des Principaux Architectes Français et Étrangers. In quarto. Paris, 1851, et seq.
Ghiberti (Lorenzo). Le tre Porte del battisterio di San Giovanni di Firenze. 46 planches gravées au trait, par Lasinio, avec une description en Français et en Italien. In-folio, demi-reliure in marroquin, Firenze, 1821.
Hopfer. Collection of Ornaments in the Grotesque Style.
Imbard. Tombeaux de Louis XII. et de François I., dessinés et gravés au trait, par E. F. Imbard, d’après des Marbres du Musée des Petits Augustins. Petit in-folio, Paris, 1823.
Jubinal (A.) Recherches sur l’Usage et l’Origine des Tapisseries à Personnages, dites Historiées, depuis l’Antiquité jusqu’au XVIe. Siècle inclusivement. In-octavo. Paris, 1840.
De Laborde (Le Comte Alexandre). Les Monumens de la France, classés chronologiquement, et considérés sous le Rapport des Faits historiques et de l’Étude des Arts. 2 vol. in-folio. Paris, 1816-36.
De Laborde. Notice des Émaux exposés dans les Galeries du Musée du Louvre. Première partie, Histoire et Descriptions. In-octavo. Paris, 1852.
Labarte (J.) Description des Objets d’Art qui composent la Collection Debruge-Duménil, précédée d’une Introduction Historique. In-octavo. Paris, 1847.
Lacroix et Seré. Le Moyen Âge et la Renaissance, Histoire et Description des Mœurs et Usages, du Commerce et de l’Industrie, des Sciences, des Arts, des Littératures, et des Beaux Arts en Europe. Direction Littéraire de M. Paul Lacroix. Direction Artistique de M. Ferdinand Seré. Dessins fac-similes par M. A. Rivaud. 5 vol. in quarto. Paris, 1848-51.
Lenoir (Alex.) Atlas des Monumens des Arts libéraux, mécaniques, et industriels de la France, depuis les Gaulois jusqu’au règne de François I. In-folio, Paris, 1828.
—— Musée des Monumens Français : ou Description historique et chronologique des Statues en Marbre et en Bronze, Bas-reliefs et Tombeaux des Hommes et des Femmes célèbres, pour servir à l’Histoire de France et à celle de l’Art. Ornée de gravures et augmentée d’une Dissertation sur les Costumes de chaque siècle. 6 vols. in-octavo., Paris, 1800-6.
Marryat (J.) Collections towards a History of Pottery and Porcelain in the Fifteenth, Sixteenth, Seventeenth, and Eighteenth Centuries, with a Description of the Manufacture ; a Glossary, and a List of Monograms. Illustrated with Coloured Plates and Woodcuts. In-octavo. Londres, 1850.
Morley (H.) Palissy the Potter. The Life of Bernard Palissy, of Saintes, his Labours and Discoveries in Art and Science, with an outline of his Philosophical Doctrines, and a Translation of Illustrative Selections from his Works. 2 vol. in-octavo. Londres, 1852.
Passeri (J. B.) Histoire des Peintures sur Majoliques faites à Pésari et dans les lieux circonvoisins, décrite par Giambattista Passeri (de Pésaro). Traduite de l’Italien et suivie d’un Appendice par Henri Delange. In-octavo. Paris, 1853.
Queriere (E. de la). Essai sur les Girouettes, Épis, Crêtes, &c., des Anciens Combles et Pignons. Avec de nombreuses planches représentant des anciens Combles et Pignons. Paris, 1846.
Renaissance. La Fleur de la Science de Pourtraicture et Patrons de Broderie. Façon Arabicque et Ytalique. Cum Privilegio Regis. In-quarto. Paris.
Reynard (O.) Ornemens des Anciens Maîtres des XV., XVI., XVII. et XVIII. Siècles. 30 planches reproduisant des copies de quelques unes des gravures les plus anciennes et les plus rares d’Ornements, de Caractères Alphabétiques, d’ouvrages en argent. In-folio, Paris, 1844.
Seré (F.) Les Arts Somptuaires de Ve. au XVIIe Siècle. Histoire du Costume et de l’Ameublement en Europe, et des Arts que en de pendent. Petit in-quarto. Paris, 1853.
Sommerard (A. Du.) Les Arts au Moyen Âge. (Collection de Hôtel de Cluny.) Texte, 5 vol. in-octavo ; Planches, 6 vol. in-folio. Paris, 1838-46.
Verdier et Cattois. Architecture Civile et Domestique au Moyen Âge et à la Renaissance. In-quarto. Paris, 1852.
Waring and MacQuoid. Examples of Architectural Art in Italy and Spain, chiefly of the 13th and 16th centuries. In-folio, Londres, 1850.
Willemin (N. X.) Monuments Français inédits, pour servir à l’Histoire des Arts, depuis le VIe. siècle jusqu’au commencement du XVIIe. Choix de Costumes civiles et militaires, d’Armes, Armures, Instruments de Musique, Meubles de toute espèce, et de Décorations intérieures et extérieures des Maisons, dessinés, gravés, et coloriés d’après les originaux. Classés chronologiquement, et accompagnés d’un texte historique et descriptif, par André Pottier. 6 vol. petit in-folio, Paris, 1806-39.
Wyatt, M. Dioby, et J. B. Waring. Hand-book to the Renaissance Court in the Crystal Palace, Sydenham. Londres, 1854.
Wyatt, M. Digby. Metal Work and its Artistic Design. Londres, 1851.
  1. Nous maintenons cet emploi de l’italien trecento parce qu’il figure dans l’original anglais : « Nicola Pisano and other masters of the trecento, or thirteenth century ». Nicola Pisano, né vers 1230 et mort vers 1280, appartient au duecento. De même plus loin, l’auteur utilise le terme « cinque-cento » pour désigner le XVe siècle. (Note Wikisource.)