Grammaire de l ornement/Chap II

Day & Son, Limited-Cagnon (p. 19-Image).
Chapitre II. — Planches 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11.
ORNEMENTS ÉGYPTIENS.
1. 
Le lotus dessiné d’après nature.
2. 
Représentation égyptienne du lotus.
3. 
Autre représentation du lotus, dans un état différent de croissance.
4. 
Trois plantes de papyrus, et trois lotus en pleine fleur avec deux boutons, dans la main d’un roi, comme offrande à un dieu.
5. 
Lotus en pleine fleur avec deux boutons, attachés avec des rubans, type des chapitaux des colonnes égyptiennes.
6. 
Lotus avec des boutons, en forme de colonne, entouré de natte, d’après une peinture représentant le portique d’un temple.
7. 
Base de la tige du papyrus dessiné d’après nature ; type des bases et des fûts des colonnes égyptiennes.
8. 
Bouton entr’ouvert du papyrus, dessiné d’après nature.
9. 
Autre bouton dans un état moins avancé de croissance.
10. 
Représentation égyptienne de la plante de papyrus ; type complet du chapiteau, du fût et de la base des colonnes égyptiennes.
11. 
Même représentation, combinée avec des boutons de lotus, des raisins et du lierre.
12. 
Combinaison du lotus et du papyrus, représentant une colonnes entourée de nattes et de rubans.
13. 
Représentation égyptienne du lotus avec ses boutons.
14,
15.
Représentation du papyrus, d’après une peinture égyptienne.
16. 
Représentation de plantes qui croissent dans le désert.
17. 
Représentation du lotus et du papyrus dans le Nil
18. 
Autre variété de plante du désert.

1. 
Éventail fait de plumes, placées dans une tige de bois en forme de lotus.
2. 
Plumes d’ornements de la têtière des chevaux des chars royaux.
3. 
Autre genre, d’Aboo-Simbel.
4. 
Éventails faits de feuilles sèches.
5. 
Idem.
6. 
Éventails.
7. 
Coiffure royale.
5. 
Idem.
9. 
Représentation d’une espèce de lotus.
10. 
Le vrai lotus.
11. 
Insignes portés par certains officiers du temps des Pharaon.
12. 
Autre genre.
13-15. 
Vase en or émaillés en forme de lotus.
16. 
Gouvernail orné de lotus et de l'œil, représentant la divinités.
17. 
Idem, autre genre.
18,19. 
Bateaux faits de plantes de papyrus liées ensemble.

1. 
Chapiteau des grosses colonnes du temple de Luxor, Thèbes, du temps d’Amunoph III., 1250 a.c., selon Sharpe. Il représente le papyrus en pleine fleur, et tout autour se trouvent alternativement des boutons de papyrus et de lotus.
2. 
Chapiteau des plu spetites colonnes du Mémnonium, Thèbes, 1200 a.c. Il représente un seul bouton du papyrus orné des fasces pendantes coloriées, qu’on voit sur les représentations peintes des colonnes de la planche IV., Nos. 5, 6, 12.
3. 
Chapiteau des plus petites colonnes du temples de Luxor, 1250 a.c., représentant huit boutons de papyrus attachés ensemble, et ornés de fasces pendantes et coloriées.

11. 
Chapiteau du temple hypèthre inachevé de l’île de Philé — période romaine, 140 a.c. — composé de la plante du papyrus dans trois états différents de croissance placée sur trois rangées : la première composée de quatre papyrus en pleine fleur et de quatre autres grands entièrement épanouis ; la seconde composée de huit fleurs épanouis, plus petites ; et la troisième, composée de seize boutons : formant en tout un faisceau de trente-deux plantes. On peut tracer la tige de chaque plante, à la grosseur et à la couleur de sa côté, jusqu’aux bandes horizontales ou fasces. Voyez planche IV., Nos. 5, 6, 12
12. 
Chapiteau du temple à Koom-Ombos, formé du papyrus entièrement développé, entouré de différents fleurs.
13. 
Chapiteau du temple principal de Philé, représentant deux rangées papyrus dans trois états de croissance. La première rangée, composée de huit plantes, quatre en pleine fleur et quatre tout épanouies ; la seconde rangée, composée de huit boutons : faisant seize plantes. Dans ce chapiteau, la forme circulaire n’est pas dérangée comme dans le No. 11.
14. 
Chapiteau du temple hypètre inachevé de Philé, composé de trois rangées de plantes de papyrus, dans trois états différents de croissance. La première rangée a huit plantes en pleine fleur, et huit autres qui s’épanouissent ; la seconde rangée, seize fleurs épanouies ; et la troisième rangée, trente-deux boutons de papyrus : en tout soixante quatre plantes. La tige de chaque plante se distingue par sa grosseur et sa couleur, et se prolonge jusqu’aux bandes horizontales qui les lient ensemble autour du fût.
15. 
Chapiteau du portique d’Edfu, 145 a.c., représentant le palmier, orné de neuf branches. Les fasces horizontales du chapiteau, en forme de palmier, différent des fasces de tous les autres chapiteaux, en ce qu’il y a toujours une ganse pendante.

4. 
Chapiteau d’un temple dans l’oasis de Thèbes, représentant une collection de plantes aquatiques, à tiges triangulaires attachées autour dÆun seul papyrus en pleine fleur.
5. 
Chapiteau pris du portique d’Edfa, 145 a.c., d’une structure semblable à celle du No. 4.
6. 
Chapiteau du principal temple de l’île de Philé, 106 a.c. Papyrus en pleine fleur entouré d’autres plantes de la même espèce dans différents états de croissance.
7. 
Chapiteau d’un temple dans l’oasis de Thèbes.
8. 
Chapiteau de la colonnade de l’île de Philé, représentant seize fleurs de lotus liées ensemble sur trois rangées, vues en élévation.
9. 
Chapiteau No. 8, vu en perspective.
10. 
Chapiteau d’un temple dans l’oasis de Thèbes, représentant huit fleurs de lotus liées ensemble sur deux rangées.
15. 
Chapiteau du temple hypèthre inachevé de Philé, composé de papyrus dans deux différents états de croissance, placé sur trois rangées. La première, composée de quatre plantes en pleine fleur, et de quatre hautre qui s’épanouissent ; la seconde, composée de huit ou pleine fleur mais plus petites ; et la troisième, de seize encore plus petites.
17. 
Chapiteau, forme gréco-égyptienne, mais datant de la période romaine, très remarquable en ce qu’il montre combiné ensemble, les éléments égyptiens et grecs savoir : papyrus, dans deux états différents de croissance, accompagné de l’acanthe et des tendrons du chèvre-feuille.

1. 
Orenement de la partie supérieure des murs d’un tombeau de Benibassan.
2. 
Idem,  Idem.
3. 
Idem, de Karnac, Thèbes.
4. 
Idem, de Gourna, Thèbes.
5. 
Idem, de Sakhara.
6. 
Décoration de la moulure, dite torus, de quelques-unes des plus anciennes tombes dans le voisinage des pyramides de Gizé.
7-9. 
Pris d’un sarcophage en bois.
10. 
Pris des tombeaux d’El Kab.
11. 
Pris des tombeaux de Bénihasran.
12. 
Pris des tombeaux de Gourna.
13. 
Idem.
14. 
Idem.
15. 
Pris d’un collier.
16. 
Pris de la partie d’un mur de tombeau, la plus rapporchée du plafond, Gourna.
17-19. 
Diverses parties d’un collier.
20. 
Pris d’un mur de tombeau.
21. 
Pris d’un collier.
22. 
Pris de} la partie supérieure d’un mur de tombeau, Sakhara.
23. 
Idem, Thèbes.
24. 
Pris d’un collier.
25. 
Pris d’un mur de tombeaua, Gourna.
26. 
Pris d’un sarcophage.
27. 
Pris du mur d’un tombeau.
28. 
Pris d’un sarcophage.
29. 
Pris de lapartie supérieure d’un tableau.
30. 
Arrangement de lignes pris de lambris feints
31. 
Pris d’un sarcophage, Louvre.
32. 
Ornement du mur d’un tombeau à Gourna, représentant le lotus à plat et en élévation.
33. 
Pris d’un plafond à Medinet Haboo.
34. 
Arrangement de lignes pris de lambris feints des tombeaux.

Les Nos 1-5, 10, 11, se trouvent toujours sur la surface verticale, et sur la partie supérieure des murs des tombeaux et des temples. Les Nos, 7-9, 12, 14, 18, 20, sont tous tirés des mêmes éléments, savoir : du lotus dans une position pendante, avec une grappe de raisins intermédiaire. Cet ornement égyptien, d’un usage si continuel, ressemble tellement dans quelques-unes des ses formes, à la moulure grecques connue généralement sous le nom de moulure en quart de rond, que nous sommes fortement portés à croire que la moulure grecque en a tiré son origine. Les Nos. 13, 15, 24, 32, font connaître un autre élément de l’ornementation égyptienne, tirée des feuilles séparées du lotus.


Tous les ornements de cette planche sont pris de caisses de momies qui se trouvent au musée Britannique et au Louvre, et de même que ceux de la planche précédente, ils sont formés, pour la plupart, de la fleur du lotus et de feuilles détachées de la m^me plante. Au-dessus des feuilles de lotus du No. 2, il y a un ornement blanc sur un plafond bigarré, un des plus anciens ornements qui tire évidemment son origine de l’entrelacement de torons de différentes couleurs. La partie inférieure du No. 18 nous représente un autre ornement très général, tiré des plumes.


Les ornements de cette planche sont pris de dessins originaux représentant des peintures qui ornent des tombeaux dans différentes parties de l’Égypte. Ils représentent principalement des patrons qu’on pourrait produire au métier à tisser, et au premier coup d’œil on peut voir que c’est de là que la plupart tirent sans doute leur origine.

Les Nos. de 1 à 8 représentent des nattes sur lesquelles les rois se tenaient. Elles étaient évidemment formées de pailles de différentes couleurs. La tradition de cet état de l’art décoratif à la formation de patrons, tels que nous représentent les Nos. 9-12, 17-19, 21, a dû être très rapide, et ces patrons ne sont très probablement que les reproductions de tissus, faits pour un usage journalier. Les Nos. 9 et 10 peuvent avoir suggéré aux Grecs l’idée de leur méandre, à moins qu’ils n’y soient arrivés eux-mêmes au suivant une voie semblable.

20.Pris du plafond d’un tombeau à Gourna. Cet ornement représente le treillage d’un mur de jardin, couvert d’une vigne, ornement qui est loin d’être rare pour le plafond convexes des petits tombeaux, et qui occupait ordinairement tout le plafond de chaque excavation, à l’époque de la dix-neuvième dynastie.

21-23. Pris de caisses de momies d’une période plus récente, musée du Louvre.


1-5. 
Pris de caisses de momies d’une période plus récente, musée du Louvre. Arrangements géométriques de la feuille de lotus.
6. 
Pris d’un tombeau à Thèbes. Chaque cercle est formé de quatre fleurs de lotus et de quatre boutons : l’étoile intermédiaire veut probablement représenter quatre feuilles de lotus.
7. 
Pris à Thèbes.
8, 9. 
Pris d’une caisse de momies.
10-24. 
Pris de plafonds de tombeaux dans différentes parties de l’Égypte. Les Nos. 10, 13-16, 18-23, sont divers exemples d’un ornement qui représente le déroulement d’un tas de cordes, qui ne peut avoir suggéré la première idée de la volute. La ligne bleue continue du No. 24 est évidemment du même type.

1, 4, 6, 7. 
0 Pris d’un tombeau à Thèbes. ; ce sont d’autres exemples de l’ornement en corde, reproduit sur la dernière planche. Les Nos. 2 et 3 sont des variétés du genre d’ornement produit par un arrangement d’étoiles, très général sur les plafonds de tombeaux et de temples. Le Nos 2 est formé sur des carrés, et le Nos. 3, sur des triangles équilatéraux.
9. 
Pris d’une caisse de momies.
10. 
Pris de la broderie d’un manteau royal.
11-16. 
représentant différentes variétés de bordures prises de peintures de tombeaux.
17. 
Pris du vêtement d’une figure dans un des tombeaux royaux de Biban et Moluk. Cet ornement représente les écailles de l’armure portée par les héros et les dieux de l’Égypte.
18-20. 
Ornements semblables, dont les plumes des oiseaux ont suggéré très probablement l’idée première.
21. 
Ornement sur le vêtement du dieu Amun, Aboosimbel.
22. 
Pris d’un fragment, — musée du Louvre.
23. 
Lambris feint provenant du tombeau de Ramses, Biban el Moluk, représentant probablement en diagramme, un bosquet de papyrus ; car il occupe une position semblable aux lambris feints d’une période plus récente, qui étaient formés des boutons et des fleurs du papyrus.
24. 
Pris d’un tombeau très ancien à Giza, ouvert par le docteur Lopsius. La partie supérieure représente le torus ordinaire égyptien ; la partie inférieure provient du lambris feint du même tombeau et fait voir que la pratique d’imiter en peinture ; les bois, date de l’antiquité la plus reculée.
ORNEMENTS ÉGYPTIENS.

L’architecture d’Égypte a cela de particulier, par dessus tous les autres genres d’architecture, que plus le monument est ancien, plus l’art en est parfait. Tous les débris dont nous ayons connaissance représentent l’art égyptien à l’état de décadence. Des monuments élevés deux mille ans avant l’ère chrétienne, sont formés des ruines de bâtiments encore plus anciens et plus parfaits. C’est ainsi que nous nous trouvons portés en arrière vers une période qui est trop éloignée de nos temps, pour que nous puissions découvrir les vestiges de son origine ; et pendant que nous pouvons tracer, en succession directe, comme descendante de cette grande source mère, l’architecture grecque, romaine, byzantine, avec ses rejetons, l’architecture arabe, mauresque, et gothique, nous ne pouvons faire autrement que de croire que l’architecture d’Égypte est un style purement original, qui naquit avec la civilisation dans l’Afrique centrale[1], passa à travers des siècles sans nombre pour arriver au point culminant de la perfection, et puis à l’état de décadence où nous le voyons actuellement. Cet était est inférieur, sans doute, à la perfection inconnue de l’art égyptien, mais il l’emporte de beaucoup sur tout c qui suivit ; les Égyptiens ne sont inférieurs qu’à eux-mêmes. Dans tous les autres styles nous pouvons tracer l’avancement rapide, depuis l’enfance fondée sur quelque style du passé, jusqu’au point culminant de la perfection, où l’influence étrangère fut modifiée ou écartée et où commença la descente vers la période d’une décadence lente et languissante, s’entretenant aux frais de ses propres éléments. Sur l’art égyptien nous ne voyons aucune trace d’enfance ou d’influence étrangère ; d’où il faut conclure que les Égyptiens puisaient leurs inspirations directement aux sources de la nature. Cette rue est confirmée surtout par l’examen de l’ornement égyptien ; les types en sont peu nombreux, et ils sont tous des types naturels ; et la représentation ne s’écarte du type que très légèrement. Mais plus nous descendons l’échelle de l’art, plus nous trouvons qu’on s’éloigne des types originaux ; à tel point, que dans bien des ornements, tels que les ornements arabes et mauresques, il est difficile de découvrir le type original d’où l’ornement a été développé par les efforts successifs de l’esprit.

Le lotus et le papyrus qui croissent aux bords de leur rivière, symboles de la nourriture du corps et de l’esprit ; les plumes d’oiseaux rares qu’on portait devant le roi, comme emblème de la souveraineté ; le rameau du palmier, avec la corde torse faite de ses tiges : tels sont les types peu nombreux qui forment la base de cette immense variété d’ornements avec lesquels les Égyptiens décoraient les temples de leurs dieux, les palais de leurs rois, les vêtements qui couvraient leur personne, leurs articles de luxe ainsi que les objets modestes destinés à l’usage journalier, depuis la cuiller en bois, avec laquelle ils mangeaient jusqu’au bateau qui devait porter à travers le Nil à la vallée des morts, leur dernière demeure, leurs corps embaumés et ornés de la même manière. En imitant ces types, les Égyptiens suivaient de si près la forme naturelle, qu’ils ne pouvaient guère manquer d’observer les mêmes lois que les œuvres de la nature déploient sans relâche ; c’est pourquoi nous trouvons, que l’ornement égyptien, tout en étant traité d’une manière conventionnelle, n’en est pas moins toujours vrai. Nous n’y voyons jamais un principe naturel appliqué mal à propos ou violé. D’un autre côté les Égyptiens ne se laissaient jamais porter à détruire la convenance et l’accord de la représentation par une imitation du type par trop servile. Un lotus taillé en pierre, formant le couronnement gracieux du haut d’une colonne, ou peint sur les murs comme une offrande présentée aux dieux, n’était jamais un lotus tel qu’on pourrait le cueillir, mais une représentation architecturale de cette plante, représentation on ne peut mieux adaptée, dans un ces comme dans l’autre, au but qu’on avait en vue, car elle ressemblait suffisamment au type pour réveiller dans ceux qui la contemplaient l’idée poétique qu’elle devait inspirer, mais sans blesser le sentiment de la convenance.

L’ornement égyptien se divise en trois sortes : l’ornement de construction qui forme une partie du monument même, étant le gracieux revêtement extérieur de la carcasse intérieure ; l’ornement représentatif, rendu, cependant, d’une manière conventionnelle ; et l’ornement purement décoratif. L’ornement du reste, a quelque catégorie qu’il appartînt, était, sans exception, symbolique, formé, comme nous avons remarqué déjà, d’après quelques types peu nombreux qui ne subirent que des changements très légers durant toute la période de la civilisation égyptienne.

À la première espèce, savoir a l’ornement de construction, appartiennent les décorations des parties qui servent de supports ainsi que les membres qui forment le couronnement des murs. La colonne qui n’avait que quelques pieds de hauteur, de même que celle qui atteignait la hauteur de quarante ou de soixante pieds, comme celles de Luxor et de Karnac, n’était que la plante du papyrus de grandes dimensions ; la base en représentait la racine ; le fût, la tige ; et le chapiteau, la fleur tout épanouie entourée d’un bouquet de plantes plus petites (No. 1, planche VI.), jointes ensemble à l’aide de bandes. Non seulement une série de colonnes représentait une forêt de papyrus, mais chaque colonne par elle-même formait un bois ; et au numéro 17 de la planche IV. nous avons la représentation d’un bois de papyrus de différents degrés de croissance, qu’on n’aurait qu’à réunir tels qu’ils sont à l’aide d’une corde passé autour, pour avoir le fût égyptien et son chapiteau richement orné ; et puis, nous avons aux numéros 5, 6, 10, 11, 12, planche IV, des représentations peintes, de colonnes appartenant à des temples, dans lesquelles l’idée générale est tracée de manière qu’il serait impossible de s’y méprendre.

Nous sommes portés à croire que dans les temps reculés, les Égyptiens avaient la coutume de décorer, des fleurs indigènes du pays, les piliers de bois de leurs temples primitifs ; et lorsque l’art chez eux prit un caractère plus permanent, cette coutume se consolide, pour ainsi dire, sur leurs monuments en pierre. Leurs lois religieuses leur défendaient de changer ces formes qui étaient devenues sacrées ; mais cette possession d’une seule idée motrice et dominante était bien loin de conduire à l’uniformité, comme nous pouvons voir nu premier regard jeté sur les planches VI et VI*. Quinze (les chapiteaux que nous avons choisis pour notre illustration ont pour type le lotus et le papyrus, et pourtant, quelle variété ingénieuse ils présentent, quelle leçon admirable ils nous donnent ! Depuis les Grecs jusqu’à nos jours, le monde s’est contenté de la feuille d’acanthe arrangée autour d’une comptine, pour former les chapiteaux des colonnes de l’architecture classique, ne différant que dans le modelé plus ou moins parfait des feuilles, ou dans les proportions gracieuses ou dépourvues de grace de la campagne ; la modification du plan n’a été tentée que fort rarement. Et c’est ce qui n ouvert la voie du développement si grand donné au chapiteau des Égyptiens ; commençant avec le cercle, ils l’entourèrent successivement de quatre, de huit, et de seize autres cercles. Si l’on tentait le même changement dans le chapiteau corinthien, on ne manquerait pas de produire un ordre de formes tout nouveau, tout en retenant l’idée première d’appliquer la fouille d’acanthe à la surface d’un vase façonné à l’instar d’une cloche.

Dans le fût de la colonne égyptienne, quand elle était circulaire, on conservait l’idée de la forme triangulaire de la tige du papyrus, moyennant trois lignes en relief, qui diviseraient la circonférence en trois parties égales ; lorsque la colonne était formée de quatre ou de huit fûts liés ensemble, chacun de ces fûts était pourvu à la face extérieure d’une arête saillante qui avait le même but. Le couronnement ou corniche des batiments égyptiens était décoré de plumes, qui étaient, à ce qu’il parait, l’emblème de la souveraineté : tandis qu’au centre se trouvait le globe ailé, emblème de la divinité.

La seconde espèce de l’ornement égyptien est le résultat de la représentation conventionnelle d’objets réels sur les murs des temples et des tombeaux ; et là aussi, dans les représentation des offrandes présentées aux dieux, ou dans celles des différents objets à l’usage journalier, de même que dans les peintures des scènes réelles de la vie domestique, chaque fleur, ainsi que tout autre objet, est reproduite, non pas comme une réalité, mais comme une représentation idéale. Ces représentations servaient, à rappeler un fait en même temps qu’elles constituaient une décoration architecturale, et il n’y avait pas jusqu’à l’inscription hiéroglyphique qui n’ajoutât, par son arrangement symétrique, à l’effet général. Le No. 4, planche IV., nous fournit un exemple frappant dans la représentation de trois plantes de papyrus et de trois fleurs de lotus, avec deux boutons qu’un roi tient à la main comme une offrande aux dieux. L’arrangement en est symétrique et gracieux, et nous y voyons que les Égyptiens, en rendant le lotus et le papyrus d’une manière conventionnelle, obéissaient instinctivement à cette loi que nous trouvons partout dans les fleurs des plantes, à savoir : le rayonnement des feuillet et de toutes les veines des feuilles, s’élançant en courbes gracieuses de la tige mère ; et ils ne suivaient pas seulement cette loi dans le dessin de chaque fleur individuelle, mais ils l’observaient également, en groupant plusieurs fleurs ensemble, comme on peut voir, non seulement au No. 4, mais aussi dans la représentation des plantes qui poussent dans le désert, représentation, qui se trouve aux numéros 16 et 18 de la même planche, ainsi qu’un numéro 13. Aux numéros 9 et 10, planche V., on voit qu’ils ont tiré la même leçon, de la plume, qui est un autre type d’ornement (il et 12, planche V.) ; le même instinct se manifeste aux numéros 4 et. 5, où le type est une des nombreuses espèces de palmiers, si communs dans ce pays.

La troisième espèce de l’ornement égyptien, c’est a dire l’ornement qui est purement décoratif, ou qui paraît tel à nos yeux, avait sans aucun doute également ses misons et ses lois d’application, quoiqu’elles ne paraissent pas si visibles pour nous. Les planches VIII., IX., X., XI., sont dévouées à cette classe d’ornements tirés des peintures qui se trouvaient sur des tombeaux, des vêtements, des ustensiles, et des sarcophages. Ils se distinguent tous par une symétrie gracieuse et une distribution parfaite. La variété, qu’on peut produire du petit nombre de types dont nous avons parlé, est fort remarquable.

Sur la planche XI. il y a des dessins de plafonds qui sont apparemment des reproductions de dessins tissés. C’est la direction que prennent les premières tentatives qu’un peuple fait à produire des œuvres d’ornementation, tentatives qui se manifestent, en même temps, par la reproduction conventionnelle de ? choses réelles. Le premier besoin de tresser la paille ou l’écorce des arbres, pour on former des objets d’habillement, des couvertures pour leurs habitations grossières ou pour le plancher sur lequel ils reposaient, donna d’abord aux hommes l’idée d’employer la pailles et les écorces de différentes couleurs naturelles, qu’ils remplaceront plus tard par des teintures artificielles, c’est ce qui fit naître la première idée, non seulement de l’ornementation, mais de l’arrangement géométrique. Les numéros 1—4, planche IX, sont pris de peintures égyptiennes représentant des nattes sur laquelle se tenait le roi ; tandis que les numéros 6 et 7, sont pris de plafonds de tombent“ : qui représentent évidemment des tentes couvertes de nattes. Les numéros 9, 10, 12, démontrent la facilité avec laquelle les méandres ou frettes grecques se produisaient par les mêmes moyens. L’usage universel de eut ornement dans tous les styles de l’architecture, ornement que l’on trouve, nous une forme ou une autre, dans les premières tentatives d’ornementation de toutes les tribus sauvages, fournit une preuve additionnelle que l’origine en a été la même.

La formation des dessins par la division égale de ligues semblables les unes aux autres, comme cela se fait dans le tissage, tendrait à donner a un peuple qui entre dans la voie du progrès, les premières notions (le la symétrie de l’arrangement, de la disposition et de la distribution des masses. Les Égyptiens, à ce qu’il paraît, ne sont jamais allés au delà de l’arrangement géométrique, dans leur décoration appliquée à une surface étendue. Les lignes ondoyantes sont très-rares, et elles ne forment jamais le motif de la composition ; cependant le germe de ce genre de décoration même, la forme de la volute, existe déjà dans leur ornement du cordon (numéros 10, 13-16, 18-24, planche X., et 1, 2, 4, 7, planche XI.) Les différentes cueilles de corde y sont assujetties, il est vrai, à l’arrangement géométrique, mais le déroulement de la corde l’aurait cette même forme, qui a été une source si féconde de beauté dans plusieurs des styles subséquents. C’est pourquoi nous osons soutenir, que le style égyptien, quoiqu’il soit le plus ancien, est en même temps le plus parfait, dans tout ce qui est nécessaire pour constituer un vrai style d’art. Le langage dans lequel il se révèle peut bien nous paraître étranger, particulier, formel et rigide, mais les idées et les enseignements qu’il nous fournit sont des plus solides. En avançant avec les autres styles, nous trouverons qu’ils n’approchent de la perfection, qu’autant qu’ils suivent, en commun avec le style égyptien, ces principes justes et vrais, qu’on peut observer dans chaque fleur qui pousse. De même que les fleurs, ces favorites de la nature, ainsi chaque ornement devrait avoir son parfum ; c’est à dire la raison de son application. Il devrait tacher d’égaler la grace de construction, l’harmonie des formes variées, la proportion et la subordination voulue d’une partie à l’autre qu’on trouve dans le modèle. Toutes les fois que nous trouvons, que l’un ou l’autre de ces traits caractéristiques manque dans une œuvre d’ornementation, nous pouvons être certains qu’elle appartient à un style d’emprunt, et que l’esprit, qui avait animé l’œuvre originale, s’est perdu dans la copie.

L’architecture des Égyptiens est parfaitement polychromatique, il n’y a rien qu’ils n’aient peint : c’est pourquoi nous avons beaucoup à apprendre d’eux sous ce rapport. Ils se servaient de teintes plates, et n’employaient aucune ombre ; et cependant ils ne trouvaient aucune difficulté à réveiller dans l’âme, l’identité de l’objet qu’ils voulaient représenter. Ils employaient les couleurs comme ils employaient les formes, d’une manière conventionnelle. Comparons la représentation du lotus (No. 3, planche IV.) avec la fleur naturelle (N0. l) ; avec quel charme les traits caractéristiques de la fleur naturelle sont reproduits dans la représentation ! Remarquons comme les feuilles extérieures sont distinguées par un vert sombre, et les feuilles abritées de l’intérieur par un vert plus clair ; tandis que les tons pourprés et jaunes de l’intérieur de la fleur, sont représentés par des feuilles rouges flottant dans un champ de jaune, ce qui nous rappelle parfaitement le jaune éclatant de la fleur originale. Nous _v voyons l’art allié s la nature, et ce qui ajoute à notre plaisir, c’est la perception de l’effort de l’esprit qu’il a fallu pour l’accomplir.

Les couleurs dont les Égyptiens se servaient principalement, étaient : le rouge, le bleu, et le jaune, avec du noir et du blanc, pour définir les couleurs nettement et distinctement ; le vert s’employait généralement, mais point universellement, comme une couleur locale, pour les feuilles vertes du lotus par exemple. Ces feuilles cependant se coloriaient, sans distinction soit en vert soit en bleu ; le bleu s’employait dans les temps les plus anciens, et le vert pendant la période ptoléméenne : et à cette époque on ajoutait même le pourpre et le brun, ce qui ne servait du reste qu’à affaiblir l’effet. Le rouge qu’on trouve sur les tombeaux et sur les caisses à momie de la période grecque ou romaine, est plus faible de ton que celui des temps anciens ; et c’est, à ce qu’il parait, une règle universelle que, dans toutes les périodes archaïques de l’art, les couleurs primaires, bleu, rouge, et jaune, sont les couleurs qui prédominent et qui sont employées avec le plus d’harmonie et de succès. Tandis que dans les périodes où l’art se pratique traditionnellement, au lieu de s’exercer instinctivement, il y a une tendance à employer les couleurs secondaires ainsi que toutes les variétés de teintes et de nuances, mais rarement avec le même succès. Nous aurons plus d’une occasion de montrer cela dans les chapitres suivants.

  1. On peut voir au musée Britannique, le plâtre d’un bas-relief de Kalabshée en Nubie, représentant les victoires remportées par Ramses II, sur un peuple noir, les Éthiopiens, à ce que l’on croit. Il est dignes de remarque que, parmi les représentations de présents offerts par ce peuple comme tribut au roi, on voit, outre les peaux de léopard et d’animaux rares, outre l’ivoire, l’or, et les autres produits du pays, trois chaises d’ivoire sculpté, précisément pareilles à celle sur laquelle le roi est assis au moment de recevoir ces présents ; ce qui paraît indiquer que les Égyptiens tiraient de l’intérieur de l’Afrique ces objets de luxe si soigneusement travaillés.