Grammaire de l ornement/Chap XIX

Day & Son, Limited-Cagnon (p. 137--).

Chapitre XIX. — Planches 86, 86*,87, 88, 89, 90.
ORNEMENTS ITALIENS.
Série d’arabesques, peintes à fresque par Giovanni da Udine, Perino del Vaga, Giulio Romano, Polidoro da Carravaggio, Francesco Penni, Vincenzio da San Gimignano, Pellegrino da Modcna, Bartolomeo da Bagnacavallo, et peut-être par d’autres artistes, d’après les dessins de Raphaël, et choisies parmi les décorations des loges, ou arcade centrale du Vatican, Rome.

Série d’arabesques peintes à fresque sur un fond blanc, prises du palais ducal à Mantoue.

Série d’arabesques peintes à fresque sur des fonds en partie coloriés, prises pour la plupart du palais ducal à Mantoue.

Série d’arabesques peintes à fresque sur des fonds entièrement coloriés, prises des décorations du palais ducal à Mantoue, exécutées d’après les dessins de Giulio Romano.

Série de spécimens de décorations typographiques du seizième siècle en Italie et en France, pris des ouvrages publiés par les Aldine, les Gianta, les Stephan et d’autres imprimeurs célèbres.

Le mouvement vers la rénovation de l’antique, qui avait eu lieu en Italie, pendant le quinzième siècle, mais seulement en partie et d’une manière imparfaite, devint, peu après le commencement du seizième siècle, systématique, et prit conséquemment une nouvelle vigueur, grace principalement aux arts de l’imprimeur et du graveur, qui aidèrent puissamment à rendre cette rénovation populaire, en plaçant rapidement entre les mains de tous les artistes éminents en Italie et même hors de ce pays, des traductions de Vitruvius et d’Alberti, ornées de nombreuses illustrations et accompagnées de savants
Panneau de soffite prise d’un des palais génois.
commentaires ; et avant la fin du siècle, les traités écrits par Serlio, Palladio, Vignola et Rusconi offraient un témoignage permanent du zèle avec lequel les monuments de l’antiquité avaient été étudiés. Mais de même que les besoins du système social italien du seizième siècle différaient de ceux de l’époque impériale de Rome,
Ornement vertical, de Gènes.
ainsi nécessairement la nature des monuments créés pour satisfaire à ces besoins, différa de celle des monuments de l’ancienne Rome. Dans le style de la renaissance du quinzième siècle, l’artiste avait principalement dirigé son attention à imiter les ornements de l’antiquité ; dans celui du seizième, son attention fut dirigée principalement vers la rénovation des proportions antiques des cinq ordres, en même temps que celles de la symétrie architecturale, en général : l’ornement pur avait été, en grande partie, négligé dans ses détails, et n’était plus considéré, dans son ensemble, que comme un accessoire décoratif de l’architecture. Les arts qui, pendant le quinzième siècle, avaient été fréquemment réunis dans les maestri, sous la direction desquels on avait exécuté de grands monuments, devinrent individualisés, au seizième siècle. Le génie d’un Raphaël et d’un Michel Ange — ces géants d’intelligence — pouvait seul maintenir les triples attributs de la peinture, de l’architecture et de la sculpture dans une subordination relative et convenable ; lors que, dans la suite, des hommes tels que Bernini et Pietro da Cortona tentèrent des combinaisons semblables, ils n’arrivèrent à produire, à peu de chose près, qu’une confusion générale, qu’un effet manqué. Comme les règles de l’art devinrent plus compliquées, des académies s’établirent, dans lesquelles on introduisit un système de division à l’égard du travail ; d’où il résulta, à quelques rares exceptions près, que les architectes ne songèrent guère plus qu’à des plans, des coupes et des élévations, dans lesquels les colonnes, les arches, les entablements, etc. accaparaient toute leur attention ; et que les Panneau de soffite prise d’un des palais génois. Ornement vertical, de Gènes. peintres travaillèrent davantage dans leurs studios, et moins dans les bâtiments que leurs ouvrages devaient orner, négligeant entièrement de s’occuper de l’effet général des décorations, et ne visant qu’à la précision anatomique, aux effets puissants de clair-obscur, à une composition de maître, d’un traitement large et d’un ton chaleureux. Les sculpteurs d’un ordre élevé, abandonnèrent la sculpture ornementale et concentrèrent presque exclusivement leur attention, aux statues et aux groupes isolés, ou aux monuments, dans lesquels la beauté de l’effet général était subordonnée au seul développement des caractères plastiques. La composition des ornements fut laissée, en grande partie, au hasard ou au caprice ; et l’exécution en fut confiée à des artistes de second ordre. Les gravures ci-contre repré sentent des spécimens frappants, de ce genre d’ornements. Mais les arabesques peintes dans le style italien et les stucchi qui les accompagnaient quelquefois, se distinguent de ces ornements d’une manière si remarquable, que nous croyons devoir les réserver pour une notice toute spéciale. Quoique l’architecture du palais Pandolfini à Florence, et du palais Caffarelli, ci-devant Stoppani, à Rome, œuvres de Raphaël, soit d’une grande perfection, néanmoins, comme ce grand artiste doit sa célébrité, comme ornemaniste, à ses arabesques, nous n’en parlerons pas ici. Nous ne nous arrêterons pas non plus aux ouvräges de Baldassare Peruzzi, tout intéressants qu’ils sont ; parce que, à l’égard du moins de l’ornementation, ils se rapprochent tellement de l’antique, qu’ils n’offrent aucune individualité frappante. Quant à Bramante, on doit le considérer plutôt comme un artiste de la période de la renaissance, que sous tout autre point de vue. C’est le grand artiste florentin, dont le génie ardent et impatient de toute contrainte, se débarrassa de toutes les entraves de la tradition, qui fournit le germe de cette originalité opiniâtre, laquelle se communiquant à tous ses contemporains dans toutes les différentes parties de l’art, amena une licence qui, (ce serait vain de vouloir le nier) finit, entre des mains plus faibles que les siennes, par amener un écart de la voie du bon goût et du raffinement, dans toutes les branches de l’art.

Michel Ange naquit en 1474 de la noble famille florentine des Buonarrotti, descendants des comtes de Canossa : il fut élève de Domenico Ghirlandaio ; et s’étant fait remarquer de bonne heure, par son talent pour la sculpture, il fut invité à venir étudier à l’école fondée pour la culture de cet art par Laurent de Medicis. Lors du bannissement de la famille des Medicis, de Florence, en 1494, Michel Ange se retira à Bologne, où il travailla au tombeau de St. Dominique ; après quelque temps il retourna à Florence, et avant l’âge de vingt-trois ans il avait exécuté son célèbre « Cupidon » ainsi que son « Bacchus. » L’exécution de maître de la première de ces statues, lui valut l’invitation de se rendre à Rome, où, parmi un grand nombre d’autres ouvrages de cet artiste, se trouve « la Piété, » sculptée sur la commande du cardinal d’Amboise, et qui est maintenant à St. Pierre. Après la Piété, son ouvrage le plus important fut la statue gigantesque de « David, » qui se trouve à Florence. À l’âge de vingt-neuf ans il retourna à Rome, où Jules II. l’appela pour ériger son mausolée ; le « Moïse » de St. Pierre in Vincoli, et les « Esclaves, » au musée du Louvre, avaient été, dans l’origine, destinés à décorer ce monument, qui fut achevé sur une échelle plus petite que celle sur laquelle on avait eu l’idée d’abord de le construire. Il travailla ensuite aux peintures de la chapelle Sistine, peintures qui, soit que nous en considérions la sublime composition, ou que nous prenions en considération l’influence qu’elles exercèrent sur l’art contemporain et des temps qui suivirent, doivent être rangées parmi ses plus grandes œuvres. En 1541, il acheva sa grande peinture à fresque du « Jugement dernier, » exécutée pour le pape Paul III. Le reste de sa vie, il s’occupa principalement de la construction de St. Pierre, à laquelle il travailla jusqu’à sa mort en 1564, et pour laquelle il ne voulut jamais accepter aucune rémunération.

Pendant sa longue vie, Michel Ange, dans toutes ses productions, semble avoir été possédé du désir incessant de la nouveauté, aspiration qui, captivant toute son attention, l’a empêché de s’occuper de l’étude de là perfection seule. Ses innovations hardies dans l’ornementation ne sont pas moins frappantes, que celles qu’il tenta dans les autres départements de l’art. Ses larges frontons et ses moulures grandioses d’une composition brisée, ses consoles et ses enroulements si majestueux, son imitation directe de la nature, à une légère exagération près, dans quelques unes de ses décorations, et la grande étendue de surface unie qu’il conservait toujours dans ses compositions architecturales, fournirent à l’arène artistique de nouveaux éléments, dont s’emparèrent avidement des hommes d’une puissance inventive moindre que celle dont il était doué. Michel Ange produisit une vraie révolution dans l’école romaine de dessin : — Giacomo della Porta, Domenico Fontana, Bartolomeo Ammanati, Carlo Maderno et Vignola lui-même, en ce qui regarde l’ornementation, adoptèrent, avec un petit nombre des beautés de ce grand artiste, un grand nombre de leurs défauts, dont le plus grand était une exagération outrée. À Florence, Baccio Bandinelli et Benvenuto Cellini étaient parmi le nombre de ses ardents admirateurs et de ses imitateurs zélés. Venise, heureusement, échappa jusqu’à un certain point, à la contagion générale, ou du moins elle y résista plus longtemps que presque tout autre endroit de l’Italie. Elle dut cette immunité, en grande partie, à l’influence bienfaisante d’un génie moins hardi que celui de Michel-Ange, mais beaucoup plus raffiné, et presque tout aussi universel. Nous faisons allusion au plus grand des deux Sansovino — à Jacopo.

Ce grand artiste naquit, en 1477, à Florence, d’une ancienne famille. Ayant montré de bonne heure, un goût remarquable pour l’étude de l’art, il fut placé par sa mère sous Andrea Contucci de Monte Sansovino, dont nous avons déja parlé dans le chapitre XVII., et qui travaillait alors à Florence ; « Celui-ci s’aperçut bientôt, » dit Vasari, « que le jeune homme promettait de devenir un artiste éminent. » L’attachement qui se forma entre le maître et l’élève assuma une telle intensité, que le public finit par les regarder, pour ainsi dire, comme père et fils, et on ne donna plus à Jacopo le nom de « de’Tatti, » mais bien celui de « di Sansovino ; » nom qui lui est resté jusqu’à nos jours et qui lui sera toujours donné. S’étant fait remarquer à Florence par son talent, et étant considéré comme un jeune homme d’un grand génie et d’une réputation des plus honorables, il fut conduit à Rome par Giuliano da San Gallo, architecte du pape Jules II. À Rome il attira l’attention de Bramante et exécuta, sous sa direction, une grande copie en cire du « Laocoon, » concouramment avec d’autres artistes, parmi lesquels se trouvait Alonzo Berruguete, le célèbre architecte espagnol ; son ouvrage fut déclaré le meilleur ; on le coula en bronze et le cardinal de Loraine qui en devint, en dernier lieu, le possesseur, l’emporta en France en 1534. San Gallo tomba malade et fut obligé de quitter Rome ; Bramante procura un logement à Jacopo dans la même maison qu’habitait Pietro Perugino, qui était alors occupé à peindre un plafond pour le pape Jules dans la Torre Borgia ; il fut si content du travail de Jacopo, qu’il le chargea de préparer un grand nombre de modèles en cire, pour son propre usage. Dans la suite Jacopo se lia avec Luca Signorelli, Bramantino di Milano, Pinturicchio et Cesare Cesariano, célèbre par ses commentaires sur Vitruvius ; et il fut enfin présenté au pape Jules qui l’employa. Il était sur la voie des honneurs et de la fortune, lorsqu’il tomba sérieusement malade et fut obligé de retourner dans sa ville natale, où il se rétablit bientôt ; il concourut avec Bandinelli et d’autres artistes pour l’exécution d’une grande statue en marbre, et remporta le prix sur ses compétiteurs. De nombreuses commandes lui arrivèrent alors et lui procurèrent une occupation continuelle ; entre autres ouvrages, il exécuta à cette époque pour Giovanni Bartelini, son beau « Bacchus » qui se trouve maintenant dans la galerie degli Uffizii à Florence.

En 1514, on fit à Florence de grands préparatifs pour l’entrée dans cette ville de Léon X. ; Jacopo fut employé à préparer les dessins des arcs de triomphe et des statues. Le pontife en fut tellement satisfait, que Jacopo Salviati mena son ami Sansovino baiser le pied du pape, qui le reçut avec la plus grande bonté. Sa Sainteté lui donna immédiatement la commande de préparer un dessin pour la façade de San Lorenzo à Florence, qu’il exécuta, à ce qu’il paraîtrait, avec tant de talent, à la satisfaction de tout le monde, que Michel-Ange qui devait concourir avec lui pour la surintendance de la construction de cet édifice, en éprouva une certaine jalousie, et usant de ruse, réussit à empêcher le succès mérité de Sansovino ; car, dit Vasari, « Michel-Ange était déterminé à garder tout pour lui-même. » Nullement découragé, malgré cela, il continua à rester à Rome, où il fut employé à exécuter des ouvrages de sculpture et d’architecture ; il eut le grand honneur de voir son plan de l’église de St. Jean des Florentins, choisi de préférence à ceux de Raphaël, d’Antonio da Sangallo, et de Balthazar Peruzzi, ses compétiteurs. Pendant qu’il surveillait le commencement des travaux, il tomba, et se fit tellement mal, qu’il fut obligé de quitter la ville. Différentes circonstances amenèrent la suspension des travaux, jusqu’au pontificat de Clément, époque à laquelle Jacopo retourna à Rome, et se remit au travail. Dès cette époque il fut employé dans tous les travaux d’importance qui furent entrepris dans cette ville, jusqu’à la prise et au sac de cette ville par les Français, 6 Mai 1527.

Jacopo chercha un refuge à Venise, ayant l’intention de visiter ensuite la France, dont le Roi lui avait offert de l’emploi. Le Doge, Andrea Gritti, le persuada cependant de rester à Venise et d’entre prendre la restauration des coupoles de St. Marc. Il exécuta si bien ce travail qu’il fut nommé Proto-Maestro de la république, avec la jouissance d’une maison et d’un revenu annuel. Il remplit les devoirs de cet emploi avec une telle sagacité et une telle diligence, que par suite de différents changements et améliorations qu’il fit dans la ville, il augmenta les revenus de l’État. Parmi les plus beaux ouvrages qu’il exécuta à Venise — ouvrages qui du reste peuvent être rangés parmi les plus beaux de l’art italien — nous mentionnerons la libreria Vecchia, la zecca ou hôtel de la monnaie, les palais Cornaro et Moro, la loge autour de la campanile de St. Marc, l’église de San Georgio dei Greci, les statues de l’escalier du géant, le monument de Francesco Veniero, et les portes de bronze de la sacristie. Vasari nous le représente comme un homme d’un caractère aimable et agréable, d’une grande sagacité et d’une activité rare. Il paraît avoir joui de l’estime général. Parmi ses nombreux élèves, nous mentionnerons Tribolo et Solosmeo Dánese, Cattaneo Girolamo de Ferrara, Jacopo Colonna de Venise, Luco Lancia de Naples, Bartolommeo Ammanati, Jacopo de Medici de Brescia, et Alessandro Vittoria de Trent. Il mourut le 2 Novembre 1570, à l’âge de quatre-vingt-treize ans ; « et (comme nous le rapporte Vasari) quoique sa vie s’éteignît dans le cours naturel des lois de la nature, tout Venise pleura sa mort. » C’est principalement à l’heureuse influence exercée par Sansovino, que l’école de Venise doit sa célébrité pour ses ouvrages d’ornements en bronze.

Si nous quittons maintenant l’Italie et que nous passons en France, nous reprendrons le fil des progrès nationaux, interrompus par l’introduction dans ce pays des artistes italiens engagés au service de Francois 1er (circa 1530) qui formèrent « l’École de Fontainebleau, » dont le chef le plus populaire était Primaticcio. Le style de dessin de cet artiste était fondé, quant aux proportions, sur le système adopté par Michel-Ange, mais ses figures aux membres un peu grêles, offraient à la vue des lignes serpentantes, et d’une grace quelque soit peu artificielle. La manière toute particulière, dont les maîtres de Fontainebleau arrangeaient et représentaient les draperies, exerça une influence singulière sur les artistes français, non seulement dans le département de leur art, mais dans l’ornement en général. Les plis chiffonnés des vêtements, tout particuliers à cette école, disposés non pas d’une manière naturelle, mais de manière à remplir le mieux, les vides qui se trouvaient dans l’ensemble de la composition, amena une légèreté générale dans le traitement de semblables objets, et donna naissance à ce style flottant, et tout à part, qu’on peut facilement découvrir dans tous les ouvrages des artistes qui se sont appliqués à reproduire le style en vogue à cette époque. Parmi les plus distingués de ces artistes se fait remarquer le célèbre Jean Goujon, né au commencement du seizième siècle, doué, du reste, d’un talent d’une originalité des plus remarquables. Ses principaux ouvrages, dont la plupart heureusement existent encore aujourd’hui, sont : — la fontaine des innocents, Paris (1550) ; la galerie de la salle des cent Suisses, maintenant des Caryatides, supportée par quatre figures colossales de femmes, qu’on range parmi ses meilleurs ouvrages ; la célèbre Diane de Poitiers, connue sous le nom de Diane chasseresse ; un très beau petit bas-relief du même sujet ; les portes en bois de l’église de St. Maclou à Rouen ; les sculptures de la cour du Louvre ; et enfin le Christ au tombeau, dans le musée du Louvre. Goujon partagea chaudement l’enthousiasme produit universellement par la découverte des écrits de Vitruvius, et il écrivit même un essai à ce sujet dans la traduction qu’en fit Martin. Il fut malheureusement tué pendant le massacre de la St. Barthélemy, pendant qu’il travaillait sur un échafaud au Louvre, en 1572. Barthélemy Prieur, encore plus imbu que lui de l’esprit italien de l’école de Fontainebleau, faillit partager le même sort. Cet artiste ne fut sauvé que grace à la protection du connétable de Montmorency, dont il était destiné à élever l’effigie monumentale. Jean Cousin, le plus ardent disciple du système adopté par Michel-Ange dans les proportions des formes, était contemporain de Goujon et de Prieur. Il est principalement connu, comme nous l’avons déjà constaté (chapitre XVII.) comme dessinateur, par ses vitraux peints, et comme sculpteur, par la belle statue qu’il fit de l’amiral Chabot. Parmi la bande artistique de cette époque, Germain Pilon, né à Loué, près de Mans, tenait une place proéminente. Les statues du couvent de Soulesmes font partie de ses premiers ouvrages. Son père l’envoya à Paris vers 1550, et en 1557, son monument de Guillaume Langei du Bellay fut placé dans la cathédrale de Mans. Il exécuta vers la même époque les monuments de Henri II. et de Catherine de Médicis, dans l’église de St. Denis, près de Paris, d’après les dessins de Philibert de Lorme. Le monument du chancelier de Birague est considéré comme un de ses meilleurs ouvrages.

Le magnifique groupe, si bien connu, des trois Graces, maintenant au Louvre, taillé dans un seul bloc de marbre, était destiné à supporter une urne contenant les cœurs de Henri II. et de Catherine de Médicis. Afin de donner une idée du style ornemental de Pilon nous avons reproduit, planche LXXVI., No. 9, la base du monument dont le groupe des Graces devait faire partie. Les statues et les bas-reliefs du monument de François 1er sont par Pilon et Pierre Bontemps. On ne connaît aucun ouvrage du premier de ces artistes, exécuté après 1590, année que Kugler donne comme la date de sa mort.

La longueur des membres et la grace artificielle particulières à l’école de Fontainebleau, furent portées aux dernières limites de l’extravagance par Pierre Francheville, né à Cambray en 1548, qui introduisit en France le style de Jean de Bologne, dont il avait été l’élève pendant plusieurs années, style qui présentait dans les formes une exiguïté et une longueur encore plus grandes. Pour arriver à une juste idée du caractère particulier du style d’ornement qui prédominait à cette époque, et qui servit de transition pour arriver au style généralement connu sous le nom de style Louis XIV., on ne peut mieux faire que d’examiner les ornements de l’appartement de Marie de Médicis au Luxembourg, Paris, exécutés vers l’an 1620.

Le style de Le Pautre, artiste d’un grand talent et d’une grande fertilité d’imagination, devint ensuite en vogue. La gravure de la page suivante donne une idée de ce style.

Il serait peut-être bien, cessant de nous occuper pour un moment des ornements sculptés italiens et français, de diriger notre attention sur les ornements peints ; d’autant plus que dans le court espace de temps, pendant lequel se manifesta un zèle des plus grands pour la conservation des anciens vestiges de la décoration polychromatique des Romains, on atteignit à un très haut degré de perfection et de beauté. On doit toujours se rappeler qu’il existait une très grande différence entre les arabesques peintes et les arabesques sculptées des anciens. Au commencement de la renaissance, ces dernières furent presque entièrement négligées, tandis que les premières furent imitées avec le plus grand succès, comme on peut le voir par les pilastres de panneaux, si pleins d’intérêt, dessinés par Baccio Pintelli pour l’église de St. Augustin à Rome, et que représentent nos gravures de la page 144.

À l’étude des anciennes sculptures des Romains et des Grecs, suivit naturellement celle des décorations de l’antiquité en marbre et en pierre, qu’on trouvait en abondance dans toute l’Italie, et que découvraient les excavations de chaque jour — tels que des restes, tantôt parfaits, tantôt brisés, de vases, d’autels, de frises, de pilastres, etc. décorés d’ornements ; des groupes ou des statues, des bustes ou des têtes sur médaillons ou sur fonds architecturaux ; des fruits, des fleurs, des feuillages et des animaux, entremêlés de tablettes de diverses formes, portant des inscriptions allégoriques. Une variété infinie de ces objets d’une beauté exquise attirait l’attention des artistes de cette époque, lesquels se rendaient à Rome dans le seul but d’en prendre le dessin. En se servant des sujets qu’ils avaient esquissés pour former les arabesques modernes, il était presque impossible que dans le commencement, les artistes pussent éviter de communiquer à leurs peintures, quelque chose du cachet formel et matériel des objets sculptés d’après lesquels ils avaient fait leur dessins originaux.

Cette circonstance peut expliquer, jusqu’à un certain point, les différences qu’on ne peut manquer de découvrir entre l’imitation et l’objet imité, dans le grand nombre des premières tentatives de reproduire les décorations peintes de l’époque impériale romaine. Parmi les artistes qui se vouèrent avec ardeur à l’étude de l’antique, nul ne se fit plus remarquer que Pietro Perugino, pendant le séjour qu’il fit à Rome à la fin du quinzième siècle. Nous avons une preuve manifeste des résultats auxquels il arriva, par suite des études approfondies qu’il fit des ornements de l’antiquité, dans la commande


Panneau de plafond, d’après un dessin par Le Pautre.


qu’il reçut de ses concitoyens de décorer le plafond du palais de la bourse, ou « Sala di Cambio, » de fresques qui devaient reproduire avec fidélité et vigueur, le style des anciens et certains sujets tirés de l’antique. Cette belle œuvre, vraiment artistique, fut exécutée par Perugino peu après son retour de Rome à Perugia, et prouve d’une manière évidente combien cet artiste avait puisé avec fruit à la source classique de l’art antique. Cet ouvrage est, sans aucun doute, la première reproduction complète des grotesques des anciens, et il possède un intérêt tout particulier, non seulement parce qu’il établit le droit de Perugino d’être considéré comme le premier grand rénovateur fidèle de ce style gracieux, mais aussi pour avoir été « la pièce d’épreuve » d’un genre auquel tant de mains
Arabesque dessinée par Baccio Pintelli pour l’église St. Augustin, Rome.

Arabesque dessinée par Baccio Pintelli pour l’église St. Augustin, Rome.
novices se sont dans la suite exercées, dont les effortsfinirent par lui faire atteindre à la plus grande perfection.

Les principaux élèves de Perugino, dont les travaux aidèrent matériellement cet artiste dans l’exécution de ces fresques gracieuses, furent Raphaël, alors âgé de seize ou de dix-sept ans ; Francesco Ubertini, plus connu sous le nom de Bacchiaca ; et Pinturicchio. Il est curieux de tracer l’influence que le succès de cette première tentative exerça sur l’avenir de ces trois jeunes étudiants. Il procura d’abord à Raphaël et à Pinturicchio la commande de décorer, de concert, la célèbre bibliothèque de Sienne, et dans la suite engagea le premier à se livrer à la culture de ce genre d’ornements, dont nous pouvons admirer les heureux résultats dans la composition des arabesques inimitables des loges du Vatican, etc., etc., et plaça le second artiste en mesure d’exécuter les décorations du plafond du chœur de Sta. Maria del popolo ; et de l’appartement Borgia, etc. à Rome. Quant à Bacchiaoca il devint si entièrement épris de ce style, qu’il dévoua toute sa vie d’artiste à peindre des animaux, des fleurs, etc. pour des décorations grotesques ; et il finit par acquérir dans toute l’Italie, une grande célébrité pour la perfection de ce genre de composition.

Pour le dessin habile et libre, les couleurs harmonieuses, la touche brillante, la balance parfaite des « pieni » et des « vuoti, » et l’imitation fidèle des peintures des anciens Romains, les fresques de la « Sala di Cambio » de Perugia sont au nombre des plus parfaites qui aient jamais été exécutées, quoique, sous le rapport de la délicatesse, du fini et du raffinement, on doive à peine s’attendre à ce qu’elles puissent égaler les productions subséquentes de Giovanni da Udine et de Morto da Feltro.

Raphaël, pendant le séjour qu’il fit à Rome, sous le pontificat de Léon X., reçut de ce pontife, la commande de décorer une arcade qui avait été construite pendant le règne de Jules II, par Bramante son beau-père.

Il fut arrêté que l’ensemble des décorations de cette arcade devait représenter un sujet sacré, mais que le style et l’exécution devaient rivaliser avec les plus beaux restes des peintures anciennes découvertes à Rome, jusqu’à cette époque. La partie principale de la composition paraît avoir été exécutée par Raphaël lui-même, et les détails semblent avoir été confiés à une bande d’assistants de choix, qui apportèrent incontestablement un zèle des plus grands à la réalisation de ce grand ouvrage. Ce fut par leurs mains, guidées par le goût exquis du grand artiste d’Urbin, qu’ont été crées les décorations des célèbres loges, les quelles depuis leur exécution n’ont jamais cessé d’exciter l’admiration de tous les artistes. Nous avons reproduit sur les planches LXXXVI. et LXXXVI*. un choix, fait avec soin, des principaux sujets de ces décorations.

On ne saurait, avec justice, comparer ces arabesques avec celles qu’on possède encore de l’antiquité ; car celles-là ont été exécutées par les plus grands maîtres de l’époque, pour servir de décoration à un édifice des plus magnifiques et des plus importants, tandis que ces dernières appartiennent à une époque moins remarquable sous le rapport de l’art, et ont servi à décorer des bâtiments bien moins importants relativement à la magnificence des empereurs romains, que l’est le Vatican à l’égard de la splendeur de l’époque papale. La comparaison deviendrait plus équitable, si nous pouvions faire revivre les gloires fanées du palais des César, ou de « la maison dorée » de Néron.

« Les différentes parties des arabesques de l’antiquité, étaient presque toujours dessinées sur une échelle réduite, afin de favoriser l’étendue apparente du local qu’elles étaient appelées à décorer ; en outre elles décelaient une proportion générale entre les différentes parties. Elles ne présentent pas à l’œil, sous le rapport de l’échelle proportionnelle qui devrait exister entre les différents sujets, les différences frappantes qu’on trouve dans les arabesques de Raphaël, dont les différentes parties sont tantôt d’une largeur outrée, tantôt d’une petitesse extrême. Nous y voyons quelquefois les sujets les plus larges, placés à côté ou au-dessus de ceux d’une moindre dimension, ce qui augmente d’autant plus le désaccord qui existe déjà dans la composition, et choque, en outre, l’œil, autant par le manque de symétrie que par le mauvais choix des sujets eux-mêmes. Ainsi à côté des arabesques les plus riches, représentant sur une très petite échelle, des combinaisons élégantes et minutieuses de fleurs, de fruits, d’animaux, de figures humaines, de vues de temples, de paysages, etc., nous trouvons d’autres arabesques, représentant des calices de fleurs, d’où s’élancent des tiges tordues, des feuilles et des fleurs, qui toutes, relativement aux premières arabesques, sont d’une proportion colossale ; nuisant ainsi non seulement à l’effet des autres décorations, mais détruisant aussi la grandeur de la composition architecturale dans son ensemble. En dernier lieu, si nous examinons le choix des sujets, à l’égard de l’association des idées qu’ils sont appelés à faire naître, et les décorations des symboles et des allégories employés pour les exprimer, nous trouvons que les ouvrages des anciens, qui ne puisaient à aucune autre source que dans leur mythologie, ont un avantage marqué, sous le rapport de l’unité de la composition, si nous les comparons avec le mélange qui prédomine dans les arabesques des loges, représentant un monde imaginaire à l’aide des symboles du christianisme. » Telles sont, entre autres, les conclusions générales aux quelles est arrivé M. Hittorff, qui a étudié si à fond la polychromie ancienne ; et il serait impossible d’en contester la justesse. Cependant, tout en condamnant les fautes d’ensemble, nous ne devons pas perdre de vue, la grace exquise des détails, que le pinceau de Raphaël et de ses élèves a enfantée. « Si nous passons du Vatican à la villa Madama, nous trouvons, aussitôt que nous entrons dans le vestibule de cette résidence, que les divisions des décorations produisent un effet général moins confus : il existe une proportion mieux réglée et une plus grande symétrie ; les superbes plafonds, malgré la multiplicité de leurs ornements, produisent un effet plus agréable et plus calme. Les principaux sujets, qui représentent des scènes prises de la mythologie païenne, offrent à la vue une unité d’ensemble qui se rapproche davantage du caractère des ouvrages de l’antiquité. Si nous adoptons l’opinion générale, que ce bel ouvrage a été conçu par Raphaël, en imitation des arabesques qui ornent les loges, et exécuté entièrement par Giulio Romano et Giovanni da Udine, nous voyons que les élèves favoris de ce maître incomparable ont réussi à éviter les fautes contre le bon goût, que lui-même et ses contemporains n’ont pu manquer de reconnaître dans sa première œuvre, toute favorable qu’elle ait été reçue par la voix unanime, non seulement des courtisans mais même des artistes. » Les arabesques de cette charmante retraite sont peintes, pour la plupart, sur des fonds de couleur, et, en cela, elles diffèrent de celles du Vatican qui sont exécutées, en général, sur des fonds blancs ; à l’égard de cet emploi de fonds de couleur, Giulio Romano paraît avoir été plus partial que Raphaël ou Giovanni da Udine.

La villa a été bâtie, sur les dessins de Raphaël, par Romano et son collègue, pour le pape Clément VII. lorsqu’il était encore le cardinal Giulio de Médicis. Les travaux n’étaient pas encore entièrement terminés qu’ils furent détruits par le cardinal Pompeo Colonna, qui voulut se venger de Clément VII., lequel avait brulé quatorze de ses châteaux dans la Campagna de Rome. Cette villa tombe aujourd’hui en ruines ; mais la magnificence des trois arches qui existent encore, suffit pour nous faire voir que le plan en était digne de Raphaël ; car il n’y a aucun doute que c’est l’œuvre de ce grand maître, comme le prouve une lettre de Castiglione à Francesco Marcia, duc d’Urbino, ainsi que quelques dessins, qui, de même que la lettre, existent encore aujourd’hui.

Après la confiscation des biens de la famille des Médicis, en 1537, la villa Madama fut achetée par Marguerite, fille de Charles V. et veuve du duc Alexandre de Médicis ; et c’est du titre de cette princesse qu’elle tire son nom de Madama. Cette résidence fut alors, en partie, restaurée, quoiqu’elle n’ait jamais été entièrement achevée, et Marguerite l’habita après son mariage avec Ottavio Farnese. Elle devint ensuite, avec les autres biens des Farnese, la propriété de la couronne de Naples, par suite d’un mariage entre les deux familles.

Les élèves et les imitateurs de Raphaël ont exécutés un si grand nombre d’arabesques, et ils atteignirent dans cet art, à un si haut degré de perfection, qu’il est difficile aujourd’hui de savoir, d’une manière positive, à qui nous sommes redevables, des belles arabesques qui décorent encore, de nos jours, un grand nombre des palais et des maisons de campagne dans le voisinage de Rome. Après la mort prématurée de Raphaël, les liens de fraternité, qui avaient uni la société des artistes rassemblés autour de lui, furent brisés, et ceux, qui avaient travaillé avec tant de talent sous lui, se répandirent dans diverses directions, en Italie, emportant avec eux l’expérience et les connaissances qu’ils avaient acquises, en exécutant les grands travaux confiés à ce grand maître. C’est de cette


Partie d’un plafond, en stuc, du palais Mattei di Giove, Roma, par Carlo Maderno.


manière que les éléments des décorations d’arabesques peintes furent disséminés dans toute la péninsule. Ces artistes, cependant, trahirent dans leurs ouvrages, en proportion qu’ils se trouvèrent éloignés de l’influence classique de Rome, un style moins pur de décorations, et une plus grande tendance à produire des effets pittoresques ; et dans le dix-septième siècle, les arabesques disparurent complètement pour faire place à un style de décorations fastueuses, qui convenaient à l’extravagance de l’architecture somptueuse, chérie et propagée par les Jésuites. Du temps de Bernini et à une époque plus récente, du temps de Borromini, les artistes, dans leurs ouvrages de stuc donnaient un champ libre à toutes les fantasies de leur imagination, et le malheureux peintre, devait se contenter des ouvertures rétrécies laissées entre les ailes battantes et les draperies flottantes des anges et des saints suspendus dans l’air, à des voutes et à des dômes, où il ne pouvait guère mettre autre chose que les jongleries du père Pozzo et de son école.

Avant de quitter entièrement le sujet des arabesques, nous ferons bien peut-être d’indiquer l’origine de quelques anomalies qui existent dans ce genre d’ornementation, considéré sous ses divers aspects locaux. L’influence exercée sur les différents styles, par les restes de l’antiquité, s’est faite naturellement sentir plus particulièrement dans les endroits où on les a découverts en plus grand nombre. Ainsi à Rome, l’école de peinture en arabesques se rapprochait de très près de l’antique, tandis qu’à Mantoue, à Pavie et à Gênes, etc., on reconnaissait l’existence d’autres influences, d’autres types entièrement distincts les uns des autres. À Mantoue, par exemple, le système d’ornementation pouvait se subdiviser dans l’école de la représentation des objets naturels, et celle dont toutes les productions étaient d’un conventionnel outré frisant même la caricature — importation de Giulio Romano, et reflet du paganisme favori de Rome. Les fresques gracieuses dont nous avons reproduit de nombreux spécimens sur les planches LXXXVII. et LXXXVIII., exécutées, pour la plupart, sur un fond blanc, ont été prises des appartements déserts du palais ducal de Mantoue, où les ravages du temps les auront bientôt entièrement détruites. On y voit fréquemment des feuilles, des fleurs et des tendrons entourant un roseau central, comme aux Nos. 7 et 9 de la planche LXXXVII. ; — composition qui paraît tirer son inspiration directe de la nature. Dans d’autres exemples, comme dans les Nos. ], 2, 3, 4, 5 et 6 de la même planche, on trouve un style tout de convention, où la main de l’artiste dessine, guidée seulement par les fantaisies de son imagination, une série continuelle, rarement monotone, de courbes et d’enroulements, dont les points principaux sont accentués par des calices de fleurs, et dont les lignes dominantes sont ornées, et de temps à autre interrompues par un feuillage de plantes parasites.

Les spécimens, Nos. 1, 2, 4 et 5, de la planche LXXXVIII., présentent une différence frappante de style dans la décoration du même bâtiment. L’artiste, dans ces exemples, s’est éloigné encore davantage de la nature, tout en conservant une mode de représentation encore plus pittoresque, que dans les premiers exemples d’un style beaucoup plus pur. Loin de nous de vouloir affirmer qu’on ne puisse arriver à exécuter des ornements de l’ordre le plus élevé, en fait de beauté, et du caractère le plus architectonique, dans une composition basée sur des reproductions d’objets entièrement de convention ; mais il est certain que pour être agréable, une telle composition doit être traitée d’une manière simple, et dessinée à plat, sous le rapport du clair-obscur et des couleurs. La manière de varier le traitement de l’ornement, doit être en proportion directe de la différence plus ou moins prononcée, que les éléments, dont l’ornement se compose, présentent à l’égard de l’aspect ordinaire de la nature. Ainsi dans les belles arabesques de la planche LXXXVII. qui représentent, librement esquissées d’après nature, les formes de certaines plantes qui croissent dans les jardins et dans les champs, une certaine délicatesse de modelé et l’indication d’un effet accidentel, sont permises ; mais il ne peut en être de même, lorsque, comme dans les spécimens de la planche LXXXVIII., les arabesques sont formées d’objets tout de convention ; là, un traitement semblable nous paraît affecté et faible. On peut déjà tracer dans la confusion des lignes, dans les rubans flottants, et dans les formes vagues ornées de pierres précieuses du No. 5, ainsi que dans les masques et les bonnets de fous monotones du No. 1 (planche LXXX.) — cette tendance à la caricature, qui a tant défiguré les productions, que le génie de Romano enfantait avec une puissance de main de maître, mais malheureusement avec une trop grande fécondité. Tant que l’exubérance du génie de ce grand artiste s’est trouvée contrôlée par l’association d’artistes d’un goût plus pur que le sien, comme dans ses ouvrages à la villa Madama et à Rome, on ne peut trouver que peu de chose à lui reprocher ; mais lorsque dans la suite, devenu le « Gran Signore » à Mantoue, il devint énivré d’orgueil, il produisit des œuvres, toujours grandes et belles à la vérité, mais dans lesquelles il n’entre pas peu de ce qui est ridicule.

Les spécimens de ses arabesques que nous avons rassemblés à la planche LXXXVIII. montrent à la fois son talent et sa faiblesse comme ornemaniste. Incapable de se débarrasser des souvenirs qu’il avait de l’antique, et en même temps trop égoïste, dans sa vanité, pour se contenter d’en faire une reproduction fidèle, lorsqu’il puisait à cette source, il laisse entrevoir dans les sujets qu’il en empruntait, un aspect d’incertitude, qu’on trouve bien rarement dans les spécimens que nous possédons de l’antiquité. Les sujets qu’il tirait de la nature sont traités tout aussi mal : il ne cueillait les fleurs dont le sein de la nature est orné, que pour les écraser dans son étreinte grossière. Il existe, néanmoins, une hardiesse dans ses productions fantasques, et une sureté de main dans le dessin des cambrures de ses enroulements, qui lui assurent une place honorable dans le temple des arts. De même que « Van qui manquait de grâce, mais jamais d’imagination, » c’est sous le rapport du bon goût dont il a été, de son temps, un des principaux arbitres, que Griulio Romano faillit fréquemment, comme le prouvent plusieurs des ornements que nous avons reproduits à la planche LXXXIX., qui sont principalement pris du palais del Te, à Mantoue. Ainsi le No. 2 nous représente un enroulement dessiné avec hardiesse, mais dont l’effet est entièrement abîmé par l’objet ridicule d’où il s’élance ; le No. 3 nous offre des masques absurdes qui semblent ricaner des formes gracieuses qui les entourent ; et le No. 4 nous reproduit des spécimens où la nature et l’antique sont traités également mal. Le No. 6 de la même planche exemplifie une sévère morale : — Servile dans les endroits où l’ornement devrait être libre de toute entrave dans la disposition de ses lignes principales, libre et hardi dans les endroits où une certaine déférence à quelque type de forme cesse d’être servile, dans les éléments accessoires dont il est composé, cet enroulement courant, qui n’est qu’une adaptation d’un des patrons les plus communs de l’antiquité, laisse entrevoir à la fois, la faiblesse d’imagination de Romano et son manque de goût.

L’influence locale qui a réagi sur certains styles d’ornement, comme nous l’avons déjà fait remarquer pour les arabesques, peut se tracer aussi facilement dans les meilleurs exemples typographiques et xylographiques des anciens imprimeurs. Ainsi, les formes et la distribution presque uniforme des « pieni » et des « vuoti, » des ornements, Nos. 4-7, 9-16 de la planche XC, pris du célèbre « Etymologien Magnum, » imprimé à Venise en l’an 1499, trahissent évidemment l’influence du style des


Ornement typographique d’une des productions de l’aucienne imprimerie parisienne. (Testament grec de Stephau.)


fragments orientaux ou byzantins, que Venise possédait en si grand nombre. On pourrait presque croire que les lettres initiales d’Aldine reproduites sur cette dernière planche, ont été gravées par les mêmes mains, qui ont exécuté les patrons damasquinés qui ornent les ouvrages en métaux de l’époque. La bible toscane de 1538 nous offre des illustrations sans nombre des objets de convention, qu’on trouve si généralement dans la sculpture cinque-cento, et dont les églises de Florence étaient ornées d’une manière si profuse. Les spécimens de l’imprimerie parisienne méritent aussi, sous tous les rapports, l’admiration du « virtuose »

Les productions de Stephan — No. 29, pris de son célèbre testament grec — de Colinseus, son élève (No. 3), de Macé Bonhomme, de Lyons, 1558, de Théodore Rihel, de Francfort, 1574, de Jacques de Liesveldt d’Anvers, 1544, de Jean Palier et de Regnault Chauldière, de Paris, offrent un grand nombre d’illustrations agréables et pleines d’intérêt des différences produites par diverses influences locales, dans les ornements de détail d’un caractère semi-antique.

Avant de faire connaître brièvement les premières causes de la décadence générale de la rénovation de l’art classique, nous allons retourner à l’Italie et jeter un coup-d’œil sur une ou deux branches de l’industrie, qu’il serait injuste de passer sous silence. La première, et celle qui offre le plus d’intérêt, c’est la verrerie de Venise — industrie qui a contribué beaucoup à répandre la renommée de Venise sur toute la surface du globe.

La prise de Constantinople par les Turcs, en 1453, força les habiles artisans grecs à chercher un asyle en Italie, et les fabricants de verre, de Venise, apprirent de cas exilés la manière d’enrichir leur verrerie, par le moyen des couleurs, de la dorure et de l’émaillure. Au commencement du seizième siècle, les Vénitiens inventèrent l’art d’introduire des fils de verre colorié et blanc opaque (latticinio) dans la substance des objets qu’ils fabriquaient ; ce qui forma un ornement beau et durable, dont la légèreté naturelle convenait admirablement aux formes délicates des objets aux quels on l’appliquait. L’État garda le secret de cet art de la manière la plus jalouse, et décréta les peines les plus sévères contre tout ouvrier qui le divulguerait ou qui exercerait son métier dans un pays étranger. D’un autre côté il accorda de grands privilèges aux fabricants de verrerie, de Murano, et les ouvriers employés dans ce genre de manufacture jouirent d’une plus haute


Ornements de marqueterie, style Louis Seize, par Fay.

Panneaux, style Louis Seize, par Fay.
considération que les autres artisans. En 1602, on frappa une médaille d’or à Murano, dans le but de

transmettre à la postérité les noms des premiers fabricants qui établirent des verreries dans l’île, et les noms qui s’y trouvent sont ceux des manufacturiers : Muro, Leguso, Motta, Bigaglia, Miotti, Briati, Gazzabin, Vistosi, et Bailarin. Les Vénitiens réussirent à garder leur secret précieux, pendant deux siècles environ, et par ce moyen, ils monopolisèrent le commerce de la verrerie dans toute l’Europe ; mais au commencement du dix-huitième siècle, le goût de la verrerie massive taillée commença à prévaloir, et la Bohême, la France, et l’Angleterre prirent part à l’exploitation de cette branche de l’art industriel.

Un grand nombre d’ouvrages magnifiques en métaux précieux furent exécutés à cette époque, dont un grand nombre, on le suppose, a été fondu, en Italie, lors du sac de Rome, et en France, pour payer la rançon de Francois 1er. Il n’y a pas de doute, cependant, que la plus grande partie n’ait été remodelée dans la suite. Le cabinet du Grand Duc de Toscane, à Florence, et le musée du Louvre, à Paris, possèdent néanmoins de belles collections de coupes et d’autres objets émaillés et ornés de pierreries, qui prouvent suffisamment l’habileté et le goût des orfèvres et des bijoutiers du seizième siècle. Un des plus riches bijoux que la mode mit en vogue et qui continua à être porté pendant un temps considérable, fut « l’enseigne, » espèce de médaille que les nobles portaient généralement à leurs chapeaux, et les dames dans leurs coiffures. La coutume de donner des présents dans toutes les occasions importantes, procurait continuellement de l’ouvrage aux bijoutiers des deux pays ; et même pendant les temps de troubles, ceux établis dans le voisinage de la cour, voyaient fleurir leur commerce. La restauration de la paix en Italie, après la convention de Château Cambresis, et en France, à l’avènement de Henri IV., amena une augmentation de demandes pour les ouvrages d’orfèvrerie ; et dans la suite, la magnificence des cardinaux de Richelieu et de Mazarin ouvrit la voie au siècle de Louis le Grand, pour qui furent exécutés de beaux ouvrages d’art par l’orfèvre parisien, Claude Ballin, lequel travaillait dans le Louvre, avec Labarre, Vincent Petit, Julien Desfontaines, et autres. L’aigrette fut un des objets qui, à cette époque, mit le plus à contribution, l’ingénuité des bijoutiers ; elle était généralement portée par la noblesse. À partir de cette époque, le style de la bijouterie française entra dans une voie rapide de décadence ; la perfection du travail dans les objets en métaux passa à ceux de bronze et de laiton, — les ciselures sur laiton du célèbre Gouthier, sous le règne de Louis XVI., sont au-dessus de tout éloge. Nous reproduisons deux


Arabesque par Théodore de Bry, un des Petits Maîtres.
charmants spécimens du burin parisien, de ce genre d’ouvrage, dont la roideur et la frivolité sont

rachetées par une exécution parfaite.

Les détails de cet art, et la popularité dont il jouit, ne manquèrent pas d’exercer une certaine influence sur les compositions artistiques en général ; car, comme les meilleurs dessinateurs et les premiers graveurs de l’époque étaient employés par les orfèvres à l’exécution de leurs compositions et de leurs patrons, il s’en suivit naturellement, qu’un grand nombre de dessins spécialement destinés aux ouvrages de bijouterie, furent employés dans des compositions destinées à un but bien différent ; comme on l’a vu spécialement en Allemagne, où, surtout en Saxe, on exécuta pour l’Électeur un grand nombre d’ouvrages d’un style mixte, composé d’un mélange de renaissance et de style bâtard italien, orné de courroies et de rubans, de cartouches, et d’une complication embrouillée de membres architecturaux. La gravure au bas de la page précédente, d’une arabesque par Théodore de Bry, offre une assez bonne illustration de la manière dont les motifs adaptés expressément à l’émaillure dans le style de Cellini, étaient amalgamés, pour fournir le grotesque de l’époque. Ce n’est pas seulement dans les ouvrages de Théodore de Bry qu’on trouve de pareilles anomalies ; les gravures à l’eau forte d’Étienne de Laulne, de Gilles l’Égaré et autres nous présentent exactement le même caractère. Les graveurs et les dessinateurs de cette école étaient, en outre, fréquemment employés, en Alle magne et en France, à fournir des modèles pour les ouvrages de damasquinure, très longtemps en vogue dans ces deux pays ainsi qu’en Italie.

Il est à remarquer que, quoique les croisés aient acheté des armes orientales à Damas et qu’ils aient même apporté quelquefois en Europe des objets d’un travail des plus élaborés, — le vase de Vincennes, par exemple, — on n’ait fait aucune tentative d’imiter ce genre de manufacture avant le milieu du quinzième siècle, époque à laquelle on s’en servit dans la décoration des armures à plaques de fer, alors en vogue dans ce pays. Il est très probable que l’art de la damasquinure fut introduit premièrement de l’Orient en Europe par les grandes villes commerçantes, telles que Venise, Pise, et Gênes, et qu’il fut employé ensuite, comme une décoration plus durable pour les armures, que la dorure partielle, par les artistes de Milan, ville qui était alors en Europe ce que Damas avait été en Orient : — le grand entrepôt pour les meilleures armes et armures. La damasquinure fut employée d’une manière tellement exclusive pour la décoration des armes, que les écrivains italiens l’ont toujours désignée sous le nom de « lavoro all’ azzimina. » Au commencement du seizième siècle, cet art commença à s’exercer hors de l’Italie ; et il n’est nullement improbable qu’il ait été enseigné aux ouvriers français et espagnols, par les artistes ambulants, que les rois de France et d’Espagne, guidés par leur bon goût, ou peut-être entraînés par leur vanité, attachaient à leur cour. L’armure de François Ier, maintenant au Cabinet de Médailles, à Paris, est peut-être le plus beau spécimen de damasquinure qu’on ait conservé. Cette armure, ainsi que le bouclier, propriété de sa majesté la Reine d’Angleterre, lequel se trouve à Windsor, a été attribué au fameux Cellini ; mais si on les compare avec les ouvrages bien connus de ce grand artiste, on verra que le dessin des figures indique plutôt le style d’un artiste d’Augsbourg, que celui de Cellini, dont le style est toujours large ; qualité qu’il avait acquise de l’étude qu’il avait faite des œuvres de Michel-Ange.

À partir de cette époque jusqu’au milieu du dix-septième siècle, on décora de damasquinures un grand nombre d’armes, dont le Louvre, le Cabinet de Médailles, et le musée d’Artillerie, à Paris, possèdent de nombreux et beaux spécimens. Nous pouvons mentionner les noms de Michel-Ange, de Negroli, des Piccinini, et de Cursinet, comme ceux d’artistes qui ont excellé dans l’art de la damasquinure, ainsi que dans celui de l’armurier.

L’art de la damasquinure ne paraît pas avoir été en grand usage en Angleterre, où l’on se contentait d’employer à la place, la dorure partielle, la gravure, le cendrage, et le brunissage ; et les quelques spécimens, qu’on en possède, y ont été importés, ou ont été capturés par les Anglais dans leurs guerres à l’étranger, telle que la magnifique armure emportée en Angleterre par le comte de Pembroke, après la bataille de St. Quentin.

Nous avons eu la tache agréable de rapporter de quelle manière l’art ornemental français avait été régénéré au seizième siècle, en suivant les traces de l’école italienne d’alors ; et c’est pour nous maintenant un devoir bien moins agréable de faire connaître l’influence funeste que l’Italie exerça, au dix-septième siècle, sur l’art français. Il ne peut y avoir aucun doute, que Lorenzo Bernini et Francesco Borromini, deux artistes italiens richement doués de dons naturels, mais dont le mérite fut fort exagéré de leur temps, firent un mal immense à l’art français. Placés au faîte de la renommée, ils concentrèrent sur eux, pendant toute leur vie, l’attention universelle. Le premier était le fils d’un sculpteur florentin et naquit en 1589. Il décela de bonne heure un talent précoce pour la sculpture, et même pendant son adolescence il fut largement employé, non seulement comme sculpteur, mais aussi comme architecte. Il vécut presque continuellement à Rome : la fontaine de la Barcaccia sur la piazza di Spagna, le célèbre triton sur la piazza Barberini et les grandes fontaines de la piazza Navona ; le collége de la propaganda fide ; le grand vestibule et la façade du palais Barberini, en face de la strada felice ; une campanile pour St. Pierre (qu’on a ôté dans la suite) ; le palais Ludovico,


Composition ornementale par Le Pautre.


sur le mont Citorio ; la célèbre piazza de St. Pierre ; et enfin le grand escalier conduisant de St. Pierre au Vatican ; tous ces ouvrages, sans énumérer un grand nombre d’autres, sont de sa composition. Les bustes de Bernini étaient recherchés par tous les souverains et tous les seigneurs de l’Europe ; au point qu’à l’âge de soixante-huit ans, Louis XIV., qui était peu accoutumé à se voir refuser quelque chose, et encore moins à être réduit à jouer le rôle de suppliant, fut contraint d’écrire au pape et à Bernini, des lettres de supplication, dans lesquelles il priait le sculpteur de se rendre à Paris. On dit que pendant toute la durée de son séjour dans cette capitale, Bernini reçut, quoiqu’il y travaillât peu, cinq louis d’or par jour, et que le roi, à son départ, lui fit remettre cinquante mille écus, et lui accorda, en outre, une pension annuelle de deux mille écus pour lui, et une de cinq cents pour ses fils, qui l’avaient accompagné à Paris. À son retour à Rome, il exécuta une statue équestre en l’honneur de Louis, statue qui est maintenant à Versailles. Au talent d’architecte et de sculpteur, Bernini paraît avoir ajouté celui de mécanicien et de peintre ; il a peint, dit-on, environ cinq cents tableaux dans le Case Barberini et Chigi. Il mourut en 1680.

Francesco Borromini, naquit près de Como, en 1599. Placé de bonne heure en apprentissage chez Carlo Maderno, il trahit bientôt un talent brillant comme sculpteur et comme architecte. À la mort de Maderno il lui succéda dans la surintendance des travaux exécutés à la cathédrale de St. Pierre, sous la direction de Bernini, avec lequel il se querella peu après. Grâce à son imagination ardente, à sa puissance inventive et à sa rare facilité comme dessinateur, il eut bientôt de nombreuses commandes à exécuter ; dans ses productions capricieuses et fantasques, il arriva à tourner en caricature tout ce qui, dans le style de Bernini, tendait à l’extravagance. Jusqu’à sa mort, en 1667, il continua assidûment à renverser tous les principes connus d’ordre et de symétrie, non seulement à son propre profit, mais à l’admiration générale des chefs de la mode de l’époque. Les anomalies qu’il introduisit dans toutes ses compositions ; les moulures disproportionnées, les 4 courbes rompues, contrastées et rentrantes ; les lignes et les surfaces interrompues et tordues, devinrent en vogue, et tous les artistes en Europe se mirent à imiter de semblables énormités. En France, elles firent fureur, et, au lieu des formes un peu bizarres mais pittoresques qu’on trouve dans les gravures de Du Cerceau, 1576 — on ne vît plus que les formes plus élaborées mais moins agréables semblables à celles exécutées par Marot, 1727 — et par Mariette, 1726-7. Les œuvres de Borromini, publiées en 1725, et celles de Bibiena, qui n’étaient guère plus pures, publiées en 1740, eurent une immense circulation et tendirent à affermir le public dans son admiration pour les ouvrages élaborés, décelant une grande facilité de conception et de dessin, versus la simplicité et la beauté. Malgré cette influence pernicieuse, plusieurs artistes français de l’époque, sous les règnes de Louis XIV. et de Louis XV., exécutèrent, au milieu de leur extravagance, un grand nombre de belles compositions ornementales, qui décelaient une beauté capricieuse de lignes, rarement surpassée ; telles que certaines compositions de Le Pautre (règne de


Ornement de frize, Louis seize, par Fay.


Louis XIV.), ainsi qu’un grand nombre de décorations d’intérieur qu’on trouve dans les œuvres de Blondel, publiées sous le règne de Louis XV.

C’est à de Neufforge, cependant, qu’appartient le sceptre dans cette cour de confusion artistique ; et il nous a laissé assez de folies gracieuses dans les 900 planches de son grand ouvrage sur l’ornement. Ce serait hors de place de signaler ici, individuellement, l’un ou l’autre artiste, parmi la masse d’archi tectes, de dessinateurs et de graveurs habiles, auxquels le Grand Monarque et la brillante cour de son successeur donnaient force commandes, libéralement payées. Il y en a un cependant, Jean Berain, dont nous ne pouvons passer le nom sous silence, d’autant plus qu’il occupait le poste spécial de « dessinateur des menus plaisirs du roi, » Louis XIV., et que c’est à lui que nous sommes redevables pour les meilleurs dessins qui rendront le nom de Buhl, célèbre, aussi longtemps qu’on trouvera, parmi le public, des admirateurs de beaux meubles. Il contribua essentiellement à la décoration de la galerie d’Apollon au Louvre, et des appartements d’apparat aux Tuileries, comme le prouve un ouvrage publié en 1710. Daigremont, Scotin et autres ont gravé une autre grande collection des admirables dessins comiques de cet artiste. À l’avènement de Louis XV. au trône, en 1715, les compositions architecturales et ornementales devinrent bien plus rococo et baroques, qu’elles ne l’avaient été pendant la plus grande partie du règne de son prédécesseur. Malgré le beau talent et le bon exemple que l’architecte Souffot déploya dans ses œuvres, les enroulements tors et ornés de feuilles, et les coquilles, en vogue sous Louis XIV., se changèrent sous Louis XV. dans le rocaille et finirent par dégénérer jusqu’aux eccentricités de la chinoiserie. De ce style qui approchait de l’inanition, l’ornement renaquit sous Louis XVI., et il se forma un style élégant, quoique un peu trop linéaire, ressemblant, sous quelque rapport, à celui introduit en Angleterre par Robert Adams, principalement dans ses constructions de l’Adelphi. Le génie de trois hommes capables exerça une influence bienfaisante sur les compositions destinées pour les travaux industriels, à une époque rapprochée de la Révolution : — Reisner, ébéniste, célèbre pour son exquise marqueterie ; Gouthier, ciseleur en cuivre de Marie Antoinette ; et Demontreuil, sculpteur en bois de la famille royale. Pendant la Révolution, le chaos régna en souverain, d’où sortit l’ordre


Panneau pour la marqueterie Reisner, par Fay.

Frise, Louis seize, par Fay.


sous la forme d’une abjuration complète des colifichets de la monarchie en faveur de la sévérité républicaine de David. À mesure que la république s’affaiblit pour faire place à l’empire, la mode abandonna peu à peu le style sévère républicain pour la magnificence impérialiste — Napoléon Ier employa Largement et récompensa libéralement les meilleurs artistes ; et Percier, Fontaine, Normand, Fragonard, Prudhon, et Cavalier, portèrent, par leur talent, le style gracieux et savant, mais raide et froid, de l’Empire, au degré le plus élevé de perfection. À la restauration, l’antique cessa d’être de mode, et la confusion régna de nouveau. Les facultés naturelles du pays, cependant, aidées par des établissements publics conduits d’une manière judicieuse et libérale, ravivèrent bientôt l’intérêt public ; et la rénovation d’un style quasi archéologique, a eu lieu. On rechercha, restaura, et imita de tous côtés, les monuments du moyen-âge et de la renaissance ; et après des études nombreuses, un style d’un caractère éclectique, mais approchant de l’originalité, est en voie de se former dans ce pays.

La France, il faut l’avouer, est aujourd’hui maîtresse de l’arène artistique, dans la distribution et l’exécution des ornements de presque tous les genres ; mais les progrès qui ont lieu en ce moment en Angleterre, sont si rapides, qu’il n’est nullement impossible, qu’un historien, dans quelques années d’ici, puisse placer les Alliés, comme cela devrait être, sur un pied d’égalité.


ouvrages littéraires et pittoresques, auxquels on a eu recours pour les illustrations.
Adams (E.) The Polychromatic Ornament of Italy. In-quarto, Londres.
Alberti (L. В.) De Re Ædificatoria Оpus. Florent. 1485, in-folio.
Albertolli, Ornamenti diversi inventati, ic., da. Milan. In-folio. D’Androuet du Cerceau. Livre d’Architecture"". Paris, 1559, in folio.
D’Aviler, Cours d’Architecture, par. Paris, 1756, in-quarto.
Bibiena, Architettura di. Augustæ, 1740, in-folio.
Borromini (F.) Opus Architectonicum. Rоmæ, 1725, in-folio.
Clochar (P.), Monumens et Tombeaux mesurés et dessinés en Italie, par. 40 Plans et Vues des Monuments les plus remarquables de l’Italie. Paris, 1815.
Dedaux. Chambre de Marie de Médicis au Palais du Luxembourg ; ou Recueil d’Arabesques, Peintures, et Ornements qui la décorent. In-folio, Paris, 1838.
Diedo e Zanotto. Sepulchral Monuments of Venice. I Monumi mi cospicui di Venezia, illustrai i dal Cav. Antonio Diedo e da Francesco Zanotto. In-folio, Milan, 1839.
Doppelmayr (J. G.) Mathematicians and Artists of Nuremberg, ic. Historische Nachricht von den Nürnbergischen Mathematicis und Künstlern, etc. In-folio, Nürnberg, 1730.
Gozzini (V.) Monumens Sépulcraux de la Toscane, dessinés par Vincent Qozzini, et gravés par Jtrôme Scotto. Nouvelle Edition, augmentée de vingt-neuf planches, avec leur Descriptions. In-quarto, Florence, 1821.
Gruner (L.) Description of the Plates of Fresco Decorations and Stuccoes of Churches and Palaces in Italy during the Fifteenth and Sixteenth Centuries. With an Essay by J. J. Hittorff, on the Arabesques of the Ancients compared with those of Raffaelle and his School. New edition, largely augmented by numerous plates, plain and coloured. In-quarto, Londres, 1854.
——— Fresco Decorations and Stuccoes of Churches and Palaces in Italy during the Fifteenth and Sixteenth Centuries, with descriptions by Lewis Gruner, K. A. New edition, augmented by numerous plates, plain and coloured. In-folio, Londres, 1854.
——— Specimens of Ornamental Art selected from the best models of the Classical Epochs. Illustrated by 80 plates, with descriptive text, by Emil Braun. In-folio, Londres, 1850.
Magazzari (G.) The most select Ornaments of Bologna. Baccolta de’piu scelti Ornati sparst per la Cilia di Bologna, desegnati ed incisi da Giovanni Magazzari. In-quarto oblong, Bologne, 1837.
De Neukforge, Recueil élémentaire d’Architecture, par. Paris (1757). 8 vols, in-folio.
Pain’s British Palladio. Londres, 1797, in-folio.
Palladio, Architettura di. Venet. 1570, in-folio.
Passavant (J. D.) Rafael von ürbino und sein Vater Giovanni Santi. In zwei Theilen mit vierzehn Abbildungen. 2 vols, in-octavo. 1 vol. in-folio, Leipzig, 1839.
Percier et Fontaine, Recueil de Décorations intérieures, par. Paris, 1812, in-folio.
Perrault, Ordonnance des cinq spices de Colonnes, selon les Anciens, par. Paris, 1683, in-folio.
Philibert de Lorme, Œuvres d’Architecture de. Paris, 1626, in folio.
FrRanesl (Fr.) Différentes Manières d’orner les Cheminées, etc., par. Borne, 1768, in-folio, et autres ouvrages.
Ponce (N.) Description des Bains de Tite. 40 planches, in-folio.
Raphael. Life of Raphael, by Quatremère de Quincy. In-octavo, Paris, 1835.
Recueil d’Arabesques, contenant les Loges du Vatican d’après Raphael, et grand nombre d’autres Compositions du même genre dans le Style antique, d’après Normand, Queverdo, Boucher, etc. 114 planches, in-folio imperial. Paris, 1802.
Busconi (G. Ant.), Dell’Architettura, lib. X., da. Venez. 1593, in-folio.
Scamozzi, Idea del’Architettura da. Venez. 1615. 2 vols, in folio.
Serlio (Seb.) Tutte le Opere d’Architettura di. Venet. 1584. In--quarto.
——— Libri cinque d’Architettura di. Venet. 1551. In-folio.
Terme de Tito. Série de 61 gravures des peintures, des plafonds, des arabesques, &c, des Bains de Titus, gravées par Carloni. 2 vols, in-plano, atlas. — In-folio oblong. Rome.
Tosi and Becchio. Autels, Tabernacles, et Monuments sépulcraux du quinzième siècle et du seizième, qui existent à Rome. Publié sous le patronage de la célèbre Académie de St. Luc, par MM. Tosi et Becchio. Descriptions en italien, en anglais, en français, par Me. Spry Bartlett. In-folio. Lagny, 1853.
Vignola, Regola dei cinque Ordini d’Architettura, da. In-folio.
Volpato ed Ottaviano. Loggie del Raffaele nel Vaticano, etc. Rome, 1782.
Zahn ( W.)[1] Ornamente aller Klassischen Kunst-Epochen nach den originalen in ihren eigenthümlichen farben dargestellt. In-folio oblong. Berlin, 1849.
Zobi (Ant.) Notizie Storiche suit’Origine e Progressi dei Lavori di Commesso in Pietre Dure che si esequiscono nelt I. e R. Stabilimento di Firenze. Seconde édition, augmentée et corrigée par l’auteur. In-quarto, Florence, 1853.
  1. Cet ouvrage plein d’intérêt, nous a fourni les sujets des planches LXXVIL, LXXVIIL, LXXIX.