Grammaire de l’ornement/Texte entier

Day & Son, Limited-Cagnon (p. Ill.-Image).
GRAMMAIRE DE L’ORNEMENT
PAR
OWEN JONES,


ILLUSTRÉE D’EXEMPLES PRIS
DE
DIVERS STYLES D’ORNEMENT.


CENT DOUZE PLANCHES.
LONDRES :
DAY AND SON, LIMITED,
GATE STREET, LINCOLN’S INN FIELDS.
PARIS : Chez CAGNON, Rue de l’Est 39.

PRÉFACE DE L’ÉDITION IN-FOLIO.



Ce serait au-delà du pouvoir d’un seul individu, que de tenter de réunir en un ouvrage, les illustrations des phases innombrables et toujours changeantes de l’art de l’Ornementation. C’est à peine qu’un gouvernement pourrait venir à bout d’une pareille tâche, et même en réussissant, il produirait un ouvrage trop volumineux pour être d’une utilité générale. Le seul but que je me suis donc proposé, en formant la collection que je me permets d’intituler Grammaire de l’Ornement, a été de choisir quelques-uns des types les plus proéminents de certains styles intimement liés les uns aux autres, et dans lesquels paraissent prévaloir certaines lois générales, indépendantes pourtant du caractère particulier et individuel de chaque style. J’ai osé former l’espoir, qu’en plaçant ainsi en juxtaposition immédiate, les nombreuses formes de beauté que chaque style d’ornement présente, je pourrais contribuer à arrêter la fâcheuse tendance de notre époque de se contenter, de copier simplement, aussi longtemps que la mode dure, les formes particulières aux époques passées, sans chercher à s’assurer des circonstances spéciales, qu’en général on ignore même complètement, qui faisaient que tel ornement était beau parce qu’il était alors convenable, mais lequel transplanté de son sol naturel pour devenir l’expression d’autres besoins, doit nécessairement manquer de produire le même effet.

Je ne me cache pas, qu’il est plus que probable, que la publication de cette collection aura pour premier résultat, d’augmenter de beaucoup cette tendance dangereuse, et qu’un grand nombre d’artistes se contenteront d’emprunter au passé, telles formes de beauté qui n’auront pas été déjà exploitées ad nauseam. Mon désir, cependant, est d’arrêter cette tendance et d’éveiller dans leurs âmes une plus haute ambition.

Si l’artiste voulait se donner la peine de chercher à découvrir les pensées, qui ont été exprimées dans tant de langues différentes, il ne manquerait certainement pas de trouver une source d’eau vive toujours jaillissante, au lieu d’un réservoir stagnant à moitié rempli.

Dans les chapitres de cet ouvrage j’ai tâche d’établir les principaux faits suivants : —

Premièrement. Que toutes les fois qu’un style d’ornement est l’objet de l’admiration universelle, on découvrira qu’il est d’accord avec les lois qui règlent la distribution de la forme dans la nature.

Secondement. Que, quelque variées que soient les manifestations d’accord avec ces lois, les idées principales sur lesquelles elles sont basées, sont en très petit nombre.

Troisièmement. Que les modifications et les développements qui ont eu lieu d’un style à l’autre, ont été causés en écartant subitement certaines entraves fixées, ce qui a eu pour suite d’ouvrir une nouvelle carrière à la pensée devenue libre, jusqu’à ce que la nouvelle idée finit par devenir fixée, enraillée, comme l’ancienne, et donnât naissance à son tour à de nouvelles inventions.

Finalement. Je me suis efforcé de prouver, dans le vingtième chapitre, que pour assurer le mieux les progrès futurs de l’art ornemental, il fallait greffer sur l’expérience du passé, les connaissances que nous pouvons obtenir, en demandant à la Nature de nouvelles inspirations. Ce serait un acte de suprême folie que de tenter d’établir de nouvelles théories de l’art, ou de former un nouveau style, sans l’aide du passé. Ce serait méconnaître tout d’un coup l’expérience de milliers d’années, et renoncer à l’amas des trésors de connaissances qu’ils nous ont laissés. Nous devons au contraire considérer comme notre héritage, tous les travaux du passé qui ont été couronnés de succès, et sans les suivre aveuglement, il faut les employer comme guides pour découvrir la vraie voie.

En prenant congé de ce sujet et en livrant cet ouvrage au jugement du public, je reconnais parfaitement que cette collection est loin d’être complète : il y existe bien des lacunes, que chaque artiste, cependant, pourra facilement remplir lui-même ; j’espère néanmoins avoir atteint le principal but que je m’étais proposé, en plaçant côte à côte les types des styles, qui pourront le mieux servir de jalons à l’étudiant et à l’artiste dans la voie du progrès.

Il ne me reste plus qu’à offrir mes remercîments à tous ceux de mes amis, qui ont eu la bonté de m’assister dans mon entreprise.

M. J. Bonomi et M. James Wild ont droit à ma reconnaissance, pour l’aide qu’ils m’ont donnée dans la formation de la collection égyptienne ; c’est aussi à M. J. Wild que je suis redevable des matériaux qu’il m’a fallu pour la collection arabe. Le long séjour qu’il a fait au Caire, lui a fourni l’occasion de former une grande collection d’ornements arabes ; les spécimens que j’ai reproduits dans cet ouvrage, ne donnent qu’une idée imparfaite de cette belle collection, que M. Wild sera porté, je l’espère, à publier un jour dans son entier.

C’est à M. T. T. Bury que je suis redevable de la planche représentant les vitraux peints. M. C. J. Richardson m’a fourni les matériaux principaux de la collection des ornements du temps d’Elisabeth ; et ceux de la collection byzantine, m’ont été fournis par M. J. B. Waring, au quel je suis en outre redevable des deux excellents essais sur l’ornement byzantin et sur l’ornement du temps d’Elisabeth. M. J. O. Westwood, qui s’est livré d’une manière toute spéciale à l’étude des ornements celtiques, m’a aidé dans la collection celtique, et a écrit l’histoire et l’exposition remarquables de ce style.

M. C. Dresser, de “Marlborough House, ” a fourni la planche No. 8 du vingtième chapitre, qui fait voir l’arrangement géométrique des fleurs naturelles.

Mon collègue au palais de Cristal, M. Digby Wyatt, a enrichi cet ouvrage de ses admirables essais sur les ornements de la période de la renaissance et de la période italienne.

Toutes les fois que j’ai emprunté des matières a des ouvrages qui ont été publiés, je n’ai pas manqué d’en faire mention.

Les autres dessins ont été principalement exécutés par mes élèves, M. Albert Warren et M. Charles Aubert, qui, avec M. Stubbs, ont reproduit sur une échelle réduite tous les dessins originaux et les ont préparés pour la publication.

Les dessins sur pierre de toute la collection ont été confiés aux soins de M. Francis Bedford, qui, avec le concours de ses assistants, Messieurs H. Fielding, W. R. Tymms, A. Warren, et S. Sedgfield, et avec la co-opération casuelle de quelques autres artistes, a exécuté les cent planches en moins d’une année.

Je dois à M. Bedford des remercîments tout spéciaux pour les soins et l’empressement qu’il a déployés, sans se laisser influencer par aucune considération personnelle, pour rendre cet ouvrage aussi parfait que l’exigeait l’état avancé de la chromo-lithographie ; et je suis persuadé que ceux qui connaissent les difficultés et l’incertitude de ce procédé, apprécieront pleinement les services inestimables de cet artiste.

Messieurs Day et fils, les éditeurs entreprenants et aussi les imprimeurs de cet ouvrage, ont mis en réquisition toutes les vastes ressources de leur établissement, ce qui leur a permis, malgré les soins qu’exigeait cet ouvrage et le temps immense qu’en demandait l’impression, non seulement de le livrer aux souscripteurs avec la plus grande régularité, mais de le compléter même avant le temps convenu.

OWEN JONES.

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L’ARRANGEMENT DES FORMES ET DES
COULEURS DANS L’ARCHITECTURE ET DANS LES ARTS
DÉCORATIFS, RECOMMANDÉS DANS CET OUVRAGE.


Proposition 1.

Les arts décoratifs naissent Principes
généraux.
de l’architecture et ils en dépendent.

Proposition 2.
L’architecture est l’expression matérielle des besoins, des facultés et des sentiments du temps où elle est créée.
       Le style, en architecture, est la forme particulière que cette expression prend sous l’influence du climat, des mœurs, et des matériaux dont elle dispose.
Proposition 3.

De même que l’architecture, ainsi toutes les œuvres des arts décoratifs doivent combiner la convenance, la proportion et l’harmonie, lesquelles, dans leur ensemble, ont pour résultat le repos.

Proposition 4.

La vraie beauté résulte du repos que ressent l’âme, lorsque la vue, l’intelligence et les affections se trouvent satisfaites.

Proposition 5.
La construction doit se décorer. La décoration ne doit jamais être construite exprès.
       Ce qui est beau est vrai ; ce qui est vrai est forcement beau.
Proposition 6.

La beauté de la forme est produite De la forme
générale.
par des lignes qui naissent les unes des autres en ondulations graduées : il n’y a point d’excroissances ; on ne saurait rien ôter sans nuire à la beauté de la composition.

Proposition 7.

Après avoir arrêté les formes généralesDe la décoration
de la surface.
, il faut les subdiviser et les orner à l’aide de lignes générales ; puis, on peut remplir les interstices d’ornements, qu’à leur tour on peut subdiviser et enrichir pour satisfaire à une inspection plus minutieuse.

Proposition 8.

Tout ornement doit être basé sur une construction géométrique.

Proposition 9.

De même que dans Des proportions.toute œuvre par faite d’architecture, une vraie proportion règne entre tous les membres dont l’œuvre se compose, ainsi dans tous les arts décoratifs, l’ensemble des formes doit être arrangé suivant certaines proportions définies ; le tout, aussi bien que chaque membre en particulier, doit former le multiple de quelque simple unité.

       Les proportions les plus belles seront celles que l’œil aura le plus de difficulté à découvrir. Ainsi la proportion d’un carré double ou de 4 à 8 sera moins belle que le rapport plus subtil de 5 à 8 ; 3 à 6 que 3 à 7 ; 3 à 9 que 3 à 8 ; 3 à 4 que 3 à 5..
Proposition 10.

L’harmonie De l’harmonie et
du contraste.
de la forme consiste dans la juste balance et dans le contraste des lignes verticales, horizontales, obliques, et courbes.

Proposition 11.

Dans la décoration Distribution.
Radiation.
Continuité.
de surface toutes les lignes doivent partir d’une tige mère. Tout ornement, quelqu’éloignê qu’il soit du centre ou de l’axe de la composition, doit être tracé jusqu’à sa branche et à sa racine. Pratique orientale.

Proposition 12.

Toutes les jonctions de lignes courbes avec d’autres lignes courbes, ou de lignes courbes avec des lignes droites, doivent s’effectuer en devenant réciproquement les tangentes les unes des autres à leur point de rencontre. Loi de la nature. La pratique orientale est d’accord avec cette loi.

Proposition 13.

Il ne faut pas Un traitement
conventionnel
des formes
naturelles.
employer comme ornements, des fleurs ou autres objets tels qu’on les trouve dans la nature, mais simplement des représentations conventionnelles fondées de ces objets assez ressemblantes à leur modèle pour en rappeler le souvenir, mais assez artificielles pour ne pas détruire l’unité de l’œuvre qu’elles servent à décorer. Règle invariablement suivie pendant les grandes périodes de l’art, également violée pendant les périodes de décadence.

Proposition 14.

La couleur De la couleur
en général.
sert comme auxiliaire dans le développement de la forme, elle vient en aide à l’œil, tantôt pour distinguer les objets les uns des autres, tantôt pour distinguer les unes des autres les parties d’un même objet.

Proposition 15.

La couleur s’emploie pour aider à marquer les lumières et les ombres, en favorisant l’ondulation des formes par la juste distribution des différentes couleurs.

Proposition 16.

Le meilleur moyen d’arriver à ces fins, c’est d’employer les couleurs primitives sur des surfaces petites et en petites quantités, balancées et soutenues par les couleurs secondaires et tertiaires appliquées sur des masses plus grandes.

Proposition 17.

Les couleurs primaires doivent s’employer sur les parties supérieures des objets, les secondaires et les tertiaires sur les parties inférieures.

Proposition 18.
(Les équivalents chromatiques de Field.)

Les couleurs primaires Des proportions
par lesquelles est
produite l’harmonie
du coloris.
d’intensités égales s’harmoniseront ou se neutraliseront l’une l’autre dans les proportions de 3 de jaune, 5 de rouge, et 8 de bleu, — intégralement 16.

Les secondaires dans les proportions de 8 d’orange, 13 de pourpre, et 11 de vert, — intégralement 32.

Les tertiaires, de citrin (composé d’orange et de vert), 19 ; de brun roussâtre (orangé et pourpre), 21 ; d’olivâtre (vert et pourpre), 24 ; — intégralement 64.

Il s’ensuit que, —

Chaque secondaire étant un composé de deux primaires, se trouve neutralisée par la primaire qui forme son complément d’après ces mêmes proportions : ainsi, 8 d’orange (rouge et jaune) seront neutralisés par 8 de bleu (complément de l’orange), 11 de vert par 5 de rouge, 13 de pourpre par 3 de jaune.

Chaque tertiaire étant un composé binaire de deux secondaires, est neutralisée par la secondaire qui reste : comme 24 d’olivâtre par 8 d’orangé, 21 de brun roussâtre par 11 de vert, 19 de citrin par 13 de pourpre.

Proposition 19.
       Dans la proposition ci-dessus, il est supposé que la couleurs s’emploient dans leurs intensités prismatiques ; mais chaque couleur a une variété de tons quand elle est mêlée avec du blanc, ou de nuances lorsqu’elle est mêlée avec du gris ou du noir.

Quand une couleur pure est Des contrastes et des
équivalents harmonieux
des tons, des nuances,
et des teinte.
contrastée avec une autre couleur plus faible, le volume de celle-ci doit être augmenté en proportion.

Proposition 20.
       Chaque couleur a une variété de teintes qu’on obtient par le mélange avec d’autres couleurs, outre la série des tons et des nuances obtenues par son mélange à divers degrés avec le blanc et le noir : ainsi en jaune nous avons — le jaune orangé d’un côté et le jaune citron de l’autre ; de même qu’en rouge — le rouge écarlate et le rouge cramoisi ; et dans chacune de ces couleurs il y a toutes les variétés de tons et de nuances.

Lorsqu’une primaire, teintée d’une autre primaire, est contrastée avec une secondaire, la secondaire doit avoir une teinte de la troisième primaire.

Proposition 21.

En employant les couleurs primaires Des positions
que différentes couleurs
doivent occuper.
sur des surfaces modelés, on doit placer le bleu, qui se retire, sur les surfaces concaves ; le jaune, qui s’avance, sur les surfaces convexes ; et le rouge, la couleur intermédiaire, sur les dessous ; ayant soin de détacher les couleurs avec du blanc appliqué aux plans verticaux.

       Si l’on ne peut pas se procurer les proportions requises par la proposition 18, on peut obtenir la balance en opérant un changement dans les couleurs mêmes : ainsi si les surfaces il colorier fournissent trop de jaune il faut rendre le rouge plus cramoisi et le bleu plus pourpré — c’est à dire, qu’il faut en retirer le jaune ; de même si les surfaces fournissent trop de bleu, il faut rendre le jaune plus orangé et le rouge plus écarlate.
Proposition 22.

Les différentes couleurs doivent être mélangées et fondues de manière que les objets coloriés, vus à distance, représentent un éclat neutralisé.

Proposition 23.

Une composition ne peut être parfaite s’il y manque l’une ou l’autre des trois couleurs primitives, soit dans son état naturel soit à l’état de combinaison.

Proposition 24.

Lorsque deux nuances De la loi des
contrastes simultanés
des couleurs ;
loi due à M. Chevreul.
de la même couleur sont juxtaposées, la nuance claire en paraîtra plus claire, et la nuance foncée plus foncée.

Proposition 25.

Quand deux couleurs différentes se trouvent en juxtaposition l’une de l’autre, elles subissent une modification double : d’abord à l’égard du ton (la couleur claire paraissant plus claire, et la couleur foncée paraissant plus foncée) ; puis, à l’égard de la teinte, car chacune des deux couleurs se teindra de la couleur complémentaire de l’autre.

Proposition 26.

Les couleurs paraissent plus foncées sur des fonds blancs ; et plus claires sur des fonds noirs.

Proposition 27.

Les fonds noirs souffrent, quand ils se trouvent opposés aux couleurs qui fournissent un complémentaire lumineux.

Proposition 28.

Il ne faut permettre dans aucun cas que les couleurs se touchent au point de se mêler à leur ligne de contact.

Proposition 29.

Quand des ornements de couleur Des moyens d’augmenter
les effets harmonieux
des couleurs juxtaposées
Observations dérivées de
l’examen de la pratique
orientale.
se trouvent sur un fond d’une couleur qui contraste avec celle des ornements, il faut détacher ceux-ci du fond par un bord d’une couleur plus claire ; ainsi une fleur rouge sur un fond vert doit avoir les contours d’un rouge plus clair.

Proposition 30.

Quand des ornements de couleur se trouvent sur un fond d’or, il faut les détacher du fond par des contours d’une couleur plus foncée.

Proposition 31.

Les ornements d’or sur un fond de couleur quelconque doivent avoir leurs contours tracés en noir.

Proposition 32.

Les ornements d’une couleur quelconque peuvent se détacher des fonds d’une autre couleur quelconque, au moyen de bordures en blanc, en or ou en noir.

Proposition 33.

Sur les fonds blancs ou noirs, on peut employer des ornements de n’importe quelle couleur, de même que des ornements d’or, sans qu’il soit nécessaire d’y faire des bordures ou des contours.

Proposition 34.

Dans les tons ou les nuances de la même couleur, une teinte claire peut s’employer sur un fond sombre sans contours ; mais un ornement sombre sur un fond clair exige des contours marqués avec un ton encore plus foncé.

Proposition 35.

Les imitations Des imitations.des bois et des différents marbres colorés, ne sont permises qu’autant que l’emploi de l’objet même qu’on imite ne serait pas déplacé là où figure l’imitation.

Proposition 36.

Les principes qu’on peut découvrir dans les œuvres du passé nous appartiennent — mais il n’en est pas de même des résultats. C’est méprendre le but pour les moyens.

Proposition 37.

Il ne pourra y avoir aucun progrès dans les arts de la génération actuelle, qu’autant que toutes les classes, les artistes, les manufacturiers et le public, seront mieux élevés en fait d’art et que l’existence des principes généraux sera reconnue plus complètement.

LISTE DES PLANCHES.

Chap. I. Ornements de Tribus sauvages.
Planches. Nos. 000
1 1 Ornements pris d'objets appartenant à diverses Tribus sauvages, exposés au musée Britannique et celui du Service Uni.
2 2 Idemments pris d'objetsidemments pris d'objetsidem.
3 3 Idemments pris d'objetsidemments pris d'objetsidem.
Chap. II. Ornements Egyptiens.
0
4 1 Le lotus et le papyrus, types des ornements égyptiens.
5 2 Idemments pris d'objetsidem, avec des plumes et des branches de palmier.
6 3 Chapiteaux de colonnes, montrant les applications variées du lotus et du papyrus.
6* 3* Idemments pris d'objetsidemments pris d'objetsidem.
7 4 Différentes corniches, formées du lotus pendant.
8 5 Ornements pris de cercueils de momies, qui se trouvent au musée Britannique et à celui du Louvre.
9 6 Ornements géométriques de plafonds de tombeaux.
10 7 Ornements à lignes courbes de plafonds de tombeaux.
11 8 Divers ornements de plafonds et de murs de tombeaux.
0
Chap. III.Ornements Assyriens et Perses.
12 1 Ornements peints de Ninive.
13 2 Idemments pris d'objetsidem
14 3 Ornements sculptés de Persépolis, et ornements sassanides
0 Chap. IV. Ornements Grecs.
15 1 Formes diverses du méandre grec.
16 2
Ornements de vases grecs et étrusques, qui se trouvent au musée Britannique et au Louvre.
17 3
18 4
19 5
20 6
21 7
22 8 Ornements grecs peints, des temples et des tombeaux, en Grèce et en Sicile.
0
0 Chap. V. Ornements Pompéiens.
0
23 1 Collection de bordures de différents édifices à Pompeï.
24 2 Idem de pilastres et de frises idem.
25 3 Mosaïques prises de Pompeï et du musée de Naples.
0
0 Chap. VI. Ornements Romains.
0
26 1 Ornements romains pris de plâtres qui se trouvent au Palais de Cristal, Sydenham.
27 2 Idemments pidem, du musée Brescian.
0
0 Chap. VII. Ornements Byzantins.
0
28 1 Ornements byzantins sculptés.
29 2 Idemments prisidem, peints.
29* 2* Idemments pidem,mentsidem.
30 3 Mosaïques.
0
0 Chap. VIII. Ornements Arabes.
0
31 1 Ornements arabes du Caire, du neuvième siècle.
32 2 Idemments priidem, du treizième siècle.
33 3 Idemments priidemments pris didem.
34 4 Partie d’un exemplaire enluminé du Coran.
35 5 Mosaïques prises de murs et de pavés de maisons du Caire.
0
0 Chap. IX. Ornements Turcs.
0
36 1 Ornements en relief de mosquées, de tombeaux et de fontaines à Constantinople.
37 2 Ornements peints de la mosquée de Soliman à Constantinople.
38 3 Décoration du dôme du tombeau de Soliman 1er à Constantinople.
0
0 Chap. X. Ornements Mauresques de l’Alhambra.
0
39 1 Variétés d’ornements entrelacés.
40 2 Douelles d’arches.
41 3 Diaprés en losanges.
41* 3* Idemments prisidem.
42 4 Diaprés en carrés.
42* 4* Idemments prisidem.
42† 4† Idemments prisidem.
43 5 Mosaïques.
0
0 Chap. XI. Ornements Perses.
0
44 1 Ornements de manuscripts perses, au musée Britannique.
45 2 Idemments pris d’objetsidemments pris d’objetsidem.
46 3 Idemments pris d’objetsidemments pris d’objetsidem.
47 4 Idem d’un livre d’échantillons d’un manufacturier perse, musée de South Kensington.
47* 4* Idemments pris d’objetsidemments pris d’objetsidem.
48 5 Idem d’un manuscript perse, musée de South Kensington.
0
0 000Chap. XII. Ornements Indiens.
0
49 1 Ornements d’ouvrages en métaux de l’Exposition de 1851.
50 2
Idem d’étoffes brodées et tissées et de vases peints, exposés en 1851, dans le département indien.
51 3
52 4
53 5
Spécimens de laques peints de la collection de la Cie des Indes.
53* 5*
54 6
54* 6*
55 7 Ornements d’étoffes tissées et brodées et de boites peintes, exposées à Paris en 1855.
0
0 000Chap. XIII. Ornements Hindous.
0
56 l Ornements d’une statue qui se trouve à l’« Asiatic Society’s House ».
57 2 Idem00000 de la collection du Palais de Cristal, Sydenham.
58 3 Idem00000 de la collection de la Cie des Indes.
0
0 000Chap. XIV. Ornements Chinois.
0
59 1
Ornements chinois peints sur porcelaine et sur bois, et ornements d’étoffes tissées.
60 2
61 3
62 4 Reproduction conventionnelle de fruits et de fleurs.
0
0 000Chap. XV. Ornements Celtiques.
0
63 1 Ornementation lapidaire.
64 2 Styles entrelacés.
65 3 Ornement spiral, diagonal, zoomorphique, et anglo-saxon d’une époque plus rapprochée.
0
0 000Chap. XVI.Ornements Moyen-âge.
0
66 1 Feuilles et fleurs conventionnelles prises de manuscripts enluminés.
67 2 Bordures de manuscripts enluminés et de peintures.
67* 2* Idemures de manusidemures de manus idem.
0
68 3 Ornements diaprés pris de manuscripts enluminés et de fonds de tableaux.
69 4 Vitraux peints de différentes périodes.
69* 4* Idemux peints de diffé idem.
70 5 Carreaux encaustiques 000idem.
0
0
Manuscripts Enluminés.
0
71 1 Parties de manuscripts enluminés du douzième et du treizième siècle.
72 2 Idemes de manuscripidemes de m du treizième et du quatorzième siècle.
73 3 Idemes de manuscripidemes de m du quatorzième et du quinzième siècle.
0
0 000Chap. XVII. Ornements du style Renaissance.
0
74 2
Ornements en relief, style de la renaissance, d'après des photographies de plâtres qui se trouvent au Palais de Cristal, Sydenham.
75 1
76 1
77 4 Émaux pris du Louvre et de l'Hôtel Cluny.
78 5 Ornements de poterie, musée de South Kensington.
79 6 Idements deidem,entsHôtel Cluny et le Louvre.
80 7 Idements deidem,ents deidem.
81 8
Ornements sur pierre et sur hois, des collections du Louvre et de l'Hôtel Cluny.
82 9
0
0 000Chap. XVIII. Ornements du temps d’Élisabeth.
0
83 l
Divers ornements en relief à partir du temps de Henri VIII. jusqu'à celui de Charles II.
84 2
85 3 Ornements peints et ornements d'étoffes tissées, ents deidem.
0
0 000Chap. XIX.Ornements Italiens.
0
86 1 Pilastres et ornements du « loggie » du Vatican, pris sur une échelle réduite, des peintures de grandeur naturelle, musée de South Kensington.
86* 1* Idements deidements idements idem.
87 2 Ornements du palais ducal, Mantoue.
88 3 Idem,ents dedu palais ducal et de l'église de St. André, Mantoue.
89 4 Idem,ents dedu palais del Te, Mantoue.
90 5 Ornements pris de livres imprimés.
0
0 000Chap. XX. Feuilles et Fleurs d’après Nature.
0
91 1 Feuilles de marronnier d'Inde, grandeur naturelle.
92 2 Feuilles de vigne, ents deidem.
93 3 Feuilles de lierre, ents deidem.
94 4 Feuilles de chêne, de figuier, d'érable, de bryonne, de laurier, et de laurier à baie, grandeur naturelle.
95 5 Feuilles de vigne, de houx, de chêne de Turquie et de laburne, grandeur naturelle.
96 6 Rose sauvage, lierre et murier de ronce, grandeur naturelle.
97 7 Aubépine, if, lierre et fraisier.
98 8 Diverses fleurs représentées à plat et en élévation.
99 9 Chèvre-feuille et convolvulus, grandeur naturelle.
100 10 Grenadilles.
Chapitre I. — Planches 1,2, 3.
ORNEMENTS DE TRIBUS SAUVAGES.
1. 
Toile. Otahiti. — Musée du Service-Uni.
2. 
Nattes de Tonga-Tabou. Îles des Amis.
3. 
Toile. Otahiti. — M.S.U.
4. 
Toile. Îles Sandwich. — M.S.U.
5-8. 
Toiles. Îles Sandwich. — Musée Britannique.
9. 
Nattes de toile de Tonga-Tabou. Îles des Amis.
10. 
Toile. Otahiti. — M.S.U.
11. 
Toile. Îles Sandwich. — M.B.
12. 
Toile.
13. 
Toile faite du murier à papier. Îles Fidji. — M.B.

1. 
Amérique du Sud. — Musée du Service-Uni.
2. 
Îles Sandwich. — M.S.U.
3. 
Owaïhi. — M.S.U.
4. 
Nouvellen Hébrides. Bouclier incrusté. — M.S.U.
5. 
Îles Sandwich. — M.S.U.
6. 
Îles de la mer du Sud. — M.S.U.
7. 
Îles Sandwich. — M.S.U.
9, 10. 
Tahiti. Hachette. — M.S.U.
11, 12. 
Îles des Amis. Tambour. — M.S.U.
13, 14. 
Tahiti. Hacette. — M.S.U.
15. 
Îles Sandwich. — M.S.U.
16, 17. 
Nouvelle Zélande. — M.S.U.
18-20. 
Îles Sandwich. — M.S.U.

1. 
Owaïhi. Massue. — Musée du Service-Uni.
2. 
Îles Sandwich. Massue — M.S.U.
3. 
Nouvelle Zélande. Patoo-Patoo. — M.S.U.
4. 
Tahiti. Hachette. — M.S.U.
5. 
Nouvelle Zélande. Pagaie. — M.S.U.
6. 
Nouvelle Zélande. Pagée, ou massue de guerre — M.S.U.
7. 
Îlee de la mer du Sud. Massue de guerre — M.S.U.
8. 
Mouche, grandeur naturelle de la figure 5. — M.S.U.
9. 
Îles Fidji. Massue. — M.S.U.

Le témoignage universel des voyageurs tend à établir le fait qu’il n’y a guêre de peuple, quelque primitif que soit l’état de sa civilisation, chez lequel le désir de l’ornementation n’existe comme un instinct très-prononcé ! Ce désir qui ne fait défaut à aucune notion, croit et augmente en raison des progrès qu’elle fait dans la civilisation. Partout l’homme se sent ému et pénétré des beautés de la nature dont il est entouré, et il cherche à imiter, dans les limites de son pouvoir, les œuvres du Créateur.

La première ambition de l’homme est de créer. C’est à ce sentiment qu’il faut attribuer la pratique de se tatouer la figure et le corps, à laquelle le sauvage à recours, soit pour rehausser l’expression par laquelle il cherche à frapper d’épouvante ses ennemis ou ses rivaux, soit pour créer ce qui lui apparaît comme une beauté nouvelle [1]. Comme nous avançons en montant l’échelle, depuis les décorations d’une tente ou d’un wigwam, jusqu’aux œuvres sublimes de Phidias et de Praxitèle, nous trouvons le même sentiment qui se manifeste partout : la plus haute ambition de l’homme est toujours de créer, de graver sur cette terre l’empreinte de l’esprit individuel.

De temps en temps un esprit plus puissant que ceux qui l’entourent, parvient à marquer de son empreinte toute une génération, entraînant avec lui une multitude d’esprits moins forts, qui le suivent dans la même voie, mais pas d’assez près pour détruire l’ambition individuelle de créer ; c’est là, la
Tête de femme de la Nouvelle Zélande, musée de Chester.
cause des styles et des modifications de ces styles. Les efforts d’un peuple dans la première phase de la civilisation ressemblent aux efforts de l’enfance, lesquels malgré le défaut de vigueur qu’ils trahissent, possèdent une grave, une naïveté qu’on trouve rarement à l’âge moyen et jamais au déclin de l’âge viril. Il en est de même de l’enfance des arts. Cimabue et Giotto ne possèdent ni le charme matériel de Raphaël ni la puissance mâle de Michel-Ange, mais ils surpassent l’un et l’autre en grace et en vérité. L’abondance même des moyens dont nous disposons nous porte à en abuser : tant que l’art lutte, il réussit ; dès qu’il s’abandonne aux délices de ses succès, le succès le fuit. Le plaisir que nous ressentons en contemplant les tentatives grossières d’ornementation de la plupart des tribus sauvages, a sa source dans notre appréciation de la difficulté vaincue ; nous sommes charmés de l’évidence de l’intention, et surpris en même temps des procédés simples et ingénieux à l’aide desquels le résultat a été obtenu. Ce que nous cherchons dans une œuvre d’art, qu’elle soit humble ou prétentieuse, c’est l’évidence de l’esprit — l’évidence de ce désir de créer dont nous avons parlé, et tous ceux qui sont animés de l’instinct naturel, se réjouiront de trouver ce désir développé dans les autres. C’est étrange, mais c’est un fait, que cette évidence de l’esprit se trouve plus facilement dans les tentatives grossières d’ornementation d’une tribu sauvage, que dans les productions innombrables de la civilisation la plus avancée. L’individualité décroît en proportion des moyens de la production. Lorsque l’art est fabriqué, pour ainsi dire, par des efforts combinés au lieu d’avoir son origine dans l’effort individuel, nous cherchons en vain à y reconnaître ces instincts vrais qui constituent le principal charme des arts.

Planche I. Les ornements sur cette planche sont pris de quelques parties de vêtements faits principalement d’écorces d’arbres. Les dessins N°. 2 et N°. 9 sont empruntés à une robe que M. Oswald Brierly a apportée de Tonga-Tabou, l’île principale du groupe des îles des Amis. Elle est faite de feuilles minces de l’écorce intérieure d’une espèce d’althéa, aplaties et jointes ensemble de manière à former un parallélogramme de toile, qu’on panse plusieurs fois autour du corps en guise de jupon, laissant à nu la poitrine, les bras et les épaules, et qui forme le seul vêtement des indigence. Il ne pourrait rien y avoir de plus primitif, et pourtant l’arrangement du dessin trahit un goût des plus raffinés et une habileté consommée. N°. 9 représente la bordure à l’extrémité de la toile ; il serait difficile de faire mieux avec les mêmes ressources limitées. Les dessins sont formés à l’aide de petits poinçons de bois, et quoique le travail soit un peu grossier et d’une exécution irrégulière, l’intention s’y révèle partout. On est frappé, en même temps, de Phabileté avec laquelle les masses sont balancées, et du remède judicieux employé pour corriger la tendance de l’œil à se porter dans une et même direction, moyennant des lignes opposées qui tendent dans une direction contraire.

Lorsque M. Brierly visita l’île, une seule femme fournissait tous les dessins qui y étaient en usage, et pour chaque nouveau dessin, elle recevait comme récompense un certain nombre de mètres de toile. Le dessin N°. 2 qui vient du même endroit, contient également une leçon admirable de composition que nous pouvons tirer d’un artiste appartenant à une tribu sauvage. Il ne peut y avoir rien de plus judicieux que l’arrangement général des quatre carrés et des quatre points rouges. Sans les points rouges sur le fond jaune, il y aurait eu un grand manque de repos dans l’arrangement général ; sans les lignes rouges qui entourent les taches rouges et qui servent à soutenir le rouge i. travers le jaune, l’arrangement aurait encore été imparfait. Si les petits triangles rouges au lieu d’être tournés en dedans, avaient été tournés en dehors, le repos du dessin aurait également été perdu, et l’effet produit sur l’œil aurait été louche ; tandis qu’actuellement l’œil se trouve concentré dans chaque carré, et concentré dans chaque groupe, au moyen des points rouges qui entourent le carré central. Les poinçons qui forment le dessin sont fort simples, chaque triangle de même que chaque feuille étant un poinçon détaché ; nous voyons par là, qu’un outil fort simple placé entre les mains de la personne la moins cultivée, mais qui se laisse guider par l’observation instinctive des formes qui prévalent dans l’arrangement de toutes les œuvres de la nature, conduirait facilement à la création de tous les arrangements géométriques de la forme que nous connaissons. L’étoile à huit pointes qui se trouve au coin supérieur à gauche du dessin N°. 2, est formée par l’application huit fois réitérée du même outil ; de même que la fleur noire avec seize pointes tournées en dedans et seize autres tournées en dehors. Les dessins les plus compliqués des mosaïques byzantines, arabes et mauresques pourraient s’engendrer par les mêmes moyens. La production d’un effet large et général par la répétition de quelques éléments simples, c’est là le secret du succès dans toute espèce d’ornementation : Il vaut mieux viser à la variété dans l’arrangement des différentes parties du dessin, que la chercher dans la multiplicité des formes variées.

L’impression des dessins sur les objets d’habillement, que ceux-ci soient faits de peaux d’animaux ou de matériaux comme celui dont nous traitons ici, serait le premier pas fait vers l’ornementation, après le tatouage du corps, à l’aide d’un procédé analogue. Dans l’un comme dans l’autre il resterait plus d’originalité et plus d’individualité, que dans les procédés subséquents qui deviendraient de plus en plus mécaniques. Ces premières notions du tissage, qui naitraient du procédé de tresser la paille ou les bandes d’écorce, au lieu de s’en servir en feuilles minces, auraient également pour résultat de former par degré l’esprit à l’appréciation de la juste disposition des masses : l’œil du sauvage, accoutumé comme il l’est de ne contempler que les harmonies de la nature, ne tarderait pas de se pénétrer de la perception d’une vraie balance de la forme et de la couleur. Le fait est que cela est arrivé déjà, et nous trouvons que dans les ornements des sauvages, la balance de l’une et de l’autre est toujours maintenue fidèlement.

Après la formation des ornements à l’aide de l’impression et du tissage, suivrait naturellement le désir de former des ornements en relief ou en sculpture. Les armes pour la défense et pour la chasse seraient les premières à réclamer et a captiver l’attention. Les hommes les plus braves et les plus capables concevraient le désir de se distinguer de leurs semblables par la possession d’armes non seulement plus utiles, mais aussi plus belles. Après avoir trouvé par l’expérience,
Dessin pris du flan d’un canot, Nouvelle Zélande.
la forme la plus convenable et la mieux adaptée pour atteindre à ce but, le désir naîtrait, tout naturellement, d’enrichir la surface au moyen de la sculpture ; et l’œil étant déjà accoutumé
Avant de canot, Nouvelle Guinée.
aux formes géométriques produites par le tissage, la main s’évertuerait bientôt à imiter ces formes par la répétition semblable d’autant d’entailles faites avec le couteau. Les ornements sur la planche II. décèlent cet instinct clairement et pleinement. Ils sont exécutés avec la plus grande précision et trahissent beaucoup de goût et de jugement dans la distribution des masses. Les numéros 11 et 12 sont fort intéressants, en ce qu’ils font voir jusqu’à quel point ce goût et ce jugement peuvent se déployer
Avant de canot, Nouvelle Guinée.
dans la formation des dessins géométriques, pendant que les dessins qui résultent de la combinaison des lignes courbes, et ceux de la forme humaine surtout, restent à l’état le plus primitif.

Les ornements représentés dans les gravures sur bois placées ci-dessus trahissent un bien plus haut degré d’avancement dans la distribution des lignes courbes ; la corde torse en forme le type comme elle serait le type de toutes les lignes courbes dans l’ornementation. L’union de deux torons, joints pour leur donner une force additionnelle, ne tarderait pas à accoutumer l’œil à la ligne spirale, forme que nous trouvons dans les ornements de toutes les tribus sauvages, côte à côte avec les dessins géométriques formés par l’entrelacement de lignes égales ; et la même forme est retenue dans l’art plus avancé de toutes les nations civilisées.

L’ornement d’une tribu sauvage, étant le résultat d’un instinct naturel, est nécessairement toujours la vraie et fidèle expression du but proposé ; tandis que dans bien des ornements des nations civilisées, la première impulsion qui engendre des formes reçues, se trouve affaiblie par la constante répétition,
Massue, Archipel de l’Est
de manière que l’ornement est parfois déplacé, car au lieu de chercher d’abord la forme la plus convenable pour y ajouter ensuite la beauté, on détruit la beauté en détruisant la
Manche de pagaie — M. B.
convenance, à force d’accumuler l’ornement sur une forme mal-conçue. Si nous voulons rentrer dans une voie plus saine, il faut que nous fassions comme les petits enfants, ou comme les sauvages ; il faut nous défaire des notions accises et des moyens artificiels, pour recommencer à suivre et à développer les instincts de la nature.

La belle pagaie de la Nouvelle Zélande, planche III., Nos. 5-8, pourrait rivaliser avec les œuvres de la civilisation la plus avancée :  [2] il n’y a pas une ligne sur la surface qui soit déplacée. La forme générale est des plus élégantes, et la décoration est partout on ne peut mieux adaptée à développer la forme. Un manufacturier moderne, avec ses raies et ses carreaux, aurait continué à travers la pelle, les bandes ou anneaux qui entourent le manche. Le sauvage de la Nouvelle Zélande a tiré de son instinct une inspiration plus heureuse. Il a voulu, non seulement que son aviron fût fort, mais qu’il en eût l’apparence et il a disposé ses ornements de manière à donner à la pagaie une apparence de force bien plus grande qu’elle n’aurait eu, si la surface en était restée dépourvue de décoration. La bande centrale dans la longueur de la pelle se continue tout autour de l’autre côté, joignant la bordure sur l’arête, laquelle fixe elle-même toutes les autres bandes. Si ces bandes avaient terminée comme celle du centre, elles auraient eu l’apparence de tomber en glissant. Il n’y avait que celle du centre qui pût continuer comme elle le fait sans troubler le repos.

La forme bombée du manche aux points où il fallait un poids additionnel, est conçue et ménagée admirablement, et la croissance du bombement est parfaitement définie par le dessin plus hardi des anneaux.

Chapitre II. — Planches 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11.
ORNEMENTS ÉGYPTIENS.
1. 
Le lotus dessiné d’après nature.
2. 
Représentation égyptienne du lotus.
3. 
Autre représentation du lotus, dans un état différent de croissance.
4. 
Trois plantes de papyrus, et trois lotus en pleine fleur avec deux boutons, dans la main d’un roi, comme offrande à un dieu.
5. 
Lotus en pleine fleur avec deux boutons, attachés avec des rubans, type des chapitaux des colonnes égyptiennes.
6. 
Lotus avec des boutons, en forme de colonne, entouré de natte, d’après une peinture représentant le portique d’un temple.
7. 
Base de la tige du papyrus dessiné d’après nature ; type des bases et des fûts des colonnes égyptiennes.
8. 
Bouton entr’ouvert du papyrus, dessiné d’après nature.
9. 
Autre bouton dans un état moins avancé de croissance.
10. 
Représentation égyptienne de la plante de papyrus ; type complet du chapiteau, du fût et de la base des colonnes égyptiennes.
11. 
Même représentation, combinée avec des boutons de lotus, des raisins et du lierre.
12. 
Combinaison du lotus et du papyrus, représentant une colonnes entourée de nattes et de rubans.
13. 
Représentation égyptienne du lotus avec ses boutons.
14,
15.
Représentation du papyrus, d’après une peinture égyptienne.
16. 
Représentation de plantes qui croissent dans le désert.
17. 
Représentation du lotus et du papyrus dans le Nil
18. 
Autre variété de plante du désert.

1. 
Éventail fait de plumes, placées dans une tige de bois en forme de lotus.
2. 
Plumes d’ornements de la têtière des chevaux des chars royaux.
3. 
Autre genre, d’Aboo-Simbel.
4. 
Éventails faits de feuilles sèches.
5. 
Idem.
6. 
Éventails.
7. 
Coiffure royale.
5. 
Idem.
9. 
Représentation d’une espèce de lotus.
10. 
Le vrai lotus.
11. 
Insignes portés par certains officiers du temps des Pharaon.
12. 
Autre genre.
13-15. 
Vase en or émaillés en forme de lotus.
16. 
Gouvernail orné de lotus et de l'œil, représentant la divinités.
17. 
Idem, autre genre.
18,19. 
Bateaux faits de plantes de papyrus liées ensemble.

1. 
Chapiteau des grosses colonnes du temple de Luxor, Thèbes, du temps d’Amunoph III., 1250 a.c., selon Sharpe. Il représente le papyrus en pleine fleur, et tout autour se trouvent alternativement des boutons de papyrus et de lotus.
2. 
Chapiteau des plu spetites colonnes du Mémnonium, Thèbes, 1200 a.c. Il représente un seul bouton du papyrus orné des fasces pendantes coloriées, qu’on voit sur les représentations peintes des colonnes de la planche IV., Nos. 5, 6, 12.
3. 
Chapiteau des plus petites colonnes du temples de Luxor, 1250 a.c., représentant huit boutons de papyrus attachés ensemble, et ornés de fasces pendantes et coloriées.

11. 
Chapiteau du temple hypèthre inachevé de l’île de Philé — période romaine, 140 a.c. — composé de la plante du papyrus dans trois états différents de croissance placée sur trois rangées : la première composée de quatre papyrus en pleine fleur et de quatre autres grands entièrement épanouis ; la seconde composée de huit fleurs épanouis, plus petites ; et la troisième, composée de seize boutons : formant en tout un faisceau de trente-deux plantes. On peut tracer la tige de chaque plante, à la grosseur et à la couleur de sa côté, jusqu’aux bandes horizontales ou fasces. Voyez planche IV., Nos. 5, 6, 12
12. 
Chapiteau du temple à Koom-Ombos, formé du papyrus entièrement développé, entouré de différents fleurs.
13. 
Chapiteau du temple principal de Philé, représentant deux rangées papyrus dans trois états de croissance. La première rangée, composée de huit plantes, quatre en pleine fleur et quatre tout épanouies ; la seconde rangée, composée de huit boutons : faisant seize plantes. Dans ce chapiteau, la forme circulaire n’est pas dérangée comme dans le No. 11.
14. 
Chapiteau du temple hypètre inachevé de Philé, composé de trois rangées de plantes de papyrus, dans trois états différents de croissance. La première rangée a huit plantes en pleine fleur, et huit autres qui s’épanouissent ; la seconde rangée, seize fleurs épanouies ; et la troisième rangée, trente-deux boutons de papyrus : en tout soixante quatre plantes. La tige de chaque plante se distingue par sa grosseur et sa couleur, et se prolonge jusqu’aux bandes horizontales qui les lient ensemble autour du fût.
15. 
Chapiteau du portique d’Edfu, 145 a.c., représentant le palmier, orné de neuf branches. Les fasces horizontales du chapiteau, en forme de palmier, différent des fasces de tous les autres chapiteaux, en ce qu’il y a toujours une ganse pendante.

4. 
Chapiteau d’un temple dans l’oasis de Thèbes, représentant une collection de plantes aquatiques, à tiges triangulaires attachées autour dÆun seul papyrus en pleine fleur.
5. 
Chapiteau pris du portique d’Edfa, 145 a.c., d’une structure semblable à celle du No. 4.
6. 
Chapiteau du principal temple de l’île de Philé, 106 a.c. Papyrus en pleine fleur entouré d’autres plantes de la même espèce dans différents états de croissance.
7. 
Chapiteau d’un temple dans l’oasis de Thèbes.
8. 
Chapiteau de la colonnade de l’île de Philé, représentant seize fleurs de lotus liées ensemble sur trois rangées, vues en élévation.
9. 
Chapiteau No. 8, vu en perspective.
10. 
Chapiteau d’un temple dans l’oasis de Thèbes, représentant huit fleurs de lotus liées ensemble sur deux rangées.
15. 
Chapiteau du temple hypèthre inachevé de Philé, composé de papyrus dans deux différents états de croissance, placé sur trois rangées. La première, composée de quatre plantes en pleine fleur, et de quatre hautre qui s’épanouissent ; la seconde, composée de huit ou pleine fleur mais plus petites ; et la troisième, de seize encore plus petites.
17. 
Chapiteau, forme gréco-égyptienne, mais datant de la période romaine, très remarquable en ce qu’il montre combiné ensemble, les éléments égyptiens et grecs savoir : papyrus, dans deux états différents de croissance, accompagné de l’acanthe et des tendrons du chèvre-feuille.

1. 
Orenement de la partie supérieure des murs d’un tombeau de Benibassan.
2. 
Idem,  Idem.
3. 
Idem, de Karnac, Thèbes.
4. 
Idem, de Gourna, Thèbes.
5. 
Idem, de Sakhara.
6. 
Décoration de la moulure, dite torus, de quelques-unes des plus anciennes tombes dans le voisinage des pyramides de Gizé.
7-9. 
Pris d’un sarcophage en bois.
10. 
Pris des tombeaux d’El Kab.
11. 
Pris des tombeaux de Bénihasran.
12. 
Pris des tombeaux de Gourna.
13. 
Idem.
14. 
Idem.
15. 
Pris d’un collier.
16. 
Pris de la partie d’un mur de tombeau, la plus rapporchée du plafond, Gourna.
17-19. 
Diverses parties d’un collier.
20. 
Pris d’un mur de tombeau.
21. 
Pris d’un collier.
22. 
Pris de} la partie supérieure d’un mur de tombeau, Sakhara.
23. 
Idem, Thèbes.
24. 
Pris d’un collier.
25. 
Pris d’un mur de tombeaua, Gourna.
26. 
Pris d’un sarcophage.
27. 
Pris du mur d’un tombeau.
28. 
Pris d’un sarcophage.
29. 
Pris de lapartie supérieure d’un tableau.
30. 
Arrangement de lignes pris de lambris feints
31. 
Pris d’un sarcophage, Louvre.
32. 
Ornement du mur d’un tombeau à Gourna, représentant le lotus à plat et en élévation.
33. 
Pris d’un plafond à Medinet Haboo.
34. 
Arrangement de lignes pris de lambris feints des tombeaux.

Les Nos 1-5, 10, 11, se trouvent toujours sur la surface verticale, et sur la partie supérieure des murs des tombeaux et des temples. Les Nos, 7-9, 12, 14, 18, 20, sont tous tirés des mêmes éléments, savoir : du lotus dans une position pendante, avec une grappe de raisins intermédiaire. Cet ornement égyptien, d’un usage si continuel, ressemble tellement dans quelques-unes des ses formes, à la moulure grecques connue généralement sous le nom de moulure en quart de rond, que nous sommes fortement portés à croire que la moulure grecque en a tiré son origine. Les Nos. 13, 15, 24, 32, font connaître un autre élément de l’ornementation égyptienne, tirée des feuilles séparées du lotus.


Tous les ornements de cette planche sont pris de caisses de momies qui se trouvent au musée Britannique et au Louvre, et de même que ceux de la planche précédente, ils sont formés, pour la plupart, de la fleur du lotus et de feuilles détachées de la m^me plante. Au-dessus des feuilles de lotus du No. 2, il y a un ornement blanc sur un plafond bigarré, un des plus anciens ornements qui tire évidemment son origine de l’entrelacement de torons de différentes couleurs. La partie inférieure du No. 18 nous représente un autre ornement très général, tiré des plumes.


Les ornements de cette planche sont pris de dessins originaux représentant des peintures qui ornent des tombeaux dans différentes parties de l’Égypte. Ils représentent principalement des patrons qu’on pourrait produire au métier à tisser, et au premier coup d’œil on peut voir que c’est de là que la plupart tirent sans doute leur origine.

Les Nos. de 1 à 8 représentent des nattes sur lesquelles les rois se tenaient. Elles étaient évidemment formées de pailles de différentes couleurs. La tradition de cet état de l’art décoratif à la formation de patrons, tels que nous représentent les Nos. 9-12, 17-19, 21, a dû être très rapide, et ces patrons ne sont très probablement que les reproductions de tissus, faits pour un usage journalier. Les Nos. 9 et 10 peuvent avoir suggéré aux Grecs l’idée de leur méandre, à moins qu’ils n’y soient arrivés eux-mêmes au suivant une voie semblable.

20.Pris du plafond d’un tombeau à Gourna. Cet ornement représente le treillage d’un mur de jardin, couvert d’une vigne, ornement qui est loin d’être rare pour le plafond convexes des petits tombeaux, et qui occupait ordinairement tout le plafond de chaque excavation, à l’époque de la dix-neuvième dynastie.

21-23. Pris de caisses de momies d’une période plus récente, musée du Louvre.


1-5. 
Pris de caisses de momies d’une période plus récente, musée du Louvre. Arrangements géométriques de la feuille de lotus.
6. 
Pris d’un tombeau à Thèbes. Chaque cercle est formé de quatre fleurs de lotus et de quatre boutons : l’étoile intermédiaire veut probablement représenter quatre feuilles de lotus.
7. 
Pris à Thèbes.
8, 9. 
Pris d’une caisse de momies.
10-24. 
Pris de plafonds de tombeaux dans différentes parties de l’Égypte. Les Nos. 10, 13-16, 18-23, sont divers exemples d’un ornement qui représente le déroulement d’un tas de cordes, qui ne peut avoir suggéré la première idée de la volute. La ligne bleue continue du No. 24 est évidemment du même type.

1, 4, 6, 7. 
0 Pris d’un tombeau à Thèbes. ; ce sont d’autres exemples de l’ornement en corde, reproduit sur la dernière planche. Les Nos. 2 et 3 sont des variétés du genre d’ornement produit par un arrangement d’étoiles, très général sur les plafonds de tombeaux et de temples. Le Nos 2 est formé sur des carrés, et le Nos. 3, sur des triangles équilatéraux.
9. 
Pris d’une caisse de momies.
10. 
Pris de la broderie d’un manteau royal.
11-16. 
représentant différentes variétés de bordures prises de peintures de tombeaux.
17. 
Pris du vêtement d’une figure dans un des tombeaux royaux de Biban et Moluk. Cet ornement représente les écailles de l’armure portée par les héros et les dieux de l’Égypte.
18-20. 
Ornements semblables, dont les plumes des oiseaux ont suggéré très probablement l’idée première.
21. 
Ornement sur le vêtement du dieu Amun, Aboosimbel.
22. 
Pris d’un fragment, — musée du Louvre.
23. 
Lambris feint provenant du tombeau de Ramses, Biban el Moluk, représentant probablement en diagramme, un bosquet de papyrus ; car il occupe une position semblable aux lambris feints d’une période plus récente, qui étaient formés des boutons et des fleurs du papyrus.
24. 
Pris d’un tombeau très ancien à Giza, ouvert par le docteur Lopsius. La partie supérieure représente le torus ordinaire égyptien ; la partie inférieure provient du lambris feint du même tombeau et fait voir que la pratique d’imiter en peinture ; les bois, date de l’antiquité la plus reculée.
ORNEMENTS ÉGYPTIENS.

L’architecture d’Égypte a cela de particulier, par dessus tous les autres genres d’architecture, que plus le monument est ancien, plus l’art en est parfait. Tous les débris dont nous ayons connaissance représentent l’art égyptien à l’état de décadence. Des monuments élevés deux mille ans avant l’ère chrétienne, sont formés des ruines de bâtiments encore plus anciens et plus parfaits. C’est ainsi que nous nous trouvons portés en arrière vers une période qui est trop éloignée de nos temps, pour que nous puissions découvrir les vestiges de son origine ; et pendant que nous pouvons tracer, en succession directe, comme descendante de cette grande source mère, l’architecture grecque, romaine, byzantine, avec ses rejetons, l’architecture arabe, mauresque, et gothique, nous ne pouvons faire autrement que de croire que l’architecture d’Égypte est un style purement original, qui naquit avec la civilisation dans l’Afrique centrale[3], passa à travers des siècles sans nombre pour arriver au point culminant de la perfection, et puis à l’état de décadence où nous le voyons actuellement. Cet était est inférieur, sans doute, à la perfection inconnue de l’art égyptien, mais il l’emporte de beaucoup sur tout c qui suivit ; les Égyptiens ne sont inférieurs qu’à eux-mêmes. Dans tous les autres styles nous pouvons tracer l’avancement rapide, depuis l’enfance fondée sur quelque style du passé, jusqu’au point culminant de la perfection, où l’influence étrangère fut modifiée ou écartée et où commença la descente vers la période d’une décadence lente et languissante, s’entretenant aux frais de ses propres éléments. Sur l’art égyptien nous ne voyons aucune trace d’enfance ou d’influence étrangère ; d’où il faut conclure que les Égyptiens puisaient leurs inspirations directement aux sources de la nature. Cette rue est confirmée surtout par l’examen de l’ornement égyptien ; les types en sont peu nombreux, et ils sont tous des types naturels ; et la représentation ne s’écarte du type que très légèrement. Mais plus nous descendons l’échelle de l’art, plus nous trouvons qu’on s’éloigne des types originaux ; à tel point, que dans bien des ornements, tels que les ornements arabes et mauresques, il est difficile de découvrir le type original d’où l’ornement a été développé par les efforts successifs de l’esprit.

Le lotus et le papyrus qui croissent aux bords de leur rivière, symboles de la nourriture du corps et de l’esprit ; les plumes d’oiseaux rares qu’on portait devant le roi, comme emblème de la souveraineté ; le rameau du palmier, avec la corde torse faite de ses tiges : tels sont les types peu nombreux qui forment la base de cette immense variété d’ornements avec lesquels les Égyptiens décoraient les temples de leurs dieux, les palais de leurs rois, les vêtements qui couvraient leur personne, leurs articles de luxe ainsi que les objets modestes destinés à l’usage journalier, depuis la cuiller en bois, avec laquelle ils mangeaient jusqu’au bateau qui devait porter à travers le Nil à la vallée des morts, leur dernière demeure, leurs corps embaumés et ornés de la même manière. En imitant ces types, les Égyptiens suivaient de si près la forme naturelle, qu’ils ne pouvaient guère manquer d’observer les mêmes lois que les œuvres de la nature déploient sans relâche ; c’est pourquoi nous trouvons, que l’ornement égyptien, tout en étant traité d’une manière conventionnelle, n’en est pas moins toujours vrai. Nous n’y voyons jamais un principe naturel appliqué mal à propos ou violé. D’un autre côté les Égyptiens ne se laissaient jamais porter à détruire la convenance et l’accord de la représentation par une imitation du type par trop servile. Un lotus taillé en pierre, formant le couronnement gracieux du haut d’une colonne, ou peint sur les murs comme une offrande présentée aux dieux, n’était jamais un lotus tel qu’on pourrait le cueillir, mais une représentation architecturale de cette plante, représentation on ne peut mieux adaptée, dans un ces comme dans l’autre, au but qu’on avait en vue, car elle ressemblait suffisamment au type pour réveiller dans ceux qui la contemplaient l’idée poétique qu’elle devait inspirer, mais sans blesser le sentiment de la convenance.

L’ornement égyptien se divise en trois sortes : l’ornement de construction qui forme une partie du monument même, étant le gracieux revêtement extérieur de la carcasse intérieure ; l’ornement représentatif, rendu, cependant, d’une manière conventionnelle ; et l’ornement purement décoratif. L’ornement du reste, a quelque catégorie qu’il appartînt, était, sans exception, symbolique, formé, comme nous avons remarqué déjà, d’après quelques types peu nombreux qui ne subirent que des changements très légers durant toute la période de la civilisation égyptienne.

À la première espèce, savoir a l’ornement de construction, appartiennent les décorations des parties qui servent de supports ainsi que les membres qui forment le couronnement des murs. La colonne qui n’avait que quelques pieds de hauteur, de même que celle qui atteignait la hauteur de quarante ou de soixante pieds, comme celles de Luxor et de Karnac, n’était que la plante du papyrus de grandes dimensions ; la base en représentait la racine ; le fût, la tige ; et le chapiteau, la fleur tout épanouie entourée d’un bouquet de plantes plus petites (No. 1, planche VI.), jointes ensemble à l’aide de bandes. Non seulement une série de colonnes représentait une forêt de papyrus, mais chaque colonne par elle-même formait un bois ; et au numéro 17 de la planche IV. nous avons la représentation d’un bois de papyrus de différents degrés de croissance, qu’on n’aurait qu’à réunir tels qu’ils sont à l’aide d’une corde passé autour, pour avoir le fût égyptien et son chapiteau richement orné ; et puis, nous avons aux numéros 5, 6, 10, 11, 12, planche IV, des représentations peintes, de colonnes appartenant à des temples, dans lesquelles l’idée générale est tracée de manière qu’il serait impossible de s’y méprendre.

Nous sommes portés à croire que dans les temps reculés, les Égyptiens avaient la coutume de décorer, des fleurs indigènes du pays, les piliers de bois de leurs temples primitifs ; et lorsque l’art chez eux prit un caractère plus permanent, cette coutume se consolide, pour ainsi dire, sur leurs monuments en pierre. Leurs lois religieuses leur défendaient de changer ces formes qui étaient devenues sacrées ; mais cette possession d’une seule idée motrice et dominante était bien loin de conduire à l’uniformité, comme nous pouvons voir nu premier regard jeté sur les planches VI et VI*. Quinze (les chapiteaux que nous avons choisis pour notre illustration ont pour type le lotus et le papyrus, et pourtant, quelle variété ingénieuse ils présentent, quelle leçon admirable ils nous donnent ! Depuis les Grecs jusqu’à nos jours, le monde s’est contenté de la feuille d’acanthe arrangée autour d’une comptine, pour former les chapiteaux des colonnes de l’architecture classique, ne différant que dans le modelé plus ou moins parfait des feuilles, ou dans les proportions gracieuses ou dépourvues de grace de la campagne ; la modification du plan n’a été tentée que fort rarement. Et c’est ce qui n ouvert la voie du développement si grand donné au chapiteau des Égyptiens ; commençant avec le cercle, ils l’entourèrent successivement de quatre, de huit, et de seize autres cercles. Si l’on tentait le même changement dans le chapiteau corinthien, on ne manquerait pas de produire un ordre de formes tout nouveau, tout en retenant l’idée première d’appliquer la fouille d’acanthe à la surface d’un vase façonné à l’instar d’une cloche.

Dans le fût de la colonne égyptienne, quand elle était circulaire, on conservait l’idée de la forme triangulaire de la tige du papyrus, moyennant trois lignes en relief, qui diviseraient la circonférence en trois parties égales ; lorsque la colonne était formée de quatre ou de huit fûts liés ensemble, chacun de ces fûts était pourvu à la face extérieure d’une arête saillante qui avait le même but. Le couronnement ou corniche des batiments égyptiens était décoré de plumes, qui étaient, à ce qu’il parait, l’emblème de la souveraineté : tandis qu’au centre se trouvait le globe ailé, emblème de la divinité.

La seconde espèce de l’ornement égyptien est le résultat de la représentation conventionnelle d’objets réels sur les murs des temples et des tombeaux ; et là aussi, dans les représentation des offrandes présentées aux dieux, ou dans celles des différents objets à l’usage journalier, de même que dans les peintures des scènes réelles de la vie domestique, chaque fleur, ainsi que tout autre objet, est reproduite, non pas comme une réalité, mais comme une représentation idéale. Ces représentations servaient, à rappeler un fait en même temps qu’elles constituaient une décoration architecturale, et il n’y avait pas jusqu’à l’inscription hiéroglyphique qui n’ajoutât, par son arrangement symétrique, à l’effet général. Le No. 4, planche IV., nous fournit un exemple frappant dans la représentation de trois plantes de papyrus et de trois fleurs de lotus, avec deux boutons qu’un roi tient à la main comme une offrande aux dieux. L’arrangement en est symétrique et gracieux, et nous y voyons que les Égyptiens, en rendant le lotus et le papyrus d’une manière conventionnelle, obéissaient instinctivement à cette loi que nous trouvons partout dans les fleurs des plantes, à savoir : le rayonnement des feuillet et de toutes les veines des feuilles, s’élançant en courbes gracieuses de la tige mère ; et ils ne suivaient pas seulement cette loi dans le dessin de chaque fleur individuelle, mais ils l’observaient également, en groupant plusieurs fleurs ensemble, comme on peut voir, non seulement au No. 4, mais aussi dans la représentation des plantes qui poussent dans le désert, représentation, qui se trouve aux numéros 16 et 18 de la même planche, ainsi qu’un numéro 13. Aux numéros 9 et 10, planche V., on voit qu’ils ont tiré la même leçon, de la plume, qui est un autre type d’ornement (il et 12, planche V.) ; le même instinct se manifeste aux numéros 4 et. 5, où le type est une des nombreuses espèces de palmiers, si communs dans ce pays.

La troisième espèce de l’ornement égyptien, c’est a dire l’ornement qui est purement décoratif, ou qui paraît tel à nos yeux, avait sans aucun doute également ses misons et ses lois d’application, quoiqu’elles ne paraissent pas si visibles pour nous. Les planches VIII., IX., X., XI., sont dévouées à cette classe d’ornements tirés des peintures qui se trouvaient sur des tombeaux, des vêtements, des ustensiles, et des sarcophages. Ils se distinguent tous par une symétrie gracieuse et une distribution parfaite. La variété, qu’on peut produire du petit nombre de types dont nous avons parlé, est fort remarquable.

Sur la planche XI. il y a des dessins de plafonds qui sont apparemment des reproductions de dessins tissés. C’est la direction que prennent les premières tentatives qu’un peuple fait à produire des œuvres d’ornementation, tentatives qui se manifestent, en même temps, par la reproduction conventionnelle de ? choses réelles. Le premier besoin de tresser la paille ou l’écorce des arbres, pour on former des objets d’habillement, des couvertures pour leurs habitations grossières ou pour le plancher sur lequel ils reposaient, donna d’abord aux hommes l’idée d’employer la pailles et les écorces de différentes couleurs naturelles, qu’ils remplaceront plus tard par des teintures artificielles, c’est ce qui fit naître la première idée, non seulement de l’ornementation, mais de l’arrangement géométrique. Les numéros 1—4, planche IX, sont pris de peintures égyptiennes représentant des nattes sur laquelle se tenait le roi ; tandis que les numéros 6 et 7, sont pris de plafonds de tombent“ : qui représentent évidemment des tentes couvertes de nattes. Les numéros 9, 10, 12, démontrent la facilité avec laquelle les méandres ou frettes grecques se produisaient par les mêmes moyens. L’usage universel de eut ornement dans tous les styles de l’architecture, ornement que l’on trouve, nous une forme ou une autre, dans les premières tentatives d’ornementation de toutes les tribus sauvages, fournit une preuve additionnelle que l’origine en a été la même.

La formation des dessins par la division égale de ligues semblables les unes aux autres, comme cela se fait dans le tissage, tendrait à donner a un peuple qui entre dans la voie du progrès, les premières notions (le la symétrie de l’arrangement, de la disposition et de la distribution des masses. Les Égyptiens, à ce qu’il paraît, ne sont jamais allés au delà de l’arrangement géométrique, dans leur décoration appliquée à une surface étendue. Les lignes ondoyantes sont très-rares, et elles ne forment jamais le motif de la composition ; cependant le germe de ce genre de décoration même, la forme de la volute, existe déjà dans leur ornement du cordon (numéros 10, 13-16, 18-24, planche X., et 1, 2, 4, 7, planche XI.) Les différentes cueilles de corde y sont assujetties, il est vrai, à l’arrangement géométrique, mais le déroulement de la corde l’aurait cette même forme, qui a été une source si féconde de beauté dans plusieurs des styles subséquents. C’est pourquoi nous osons soutenir, que le style égyptien, quoiqu’il soit le plus ancien, est en même temps le plus parfait, dans tout ce qui est nécessaire pour constituer un vrai style d’art. Le langage dans lequel il se révèle peut bien nous paraître étranger, particulier, formel et rigide, mais les idées et les enseignements qu’il nous fournit sont des plus solides. En avançant avec les autres styles, nous trouverons qu’ils n’approchent de la perfection, qu’autant qu’ils suivent, en commun avec le style égyptien, ces principes justes et vrais, qu’on peut observer dans chaque fleur qui pousse. De même que les fleurs, ces favorites de la nature, ainsi chaque ornement devrait avoir son parfum ; c’est à dire la raison de son application. Il devrait tacher d’égaler la grace de construction, l’harmonie des formes variées, la proportion et la subordination voulue d’une partie à l’autre qu’on trouve dans le modèle. Toutes les fois que nous trouvons, que l’un ou l’autre de ces traits caractéristiques manque dans une œuvre d’ornementation, nous pouvons être certains qu’elle appartient à un style d’emprunt, et que l’esprit, qui avait animé l’œuvre originale, s’est perdu dans la copie.

L’architecture des Égyptiens est parfaitement polychromatique, il n’y a rien qu’ils n’aient peint : c’est pourquoi nous avons beaucoup à apprendre d’eux sous ce rapport. Ils se servaient de teintes plates, et n’employaient aucune ombre ; et cependant ils ne trouvaient aucune difficulté à réveiller dans l’âme, l’identité de l’objet qu’ils voulaient représenter. Ils employaient les couleurs comme ils employaient les formes, d’une manière conventionnelle. Comparons la représentation du lotus (No. 3, planche IV.) avec la fleur naturelle (N0. l) ; avec quel charme les traits caractéristiques de la fleur naturelle sont reproduits dans la représentation ! Remarquons comme les feuilles extérieures sont distinguées par un vert sombre, et les feuilles abritées de l’intérieur par un vert plus clair ; tandis que les tons pourprés et jaunes de l’intérieur de la fleur, sont représentés par des feuilles rouges flottant dans un champ de jaune, ce qui nous rappelle parfaitement le jaune éclatant de la fleur originale. Nous _v voyons l’art allié s la nature, et ce qui ajoute à notre plaisir, c’est la perception de l’effort de l’esprit qu’il a fallu pour l’accomplir.

Les couleurs dont les Égyptiens se servaient principalement, étaient : le rouge, le bleu, et le jaune, avec du noir et du blanc, pour définir les couleurs nettement et distinctement ; le vert s’employait généralement, mais point universellement, comme une couleur locale, pour les feuilles vertes du lotus par exemple. Ces feuilles cependant se coloriaient, sans distinction soit en vert soit en bleu ; le bleu s’employait dans les temps les plus anciens, et le vert pendant la période ptoléméenne : et à cette époque on ajoutait même le pourpre et le brun, ce qui ne servait du reste qu’à affaiblir l’effet. Le rouge qu’on trouve sur les tombeaux et sur les caisses à momie de la période grecque ou romaine, est plus faible de ton que celui des temps anciens ; et c’est, à ce qu’il parait, une règle universelle que, dans toutes les périodes archaïques de l’art, les couleurs primaires, bleu, rouge, et jaune, sont les couleurs qui prédominent et qui sont employées avec le plus d’harmonie et de succès. Tandis que dans les périodes où l’art se pratique traditionnellement, au lieu de s’exercer instinctivement, il y a une tendance à employer les couleurs secondaires ainsi que toutes les variétés de teintes et de nuances, mais rarement avec le même succès. Nous aurons plus d’une occasion de montrer cela dans les chapitres suivants.

Chapitre III. — Planches 12, 13, 14.
ORNEMENTS ASSYRIENS ET PERSES.
1. 
Pavé sculpté, Kouyunjik.
2-4. 
Ornement peints de Nimroud.
5. 
Pavé sculpté, Kouyunjik.
6-11. 
Ornement peints de Nimroud.
12-14. 
Arbres sacrés de Nimroud.

Tous les ornements de cette planche sont pris du grand ouvrage de M. Layard, The Monuments of Ninevek. Nos. 2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11 sont coloriée comme ils le sont dans l’ouvrage original ; et où les Nos. 1, 5, et les trois arbres sacrés, Nos. 12, 13, 14. sont en relief, représentée seulement par les lignes de contour, nous les avons représentés sur notre planche, comme ornements peints, en les coloriant d’après le principe indiquée par les premiers, dont on connait les couleurs.


1-4. 
Briques émaillées, Khorsabad. — Flandin & Coste.
5. 
Ornement d’un vêtement royal, Khorsabad. — F & C.
6, 7. 
Ornement d’un bouclier en bronze, idem — F & C.
8, 9. 
Ornement d’un vêtement royal, idem — F & C.
10, 11. 
Ornement d’un vaisseau en bronze, Nimroud. — Layard.
12. 
Ornement d’un vêtement royal, Khorsabad. — Flandin & Coste.
13. 
Briques émaillées, Khorsabad. — F & C.
14. 
Ornement d’un bélier, Khorsabad. — F & C.
15. 
Ornement d’un vaisseau en bronze, Nimroud. — Layard.
16-21. 
Briques émaillées, Khorsabad. — Flandin & Coste.
22. 
Briques émaillées, Nimroud. — Layard.
23. 
Idem, Bashikad. — Layard.
24. 
Idem, Khorsabad. — Flandin & Coste.

Les ornements Nos. 6, 8, 9, 12, servent généralement à orner les vêtements royaux, et ils représentent la broderie. Nous les avons coloriée de la manière qui nous a paru la mieux adoptées à développer les différents patrons. Les autres ornements de cette planche sont coloriés tels qu’ils ont été publiés par M. Layard et MM. Flandin & Coste.


1. 
Ornement en imitations de plumes dans la curvité de la corniche, palais No. 8, Persépolis. — Flandin & Coste.
2. 
Base de colonne, ruine No 13, Persépolis. — F & C.
4. 
Ornement sur le côté de l’escalier du palais No 2, Persépolis. — F & C.
5. 
Base de colonne de la colonnade No.2, Persépolis. — F & C.
6. 
Base de colonne, palais No. 2, Persépolis. — F & C.
7. 
Base de colonne, portique No. 1, Persépolis. — F & C.
8. 
Base de colonne à Istakhr — F & C.
9-12. 
Pris de chapiteaux sassanides, Bi Sutoun. — F & C.
13-15. 
Pris de chapiteaux sassanides. — Flandin & Coste.
16. 
Pris d’une moulure sassanide — F & C.
17. 
Ornement, Tak I Bostan. — F & C.
18, 19. 
Ornement sassanides, d’Ispahan. — F & C.
20. 
Archivolte, Tak I Bostan. — F & C.
21. 
Partie supérieure d’un pilastre, Tak I Bostan. — F & C.
22. 
Chapiteaux sassanides, Ispahan. — F & C.
23. 
Pilastre, Tak I Bostan. — F & C.
24. 
Chapiteaux de pilastre, Tak I Bostan. — F & C.
25. 
Chapiteaux sassanides, Ispahan. — F & C.
ORNEMENTS ASSYRIENS ET PERSES.

Quelque riche que soit la moisson que Monsieur Botta et Monsieur Layard ont recueillie des ruines (les palais assyriens, les monuments qu’ils nous ont fait connaître, ne paraissent pas remonter à une période bien reculée de l’art assyrien. De même que les monuments d’Égypte, ceux d’Assyrie qui ont été découverts
Égyptien.

Assyrien.
jusqu’aujourdhui, appartiennent à une période de décadence, mais ils sont encore plus éloignés que ceux d’Égypte du point culminant de le perfection. Il faut que l’art assyrien ait été un style d’emprunt, ou qu’il nous reste encore à découvrir des rentes d’une forme plus parfaite de l’art. Nous sommes fortement portés à croire que l’art assyrien n’est pas un style original, mais qu’il a été emprunté nu style égyptien, et modifié par le différence de la religion et des mœurs du peuple assyrien.

En comparant les bas-reliefs de Ninive avec ceux d’Égypte, il est impossible qu’on ne soit frappé du grand nombre de points de ressemblance qui existent dans les deux styles ; non seulement on y trouve la même manière de représenter les objets, mais ceux-ci sont souvent si semblables, qu’il est difficile de croire que deux peuples soient arrivés, indépendamment l’un de l’autre, à produire le même style.

La manière de représenter une rivière, un arbre, une ville assiégée, un groupe de prisonniers, une bataille, un roi dans son char, est presque identique, chez l’un et l’autre peuple, — la différence qui existe est simplement celle qui résulterait naturellement de la représentation des mœurs de deux peuples différents ; l’art nous parait être le même. La sculpture assyrienne semble être un développement de celle de l’Egypte, mais au lieu de surpasser l’original, elle décroit en perfection, ayant le même rapport à l’art égyptien que celui qui existe entre le style romain et le style grec. La sculpture égyptienne tomba graduellement en décadence, à partir du temps des Pharaon jusqu’à l’époque des Grecs et des Romains ; les formes qui étaient d’abord coulantes et gracieuses, devinrent grossières et abruptes ; l’enflement des membres qui d’abord était plutôt indiqué que rendu, finit par devenir exagéré ; le traitement conventionnel fut abandonné pour une tentative imparfaite du naturel. Dans la sculpture assyrienne, cette tentative fut poussée encore plus loin, — tandis que l’arrangement général du sujet et la pose des figures s’exécutaient encore d’une
Égyptien.

Assyrien.
manière conventionnelle, on essaya de représenter les muscles des membres et la rotondité de la chair : symptôme certain de décadence dans les arts ; — on doit idéaliser la nature et non la copier. Un grand nombre de statues modernes différent de la Vénus de Milo, de la même manière que les bas-reliefs des Ptolémée, différent de ceux des Pharaon.

Les Ornements assyriens, selon nous, présentent aussi la même apparence d’un style d’emprunt à l’état de décadence. Il est vrai que nous n’en avons jusqu’à présent qu’une connaissance bien imparfaite, à cause de la destruction des parties des palais, qui devaient contenir le plus d’ornements, — la partie supérieure des murs d’intérieur et les plafonds, — destruction qui n’a été que la conséquence de la nature de la construction des édifices assyriens. Il ne peut exister aucun doute, cependant, que les monuments assyriens n’aient été décorés d’autant d’ornements que ceux des Égyptiens ; il y a, dans l’un et l’autre de ces styles, une absence totale de surfaces unies sur les murs, qui étaient couverts ou de sujets ou d’écritures ; et dans certaines positions où ni les uns ni les autres ne pouvaient s’employer, on a dû faire usage d’un genre d’ornementation pure, pour soutenir l’effet général. Ce que nous possédons en fait d’ornements assyriens, provient des vêtements des figures des bas-reliefs, et se compose en outre de quelques fragments de briques peintes, de quelques objets en bronze, et des représentations des arbres sacrés sur les bas-reliefs. Nous n’avons découvert jusqu’à présent aucun reste de leurs ornements de construction, car les colonnes et les autres moyens de support qui auraient été décorés de ce genre d’ornements, ont tous détruits ; les ornements de construction que nous reproduisons sur la planche XIV., de Persépolis, sont évidemment d’une époque plus récente et soumis à d’autres influences ; ils ne seraient conséquemment que des guides peu sûrs, dans toute tentative de reproduire les ornements de construction des palais assyriens.

Quoique les ornements assyriens ne soient pas basés sur les mêmes types que ceux des Égyptiens, ils sont représentés de la même manière. Les ornements en relief de ces deux styles, ainsi que ceux en peinture, sont de la nature des diagrammes. Il existe très peu de surfaces modelées, — invention spéciale des Grecs, qui tenaient, dans ses vraies limites, le modelé des surfaces, que les Romains porteront à l’excès, jusqu’à ce qu’enfin toute ampleur d’effet fut détruit. Les Byzantine retournèrent aux reliefs modérés, les Arabes les employèrent avec encore plus de sobriété, et chez les Maures, une surface modelée devint chose excessivement rare. Sous un autre point de vue, le style roman se distingue de la même manière, de l’ancien style gothique, qui lui-même est d’un effet plus large que le gothique le plus rapproché de notre époque, où les surfaces devinrent enfin si élaborées que tout repos fut détruit.

À l’exception de la pomme de pin sur les arbres sacrés, planche KIL, des ornements peints, et d’une espèce de lotus, Nos. 4 et 5, les ornements ne paraissent par avoir été formés d’après aucun type naturel : ce qui donne encore plus de consistance à l’opinion, que l’art assyrien n’est pas un style original. Les lois naturelles de radiation et de courbure tangente, qu’on trouve dans les ornements égyptiens, sont également observées chez les Assyriens, mais avec beaucoup moins de vérité, — plutôt, pour ainsi dire, traditionnellement qu’instinctivement. La nature n’y est pas suivie d’aussi près que chez les Égyptiens, et elle n’est pas non plus d’une exécution conventionnelle aussi exquise que chez les Grecs. Les Nos. 2 et 3 de la planche XIII. sont les types d’où les Grecs, à ce que l’on croit, ont tiré quelques uns de leurs ornements peints ; mais qu’ils sont inférieurs au style grec pour la pureté des formes et la distribution des masses !

Quant aux couleurs, les Assyriens paraissent avoir employé le bleu, le rouge, le blanc, et le noir, dans leurs ornements peints ; le bleu, le rouge, et l’or, dans leurs ornements sculptés : et le vert, l’orange, le bufle, le blanc, et le noir, pour leurs briques émaillées.

Les ornements de Persépolis reproduits sur la planche XIV., paraissent être des modifications des détails romains. Les Nos. 3, 5, 6, 7. 8, proviennent de bases de colonnes flutées, qui trahissent évidemment l’influence romaine. Les ornements qui viennent de Tak I Bostan, — 17. 20, 21, 23, 24, — sont tous construits sur le même principe que les ornements romains, n’offrant qu’une modification de la surface modelée, telle que nous la trouvons dans l’ornement byzantin, auquel ils ressemblent tous deux d’une manière remarquable.

Les ornements 12 et 16, pris de chapiteaux sassanides à Bi Sutoun, appartiennent au style byzantin dans leurs contours en général, et renferment les germes de toute l’ornementation des Arabes et des Maures. C’est le plus ancien exemple que nous ayons d’ornements diaprés en forme de losanges. Les Égyptiens et les Assyriens paraissent avoir employé pour couvrir les grands espaces, des dessins formés par un arrangement géométrique de lignes : mais c’est le premier exemple de lignes courbes, formant un patron général qui renferme une forme secondaire. Le principe contenu dans le No. 16 pourrait engendrer toutes les formes diaprées si exquises qui couvraient les dômes des mosquées du Caire et les murs de l’Alhambra.


Chapiteau sassanides de Bi Sutoun. — Flandin & Coste.
Chapitre IV. — Planches 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22.
ORNEMENTS GRECS.
Collection des différentes formes de la frette grecque prise de différents vases et pavés.

Ornements de différents Vases grecs et étrusques du musée Britannique et du Louvre.


1 et 4. 
Pris d’un sondage en Sicile. — Hittorff.
3, 5-11. 
Pris du propylée. Athènes. — Hittorff.
12-17. 
Pris des cuissons du plafond du propylée. — Penrose.
18. 
Moulure courante au dessus de la frise panathénaïque, publiée par M.  Penrose en or seulement, nous y avons suppléé le bleu et le rouge.
19-21, 24-26. 
Ornements peints. — Hittorff.
25 et 27. 
Ornements en terre cuite.
29. 
Ornements peints pris de la cymaise de la corniche rampante du Parthénon. — L. Vulliamy, nous y avons suppléé le bleu et le rouge.
30-33. 
Différentes frette dont il existe des traces sur tous les temples d’Athènes. Nous y avons suppléé les couleurs.

Nous avons vu que l’ornement égyptien tirait directement sa source de la nature, qu’il était fondé : sur quelques types pou nombreux, et qu’il resta le même pendant tout le cours de la civilisation égyptienne, sans subir d’autre changement que celui d’une exécution plus ou moins parfaite, les monuments les plus anciens étant les plus parfaits. Nous avons, en outre, exprimé l’opinion que l’ornement assyrien était un style emprunté, entièrement dépourvu du cachet qui caractérise l’inspiration originale, mais présentant toutes les apparences d’avoir été suggéré par l’art égyptien arrivé déjà à son déclin, lequel déclin y fut porté encore plus loin. L’art grec, au contraire, quoiqu’il fût emprunté on partie à l’art égyptien et en partie à l’art assyrien, était le développement d’une ancienne idée dans une direction nouvelle ; et, n’étant pas enchaîné par les lois religieuses qui restreignaient, à ce qu’il paraît, l’art assyrien et l’art égyptie, celui de la Grèce prit un essor rapide vers un état de perfection fort élevé, du haut duquel il est parvenu à fournir aux autres styles les éléments d’une grandeur future. Cet art a porté la pureté de la forme à un point de perfection tel qu’on n’a jamais pu atteindre dépuis ;

Bout des tuiles de marbe du Parthénon. — Vulliamy

Le haut d’un fût. L. Vulliamy

Le haut d’un fût. L. Vulliamy

et les restes si abondants que nous possédons de l’ornementation grecque nous portent à croire, que la présence d’un goût raffiné a dû être presque universelle, et que le pays était inondé d’artistes dont l’âme et les mains étaient capables de concevoir et d’exécuter ces beaux ornements avec une vérité infaillible.

Il manquait cependant à l’ornement grec un des grands charmes qui devraient toujours accompagner l’ornement, — savoir, le symbolisme. C’était un ornement sans signification, purement décoratif, jamais représentatif et on ne peut guère l’appeler un ornement de construction ; car les différents membres d’un monument grec, représentent simplement des surfaces préparées d’une manière exquise, et admirablement adaptées à recevoir l’ornement, qu’on y applique en effet, d’abord en peinture ; plus tard on y joignit le relief. L’ornement ne formait pas, comme chez les Égyptiens, partie de la construction : on pouvait l’enlever sans changer la construction. Sur le chapiteau corinthien l’ornement est appliqué et non pas construit : il n’en est pas ainsi du chapiteau égyptien ; là on sent que le chapiteau dans son entier est l’ornement — en enlever une partie, ce serait détruire le tout !

Quelque grande que soit l’admiration que nous inspire la perfection extrême, presque divine, de la sculpture monumentale des Grecs, nous devons admettre, qu’ils en portaient souvent l’application au-delà des bornes légitimes de l’ornementation. La frise du Parthénon était placée si loin des yeux, qu’elle devenait un diagramme : les beautés qui nous étonnent tant, lorsque nous les voyons de près, ne pouvaient avoir aucune valeur, si ce n’est en ce qu’elles mettaient en évidence ce culte d’artiste, qui se souciait peu de ce que l’œil vit ou ne vit pas la perfection de l’œuvre, tant qu’il savait que la perfection s’y trouvait ; mais nous ne pouvons nous empêcher de regarder cela comme un abus des moyens, et les Grecs étaient, à cet égard, inférieurs aux Égyptiens, dont le système d’incavo relievo, appliqué à la sculpture monumentale nous parait bien plus parfait.

Les exemples de l’ornement représentatif sont très peu nombreux ; si nous exceptons l’ornement des ondes et la frette,’qui servaient dans leurs peintures à distinguer l’eau de la terre, et quelques reproductions conventionnelles d’arbres, comme on en voit au numéro 12, planche XXI, il ne reste que peu de chose qui mérite cette dénomination, mais en fait d’ornement décoratif, les vases grecs et étrusques nous fournissent des matériaux abondants ; et comme les ornements peints des temples qu’on a découverts jusqu’à ce jour, ne diffèrent nullement de ceux des vases, nous pouvons dire que nous connaissons l’ornement grec dans toutes ses phases. De même que dans l’ornement égyptien, les types en sont peu nombreux, mais la reproduction conventionnelle y est encore bien plus éloignée des types. Dans l’ornement si bien connu du chèvre-feuille, il serait difficile de reconnaître une tentative d’imitation, on y voit plutôt l’appréciation du principe décelédans la croissance de la fleur ; le fait est, qu’en examinant les peintures des vases, nous sommes assez tentés de croire que les différentes formes des feuilles d’une fleur grecque ont été engendrées simplement par la brosse du peintre, qui donnait aux feuilles un cachet différent selon que la main, en formant la feuille, était tournée en haut ou en bu ; et il est même fort probable que la fleur n’a jamais servi de modèle à l’artiste, et que la légère ressemblance que l’ornement porte au chèvre-feuille n’a été reconnue qu’après coup. On trouvera la représentation du chèvre-feuille à la planche XCIX. : et la ressemblance est certainement fort légère. Ce qu’il y a de plus évident, c’est que les Grecs, dans leurs ornements, observaient la nature de près ; et quoiqu’ils ne tentassent ni de copier ni d’imiter la nature, ils n’en travaillaient pas moins d’après les mêmes principes. Les trois grandes lois que nous trouvons partout dans la nature — le rayonnement partant de la tige mère, la distribution proportionnée des aires et la courbure tangente des lignes — y sont toujours obéies ; et c’est la perfection infaillible dans l’application de ces lois, se manifestant dans les œuvres les plus humbles comme dans les œuvres les plus élevées, qui excite l’étonnement, et qu’on ne peut réaliser pleinement qu’autant que l’on tente de reproduire les ornements grecs, tentative rarement couronnée de succès. Un des traits qui caractérise fortement ornement grec, trait qui fut continué par les Romains mais abandonné pendant la période byzantine, c’est que les différentes parties d’un enroulement nuisent les unes des autres en une ligne continue, comme dans l’ornemrnt du monument choragique de Lysicrates.


Pris du monument choragique de Lysicrates. Athènes. L. Vulliany

Dans le style byzantin, l’arabe, le mauresque, de même que dans le style ogival du 13ème siècle, les fleurs s’élancent des deux côtés d’une ligne continue. C’est un exemple qui nous démontre que le changement le plus léger opéré dans un principe généralement reçu, suffit pour engendrer un ordre tout nouveau de formes et d’idées. L’ornement romain lutte constamment contre cette loi fixe de l’ornement grec. À la tête du chapitre romain se trouve un bel exemple qu’on peut regarder comme le type de tous les autres ornements romains, qui allaient rarement au-delà de l’arrangement d’une volute, naissant d’une tige ajustée dans une autre et entourant une fleur. Le changement qui eut lieu pendant la période byzantine, par suite de l’abandonnement de cette loi fixe, a été tout aussi important dans ses résultats à l’égard du développement de l’ornement, que l’a été la substitution de l’arc à l’architrave droite, par les Romains, ou l’introduction du centre en ogive dans l’architecture gothique. Ces changements exercent, sur le développement d’un nouveau style d’ornement, la même influence qu’exerce la découverte d’une loi générale dans la science, ou une heureuse idée brevetée dans l’industrie, mettant en mouvement tout-à-coup, des milliers d’intelligence : empressées à examiner et à perfectionner cette première idée à peine ébauchée.

La planche XXII. est consacrée aux restes des ornements coloriés qui couvraient les monuments grecs. On y remarquera que, pour le caractère du dessin, ils ne diffèrent en rien des ornements qu’on a trouva sur les vases. C'est un fait reconnu presque universellement, que les temples en marbre blanc des grecs, étaient entièrement couverts d’ornements peints. Quels que soient les doutes qui puissent exister quant aux couleurs appliquées plus ou moins à la sculpture, il ne peut y en avoir aucun quant à leur application aux ornements des moulures. Il existe partout des traces de couleurs si prononcées, qu’en faisant un moule de ces ornements, les traces du dessin sont marquées fortement sur le plâtre. Mais quand il s’agit de dire quelles étaient les différentes couleurs, il n’y a plus la même certitude. Elles sont représentées différemment par les différentes autorités : où l’un veut voir du vert, l’autre trouve du bleu — où l’un s’imagine qu’il aperçoit de l’or, l’autre voit du brun. Il y a un point, cependant, dont nous sommes tout-à-fait certains, c’est, — que tous ces ornements des moulures étaient placés si haut au dessus du sol, et étaient d’ailleurs si petits en proportion avec la distance d’où on les voyait, qu’ils ont dû être coloriée de manière à les rendre distincts, et à en faire ressortir le dessin. C’est en considération de cela que nous avons mué suppléer la couleur aux Nos. 18, 29, 31, 32, 33, lesquels n’avaient été publiés auparavant que comme ornements en or ou en brun sur le marbre blanc.

Planche XV. Sur cette planche nous avons donné une collection des différentes variétés de la frette, ou méandre grec, depuis la simple forme productrice du No. 3, jusqu’au méandre plus compliqué du No. 15. On y verra, que la variété de l’arrangement de la forme, qu’on peut produire par l’entrelacement de lignes à angles droits, n’est que fort limitée. Nous avons d’abord, No. l, la frette ou méandre simple allant en une direction avec une seule ligne ; puis, No. 11, le double méandre, où la seconde ligne s’entrelace avec la première ; les autres sont tous formés simplement en mettant les méandres mentionnés l’un en dessous de l’autre, allant en différentes directions comme au No. 17 ; dos à dos comme aux Nos. 18 et 19 ; ou entourant des carrés, comme au No. 20. Les autres espèces ne sont que des frettes imparfaites — c’est à dire qu’elles ne forment point de méandre continu. La frette rampante est la mère de toutes les autres formes d’ornements entrelacés, employés dans les styles qui succédèrent au style grec. C’est d’elle qu’a été dérivée la frette arabe, laquelle à son tour, donna naissance à cette variété infinie d’ornements entrelacés, formés par l’intersection de lignes diagonales et équidistantes, que les Maures ont portés à une si grande perfection à l’Alhambra.


Grec

Arabe

Arabe

Mauresque

Celtique

Les entrelacs à nœuds des Celtes ne diffèrent des dessins mauresques, qu’en ce qu’ils ont une terminaison courbe, ajoutée aux lignes qui s’entrecoupent. La première idée
Grec
motrice une fois trouvée, elle donna naissance a une variété immense de formes nouvelles.

L’ornement de la corde nouée des Grecs, a probablement aussi exercé quelque influence sur la formation des entrelacs celtiques et des ornements entrelacés arabes et mauresques.

Les méandres chinois sont moins parfaits que tous ceux dont nous avons parlé. De même que les méandres grecs, ils sont formés de lignes perpendiculaires et horizontales qui s’entrecoupent, mais ils


Chinois

Chinois

Chinois

n’ont pas la même régularité ; et le méandre est plus généralement allongé dans une direction horizontale. Ils forment d’ailleurs le plus souvent des méandres brisés, c’est à dire qu’il y a la répétition constante de la même frette placée à côté l’une de l’autre, ou l’une au dessous de l’autre, sans qu’elles formant un méandre continu.

Les ornements et les frettes du Mexique, dont nous donnons ici quelques illustrations
De Yucatan.
prises de la poterie mexicaine du musée Britannique, ont une affinité remarquable avec la frette grecque ; et dans les
De Yucatan.
illustrations de l’architecture de Yucatan par M. Catherwood, nous trouvons plusieurs variétés de la même frette ; une d’entr’elles, surtout, est essentiellement grecque. Mais, en général, elles sont brisées comme les frettes chinoises ; il se trouve aussi à Yucatan une frette avec une ligne diagonale, qui a un cachet particulier.

Les ornements de la planche XVI. ont été choisis pour montrer les différentes formes de feuillage conventionnel qu’on trouve sur les vases grecs. Ils sont tous très éloignés du type naturel quel qu’il soit, et la construction en est basée sur les principes généraux qui prévalent dans toutes les plantes, en général, au lieu de tenter de représenter une plante spéciale quelconque. L’ornement No. 2 est celui qui se rapproche le plus près du chèvre-feuille — c’est à dire que les feuilles ont la tendance à se tourner en haut qui est particulière au chèvre-feuille, mais on ne saurait guère appeler cela une tentative de représenter le chèvre-feuille. Plusieurs ornements parmi ceux de la planche XVII. sont plus rapprochés de la nature : le laurier, le lierre et la vigne sont faciles à reconnaître. Les planches XVIII., XIX., XX., et XXI., représentent encore d’autres variétés d’ornements prises des bords, des goulots et des lèvres de vases qui se trouvent au musée Britannique et au Leurre. Comme ils ne sont produits que par une ou deux couleurs, tout l’effet de ces ornements dépend de la pureté de la forme : ils ont, presque tous, cela de particulier, que tous les groupes de feuilles ou de fleurs naissent d’une tige courbe ayant une volute aux deux bouts, et que toutes les lignes partent de cette tige-mère en courbes tangentes. Les feuilles individuelles rayonnent toutes du centre du groupe de feuilles, chaque feuille diminuant en proportions exquises, à mesure qu’elle approche de la source du groupe.

Si nous prenons en considération, que chaque feuille était faite par un seul coup de brosse, car les différences qu’on y remarque nous prouvent d’une manière incontestable qu’elles se faisaient sans employer aucun auxiliaire mécanique, nous ne pouvons que nous étonner de l’état d’élévation que les arts devaient avoir atteint, pour fournir en si grand nombre, des artistes capables d’exécuter avec une vérité infaillible, des œuvres que l’art des temps modernes trouve presque au-dessus de ses forces de copier d’une manière assez heureuse pour produire le même résultat satisfaisant.

ORNEMENTS PRIS DE LA POTERIE MEXICAINE QUI SE TROUVE
AU MUSÉE BRITANNIQUE.
Chapitre V. — Planches 23, 24, 25.
ORNEMENTS POMPÉIENS.
Collection de bordure de différentes maisons de Pompéï. — Zahn.

Divers pilasres et diverses frises de différentes maisons de Pompéï. — Zahn.

Collection de mosaïques de Pompéï et du Musée de Naples — D’après des esquisses de l’auteurs.

Zahn dans son magnifique ouvrage sur Pompéï a illustré avec tant de talent et d’une manière si complète les ornements de Pompéï, que nous avons cru qu’il n’était nécessaire que de lui emprunter des matériaux pour deux planches, afin d’illustrer les deux styles distincte d’ornements qui prévalaient dans les décorations des édifices de Pompéî. Les ornements de la première planche (XXIII.) qui sont évidemment d’origine grecque, ne composent d’ornements conventionnels en teintes pintes, peints en noir sur un fond clair, ou en couleur claire sur un fond sombre, mais sans ombre ni aucune tentative de relief ; les ornements de la seconde planche, (XXIV.) plus romaine de caractère, sont basés sur l’enroulement d’acanthe, et entremêlés d’ornements en imitation directe de la nature.

Nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de Zahn[4] s’il veut arriver à une appréciation complète du système de l’ornementation en usage à Pompéï, système, comme le prouvera l’examen de cet ouvrage, qui était porté aux dernières limites du caprice, à tel point qu’il n’y a pas de théorie de coloris et de décorations qui ne puisse être soutenue et défendue, en prenant Pompéï comme autorité.

L’arrangement général de la décoration sur les murs d’intérieur d’une maison pompéïenne, consistait, en un lambris feint de demi revêtement, occupant un sixième de la hauteur du mur ; sur ce lambris étaient placés de larges pilastres, ayant la moitié de la largeur du lambris, et divisant le mur en trois panneaux on plus. Une frise, qui variait en largeur et qui occupait environ le quart de la hauteur du mur à partir d’en haut, servait a réunir les
Diagramme d’un côté de mur d’une maison pompéienne.
pilastres. La partie supérieure du mur était fréquemment blanche, et subissait dans tous les cas un traitement moins sévère que la partie inférieure ; elle représentait généralement des scènes de plein air, — le fond étant occupé par ces peintures de bâtiments d’architecture fantastique qui excitèrent l’ire de Vitruvius. Dans les meilleurs exemples, il existe une gradation de couleurs a partir du plafond vers le bas, qui se termine en noir sur le lambris ; mais c’était loin d’être une loi fixe. Nous choisissons parmi les illustrations coloriées de l’ouvrage de Zahn plusieurs variétés qui prouveront que ce traitement était loin d’être le résultat d’un système : —

Lambris feints Pilastres. Panneau. Frises
Jaune Vert Rouge Noir
Rouge Rouge Noir Violet
Noir Jaune Noir Rouge
Noir Jaune Vert Vert
Bleu Jaune Vert Vert
Bleu Jaune Bleu Bleu
Noir vert Jaune et Rouge

(alternativement)
Blanc
Noir Gris Jaune et Rouge

(alternativement)
Noir
Noir Noir Vert et Rouge

(alternativement)
Blanc

L’arrangement qui produit le plus d’effet paraît être : lambris, noir ; pilastres et frises, rouges ; panneaux, jaunes, bleus ou blancs, pendant que la partie du mur au-dessus de la frise est blanche et décorée d’ornements coloriés. Le meilleur arrangement des couleurs pour les ornements du fond parait être ; sur des fonds noirs, le vert et le bleu en masses, le rouge avec sobriété, et le jaune avec plus de modération encore ; sur des fonds bleus, le blanc en lignes fines, et le jaune en masses ; sur des fonds rouges, le vert, le blanc, et le bleu, en lignes fines. Le jaune sur le rouge ne produit pas d’effet a moins qu’on ne le relève d’ombres.

On peut trouver à Pompéi presque toutes les variétés de nuances et de tons des couleurs. On s’y servait du bleu, du rouge et du jaune, non seulement en petites quantités dans les ornements, mais aussi en grandes masses, comme fonds pour les panneaux et les pilastres. Le jaune de Pompéï, cependant, approche presque de l’orange, et le rouge est fortement teint de bleu. Ce caractère neutre des couleurs permettait de les placer ainsi en juxtaposition tranchante, sans produire de discorde, — résultat auquel contribuaient les couleurs secondaires et tertiaires qui les entouraient.

Mais le stylo de la décoration pompéïenne dans son entier, est si capricieux qu’il est au-delà des limites de l’art véritable, et qu’on ne saurait le soumettre a une stricte critique. (“est un style qui plait en général, mais s’il n’est pas absolument vulgaire, il approche souvent de la vulgarité. Il doit son plus grand charme à cette exécution légère, libre, fantasque, qu’il est impossible de reproduire en dessin ; et qu’on n’a jamais pu imiter dans les tentatives faites de reproduire ce style. La raison en est évidente : Les artistes de Pompéi inventaient en dessinant ; chaque touche de leur pinceau représentait une intention qu’aucun copiste ne peut saisir.

La restauration, par M. Digby Wyatt, d’une maison pompéienne au palais de cristal, Sydenham, tout admirable et toute fidèle qu’elle est sous tous les autres rapports, a échoué sur ce point ; personne, cependant, n’aurait pu déployer de plus grandes connaissances, une expérience plus étendue, un zèle plus ardent que le Signor Abbate, qui a tout fait pour atteindre à la réalisation de cette exactitude fidèle des décorations, à laquelle on désirait tant arriver. La raison pour laquelle il n’a pas réussi complétement, c’est que ses peintures sont trop bien exécutées en même temps qu’elles ne sont pas assez individuelles.

Les ornements de la planche XXIII. qui décèlent évidemment le cachet grec, forment généralement les bordures des panneaux ; ils sont exécutés avec des patrons. Comparée aux modèles grecs, ils présentent une pauvreté de caractère qui montre une infériorité marquée ; on n’y trouve plus cette radiation parfaite des lignes, de la tige mère, ni cette parfaite distribution des masses, ni ces aires si bien proportionnées. Leur charme consiste dans le contraste agréable des couleurs, qui ressort encore davantage lorsque l’ornement peint est entouré d’autres couleurs in situ.

Les ornements pris de pilastres et de frises, de la planche XXIV., d’après le type romain, sont ombres, pour leur donner la rotondité nécessaire, mais pas assez pour les détacher du fond. Sous ce rapport les artistes pompéiens montraient du discernement à ne pas dépasser les limites (lu traitement en rond du : ornements, discrétion qui a été entièrement négligée dans les époques suivantes Nous avons ici l’enroulement des feuilles d’acanthe, formant le fond sur lequel étaient greffées des représentations de feuilles et de fleurs entrelacées d’animaux, précisément semblables aux restes trouvés dans les bains romains, et qui, du temps de Raphaël, devinrent la base des ornements italiens.

Nous avons rassemblés sur la planche XXV. toutes les forma ; du pavé mosaïque, pavé qui jouait un si grand rôle dans les maisons des Romains, partout ou s’étendait leur domination. Dans la tentative de produire des reliefs, dont il y a plusieurs exemples sur cette planche, nous avons la preuve que les Romains n’avaient plus le goût aussi raffiné que l’était celui des Grecs, leurs maitres dans l’art. Les bordures formées par une répétition d’hexagones, en haut et des deux côtés de cette planche, sont les types d’où l’on peut directement tracer toute l’immense variété des mosaïques byzantines, arabes, et mauresques.

Fragment en marbre blanc du palais Mattei, Rome. — L. Vulliamy.[5]
Chapitre VI. — Planches 26, 27.
ORNEMENTS ROMAINS.
1, 2. 
Fragments du Forum de Trajan, Rome.
3. 
Pilastres de la villa Medicis, Rome.
4. 
Pilastre de la villa Medicis. Rome.
5, 6. 
Fragments de la villa Medicis, Rome.

Les Nos. 1 — 5 sont pris de plâtres qui sont au palais de Cristal ; le No. 6 est pris d’un plâtre qui se trouve dans la collection du musée de South Kensington.


1-3. 
Fragments de la frise du temple Romain à Brescia.
4. 
Fragment des soffites des architraves du temple Romain à Brescia.
5. 
Fragment des soffites des architraves du temple Romain à Brescia.
6. 
Pris de la frise de l’arc des Orfèvres, Rome.

Les Nos. 1 — 4 sont pris du musée Brescian[6] ; le No. 5 est pris de l’ouvrage sur Rome par MM.  Taylor et Cresy.


ORNEMENTS ROMAINS.

La véritable grandeur des Romains se voit plutôt dans leurs palais, leurs bains, leurs théâtres, leurs aqueducs et autres ouvrages d’utilité publique, que dans leurs temples, dont l’architecture empreinte de l’expression d’une religion empruntée aux Grecs, en laquelle ils avaient probablement peu de foi, trahit un manque correspondant de zèle et de culte pour les arts.

Dans les temples Grecs, il est évident que le but de l’architecte était d’arriver à une perfection digne des dieux. Dans ceux des Romains, on n’a eu pour but qu’une glorification personnelle. Depuis la base de la colonne jusqu’au sommet du fronton, toutes les parties sont surchargées d’ornements, qui tendent plutôt à éblouir par leur surabondance, qu’à exciter l’admiration par la qualité de l’ouvrage. Les temples grecs qui sont peints, sont décorés d’autant d’ornements que ceux des Romains, mais avec un résultat bien différent, car les ornements sont arrangés de manière à jeter un coloris délicat sur toute la structure, sans nuire en rien à l’effet des surfaces admirablement dessinées qui les reçoivent.

Les Romains cessèrent d’apprécier à leur juste valeur les proportions générales de la structure et des contours des moulures, lesquels étaient entièrement détruits par le modelé excessif des ornements sculptés dont ils étaient décorés, ornements qui, au lieu de naître naturellement des surfaces, y étaient appliqués. Les feuilles d’acanthe sous les modillons et celles autour de la campane des chapiteaux corinthiens, sont placées l’une devant l’autre de la manière la plus inartistique. Elles ne sont même pas liées ensemble par le gorgerin au sommet du fût, mais s’y appuient simplement ; tandisque dans le chapiteau égyptien, les tiges des fleurs autour de la campane, se continuent à travers le gorgerin, et représentent un type de beauté en même temps qu’elles expriment une vérité.

La malheureuse facilité, que donne le système romain de décoration à fabriquer des ornements, en se servant de la feuille d’acanthe sous toutes les formes et dans toutes les directions, est la cause principale de l’invasion de ce genre d’ornements dans la plupart des constructions modernes. Il exige de l’artiste, si peu de pensées, il est de sa nature si complétement un produit de manufacture, qu’il a entraîné les architectes à négliger une spécialité, qui est de leur ressort, et à abandonner la décoration intérieure des bâtiments aux mains de personnes les plus inaptes à les remplacer.

Dans l’usage qu’ils faisaient de la feuille d’acanthe, les Romains ne montraient que peu d’art. Ils l’avaient reçue des Grecs représentée d’une manière conventionnelle et admirable ; ils approchèrent bien davantage des contours généraux, mais ils portèrent à l’exagération, les décorations de surface. Les Grecs se limitaient à exprimer le principe de la feuillaison de la feuille, et donnaient tous leurs soins aux ondulations délicates de la surface.

L’ornement gravé en tête de ce chapitre est typique de tous les ornements romains, qui consistent universellement en une volute s’élançant d’une autre volute, entourant une fleur ou un groupe de feuilles. Cet exemple cependant, est construit d’après les principes grecs, sans en posséder, néanmoins, le raffinement. Dans les ornements grecs, les volutes naissent de la même manière l’une de l’autre, mais elles sont beaucoup plus délicates au point de jonction. On y voit aussi la feuille d’acanthe, en élévation de côté, pour ainsi dire. La méthode purement romaine de traiter la feuille d’acanthe se voit dans les chapiteaux corinthiens, et dans les exemples reproduits sur les planches XXVI. et XXVII. Les feuilles sont aplaties en dehors, et elles sont placées l’une sur l’autre comme sur la gravure ci-dessous.


Fragment de la frise de temple du Soleil, palais Colonna, Rome. — L. Vulliamy.

Nous avons placé en juxtaposition les divers chapiteaux gravés d’après l’ouvrage de MM. Taylor et Cresy, pour montrer le peu de variété que les Romains pouvaient produire en s’en tenant toujours à cette application de l’acanthe. La seule différence qui existe, se trouve dans la proportion de la forme générale de la masse ; proportion dont le déclin est marqué visiblement à partir du chapiteau de la colonne du temple de Jupiter Stator. Quelle différence avec l’immense variété des chapiteaux égyptiens, variété qui provient de la modification du plan général du chapiteau ; l’introduction même de la volute ionique dans l’ordre composite n’y ajoute aucune beauté, mais en augmente plutôt la difformité !

Les pilastres de la villa Médicis, Nos. 3 et 4 de la planche XXVI., et le fragment No. 5, sont des spécimens de l’ornement romain, aussi parfaits qu’il est possible d’en trouver. Comme spécimens de modelé et de dessin, ils ont droit à notre admiration, mais comme accessoires ornementaux destinés à rehausser le caractère architectural d’un bâtiment, ils péchent, à cause de leur relief excessif et du traitement élaboré de la surface, contre la loi du premier principe : — l’adaptation au but qu’ils ont à remplir.

La variété de compositions qu’on peut obtenir en suivant le principe de faire naître une feuille d’une autre feuille et de les placer l’une
Pris de l’abbaye de St. Denis, Paris.
sur l’autre, est très limitée, et ce ne fut qu’après avoir abandonné le principe d’une feuille s’élançant d’une autre en une ligne continue, pour adopter celui d’une tige continue d’où s’élancent des ornements des deux côtés, que le pur ornement conventionnel prit du développement. Les plus anciens exemples de ce changement se trouvent dans les décorations de Ste. Sophie à Constantinople ; et nous reproduisons ci-contre un exemple pris de St, Denis, dans lequel quoique le bombement à la tige et la feuille tournée en arrière à la jonction de deux tiges, aient entièrement disparu, la tige continue n’est pas encore entièrement développée, comme on le voit dans la bordure étroite du haut et du bas. Ce principe est très généralement suivi dans les manuscripts enluminés du onzième, du douzième et du treizième siècle, et c’est la base du feuillage du style ogival du 13ème siècle.

Les fragments reproduits sur la planche XXVII., pris du musée Brescian, sont plus élégants que ceux de la villa Médicis ; les feuilles y sont plus vivement accentuées et traitées d’une manière plus conventionnelle. La frise de l’arc des Orfèvres péche, au contraire, par la cause inverse.

Nous n’avons pas cru qu’il fût nécessaire de donner dans cette série un exemple des décorations peintes des Romains, dont il existe des restes dans les bains romains. Nous n’avions pas à notre disposition des matériaux d’une source authentique ; et de plus, elles ressemblent tellement à celles de Pompéï, et montrent plutôt ce qu’on doit éviter que ce qu’on doit suivre, que nous avons cru qu’il serait suffisant de reproduire les deux sujets du forum de Trajan, dont les figures terminées en rinceaux, peuvent être considérées comme la fondation du cachet qui est le caractère proéminent de leurs décorations peintes.


Temple de Jupiter Stator, Rome.

Temple de Vesta, Rome.

Arc de Constantin, Rome.

Arc de Trajan, Ancones.

Arc de Titus, Rome.

Temple de Mars Victor, Rome.

Panthéon, Rome.

Panthéon, Rome.

Intérieur du Panthéon, Rome.

Arc de Septime Sévère, Rome.
Chapiteaux corinthiens et composites sur une échelle réduite, d’après l’ouvrage de MM. Taylor et Cresy.[7]
Chapitre VII. — Planches 28, 29, 29*, 30.
ORNEMENTS BYZANTINS.
1, 2, 3. 
Ornements sculptés sur pierre, Ste. Sophie, Constantinople, 6ème siècle. — Salzenberg, Alt. Christliche Baudenkmals, Constantinopel.
4, 5. 
Pris des portes en bronze de Ste. Sophie. — Salzenberg.
6, 7. 
Parties d’un diptyque en ivoire, cathédrale de Beauvais ; ouvrage appartenant, selon les apparences, à la période anglo-saxonne du 11ème siècle. — Villemin, Monuments Français inédits.
8. 
Partie d’une porte en bronze, basilique de la Nativité, Bethlehem. 3ème ou 4ème siècle. — Gailhabaud, L’Architecture et les arts qui en dépendent.
91-3. 
Sculptures sur pierre de St. Marc, Venise. 11ème siècle. — J. B. W., pris de plâtres qui se trouvent à Sydenham.
14-16. 
Partie d’un chapiteau de l’église St. Michel, Schwäbisch Hall. 12ème siècle. — Heideloff, Ornamentik des Mittelalters.
17. 
Pris d’une porte, conservée au monastère de Murrhard. — Heideloff.
18. 
Composition de bosses, de St. Sebald, Nuremberg, et de l’église de Nossen, Saxe. — Heideloff.
19, 20. 
Frises de l’église de St. Jean, Gmund, Souabe. — Heideloff.
21. 
Sculpture romane en bois et en ivoire, de la collection de Herr Leven, Cologne. — Heideloff.
22. 
Pris de la porte principale en bronze, Monreale, près de Palerme. — J. B. W.
23. 
Pris de la porte en bronze du duomo, Ravello, près d’Amalfi. — J. B. W.
11ème et
12ème siècle.
24, 25. 
Pris de la porte en bronze du duomo, Trani. 12ème siècle. — Barras et Luynes, Recherches sur les Monuments des Normands en Sicile.
26. 
Sculpture sur pierre prise du petit cloître, monastère de Huelgas, près de Burgos, Espagne. 12ème siècle. — J. B. W.
27. 
Pris du porche de la cathédrale de Lucques. Circa 1204 — J. B. W.
28. 
Pris du porche de St. Denis près de Paris. 12ème siècle. — J. B. W.
29. 
Pris des cloîtres de St. Ambroise, Milan. — J. B. W.
30. 
Pris de la chapelle de Heilsbronn, Bavière. — Heideloff
31. 
Pris de St. Denis. — J. B. W.
32. 
Pris de la cathédrale de Bayeux. 12ème siècle. — Pugin, Antiquities of Normandy.
33. 
Pris de S. Denis. — J. B. W.
34. 
Cathédrale de Bayeux. — Pugin.
35. 
Pris du porche de la cathédrale de Lincoln. Fin du 12ème siècle. — J. B. W.
36. 
Pris du porche de Kilpeck, comté de Hereford. 12ème siècle. — J. B. W.

1-6. 
Mosaïques prises de Ste. Sophie, Constantinople, 6ème siècle. — Salzenberg, Alt. Christliche Baudenkmals, Constantinopel.
7. 
Pavé en marbre, Agios Pantokrator, Constantinople. Première moitié du 12ème siècle. — Salzenberg
8, 9. 
Pavé en marbre, Ste. Sophie. — Salzenberg
10, 11. 
Mosaïques, Ste. Sophie. — Salzenberg
12-15. 
Pris de manuscripts grecs enluminés, musée Britannique. — J. B. W.
16, 17. 
Bordures prises de manuscripts grecs enluminés. — Champollion Figeac, Palœographie universelle.
18. 
Pris de St. Marc, Venise. — Digby Wyatt, Mosaics of the Middle Ages.

19. 
Pris d’un manuscript grec, musée Britannique. — J. B. W.
000 
La bordure en dessous est de Monreale. — Digby Wyatt’s Mosaice.
20. 
Pris des homélies de Grégoire Nazianzen. 12ème siècle. — Champollion Figeac
21, 22. 
Pris d’un manuscript grec, musée Britannique. — J. B. W.
23. 
Pris des Actes des Apôtres, manuscript grec, bibliothèque du Vatican, Rome. — Digby Wyatt’s
24. 
St. Marc, Venise. — Digby Wyatt’s
25. 
Partie d’un diptyque grec. 10ème siècle. Florence. — J. B. W. (On croit que les fleurs-de-lys sont d’un travail plus récent.)
26. 
Email du 13ème siècle (Français). — Villemin, Monuments Français inédits.
27. 
Pris d’un coffret émaillé (le centre est pris de la statue de Jean, fils de St. Louis). — Du Sommerard, Les Arts du Moyen-âge.
28. 
Pris du tombeau émaillé de Jean, fils de St. Louis. 1247. — Villemin
29. 
Émail de Limoges, probablement de la fin du 12ème siècle. — Villemin
30. 
Partie d’un pavé en mastique, 12ème siècle, conservé à St. Denis, près de Paris. — Villemin

1, 2 
Mosaïques (opus Grecanicum) de la cathédrale de Monreale, près de Palerme ; fin du 12ème siècle. — J. B. W.
3. 
Mosaïques de l’église d’Ara Coeli, Rome. — J. B. W.
4, 5. 
Cathédrale de Monreale. — J. B. W.
6. 
Pavé en marbre, St. Marc, Venise. — J. B. W.
7-10. 
Pris de San Lorenzo Fuori, Rome ; fin du 12*ше siècle. — J. B. W.
11. 
San Lorenzo Fuori, Rome. — J. B. W.
12. 
Ara Coeli, Rome. — J. B. W.
13. 
Pavé en marbre, St. Marc, Venise. — J. B. W.
14. 
San Lorenzo Fuori, Rome. — Architectural Art in Italy and Spain by Waring and MacQuoid
15, 16. 
Païenne. — Digby Wyatt’s Mosaics of the Middle Ages.
17. 
Pris de la cathédrale de Monreale. — J. B. W.
18. 
Pris d’Ara Coeli, Rome. — J. B. W.
19. 
Pavé en marbre, S. M. Maggiore, Rome. — Hessemer, Arabische und alt Italiänische Bau Verzierungen.
20. 
Pavé en marbre, St. Vital, Ravenne. — Hessemer.
21. 
Pavé en marbre, S. M. eu Cosmedin, Rome. — Hessemer.
22, 23. 
Mosaïque, St. Marc, Venise. — Specimens of the Mosaics of the Middle Ages, Digby Wyatt’s
24. 
Baptistère de St. Marc, Venise. — Waring and MacQuoid
25. 
San Giovanni Latermo, Rome
26. 
Le duomo, Civita Castellana
Digby Wyatt’s Mosaics of the Middle Ages.
27. 
Ara Coeli, Rome. — J. B. W.
28. 
San Lorenzo, Rome.
29. 
Ara Coeli, Rome.
30. 
San Lorenzo, Rome.
Architectural Art in Italy and Spain. — Waring and MacQuoid
31. 
San Lorenzo Fuori, Rome. — J. B. W.
32. 
San Giovanni Latermo, Rome. — Digby Wyatt’s Mosaics of the Middle Ages.
33-35. 
Cathédrale de Monreale. — J. B. W.
36-38. 
Pavé en marbre, S. M. Maggiore, Rome. — Hessemer
39. 
St. Marc, Venise. — Mosaics of the Middle Ages. Digby Wyatt’s
40. 
Pris du baptistère, St. Marc, Venise. — J. B. W.
41. 
Pris de S. Marc, Venise. — Architectural Art in Italy and Spain.
42. 
Pris du duomo, Monreale. — J. B. W.
ORNEMENTS BYZANTINS.

Le vague avec lequel les auteurs, qui ont écrit sur les arts, ont traité l’architecture byzantine et l’architecture romane, — cela même dans ces dernières années, — s’est étendu aussi aux décorations concomitantes de ces styles d’architecture. Ce vague provient principalement du manque d’exemples aux quels l’écrivain pouvait avoir recours ; et ce n’a été qu’après la publication du grand ouvrage de Herr Salzenberg sur Ste. Sophie, Constantinople, que nous avons pu former une idée complète et arrêtée, de ce qui constituait le pur ornement byzantin. L’église de St. Vital à Ravenne, quoiqu’elle soit d’un style entièrement byzantin, quant à l’architecture, ne nous donne qu’une idée bien incomplète de l’ornementation byzantine ; St. Marc, à Venise, ne représente qu’une phase de l’école byzantine, et la cathédrale de Monreale et les autres exemples du même style, qui se trouvent en Sicile, ne servent qu’à nous montrer l’influence de l’art byzantin pur, mais c’est à peine s’ils en illustrent la vraie nature. Pour connaître à fond et comprendre parfaitement le style byzantin, nous avions besoin de ce dont les ravages du temps et le badigeonnage des Mahométans nous avaient privés, savoir, d’un édifice byzantin sur une grande échelle, exécuté pendant la meilleure période de l’époque byzantine. Cette source d’informations inappréciables nous a été ouverte, grace à l’esprit éclairé du Sultan et à la libéralité du gouvernement prussien, lequel l’a fait connaître au monde, par la publication du bel ouvrage de Herr Salzenberg sur les églises et les édifices de l’ancienne Byzance ; ouvrage que nous recommandons à tous ceux, qui désirent avoir une idée graphique de ce qu’était vraiment l’art décoratif byzantin.

Il n’y a probablement aucune branche de l’art, à laquelle on puisse appliquer plus, à propos la remarque, ex nihilo nihil fit, qu’à l’art décoratif. Ainsi, nous trouvons que les particularités caractéristiques du style byzantin, proviennent de la combinaison de diverses écoles ; et nous allons indiquer brièvement les causes premières, qui ont servi à former ce style.

Au commencement du quatrième siècle, même avant le transfer du siège de l’empire romain de Rome à Byzance, nous voyons tous les arts, soit dans une période de décadence soit à l’état de transformation. Il est certain, que Rome a communiqué son style particulier de l’art, aux nombreux peuples étrangers placés sous sa domination, mais il n’est pas moins certain, que l’art hybride de ses provinces a réagi puissamment sur le centre de la civilisation ; et même à la fin du troisième siècle, celui-ci avait déjà matériellement affecté le style fastueux de décorations, qui caractérisait les bains magnifiques et les autres édifices publics de Rome. La nécessité où se trouva Constantin, nouvellement établi à Byzance, d’employer des artistes et des ouvriers orientaux, produisit un changement plus vital et plus marqué dans le style traditionnel romain ; et il ne peut guère y avoir de doute, que chaque nation voisine n’ait fourni son contingent à la formation de l’école nouvelle, selon son état de civilisation et ses connaissances de l’art, jusqu’à ce qu’enfin cette masse composée d’éléments hétérogènes, finit par se fondre en un ensemble systématique, pendant le règne long et prospère, pour les arts, du premier Justinien.


a

c

b

Nous ne pouvons manquer d’être frappés de l’influence importante, que ce résultat exerça, pendant la domination des César, dans la construction des grands temples et des théâtres de l’Asie Mineure, dans lesquels nous voyons déjà une tendance à employer les lignes courbes elliptiques, les feuilles aux pointes aiguës, et le feuillage léger et continu sans la boule bourgeonnante et la fleur, — traits caractéristiques de l’ornement byzantin. On voit sur la frise du théâtre à Patara (a), et sur le temple de Vénus à Aphrodisias (Carie), un feuillage coulant, tel que celui auquel nous avons fait allusion. Sur le portique du temple élevé à Ancyre (b) par les chefs indigènes de la Galatie, en l’honneur d’Auguste, se trouve un type encore plus caractéristique ; et le chapiteau du pilastre d’un petit temple à Patara (c), appartenant selon Texier au premier siècle de l’ère chrétienne, est presque identique à un chapiteau dessiné par Salzenberg à Smirne (d), lequel doit remonter, selon lui, à la première partie du règne de Justinien, ou environ l’an 525.

Faute de dates authentiques, nous ne pouvons arriver à une décision satisfaisante, quant à l’in fluence que la Perse a exercée sur le style byzantin, mais il est certain, que Byzance employait en grand nombre les ouvriers et les artistes persans. Dans les monuments remarquables à Tak-i-Bostan, à Bi-Sutoun et à Tak-i-Ghero, et dans plusieurs anciens chapiteaux à Ispahan, que reproduisent Flandin et Coste dans leur grand ouvrage sur la Perse, nous sommes, à première vue, frappés de leur caractère entièrement byzantin ; mais nous sommes portés à croire, qu’ils sont postérieurs, ou tout au plus contemporains, à la meilleure période de l’art byzantin, c’est-à-dire à celle du sixième siècle. Quoi qu’il en soit, nous trouvons les formes d’une période encore plus ancienne, reproduites à une époque aussi récente que l’an 363 ; et dans la colonne de Jovian à Ancyre (e), élevée pendant ou peu après sa retraite de la Perse, avec l’armée de Julien, nous reconnaissons l’application d’une des formes ornementales les plus générales de l’ancienne Persépolis. On trouve aussi à Persépolis, les feuilles pointues et canelées, si caractéristiques du travail byzantin, comme on peut le voir dans l’exemple ci-contre pris de Ste. Sophie (f) ; et à une période plus récente, pendant la domination des César, nous trouvons dans l’architecture du temple dorique de Kangovar (g), des moulures, dont les contours sont précisément semblables à ceux que le style byzantin affectionnait le plus.

S’il est intéressant et instructif de tracer l’origine de ces formes du style byzantin, il ne l’est pas moins d’en marquer la transmission, en même temps que celle des autres formes, à des époques plus récentes. Ainsi le No. 1, planche XXVIII. reproduit la feuille particulière, telle qu’elle est donnée par Texier et Salzenberg, qui reparait dans Ste. Sophie ; et le No. 3, planche XXVIII. nous représente la croix foliée de St. André dans un cercle, si généralement employée dans l’ornementation romane et dans l’ornementation gothique. Sur la même frise se trouve un dessin (Allemagne) qui diffère bien légèrement du No. 17. La branche courbe et foliée du No. 4 — sixième siècle, Ste. Sophie — se trouve reproduite avec une légère variation, au No. 11 — onzième siècle, St. Marc. La dentelure des feuilles du No. 19 — Allemagne — est presque identique à celle du No. 1 — Ste. Sophie ; et tous les exemples de l’avant dernière rangée de la planche XXVIII. représentant des sujets pris de l’Allemagne, de l’Italie, et de l’Espagne, décèlent une ressemblance générique, fondée sur le type byzantin.

La dernière rangée d’objets sur cette planche, présente plus spécialement, des illustrations du style roman, et les Nos. 27 et 36 représentent l’ornement entrelacé si fort en faveur chez les nations du nord, et qui est principalement basé sur un type indigène ; tandis que le No. 35 pris de St. Denis, nous fournit un exemple, entre mille, de la reproduction de modèles romains, dont le type qu’on retrouve généralement employé dans le style roman, se trouve sur la colonne romaine à Cassy, entre Dijon et Chalons-sur-Marne.

Nous voyons donc que Rome, la Syrie, la Perse, et d’autres pays, prirent tous part à la formation du style de l’art byzantin et de ses décorations concomitantes, lequel, tout complet qu’il était du temps de Justinien, réagit dans sa forme nouvelle et systématisée sur la partie occidentale du monde connu alors, subissant dans son cours certains changements ; changements qui, provenant de l’état de la religion, de l’art et des mœurs des pays où l’art byzantin fut introduit, lui donnèrent un caractère spécifique, et produisirent, dans certains cas, des styles d’ornements co-relatifs et cependant distincts, comme on le voit dans les écoles celtique, anglo-saxonne, lombarde et arabe. Sans nous occuper de la question de savoir jusqu’à quel point, les ouvriers et les artistes byzantins ont été employés en Europe, nous ne saurions entretenir le moindre doute, que le caractère de l’école d’ornementation byzantine, ne soit très fortement empreint sur tous les premiers ouvrages de la partie centrale et même de la partie occidentale de l’Europe, ouvrages qui sont rangés sous le nom générique de roman.

Le pur ornement byzantin se fait remarquer par des feuilles pointues à dentelures larges, qui en sculpture sont coupées de biais aux extrémités, profondément cannelées et perforées de trous profonds aux différents points de naissance de la dentelure ; le feuillage est généralement maigre et continu, comme dans les Nos. 1, 14, de la planche XXIX. et le No. 20 de la planche XXIX*. Le fond, soit de mosaïque ou d’ouvrage peint, est presque toujours couleur d’or ; et on préfère les patrons légers entrelacés, aux dessins géométriques. L’introduction de figures d’animaux ou autres, est très limitée en sculpture ; et lorsqu’elles sont coloriées, elles sont principalement employées dans les sujets sacrés, d’un style raide et conventionnel, ne montrant que peu de variété et de sentiment ; la sculpture elle-même est d’une importance toute secondaire.

L’ornement roman, au contraire, dépendait principalement de la sculpture, pour les effets : il est riche en lumière et en ombre, en profondes incisions, en projections massives, et enfin en un mélange varié de figures de tout genre, de feuillages et d’ornements conventionnels. La peinture supplée généralement à la mosaïque ; et dans les ornements coloriés, on emploie les reproductions d’animaux aussi librement que dans la sculpture, vide le No. 26 de la planche XXIX* ; mais le fond n’est plus toujours couleur d’or, il est tantôt bleu, tantôt rouge ou vert, comme dans les Nos. 26, 28, 29, de la planche XXIX*. Sous les autres rapports, si nous prenons en considération les différences locales, nous voyons que le style roman conserve beaucoup le caractère byzantin ; et dans le cas particulier des vitraux peints, par exemple, il a transmis ce caractère aux ouvrages du milieu et même de la fin du treizième siècle.

Les ouvrages mosaïques de dessins géométriques appartiennent spécialement à la période romane, surtout en Italie ; on en trouvera de nombreux exemples à la planche XXX. Cet art florissait principalement pendant le douzième et le treizième siècle ; il consiste dans l’arrangement de petits morceaux de verre, en forme de losanges, dans une série compliquée de lignes diagonales, dont la direction est de temps à autre arrêtée ou définie par le moyen de couleurs différentes. Les exemples pris de l’Italie centrale, tels que ceux que reproduisent les Nos. 7, 9, 11, 27, 31, sont beaucoup plus simples que ceux des provinces méridionales et de la Sicile, où les artistes sarasins introduisirent leur amour inné pour les dessins compliqués, dont les Nos. 1, 5, 33, reproduisent des exemples ordinaires, pris de Monreale, près de Païenne. Nous devons faire remarquer qu’il existait en Sicile, à la même époque, deux styles distincts de dessin : l’un, dont vous venons de parler, qui se compose d’entrelacements diagonaux et qui est éminemment d’une origine mauresque, comme on peut le voir en examinant la planche XXXIX. ; l’autre qui consiste en courbes entrelacées, telles que nous présentent les illustrations, Nos. 33, 34, 35, prises aussi de Monreale, dans lesquelles nous pouvons reconnaître, si non la main, du moins l’influence des artistes byzantins. Les Nos. 22, 24, 39, 40, 41, sont d’un caractère tout à fait différent, tout en appartenant à la même époque ; ils servent d’exemples du style vénéto-byzantin, dont l’influence était peu étendue, étant presque un style local et particulier dans son caractère ; quelques unes des illustrations appartiennent cependant plus spécialement à l’école byzantine, telles que celles du No. 23, cercles entrelacés, et des Nos. 3, 10, et 11, planche XXIX., reproduisant l’ornement qu’on trouve si généralement à Ste. Sophie, dans la décoration des marches.,

L’opus Alexandrinum, ou ouvrage de mosaïques en marbre, se distingue principalement de lopus Grecanicum, ou ouvrage de mosaïques en verre, par la différence de la nature des substances, mais quant au principe (celui du dessin géométrique compliqué) c’est toujours le même. Les pavés des églises dans le style roman, en Italie, abondent en exemples de ce genre d’ornement, dont la tradition a été transmise à la postérité depuis le siècle d’Auguste. Les Nos. 19, 21, 36, 37, et 38, donnent une bonne idée de la nature de cet ornement.

Les styles locaux, d’après le système de marqueterie en marbre, existaient dans plusieurs parties de l’Italie pendant la période romane, et ils ont peu de ressemblance avec les modèles romains ou byzantins ; tel est le No. 20, pris de St. Vital, Ravenne, et tels sont les pavés du Baptistère et de San Miniato, Florence, du onzième siècle, du douzième et du treizième, dans lesquels l’effet désiré n’est produit qu’à l’aide du marbre noir et du marbre blanc ; à ces exceptions près, et excepté aussi les ornements produits par l’influence mauresque dans le sud de l’Italie, on trouve que les principes des ornements de marqueterie en verre et en marbre de l’ancienne Rome, ont été suivis dans les ouvrages du même genre, exécutés dans toutes les provinces soumises à la domination romaine ; principalement dans les diverses mosaïques découvertes à Pompéï, qui en sont des exemples frappants, vide planche XXV.

Tout importante qu’a été l’influence que l’art byzantin a exercée en Europe, du sixième jusqu’au onzième siècle, et même jusqu’à une époque plus rapprochée, il n’y a aucun peuple chez lequel cette influence se soit fait plus sentir que parmi la grande race arabe, qui a propagé la croyance de Mahomet, conquis les plus beaux pays de l’Orient, et qui a même réussi à s’établir en Europe. L’influence du style byzantin se fait fort++ement remarquer dans les premiers édifices, que les Arabes construisirent au Caire, à Alexandrie, à Jérusalem, à Cordoue, et en Sicile. Les traditions de l’école byzantine affectèrent plus ou moins tous les pays voisins ; en Grèce elles restèrent les mêmes sans subir presque aucune modification, jusqu’à une période très rapprochée de nous, et ce sont ces traditions qui ont servi, en grande partie, à former la base de tous les arts décoratifs, en Orient et dans l’Europe orientale.

J. B. WARING.
Septembre 1856.

** Pour plus amples informations sur ce sujet, nous renvoyons le lecteur au Guide de la cour byzantine et de la cour romane, Sydenham. — Wyatt et Wakinq.


OUTRAGES AUXQUELS ON A EU RECOURS POUR LES ILLUSTRATIONS.
Salzenberg.Alt Christliche Baudenkmale von Constantinopel.
Flandin et Coste. Voyage en Perse.
Texier. Description de l’Arménie, de la Perse, éc.
Heideloff. Die Ornamentik des Mittelalters.
Kreutz. La Basilica di San Marco.
Gailhabaüd. L’Architecture et les Arts qui en dépendent.
Du Sommerabd. Les Arts du Moyen Age.
Bahras et Luynes (Duc de). Recherches sur les Monuments des Normands en Sicile.
Champollion Figeac. Paléographie Universelle.
Villemin.’Monuments Français inédits.
Hessemer. Arabische und alt Italiänische Bau Verzierungen.
Digby Wyatt. Geometrical Mosaics of the Middle Ages.
Waring and MacQuoid. Architectural Art in Italy and Spain.
Waring. Architectural Studies at Burgos and its Neighbourhood.
Chapitre VIII. — Planches 31, 32, 33, 34, 35.
ORNEMENTS ARABES.
DU CAIRE.

Cette planche consiste en architraves et en intrados ornés, pris des fenêtres de l’intérieur de la mosquée de Tooloon, Caire. Les ornements sont exécutés en plâtre, et presque chaque fenêtre est d’un dessin différent. Les principaux arcs du bâtiment sont décorés de la même manière ; mais il ne reste actuellement qu’un seul fragment d’un des intrados assezgrand pour indiquer le dessin. Ce fragment se trouve reproduit à la planche XXXIII, No. 14.

Les Nos. 1-14, 27, 29, 34-39, sont des dessins des architraves autour des fenêtres. Les autres dessins sont pris des intrados et des jambages.

La mosquée de Tooloon a été fondée en 876-7, et ces ornements datent assurément de cette époque. Cette mosquée est le bâtiment arabe le plus ancien qu’il y ait au Caire, et possède un intcrêt tout particulier en ce qu’elle présente l’exemple le plus ancien que nous connaissions du centre en ogive.


1-7. 
Pris du parapet de la mosquée du Sultan, Kalaoon.
9-10. 
Ornements autour des arcs de la mosquée En Nasireeyeh.
11-13. 
Ornements autour des architraves courbes de la mosquée du Sultan, Kalaoon.
14. 
L’intrados d’un des principaux arcs de la mosquée de Tooloon.
15-21. 
Ornements de la mosquée de Kalaoon.
22. 
Cordon en saillie, pris d’une chaire en bois.
23-25. 
Pris de la mosquée de Kalaoon.

La mosquée de Kalaoon a été fondée en 1284-5. Tous les ornements sont exécutés en plâtre, et ont été découpés dans le stuc pendant qu’il était encore humide. Il y a trop de variétés dans les dessins et même trop de disparités dans les parties correspondantes du même dessin, pour que l’on puisse supposer que ces ornements aient été frappés ou coulés au moule.


1-7. 
Pris du parapet de la mosquée du Sultan, Kalaoon.
8-10. 
Architraves courbes de la même mosquée.
12. 
Intrados d’arc, mosquée En Nasireeyeh.
13. 
Pris d’une porte de la mosquée El Barkookeyeh.
14. 
Architraves de bois, mosquée En Nasireeyeh.
15. 
Intrados de fenêtre de la mosquée de Kalaoon.
16, 17. 
Architrave de bois.
18. 
Frise autour d’une tombe, mosquée En Nasireeyeh.
19. 
Architrave de bois.
20-23. 
Ornements pris de différentes mosquées.

Ces dessins ont été pris d’un exemplaire superbe du Coran, qui se trouve à la mosquée El Barkookeyeh, fondée en 1384.


Consiste en différentes mosaïques prises de pavés et de murs de maisons particulières et de mosquées du Caire.

Ces mosaïques sont exécutées en marbre blanc et noir, combiné avec des tuiles rouges.

Les Nos. 14-16 sont des dessins gravés dans les dalles de marbre blanc, et remplis de ciment rouge et noir. L’ornement sur marbre blanc reproduit au centre du No. 21 est légèrement en relief.

Pour les matériaux de ces cinq planches, nous sommes redevables à l’obligeance de M. James William Wild, qui a passé au Caire un temps considérable à étudier la décoration de l’intérieur des maisons arabes ; et ces spécimens peuvent être regardés comme des copies fidèles des ornements arabes du Caire.

ORNEMENTS ARABES.

Lorsque la religion de Mahomet commença à se répandre à l’Orient avec une rapidité étonnante, les besoins toujours croissants de la nouvelle civilisation, donnèrent lieu à la formation d’un nouveau style d’art ; et quoique les premiers édifices des Mahométans ne fussent que des bâtiments romains Tympan d’un arc de Ste. Sophie, Salzenberg.


Tympan d’un arc de Ste. Sophie, Salzenberg.

ou byzantins adaptés à leur usage, ou des édifices construits sur les ruines de ces bâtiments avec les mêmes, matériaux qui avaient été employés, dans l’origine, à leur construction, il n’en est pas moins certain, que les nouveaux besoins auxquels nécessaire d’exprimer, ont dû imprimer, dès la première époque, un cachet tout particulier à leur architecture.

Ils construisaient leurs édifices, en partie, de vieux matériaux, et ils cherchaient à imiter dans les nouvelles parties de la construction, les détails empruntés aux anciens bâtiments. Le résultat fut le même, qui avait eu lieu auparavant déja, dans la transformation du style romain en style byzantin : les imitations étaient mal ébauchées et imparfaites. Mais cette imperfection même donna naissance à un nouvel ordre d’idées ; loin de s’en tenir au modèle original, ils s’affranchirent par degrés, des entraves qu’imposait ce modèle. Les Mahométans, dès la première époque de leur histoire, formèrent et perfectionnèrent un style d’art — un style particulier et tout à eux. Les ornements de la planche XXXI. sont pris de la mosquée de Tooloon au Caire, qui a été élevée en 876, c’est-à-dire, 250 années seulement après l’établissement du Mahométanisme ; et dans cette mosquée, nous trouvons déjà un style d’architecture complet en lui-même, retenant, il est vrai, des traces de son origine, mais libre de, tout vestige d’imitation directe du style précédent. Ce résultat est remarquable, surtout, lorsqu’on le compare avec les résultats de la religion chrétienne dans une autre direction. On ne saurait guère dire du christianisme, qu’il ait produit un style particulier, un style à lui et tout-à-fait libre des traces du paganisme, avant le douzième ou le treizième siècle.

Les mosquées du Caire comptent parmi les plus beaux édifices du monde. Elles se font remarquer, en même temps, par la grandeur et la simplicité de leurs formes générales, et par l’élégance et le raffinement déployés dans la décoration de ces formes.

Cette élégance de l’ornementation était apparemment d’origine perse, source à laquelle les Arabes, à ce que l’on croit, ont puisé bien des arts qu’ils exerçaient. Il est plus que probable que cette influence leur arrivait par un double procédé. L’art byzantin lui-même décèle déjà, l’influence asiatique. Les restes de Bi Sutoun, publiés par Flandin et Coste, doivent appartenir à l’art perse, modifié par l’influence byzantine, ou s’ils remontent à une date plus ancienne, il faut conclure qu’une grande partie de l’art byzantin est dérivée de sources perses, car la ressemblance des deux styles, dans le caractère général des contours, est très-grande. Nous avons déja parlé au chapitre III. d’un ornement sur un chapiteau sassanien, reproduit au No. 16, planche XIV., qui est, à ce qu’il paraît, le type des diaprés arabes ; et sur le tympan de l’arc que nous reproduisons ici, d’après l’ouvrage que Salzenberg a publié sur Ste. Sophie, on verra un système de décoration totalement différent, et en désaccord avec une grande partie des traits gréco-romains de l’édifice, traits qui sont peut-être le résultat de quelque influence asiatique. Mais quoi qu’il en soit, ce tympan est lui-même la fondation de la décoration de surface des Arabes et des Maures. On remarquera que le feuillage qui entoure le centre, tout en représentant une réminiscence de la feuille d’acanthe, est la première tentative faite pour écarter le principe de faire naître les feuilles l’une de l’autre ; l’enroulement est continu et sans interruption. Le dessin est répandu sur tout le tympan de manière à produire une teinte unie et égale, but auquel les Arabes et les Maures ont toujours tendu. Un autre trait qui s’y fait remarquer, c’est, que les moulures de la bordure de l’arc sont décorées à la surface, et que l’intrados de l’arc est décoré de la même manière que les intrados des arcs arabes et mauresques.

La collection d’ornements prise de la mosquée de Tooloon, planche XXXI., est remarquable en ce qu’on y voit étalés déjà, dans l’état primitif de l’art arabe, les types de tous ces arrangements de formes, qui ont atteint le point culminant à l’Alhambra. S’il existe une différence, elle ne résulte que de ce qu’il y a moins de perfection dans la distribution des formes, mais les premiers principes moteurs sont les mêmes. Ces ornements représentent le premier degré de la décoration de surface. Ils étaient exécutés en plâtre, et après avoir nivelé et rendu parfaitement unie la surface de la partie qu’on en voulait décorer, on estampillait le dessin sur le plâtre pendant qu’il était encore à l’état plastique, ou on l’y traçait à l’aide d’un instrument émoussé, lequel, en faisant les incisions, arrondissait légèrement les contours. Nous reconnaissons, à première vue, que le principe du rayonnement des lignes d’une tige-mère, et celui des courbes tangentes de ces lignes, y étaient, ou retenus par la tradition gréco-romaine, ou suivis par sentiment, d’après l’observation de la nature.

Plusieurs des dessins, tels que 2, 3, 4, 5, 12, 13, 32, 38, retiennent encore les traces de cette origine grecque : deux fleurs, ou une fleur tournée en haut et une autre tournée en bas, aux deux bouts de la tige ; il y avait cependant cette différence que chez les Grecs les fleurs ou feuilles ne formaient pas partie


Arabe.

Arabe.

Arabe.

Grec.

Mauresque.

de l’enroulement, mais elles en naissaient, tandis que chez les Arabes l’enroulement même était changé en feuille intermédiaire. Le No. 37 montre l’enroulement continu dérivé de l’art romain, mais la division à chaque tour de l’enroulement, qui caractérise si fortement l’ornement romain, y est omis. L’ornement dont nous donnons la gravure ci-dessous est tiré de Ste. Sophie, et représente, à ce qu’il paraît, un des premiers exemples de ce changement.

Les dessins droits de cette planche, pris principalement des intrados des fenêtres, et qui à cause de cela, ont tous une tendance verticale, peuvent être considérés comme les germes de tous les modèles de cette classe d’un dessin si exquis, où la répétition du même dessin, côte-à-côte, en produit un autre ou plusieurs autres. Plusieurs, parmi les dessins de cette planche, devraient être doubles dans la direction latérale ; mais le désir que nous avions d’en reproduire autant de variétés que possible, nous a empêchés de graver la répétition.

À l’exception de l’ornement du centre de la planche XXXII., qui est pris de la même mosquée que l’ornement de la planche précédente, tous les ornements des planches XXXIII. et XXXIV., datent du treizième siècle, c’est-à-dire qu’ils sont plus récents de quatre cents ans que ceux de la mosquée de Tooloon. Les progrès faits dans le style, pendant cette période, se voient au premier regard. Ces ornements sont bien inférieurs, cependant, à ceux de l’Alhambra, qui datent de la même époque. Les Arabes ne sont jamais arrivés à l’état de perfection dans la distribution des masses, ou dans l’ornementation des surfaces, que les Maures avaient atteint à un si haut degré. L’instinct moteur est le même, mais l’exécution est bien inférieure. Dans l’ornement mauresque, le rapport entre les aires de l’ornement et le fond, est toujours parfait ; il n’y a jamais ni lacunes, ni trous ; dans la décoration des surfaces, se manifeste aussi un talent supérieur, — car il y a moins de monotonie. Afin de montrer clairement la différence, nous répétons l’ornement arabe, No. 12, planche XXXIII., pour le comparer avec deux variétés de diaprés en losanges de l’Alhambra.


Arabe.

Mauresque.

Mauresque.

Les Maures ont introduit, en outre, un autre trait dans leur ornementation de la surface, c’est qu’il y a quelquefois deux et même trois plans sur lesquels les dessins sont tracés, les ornements du plan de dessus étant distribués hardiment sur la masse, pendant que ceux du second plan s’entrelacent avec les premiers, et enrichissent la surface sur un niveau plus bas ; grace à cet arrangement si admirablement ménagé, une pièce d’ornementation retient toute sa largeur d’effet, lorsqu’elle est vue à distance, tout en décelant, à l’inspection minutieuse, des décorations fort exquises et quelquefois excessivement ingénieuses. En général, leur traitement de la surface présentait plus de variété. Les ornements en forme de plumes, qui forment un trait si proéminent dans les ornements des planches XXXII., XXXIII., étaient entremêlés avec des surfaces planes, comme on peut le voir aux numéros 17, 18, 32, planche XXXII. L’ornement numéro 13, planche XXXIII., est en métal découpé, et approche de très près de la perfection déployée dans la distribution des formes mauresques ; il montre admirablement la diminution proportionnée des formes vers le centre du dessin, et décèle cette loi fixe, loi que les Maures n’ont jamais enfreinte, que l’ornement, quelqu’éloigné qu’il soit ou quelque compliqué qu’en soit le dessin, peut-être tracé jusqu’à sa branche et sa racine.

En général, les principales différences qui existent entre les styles arabes et mauresques, peuvent se résumer ainsi, savoir, que la construction des arabes est caractérisée par plus de grandeur, et celle des Maures, par plus de raffinement et d’élégance.

Les ornements exquis de la planche XXXIV., pris d’un exemplaire du Coran, donneront une idée parfaite de l’art décoratif des Arabes. Sans l’introduction des fleurs, qui détruisent tant soit peu l’unité, et qui trahissent une influence perse, ils présenteraient le plus beau spécimen d’ornementation arabe qu’on pût trouver. Mais même, tels qu’ils sont, ils peuvent nous servir de leçon, tant pour la forme que pour la couleur.

La masse énorme de fragments de marbre tirés des ruines romaines, n’a pas tardé à induire les Arabes à chercher à imiter l’usage, qui était universel parmi les Romains, de couvrir les planchers des maisons et des monuments, de dessins en mosaïque, arrangés d’après un système géométrique ; et, à la planche XXXV., il y a un grand nombre des variétés que cette mode a produites chez les Arabes. Pour former une idée correcte de ce qui constitue le style dans l’ornementation, on ne pourrait faire rien de mieux, que de comparer les mosaïques de la planche XXXV., avec les mosaïques romaines, planche XXV., avec les mosaïques byzantines, planche XXX., et les mosaïques mauresques, planche XLIII. Il y a à peine une forme, qu’on trouve dans l’une, qui n’existe également dans toutes les autres. Et cependant, quelle vaste différence dans l’aspect de ces planches ! C’est comme une idée exprimée en quatre langues différentes, dont chacune réveille dans l’âme la même conception modifiée à l’aide de sons entièrement différents.

La corde tordue, l’entrelacement des lignes, les croisements de deux carrés, le triangle équilateral arrangé au dedans d’un hexagone, tels sont les points de départ dans chacun de ces styles ; tandis que les principales différences résultent des divers systèmes de coloris, suggérés principalement par les matériaux qu’on employait, et par l’usage auquel on les appliquait. Les ornements arabes et romains sont des pavés d’un ton sombre ; les ornements mauresques sont des lambris ; tandis que ceux de la planche XXX., en teintes plus éclatantes, représentent les décorations de membres faisant partie de la construction des bâtiments.

Chapitre IX. — Planches 36, 37, 38.
ORNEMENTS TURCS.
1, 2, 3, 
16, 18. Pris d’une fontaine à Pera, Constantinople.
4. 
Pris de la mosquée du Sultan Achmet, Constantinople.
5, 6, 7, 
8, 13. Pris de tombeaux à Constantinople.
9, 12, 
14, 15. Pris du tombeau du Sultan Soliman I., Constantinople.
10, 11, 
17, 19, 21. Pris de Yeni D’jami, ou nouvelle mosquée, Constantinople.
20, 22. 
Pris d’une fontaine à Tophana, Constantinople.

1, 2, 6, 
7, 8. Pris de Yeni D’jami, Constantinople.
3. 
Rosace du centre du dôme de la mosquée de Soliman I., Constantinople.
4, 5. 
Ornements des tympans, sous le dôme le la mosquée de Soliman I., Constantinople.

Partie de la décoration du dôme du tombeau de Soliman I., Constantinople.

L’architecture des Turcs, d’après ce qu’on en voit à Constantinople, est principalement basée, quant à tout ce qui appartient à la construction, sur le style des premiers monuments byzantins ; tandis que le système d’ornementation est une modification du style arabe, avec lequel il possède à-peu-près la même affinité, que celle qui existe entre le style du temps d’Elisabeth et la renaissance italienne.

Lorsque l’art particulier à un peuple, est adopté par un autre peuple de la même religion, mais différent de caractère et d’instincts naturels, il faut nous attendre à le trouver défectueux dans toutes les qualités, dans lesquelles le peuple qui emprunte est inférieur à celui qu’il imite. Il en est ainsi à l’égard de l’art des Turcs, comparé à celui des Arabes : la différence qui existe, sous le rapport de l’élégance et du raffinement, entre les styles des deux peuples, est la même que celle qui existe entre leur caractère national.

Nous sommes, cependant, portés à croire, que les Turcs ont rarement exercé eux-mêmes les arts ; mais qu’ils en ont ordonné l’exécution plutôt qu’ils ne l’ont exécuté, car toutes leurs mosquées et tous leurs édifices publics, présentent l’aspect d’un style mixte. Sur le même bâtiment, on trouve des ornements dérivés des ornements arabes et des ornements fleuronnés perses, côte à côte avec des détails abâtardis du style romain et du style renaissance ; ce qui nous conduit à croire que ces bâtiments ont été construits, pour la plupart, par des artistes d’une religion différente. À une époque plus récente, les Turcs ont été les premiers, parmi les races mahométanes, à abandonner le style traditionnel de construction de leurs ancêtres, et à adopter dans leur architecture, la mode prédominante du jour ; leurs bâtiments et leurs palais modernes sont non seulement l’ouvrage d’artistes européens, mais ils sont dessinés dans le style européen le plus en vogue.

Parmi les productions de toutes les nations mahométanes qui prirent part à l’Exposition de 1851, celles des Turcs étaient les moins parfaites.

On trouvera dans l’admirable rapport de M. Digby Wyatt, sur l’état des arts industriels au dix-neuvième siècle, des spécimens de broderie turque, exposés en 1851 ; et si on les compare au grand nombre des spécimens de prix de la broderie indienne, reproduits dans le même ouvrage, on verra facilement, et cela au premier coup d’œil, que l’instinct artistique des Turcs doit être très inférieur à celui des Indiens. La broderie indienne est aussi parfaite dans la distribution de la forme et dans tous les principes de l’ornementation, que l’objet de décoration le plus élaboré et le plus important.

Les tapis turcs sont les seuls objets, qui nous offrent des exemples d’une ornementation parfaite ; mais ils sont principalement fabriqués dans l’Asie Mineure, et très probablement, ils ne sont pas faits par les Turcs eux-mêmes. Les dessins en sont tout-à-fait arabes, et ils diffèrent des tapis perses, en ce que le traitement du feuillage y est beaucoup plus conventionnel.

En comparant la planche XXXVII., aux planches XXXII. et XXXIII., on verra facilement les différences qui existent entre les deux styles. Les principes généraux de la distribution de la forme sont les mêmes, mais il existe quelques différences d’une importance secondaire, qu’il convient cependant d’indiquer.

La surface d’un ornement soit arabe, soit mauresque, n’est que légèrement arrondie, relevée et enrichie par le moyen de lignes qui y sont creusées ; ou lorsque la surface est unie, le patron additionnel sur un premier patron, est produit à l’aide de la peinture.

L’ornement turc, au contraire, présente à la vue, une surface sculptée ; et les ornements peints que nous trouvons dans les manuscripts arabes, planche XXXIV., exécutés en lignes noirs sur des fleurs d’or, se trouvent dans le style turc, sculptés sur la surface, produisant ainsi un effet moins large que celui qu’on obtient par les ornements fleuronnés, creusés dans la surface, du style arabe et du style mauresque.

Le style turc possède une autre particularité, qui fait qu’on ne peut jamais le confondre avec l’ornement arabe, c’est le grand abus de l’emploi de la courbe rentrante A A, qui est pourtant un caractère proéminent dans le style arabe, mais plus spécialement dans le style perse. Voyez planche XLVI. Dans le style mauresque, loin de former un trait prédominant, cette courbe n’est employée que dans des cas exceptionnels.

On adopta cette particularité de la courbe rentrante dans l’ornement du temps d’Élisabeth, le quel, par le medium des styles de la renaissance française et de la renaissance italienne, tira son origine de l’Orient, dont il imita les ouvrages damasquinés, d’un usage si général à cette époque.

On voit par les illustrations de la planche XXXVI., que le bombement de la ligne rentrante se trouve, toujours, à l’intérieur de la courbe spirale de la tige principale ; tandis que dans l’ornement du temps d’Elisabeth, le bombement se fait, indifféremment, soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la courbe.

Il est très difficile, et même presque impossible, d’expliquer complètement à l’aide de mots, les différences qui existent entre des styles d’ornements, qui possèdent une ressemblance de famille aussi grande entre eux, que les styles perse, arabe, et turc ; quoique l’œil les découvre aussi facilement, et de la même manière, qu’on distingue une statue romaine d’une statue grecque. Les principes généraux sont les mêmes dans les styles d’ornements perses, arabes et turcs, mais on trouvera quelque chose de particulier à chacun, dans les proportions des masses, plus ou moins de grace dans le coulant des courbes, une tendance des lignes principales à se diriger dans certaines directions, et une manière particulière d’entrelacer les formes ; tandis que la forme générale du feuillage conventionnel reste toujours la même. Le degré relatif d’imagination, de délicatesse ou de rudesse, avec lequel les ornements sont dessinés, fera connaître de suite, s’ils sont l’ouvrage du Perse raffiné et spirituel, ou de l’Arabe non moins raffiné mais plus réfléchi, ou enfin du Turc dépourvu de toute imagination. Ornement du


Ornement Turc

Ornement Turc

Ornement du temps d’Élisabeth

Ornement Turc

La planche XXXVIII. représente une partie de la décoration du dôme du tombeau de Soliman I., à Constantinople ; c’est le spécimen le plus parfait, en fait d’ornement turc, que nous connaissions, et il se rapproche beaucoup du style arabe. Un des traits les plus caractéristiques de l’ornement turc, c’est la prépondérance qu’on y trouve du vert et du noir ; la même chose existe dans les décorations modernes, du Caire, dans lesquelles le vert prédomine plus que dans les décorations anciennes, où l’on

employait principalement le bleu.
Chapitre X. — Planches 39, 40, 41, 41*, 42, 42*, 42†, 43.
ORNEMENTS MAURESQUES,
DE L’ALHAMBRA.
ORNEMENTS ENTRELACÉS.
1-5, 
16, 18, sont des bordures de lambris feints en mosaïque.
6-12, 
14. Ornements en plâtre, employés en bandes horizontales et verticales, entourant les panneaux des murs.
13, 15. 
Points d’arrêt carrés dans les bandes des inscriptions.
17. 
Ornement peint du grand arc dans la salle du Bateau.

TYMPANS D’ARCS.
1. 
Pris de l’arc central de la cour des Lions.
2. 
Pris du divan ; salle des Deux Sœurs.
3. 
Pris de l’entrée conduisant de la cour du Vivier à la cour des Lions.
4. 
Pris de l’entrée conduisant de la salle du Bateau à la cour du Vivier.
5, 6. 
Pris des arcs de la salle de Justice.

DIAPRÉS EN LOSANGES.
1. 
Ornement pris des panneaux de la salle du Bateau.
2. 
00000000 de la salle des Ambassadeurs.
3. 
0000 pris d’un tympan d’arc à l’entrée de la cour des Lions.
4. 
0000 pris d’une porte du divan ; salle des Deux Sœurs.
5. 
Ornement pris des panneaux de la salle des Ambassadeurs.
6. 
0000 pris des panneaux de la cour de la Mosquée.
7. 
0000 pris des panneaux de la salle des Abencerrages.
8. 
0000 au dessus des arcs à l’entrée de la cour des Lions.

9, 10. 
Ornements pris des panneaux de la cour de la Mosquée.
11. 
Intrados du grand arc à l’entrée de la cour du Vivier.
12. 
Ornements des côtés des fenêtres de l’étage supérieur, salle des Deux Sœurs.
13. 
Ornements pris des tympans d’arcs, salle des Abencerrages.
14, 15. 
0000 pris des panneaux de la salle des Ambassadeurs.
16. 
0000 pris des tympans d’arcs de la salle des Deux Sœurs.

DIAPRÉS EN CARRÉS.
1. 
Frise au-dessus des colonnes de la cour des Lions.
2. 
Panneaux des fenêtres de la salle des Ambassadeurs.

3. 
Panneaux de la niche centrale de la salle des Ambassadeurs.
4. 
Panneaux des murs de la tour du Captif.

5. 
Panneaux des murs de la maison de Sanchez.
6. 
Partie du plafond du portique de la cour du Vivier.

MOSAÏQUES.
1. 
Pilastre, salle des Ambassadeurs.
2. 
Lambris feint. Idem.
3. 
Lambris feint. Salle des Deux Sœurs.
4. 
Pilastre, salle des Ambassadeurs.
5, 6. 
Lambris feints, salle des Deux Sœurs.
7. 
Pilastre, salle de Justice.
8. 
Lambris feint, salle des Deux Sœurs.
9. 
Lambris feint de la fenêtre centrale, salle des Ambassadeurs.
10. 
Pilastre, salle des Ambassadeurs.
11. 
Lambris feint, salle de Justice.
12, 13. 
Lambris feints, salle des Ambassadeurs.
14. 
Pris d’une colonne, salle de Justice.
15. 
Lambris feints pris des bains.
16. 
Lambris feint du Divan, cour du Vivier.
ORNEMENTS MAURESQUES.

Si nous avons emprunté nos illustrations des ornements des Maures exclusivement à l’Alhambra, ce n’est pas seulement parceque c’est l’œuvre que nous connaissons le mieux, mais aussi parceque c’est une œuvre dans laquelle leur merveilleux système de décoration a atteint le point culminant. L’Alhambra occupe le sommet le plus élevé de la perfection de l’art mauresque, de même que le Parthénon représente le sommet de l’art Grec. Nous ne connaissons aucune œuvre aussi bien adaptée à servir d’illustration dans une grammaire d’ornement, que ce palais de l’Alhambra, où chaque ornement contient une gram maire en lui-même. Tous les principes, quels qu’ils soient, que nous pourrions tirer de l’étude de l’art de l’ornementation des autres nations, se trouvent réunis dans cette grande œuvre des Maures, et ces principes y sont observés plus universellement et avec plus de vérité que chez les autres nations.

Dans l’Alhambra, nous retrouvons l’art parlant des Égyptiens, la grace naturelle et le raffinement des Grecs, les combinaisons géométriques des Romains, des Byzantins et des Arabes. Il n’y a qu’un charme qui manque à ses ornements, charme qui formait le cachet particulier des ornements égyptiens, savoir, le symbolisme que la religion des Maures défendait ; mais ce manque a été plus que remplacé par les


« Il n’y a de conquérant que Dieu." Inscription arabe de l’Alhambra.

inscriptions, lesquelles flattaient l’œil par la beauté extérieure, en même temps qu’elles réveillaient l’intelligence par la difficulté de déchiffrer leurs involutions aussi curieuses que complexes ; et, une fois comprises, elles charmaient l’imagination par la beauté des sentiments qu’elles exprimaient et par l’harmonie de leur composition.

À l’artiste et à tous ceux dont l’esprit est capable d’apprécier à sa juste valeur la beauté à laquelle elles donnaient naissance, ces inscriptions répétaient les mots, Regardez et apprenez. Au peuple, elles proclamaient la puissance, la majesté et les bonnes actions du roi. Au roi-même, elles déclaraient sans cesse qu’il n’y a de puissant que Dieu, que Lui seul est le conquérant, et qu’à Lui seul reviennent en toute éternité les louanges et la gloire.

Ceux qui ont construit cet édifice merveilleux, comprenaient bien toute la grandeur de leur œuvre ; et ils n’ont pas hésité de proclamer dans les inscriptions qui ornent les murs, que ce bâtiment surpassait tous les autres bâtiments ; — qu’à la vue de ses dômes tous les autres s’évanouirent et disparurent ; et, lâchant la bride à l’exagération enjouée de leur poésie, ils parlèrent des étoiles qui palissaient d’envie à la vue de tant de beauté ; mais ce qui nous regarde de plus près, c’est leur déclaration, que ceux qui en feront une étude attentive, en recueilleront l’avantage d’un commentaire sur la décoration.

Nous avons cherché à obéir aux injonctions du poète, et nous essayerons d’expliquer quelques-uns des principes généraux, qui paraissent avoir guidé les Maures dans la décoration de l’Alhambra — principes qui n’appartiennent point exclusivement à leur époque, mais qui étaient communs à toutes les meilleures périodes de l’art : Les principes sont les mêmes partout ; la différence n’existe que dans la forme.

1.[8] Les Maures se conformaient toujours à cette loi, que nous considérons comme le premier principe dans l’architecture — de décorer la construction et de ne jamais construire la décoration. Non seulement la décoration de l’architecture mauresque naît naturellement de la construction, mais l’idée de la construction est soutenue dans chaque détail de l’ornementation de la surface.

Nous croyons que la vraie beauté dans l’architecture, résulte de ce "repos que ressent l’âme lorsque la vue, l’intelligence, et les affections sont satisfaites.", Si un objet est construit faussement, ayant l’apparence de dériver (obtenir) du support ou d’en donner, mais ne faisant ni l’un ni l’autre ; il ne peut fournir ce repos, et par conséquent il ne saurait jamais avancer aucune prétention à la vraie beauté, quelque harmonieux qu’il soit en lui-même. Les races mahométanes, et les Maures surtout, n’ont jamais perdu de vue cette règle ; chez eux on ne trouve jamais d’ornements inutiles ou superflus : chaque ornement naît paisiblement et naturellement de la surface décorée. Ils regardent toujours l’utile comme le véhicule du beau ; et ils ne sont pas les seuls à suivre ce principe, qui a toujours été observé dans toutes les meilleures périodes de l’art ; ce n’est que lorsque l’art tombe en décadence, que les principes vrais sont négligés ; ou bien encore, dans une époque comme la nôtre, où l’on ne s’évertue qu’à copier et à reproduire les œuvres du passé, dépourvues de l’esprit qui a animé les originaux.

2. Toutes les lignes naissent les unes des autres en ondulations graduées ; il n’y a point d’excroissances ; on ne saurait rien ôter sans nuire à la beauté de la composition. Dans l’acceptation générale du terme, il ne saurait y avoir d’excroissances, si la construction est bien soignée ; mais nous prenons le mot ici dans un sens plus limité : les lignes générales pourraient bien s’élancer en rapport avec la construction, et pourtant il pourrait y avoir des excroissances, telles que boutons ou bosses, lesquelles, sans violer les règles de la construction, détruiraient la beauté de la forme, si elles ne naissaient pas graduellement des lignes générales.

Il ne peut y avoir ni beauté de forme, ni proportion, ni arrangement parfait des lignes, là où manque le repos.

Toutes les transitions de lignes courbes à lignes courbes, ou de lignes droites à lignes courbes, doivent être graduelles ; ainsi la transition cesserait d’être agréable, si la brisure A était trop profondeen proportion des courbes, comme cela arrive à B. Partout où deux courbes sont séparées par une ligne d’interruption, il faut qu’elles courent, comme elles le font toujours dans les œuvres des Maures, parallèlement à une ligne imaginaire (c) à l’endroit où les courbes deviendraient tangentes l’une à l’autre ; car si l’une ou l’autre dévie de la parallèle, comme c’est le cas à D, l’œil au lieu de poursuivre la courbe graduellement en bas, se porterait au dehors et le repos serait détruit.[9]

3. On arrêtait d’abord les formes générales, qu’on subdivisait par des lignes générales ; puis on remplissait les interstices d’ornements, qui à leur tour étaient subdivisés et enrichis pour satisfaire à une inspection plus minutieuse. Ce principe a été mis en pratique par les Maures avec le plus grand raffinement, et l’harmonie et la beauté de toute leur ornementation doivent principalement leur succès à l’observation de ce principe. Les principales divisions contrastent les unes avec les autres et s’entre-balancent admirablement ; il y prévaut la plus grande netteté ; les détails ne sont pas en conflit avec la forme générale. Vues à distance, les lignes générales s’offrent d’abord à la vue ; à mesure qu’on s’approche, les détails de la composition se font valoir ; et en les examinant de plus près, on voit de nouveaux détails sur la surface des ornements mêmes.

4. L’harmonie de la forme consiste apparemment dans la juste balance et dans le contraste des lignes verticales, horizontales, obliques et courbes. Comme en fait de coloris, aucune composition ne saurait être parfaite s’il y manque l’une ou l’autre des trois couleurs primaires, ainsi en fait de forme, qu’il s’agisse de constructions ou de décorations, aucune composition ne saurait être parfaite s’il y manque l’une au l’autre des trois figures primaires ; et la variété, ainsi que l’harmonie de la composition, dépendra du degré de prédominance ou de sub ordination de ces trois figures.[10]

Dans la décoration de surface, tout arrangement de formes, qui ne se compose que de lignes horizontales et verticales, comme c’est le cas dans le dessin A, doit être monotone et ne donne qu’un plaisir imparfait ; mais si l’on y introduit des lignes qui tendent à diriger l’œil vers les angles, comme dans le dessin B, le plaisir se trouve augmenté immédiatement. Que l’on ajoute ensuite des lignes qui donnent une tendance circulaire, comme dans le dessin C, et on aura une harmonie complète. Dans ce cas, le carré est la forme motrice ou tonique ; les formes angulaires et courbes sont les formes subordonnées.

On obtient le même résultat en adoptant une composition angulaire, comme dans le dessin D : puis en y ajoutant des lignes telles qu’on voit dans le dessin E, on remédie immédiatement à la tendance de suivre seulement la direction angulaire des lignes inclinées ; mais qu’on les réunisse par des cercles, comme dans le dessin F, et l’on aura l’harmonie parfaite, c’est à dire le repos — parceque l’œil ne voit plus de manque auquel il soit nécessaire de suppléer.[11]

5. Dans la décoration de surface des Maures, toutes les lignes partent d’une tige-mère. Tout ornement, quelqu’éloigné qu’il soit de l’axe de la composition, peut être tracé à sa branche et à sa racine. Les Maures étaient assez heureux pour posséder l’art d’adapter l’ornement à la surface décorée, de telle manière, que l’ornement avait tout autant l’air d’avoir suggéré la forme générale que d’avoir été suggéré par celle-ci. Dans tous les cas nous trouvons que les feuilles découlent toutes d’une tige-mère, et jamais nous ne sommes offensés par un ornement introduit au hasard et mis là à tort et à travers, sans qu’il y ait aucune raison pour son existence. Quelqu’irrégulier que fût l’espace à décorer, les Maures se mettaient toujours à le diviser d’abord en aires égales, puis ils distribuaient les détails, mais sans jamais manquer de retourner à la tige-mère.

Dans cela ils suivaient, du reste, un procédé analogue à celui quesuit la nature, tel qu’on le voit dans une feuille de vigne ; l’objet en vue étant de distribuer la sève qui part de la tige-mère vers les extrémités, la tige principale doit évidemment diviser les feuilles en aires à peu près égales. Il en est de même des divisions mineures ; chaque aire est à son tour subdivisée par des lignes intermédiaires, qui suivent toutes la même loi de distribution égale, loi observée jusque dans l’opération minutieuse de remplir les tuyaux alimentaires de la sève.

6. Un autre principe que les Maures suivaient, c’est celui de la radiation partant de la tige-mère, principe suivi dans la nature, comme on peut le voir dans la main humaine ou dans la feuille d’un châtaignier.

On peut voir dans l’exemple ci-contre, que toutes les lignes rayonnent de la tige-mère ; que chaque feuille diminue vers les extrémités, et que chaque aire est proportionnée àla feuille. Les orientaux pratiquaient ce principe avec une perfection merveilleuse ; les Grecs en faisaient autant dans leur ornement du chèvre feuille. Nous avons déjà parlé, au chapitre IV., d’une particularité de l’ornement grec, basée apparemment sur le principe observé dans les plantes de la tribu des cactiers, où une feuille naît de l’autre, principe qu’on trouve généralement dans l’ornement grec ; ainsi les enroulements composés de feuilles d’acanthe, sont une suite de feuilles naissant les unes des autres en une ligne continue, tandis que les ornements arabes et mauresques naissent d’une tige continue.

7. Toutes les jonctions de lignes courbes avec d’autres lignes courbes, ou de lignes courbes avec des lignes droites, doivent s’effectuer en devenant réciproquement les tangentes les unesdes autres à leur point de rencontre ; c’est une loi qu’on trouve partout dans la nature, et la pratique orientale est d’accord avec cette loi. Nombre d’ornements mauresques sont basés sur ce principe, qu’on peut tracer dans les lignes des plumes comme dans les articulations de chaque feuille, et c’est à ce principe qu’est dû ce charme additionnel, qu’on découvre dans l’ornementation parfaite et qu’on désigne sous l’appellation de gracieux. On peut l’appeler la mélodie de la forme, de même que les principes expliqués auparavant en constituent l’harmonie.

Ces lois de la distribution égale, de la radiation partant de la tige-mère, de la continuité des lignes et des courbes tangentes se trouvent représentées dans toutes les feuilles naturelles.

8. Nous devons faire remarquer, comme digne d’attention, la nature des courbes exquises employées par les Arabes et les Maures.

De même que nous croyons, en fait de proportions, que les proportions les plus belles seront celles que l’œil aura le plus de difficulté à découvrir ;[12]ainsi nous croyons à l’égard des courbes, que les courbes les plus agréables seront celles, où le procédé mécanique de leur formation sera le moins visible. aussi trouvons nous, comme règle universelle, que les moulures et tous les ornements des meilleures périodes de l’art étaient fondés sur des courbes d’un ordre élevé, telles que les sections coniques ; tandis que pendant la décadence de l’art, les cercles et les dessins au compas étaient les plus prédominants.

Les recherches de M. Penrose ont démontré, que toutes les moulures et les lignes courbes du Parthénon représentent des parties de courbes d’un ordre très-élevé, et que les segments de cercles n’y étaient employés que très-rarement. Dans les courbes exquises et si bien connues des vases grecs, on ne trouve jamais de parties de cercles. Dans l’architecture romaine au contraire, ce raffinement était déjà perdu : Les Romains étaient probablement aussi peu capables de former les courbes d’un ordre élevé que de les apprécier ; aussi s’en tenaient ils, dans la plupart de leurs moulures, aux parties de cercles qui pouvaient se faire au compas.

Dans les premières œuvres de la période gothique, les tracés à réseaux ne trahissaient pas l’emploi du compas autant que ceux d’une période plus récente, qu’on a appelée avec raison la période géométrique, à cause de l’usage immodéré qu’on faisait du compas.

"Voici une courbe (a) commune à l’art grec comme à la période gothique, et qui faisait les délices des races mahométanes. Elle devient plus gracieuse à mesure qu’elle s’éloigne davantage de la courbe que produirait l’union de deux cercles.

9. On trouve encore un autre charme, qui distingue les œuvres des Arabes et des Maures, dans leur traitement conventionnel des ornements, traitement qu’ils portaient au plus haut degré de perfection, puisque leur croyance religieuse leur défendait de représenter des formes vivantes. Tout en travaillant comme travaille la nature, ils évitaient toujours d’en faire une copie directe ; ils empruntaient à la nature ses principes, mais sans tenter, comme nous, d’en copier les ouvrages. À cet égard encore ils ne se trouvaient pas seuls ; dans toutes les périodes marquées par la foi dans l’art, on trouve l’ornementation ennoblie par l’idéal, et jamais le sentiment de la convenance n’y est froissé par une représentation trop fidèle de la nature.

Ainsi, en Égypte, le lotus taillé en pierre n’était jamais un lotus tel qu’on pourrait cueillir, mais une représentation conventionnelle, en parfaite harmonie avec les membres architecturaux dont elle faisait partie ; c’était le symbole du pouvoir, que le roi exerçait sur les pays où croît le lotus, ajoutant ainsi la poésie à telle partie de la construction, qui sans cela n’aurait été qu’un support grossier. Les statues colossales des Égyptiens, n’étaient point de petits hommes sculptés sur une grande échelle, mais des représentations architecturales de la majesté, des emblèmes du pouvoir du monarque et de son amour immutable pour son peuple.

Dans l’art grec, le traitement conventionnel des ornements, les quels n’étaient pas symboliques comme ceux des Égyptiens, était porté encore plus loin ; et dans la sculpture appliquée à l’architecture, les Grecs adoptèrent un traitement conventionnel de la pose aussi bien que du relief, qui différait bien du traitement de leurs œuvres isolées.

Dans les meilleures périodes de l’art gothique, les ornements fleuronnés se traitaient conventionnellement, sans qu’on visât jamais à une imitation directe de la nature ; mais avec le déclin de l’art, les ornements devinrent moins idéalisés et plus rapprochés de l’imitation directe.

La même décadence peut être tracée dans les vitraux peints, où les figures, aussi bien que les ornements, ne furent traités d’abord que d’une manière conventionnelle, mais quand l’art pencha vers le déclin, les figures et les draperies, à travers lesquelles le jour devait être transmis, eurent leurs nuances et leurs ombres.

Dans les premiers manuscrits enluminés, les ornements étaient conventionnels, et les enluminures étaient en teintes plates, n’ayant que peu de nuances et point d’ombre ; tandis que dans les manuscripts plus récents on employa comme ornements, des représentations soigneusement finies de fleurs naturelles qui jetaient leurs ombres sur la page.

DU COLORIS DES ORNEMENTS MAURESQUES.

En examinant le système de coloris adopté par les Maures, nous trouverons que pour la couleur comme pour la forme, ils suivaient certains principes fixes, fondés sur l’observation des lois de la nature, qu’ils observaient en commun avec toutes les nations qui ont pratiqué les arts avec succès. Les mêmes principes si éminemment vrais, prévalent dans tous les styles archaïques de l’art, exercés pendant les périodes de la foi ; et quoique nous trouvions dans chacun d’eux un cachet plus ou moins local et temporaire, nous y discernons bien des choses qui sont éternelles et immutables : les mêmes grandes idées, réalisées en différentes formes et exprimées, pour ainsi dire, en différentes langues.

10. Les anciens employaient la couleur comme auxiliaire dans le développement de la forme, et s’en servaient comme d’un moyen pour faire ressortir davantage les linéaments de la construction d’un bâtiment.

Ainsi, dans la colonne égyptienne, dont la base représentait la racine — le fût, la tige — le chapiteau, les boutons et les fleurs du lotus ou du papyrus ; les couleurs s’employaient de manière à augmenter l’apparence de la force de la colonne et à développer plus pleinement les contours des différentes lignes.

Dans l’architecture gothique aussi, la couleur s’employait comme un auxiliaire qui aidait à développer les formes des panneaux et des réseaux ; ce qu’elle effectuait à un degré, dont il serait difficile de se faire une idée dans l’état incolorié de nos bâtiments actuels. Ainsi dans les fûts élancés de leurs hauts édifices, l’idée de l’élévation se trouvait encore augmentée par les lignes de couleur, qui s’élançaient en spirales vers le haut, et qui, en même temps qu’elles ajoutaient, en apparence, à la hauteur de la colonne, contribuaient aussi à en définir la forme.

De même, nous trouvons dans l’art oriental, que les lignes de construction du bâtiment sont parfaitement définies par les couleurs, dont l’application judicieuse a toujours pour résultat d’ajouter, en apparence, à la hauteur, à la longueur, à la largeur, ou au calibre de l’objet ; et dans les ornements en relief, les couleurs développent constamment des formes nouvelles, lesquelles auraient été perdues entièrement sans le coloris.

En cela, du reste, les artistes n’ont fait que suivre l’inspiration motrice de la nature, qui dans toutes ses œuvres accompagne la transition de la forme par une modification de couleur, disposée de telle manière, qu’elle aide à produire de la netteté dans l’expression. Les fleurs, par exemple, sont séparées par la couleur, de leurs feuilles et de leurs tiges, et celles-ci, à leur tour, se distinguent du sol dans lequel elles croissent. Il en est de même de la figure humaine, où le changement de la forme est toujours marqué par un changement de couleur ; ainsi la couleur des cheveux, des yeux, des paupières, des cils, ainsi que le teint sanguin des lèvres et la fleur vermeille des joues, ajoute à la netteté et aide à faire ressortir la forme plus visiblement. Nous savons tous jusqu’à quel point l’absence, ou la détérioration de ces couleurs, que la maladie cause souvent, contribue à ôter aux traits leur signification et leur expression. Si la nature n’avait appliqué qu’une seule couleur à tous les objets, ceux-ci auraient été aussi indistincts pour la forme, que monotones pour l’aspect. C’est la variété sans bornes des teintes, qui perfectionne le modelé et définit les contours de chaque objet ; qui sépare le chaste lis, des herbes au milieu desquels il s’élance, comme elle détache le glorieux soleil, la source de toute couleur, du firmament dans lequel il brille.

11. Les couleurs que les Maures appliquaient à leurs ouvrages en stuc étaient, sans exception, des couleurs primaires ; le bleu, le rouge, et le jaune (or). Les couleurs secondaires, le pourpre, le vert et l’orangé, ne se rencontrent que dans les lambris feints en mosaïque, lesquels, se trouvant plus rapprochés de la vue, offrent un point de repos, après le coloris plus brillant qui se trouve au-dessus. Il est vrai que de nos jours, nous trouvons que le fond de plusieurs de leurs ornements est vert, mais un examen plus minutieux ne manquera pas de nous démontrer, que la couleur appliquée dans l’origine avait été le bleu, lequel, étant une couleur métallique, a été tourné en vert par l’effet du temps. La preuve en est dans les particules de couleur bleue, qu’on rencontre partout dans les crevasses ; d’ailleurs les rois catholiques, en faisant exécuter des restaurations, ont fait repeindre le fond des ornements, en vert aussi bien qu’en pourpre. Il est digne de remarque, que parmi les Égyptiens, les Grecs, les Arabes et les Maures, les couleurs primaires s’employaient toujours, pour ne pas dire exclusivement, pendant les premières périodes de l’art, tandis que durant la décadence, les couleurs secondaires acquirent plus d’importance. Ainsi, si nous prenons l’Égypte, nous trouvons que les couleurs primaires prédominent dans les temples pharaoniques, et les secondaires dans les temples ptolémaïques ; de même on trouve les couleurs primaires dans les premiers temples grecs, tandis qu’à Pompéï en employait toutes les variétés de nuances et de tons.

Au Caire moderne, et à l’Orient en général, le vert se trouve toujours côte à côte avec le rouge, là où dans les temps plus reculés on aurait employé le bleu.

La même chose est vraie à l’égard des œuvres du moyen-âge. Dans les plus anciens manuscrits, ainsi que dans les vitraux peints, on employait principalement les primaires, sans exclure toutefois les autres couleurs ; tandis que dans les époques plus récentes, nous trouvons toutes les variétés de nuances et de teintes, mais elles s’employaient rarement avec le même degré de succès.

12. Chez les Maures les couleurs primaires s’appliquaient, comme règle générale, sur les parties supérieures des objets, les secondaires et les tertiaires sur les parties inférieures ; ce qui paraît être d’accord avec la loi de la nature, où nous avons le bleu primaire au ciel, le vert secondaire aux arbres et aux champs, pour finir avec les couleurs tertiaires sur la terre. De même, nous trouvons dans les fleurs, les primaires aux boutons et aux fleurs, et les secondaires aux feuilles et aux tiges. Les anciens ont toujours observé cette règle pendant les meilleures périodes de l’art. Nous voyons, cependant en Égypte, le vert, qui est une couleur secondaire, employé quelquefois dans les parties supérieures des temples, mais cela vient de ce qu’en Égypte les ornements étaient symboliques, c’est pourquoi si une feuille de lotus était représentée sur la partie supérieure d’un bâtiment, il fallait nécessairement la colorier en vert, ce qui n’empêchait nullement la loi d’être vraie au fond, et l’aspect général d’un temple égyptien de l’époque pharaonique, présente les primaires en haut et les secondaires en bas ; mais dans les édifices de l’époque ptolémaïque, et surtout dans ceux de la période romaine, cet ordre était renversé, et les chapiteaux aux feuilles de palmiers et de lotus, fournissent une surabondance de vert appliqué aux parties supérieures des temples.

À Pompéï, nous trouvons quelquefois dans l’intérieur des maisons, une gradation de couleurs allant en descendant du plafond et passant par degré, du clair au sombre, jusqu’à ce qu’elle finisse en noir ; cependant ce n’est point une chose assez universelle, pour nous convaincre que ce fût là la loi générale. Nous avons montré, au contraire, au chapitre V., qu’il y avait de nombreux exemples où le noir était appliqué immédiatement au-dessous du plafond.

13. Malgré les couches minces de blanc de chaux, appliquées à différentes reprises, qui de nos jours couvrent les ornements de l’Alhambra et de la cour des Lions surtout, nous pouvons dire, que nous avons eu bonne autorité pour le coloris tout entier que nous avons donné à notre reproduction ; d’abord parce que dans plusieurs endroits, on n’a qu’à écailler le blanc de chaux pour voir les couleurs dans les interstices des ornements, d’ailleurs le coloris de l’Alhambra a été exécuté d’après un système si parfait, que tous ceux qui se donnent la peine d’en faire l’étude, peuvent à la première vue d’un morceau d’ornement mauresque en blanc, indiquer, avec une certitude presque absolue la manière dont il a été colorié. Les formes architecturales étaient dessinées de manière à être parfaitement en rapport avec le coloris qu’elles devaient recevoir subséquemment, de sorte que la surface indique d’elle-même les couleurs qui devaient la couvrir. Ainsi en employant le bleu, le rouge, et l’or, les Maures avaient soin de mettre ces couleurs dans des positions, où elles étaient vues le mieux et où elles pouvaient contribuer le plus à rehausser l’effet général. Dans les surfaces modelées, ils plaçaient le rouge, qui est la plus forte des trois couleurs, dans les profondeurs, où l’ombre peut adoucir la couleur, mais jamais sur les surfaces ; le bleu se mettait à l’ombre, et l’or sur toutes les surfaces exposées à la lumière ; car il est évident que c’est le seul arrangement qui puisse donner à ces couleurs toute leur valeur. Les différentes couleurs sont toujours séparées, soit par des bandes blanches, soit par l’ombre produit par le relief de l’ornement même — et c’est le principe qu’il faut absolument observer dans le coloris, où il ne faut jamais permettre que les couleurs se touchent au point de se mêler à leur ligne de contact.

14. Dans le coloris des fonds des différents ornements diaprés, c’est le bleu qui occupe toujours les aires les plus grandes ; ce qui est parfaitement d’accord avec la théorie de l’optique et avec les expériences faites à l’aide du spectre prismatique. Les rayons de lumière se neutralisent, à ce que l’on croit, dans les proportions de 3 de jaune, 5 de rouge, et 8 de bleu ; il faut donc une quantité de bleu égale au rouge et au jaune, le tout mis ensemble, pour produire un effet harmonieux, et pour empêcher qu’une couleur ne prédomine sur les autres. Dans l’« Alhambra, » où le jaune est remplacé par l’or, qui tend vers un jaune-rougeâtre, le bleu se trouve encore en plus grande quantité, pour contre-balancer la tendance naturelle du rouge d’accabler les autres couleurs.

DESSINS ENTRELACES.

Déjà au chapitre IV. nous avons remarqué que selon toute probabilité, on pourrait faire remonter


Diagramme No. 1.

Diagramme No. 2.

l’immense variété des ornements mauresques formés par l’intersection de lignes équidistantes, à la frette arabe, et de là, à la frette grecque. Les ornements de la planche XXXIX. sont construits d’après deux principes généraux. Les numéros 1-12, 16-18, sont basés sur un principe (Voy. Diagramme No. 1), et le numéro 14 est basé sur l’autre (Voy. Diagramme No. 2). Dans la première série, les lignes sont équidistantes et croisées diagonalement sur chaque carré, par des lignes horizontales et perpendiculaires. Dans le système sur lequel est basé la construction du numéro 14, les lignes perpendiculaires et horizontales sont équidistantes, et les lignes diagonales ne croisent que chaque second carré alternativement. Le nombre de patrons, qu’on peut reproduire par ces deux systèmes, est infini ; et en examinant la planche XXXIX., on verra que cette variété peut être augmentée encore, par la manière de colorier le fond ou les lignes de surface. On pourrait changer l’aspect de l’un ou de l’autre des patrons que nous avons gravés, en donnant plus de proéminence aux différentes chaines ou aux autres masses générales.

DIAPRÉS EN LOSANGE.

L’effet général des planches XLI. et XLI.* suffira, à notre avis, pour justifier la supériorité que nous accordons aux ornements des Maures. Composées comme elles le sont, de trois couleurs seulement, ces planches sont plus harmonieuses et produisent plus d’effet que toute autre planche de notre collection, et elles possèdent d’ailleurs un charme particulier que les autres sont loin d’atteindre. Dans chaque ornement reproduit sur ces deux pages, on apercevra facilement les différents principes que nous avons cherché à établir : savoir, l’idée qui préside à la construction, qui veut que les lignes principales se basent les unes sur les autres, la transition graduelle d’une courbe à l’autre, les lignes courbes formant les tangentes les unes des autres, l’ornement qui part de la tige-mère, la loi de pouvoir tracer chaque fleur à sa tige et à sa racine, et enfin la division et la subdivision des lignes générales.

DIAPRÉS EN CARRÉS.

L’ornement No. 1, planche XLII., est un excellent exemple du principe que nous soutenons, à savoir, que pour produire le repos, les lignes d’une composition doivent représenter l’équilibre des lignes verticales, horizontales, inclinées et courbes. Pour former un contraste aux lignes horizontales, perpendiculaires, et diagonales nous y trouvons des cercles qui tendent dans une direction opposée. Afin que le repos soit tout à fait parfait, la tendance de l’œil de suivre une certaine direction y est corrigée par des lignes qui produisent une tendance contraire, et quel que soit le point du dessin qui frappe la vue, l’œil est disposé à s’y arrêter. Le fond bleu des inscriptions, des panneaux ornés et des centres, soutenu comme il l’est par les plumes bleues sur le fond rouge, produit un effet des plus gais et des plus brillants.

Les principales lignes des ornements Nos. 2-4 des planches XLII. et XLII.* sont produites de la même manière que les ornements entrelacés de la planche XXXIX. Les Nos. 2 et 4 démontrent que le repos dans le dessin peut être obtenu par l’arrangement des fonds coloriés ; on y verra aussi que par l’arrangement des couleurs on produit de nouveaux patrons additionnels, outre les dessins produits par la forme.

Le dessin No. 6 de planche XLII.† est une partie de plafond, dont il y a une immense variété à l’Alhambra ; ce patron est produit par des divisions du cercle, croisées par des carrés qui les coupent. C’est le même principe qui existe dans la copie, tirée du Koran enluminé, planche XXXIV., principe qui prévaut très généralement dans les plafonds des maisons arabes.

L’ornement No. 5 de la planche XLII.† est d’une délicatesse extrême, et il se fait remarquer par le système ingénieux d’après lequel il est construit. Comme toutes les pièces en sont pareilles, il sert à illustrer un des principes les plus importants du dessin des Maures, celui qui a contribué plus que tout autre principe peut être aux résultats heureux qu’ils ont atteints, à savoir, que par la répétition de quelques éléments simples et peu nombreux on peut produire les effets les plus beaux et les plus compliqués.

Quelque déguisée qu’elle soit, la construction géométrique est la base de toute l’ornementation des Maures. La prédilection qu’ils avaient pour les formes géométriques, est démontrée d’une manière évidente par l’emploi fréquent qu’ils faisaient des mosaïques, les quelles offraient une libre carrière à leur imagination. Tout compliqués que paraissent les dessins de la planche XLIII., ils sont tous fort simples, dès qu’on comprend le principe sur lequel ils sont basés. Ils ont pour source l’intersection de lignes équidistantes arrangées autour de centres fixes. Le numéro 8 est construit d’après le principe du diagramme No. 2, cité de l’autre côté, et c’est le principe qui produit la variété la plus grande ; on peut même dire, que les combinaisons géométriques basées sur ce système sont infinies.

Chapitre XI. — Planches 44, 45, 46, 47, 47*, 48.
ORNEMENTS PERSES.
Ornements pris de manuscripts perses, qui se trouvent au musée Britannique.

Pris d’un livre d’échantillons d’un manufacturier perse, musée de South Kensington.

Pris d’un livre d’échantillons d’un manufacturier perse, musée de South Kensington.

Pris d’un manuscript perse, musée de South Kensington.

L’architecture mahométane de Perse, à en juger par les reproductions publiées dans l’ouvrage « Voyages en Perse, » par Flandin et Coste, n’a jamais atteint à la perfection qui distingue les constructions arabes du Caire. Quoiqu’elle présente beaucoup de grandeur dans ses traits principaux, les contours sont généralement moins purs ; et on est frappé d’un grand manque d’élégance dans tous les détails de construction, quand on les compare à ceux des édifices du Caire. Le système d’ornementation nous en paraît aussi, moins pur que celui des Arabes et des Maures. Les Perses, différents en cela, des Arabes et des Maures, étaient libres d’introduire des représentations de la vie animale dans leur architecture, lesquelles entremêlées dans leur décoration, produisirent un style d’ornement moins pur que celui des Arabes et des Maures, qui n’avaient que les ornements et leurs inscriptions, pour suppléer à tous les besoins de l’ornementation ; les ornements par conséquent devinrent d’une grande importance dans leurs constructions, et arrivèrent à un point plus élevé d’élaboration. L’ornementation perse est un style mixte, combinant avec l’ornement conventionnel semblable à celui des Arabes, et ayant probablement la même origine, la tentative d’imiter la nature, tentative qui a quelquefois exercé une certaine influence même sur le style arabe et sur le style turc, et dont on trouve des traces jusques dans quelques parties de l’Alhambra. L’importance qu’on attachait, en Perse, à l’illumination des manuscripts, lesquels avaient sans doute une grande circulation dans les pays mahométans, a dû répandre le goût de ce style mixte. Les décorations des maisons du Caire et de Damas, les mosquées et surtout les fontaines de Constantinople, trahissent ce style mixte ; — on y voit constamment des groupes de fleurs naturelles s’élançant d’un vase, lesquelles, de même que les panneaux qui les entourent, sont d’un dessin arabe conventionnel. L’ornement de l’Inde moderne se ressent aussi de l’influence toujours présente du style mixte perse. La reproduction d’une couverture de livre (planches LIII. et LIV.) prise de l’hôtel de la compagnie des Indes, nous en présente un bon exemple ; l’extérieur de cette couverture est orné dans le style pur arabe, tandis que l’intérieur (planche LIV.) a tout-à-fait le caractère perse.

Les ornements de la planche XLIV., pris de manuscripts enluminés qui se trouvent au musée Britannique, présentent le même caractère de style mixte, dont nous avons parlé. Les dessins géométriques en sont purement conventionnels, et se rapprochent beaucoup du style arabe, dont cependant ils n’atteignent pas la perfection, sous le rapport de la distribution. Les numéros 1-10 sont pris de fonds de tableaux, qui représentent de la tapisserie pendue aux murs ; ils possèdent une grande élégance, et les masses sont très bien contrastées avec les fonds.

Les patrons de la planche XLV. sont principalement des représentations de pavés et de dés représentant probablement des carreaux vernis, dont les Perses faisaient un si grand usage. Comparés avec les mosaïques arabes et mauresques, ils trahissent une infériorité marquée, quant à la distribution de la forme et à l’arrangement des couleurs. Nous ferons remarquer que dans tous les dessins persans de nos planches, les couleurs secondaires et les tertiaires sont plus prédominantes que dans ceux des Arabes et des Maures (planche XXXIV.), où le bleu, le rouge, et l’or prévalent, et produisent comme on peut le voir au premier coup-d’œil, un bien plus bel effet.

Les ornements de la planche XLVI., se rapprochent beaucoup plus du style arabe : les numéros 7, 16, 17, 21, 23, 24, 25, sont très généralement employés pour orner la tête des chapitres dans les manuscripts persans, qui, tout nombreux qu’ils sont, n’offrent que très peu de variété dans leurs ornements. Si on les compare avec les manuscripts arabes (planche XXIV.), on y trouvera une grande ressemblance, quant aux lignes principales de la construction et des ornements, ainsi que dans les décorations de surface des ornements mêmes ; mais les masses ne sont pas distribuées d’une manière si harmonieuse ; les mêmes principes cependant prévalent dans les uns et les autres.

Les patrons des planches XLVII. et XLVII*. ont été pris d’un livre perse très curieux, qui se trouve au musée de South Kensington, et qui nous paraît être un livre d’échantillons d’un manufacturier. Les dessins sont d’une grande élégance, et la manière conventionnelle dont les fleurs naturelles sont rendues, trahit autant de simplicité que d’ingénuité. Les patrons de ces planches et ceux de la planche XLVIII. sont des plus précieux, en ce qu’ils montrent sans la dépasser, l’extrême limite à laquelle on peut aller dans le traitement conventionnel des objets. Quand on se sert de fleurs naturelles pour la décoration, et qu’elles sont soumises à un arrangement géométrique, on ne doit pas les ombrer, comme on les trouve dans les manuscripts de l’école moyen-âge la plus rapprochée de notre époque, voyez planche LXXIII., si l’on ne veut courir le risque de s’attirer la censure que méritent si justement les papiers et les tapis à fleurs des temps modernes. L’ornement au sommet de la planche XLVIII., qui forme le titre ainsi que les bordures du livre, présente ce caractère mixte d’un ornement pur mêlé à une ornementation composée de formes naturelles, que nous avons considéré comme étant caractéristique du style perse ;

trait, qui selon nous, le rend bien inférieur au style arabe et au style mauresque.
I
Chapitre XII. — Planches 49, 50, 51, 52, 53, 53*, 54, 54*, 55.
ORNEMENTS INDIENS.
PRIS DES EXPOSITIONS de 1851 et de 1855.
Ornements pris d’ouvrages en métal, exposés dans la collection indienne, 1851.

Ornements pris d’étoffes brodées et tissées, et de peintures sur vases, exposées dans la collection indienne, 1851, et qui se trouvent actuellement au musée de South Kensington.

Spécimens de laques peints pris de la collection de la compagnie des Indes.

Ornements d’étoffes tissées et brodées, et de boites peintes, exposées dans la collection indienne à Paris en 1855.


L’exposition des produits industriels de toutes les nations, en 1851, était à peine ouverte, que l’attention du public fut attirée vers l’étalage somptueux des objets de la collection indienne.

Au milieu du désordre général, visible chez toutes les autres nations, dans l’application de l’art aux manufactures, tant d’unité dans la composition, tant d’habileté et de discernement dans son application, joints à une si grande élégance et à un fini si parfait dans l’exécution des ouvrages, non seulement de l’Inde, mais encore de tous les autres pays mahométans représentés à l’exposition, — La Régence de Tunis, l’Égypte, et la Turquie, — excitèrent parmi les artistes, les manufacturiers, et le public en général, une admiration et une attention, qui n’ont pas manqué de porter des fruits.

Tandis que dans les objets exposés par les diverses nations de l’Europe, on remarquait partout une absence complète des principes généraux, dans l’application de l’art aux manufactures, — tandis que d’un bout à l’autre du vaste édifice de l’Exposition, on ne pouvait trouver qu’une aspiration vaine après la nouveauté, sans aucun égard à la convenance, n’arrivant à produire que des compositions basées sur un système vicieux : celui de copier et d’appliquer mal-à-propos, les formes de beauté que nous ont transmises les différents styles des temps passés, sans laisser entrevoir une seule tentative ayant pour but la production d’un style en harmonie avec nos besoins actuels et nos moyens de production, — le sculpteur en pierre, l’ouvrier en métal, le tisserand et le peintre, empruntant l’un de l’autre et appliquant alternativement, mal-à-propos, les formes particulièrement appropriées à chacun ; — il se trouvait dans des collections isolées aux quatre coins des transepts, tous les principes, toute l’unité, toute la vérité que nous avions cherchés vainement ailleurs, et cela, parce que nous étions au milieu de peuples, pratiquant un art qui ayant pris naissance avec leur civilisation avait grandi avec elle et pris des forces en se développer. Unis par une foi commune, ces peuples possédaient un art qui avait nécessairement la même expression, variant, pourtant, dans chaque nation, suivant l’influence à la quelle celle-ci se trouvait soumise. On voyait le Tunisien conservant le cachet de l’art des Maures qui créèrent l’Alhambra ; le Turc suivant les principes du même art, modifié par le caractère de la population mixte sur la quelle s’étend sa domination ; l’Indien unissant les formes sévères de l’art arabe aux graces raffinées de l’art perse.

Toutes les lois de la distribution de la forme, que nous avons déjà observées dans l’ornement arabe et dans l’ornement mauresque, se trouvent également dans les productions de l’Inde. À partir du plus riche ouvrage de broderie ou du tissu le plus élaboré, jusqu’à la fabrication et à la décoration d’un jouet d’enfant ou d’un vase en terre, nous trouvons partout les mêmes principes moteurs, — il y a toujours le même soin donné à la forme générale, la même absence de tout ornement superflu ; nous ne trouvons rien qui ait été ajouté sans un but, et rien qu’on puisse ôter sans nuire à l’effet. On trouve aussi chez les Indiens, la même division et la même subdivision des lignes générales, qui forment les principaux charmes de l’ornement mauresque ; la différence qui crée le style n’en est pas une de principe, mais simplement d’expression individuelle. Les ornements des Indiens ont quelque chose de plus coulant et de plus gracieux, et ils sont moins conventionnels que ceux du style mauresque, par suite, sans doute, de l’influence plus directe qu’a exercée sur eux le style perse.

Les ornements de la planche XLIX. sont principalement pris de houkas, dont il y avait une immense variété exposée en 1851 ; ils étaient tous remarquables par une grande élégance de contours et par un traitement judicieux de la décoration de surface, qui faisait que chaque ornement tendait à mieux développer la forme générale.

On verra qu’il y a deux sortes d’ornements indiens, savoir : l’un qui est strictement architectural et conventionnel, tels sont les numéros 1, 4, 5, 6, 8, qui sont traités en diagrammes ; et l’autre, comme les numéros 13, 14, 15, dans lesquels on a tenté une imitation plus directe de la nature ; ces derniers ornements sont pour nous une leçon excellente, en nous montrant combien il est inutile, dans tout ouvrage de décoration, de vouloir faire plus qu’indiquer l’idée générale d’une fleur. Le traitement ingénieux de la fleur tout épanouie représentée au No. 15, celui de la même fleur dans trois positions différentes aux numéros 14 et 15, et le renversement de la feuille au No. 20, sont très remarquables et des plus significatifs. L’intention de l’artiste est pleinement exprimée par des moyens aussi simples qu’élégants.

L’unité de la surface de l’objet décoré n’est point détruite, comme elle l’aurait été par la méthode européenne de représenter une fleur aussi naturelle que possible, en la reproduisant avec ses différentes nuances de couleur et ses ombres, comme pour vous donner la tentation de la cueillir. À la planche XLVII. dévouée aux ornements perses, on voit le même traitement appliqué à la représentation des fleurs naturelles ; en comparant ces deux manières de représenter les fleurs, on voit quelle influence l’art perse a exercée sur le style floral de l’Inde.

Dans l’application des divers ornements aux différentes parties des objets, le plus grand discernement se décèle toujours. L’ornement est invariablement parfaitement proportionné à la position qu’il occupe ; de petites fleurs pendantes ornent les cous étroits des houkas, tandis que les formes bombées de la base sont décorées d’ornements plus grands ; au bord inférieur se trouvent des ornements qui ont une tendance montante, et qui, en même temps, forment une ligne continue autour de la forme de l’objet pour empêcher l’œil de s’en écarter. Toutes les fois qu’on emploie d’étroites bordures courantes, comme dans le No. 24, on les contraste par d’autres qui suivent une direction contraire ; l’artiste ne perd jamais de vue le repos général de la décoration.

Dans la distribution égale de l’ornement de surface sur les fonds, les Indiens déploient un instinct et une perfection de dessin, tout-à-fait merveilleux. L’ornement No. 1, de la planche L., pris d’une selle brodée, excita l’admiration universelle en 1851. La balance exacte obtenue par l’artiste, en plaçant la broderie d’or sur un fond vert et rouge, était si parfaite, qu’il était au-dela du pouvoir d’un artiste européen de la copier en maintenant la même balance, si complète, de forme et de couleur. La manière dont les couleurs sont fondues entre elles dans tous les tissus des Indiens, afin d’obtenir ce qu’ils paraissent toujours chercher à produire, savoir, que les objets coloriés vus à une certaine distance présentent à la vue un éclat neutralisé, est des plus remarquables. Obligés d’avoir égard à une juste économie dans la production de nos planches, nous avons été nécessairement limités à l’égard du nombre de couleurs à imprimer, et nous n’en avons pas toujours obtenu, par conséquent, la balance convenable. Tous ceux qui s’occupent de quelque manière que ce soit, de la fabrication des tissus, devraient inspecter la collection indienne au musée de South Kensington et en faire un objet d’études spéciales ; ils y trouveront les plus brillantes couleurs parfaitement harmonisées entre elles — il est impossible d’y trouver un défaut d’accord. Tous les exemples font voir l’ajustement le plus parfait dans le soin de masser les ornements à l’égard de la couleur du fond ; chaque couleur ou teinte, à partir des plus pâles et des plus délicates jusqu’aux plus foncées et aux plus riches en nuances, reçoit exactement la quantité d’ornements qu’elle peut supporter.

On peut déduire les règles générales suivantes applicables à la fabrication de tous les tissus indiens : —

I°. Quand on fait usage d’ornements d’or sur un fond colorié, le fond sera le plus foncé là où l’on a employé l’or en grandes masses ; et quand on emploie l’or avec plus de sobriété, le fond sera plus clair et plus délicat.

2°. Quand on fait usage d’un ornement en or seul sur un fond colorié, on y introduit la couleur du fond par le moyen d’ornements, ou hachures, travaillés dans les couleurs du fond sur l’or lui-même.

3°. Quand les ornements d’une seule couleur sont placés sur un fond d’une couleur contrastante, on détache les ornements du fond, par des contours d’une couleur plus claire, pour empêcher un contraste trop tranchant.

4°. Quand, au contraire, les ornements d’une seule couleur sont placés sur un fond d’or, on détache les ornements du fond d’or, par des contours d’une couleur plus foncée, pour empêcher que l’effet des ornements ne soit affaibli. — Voyez le numéro 10 de la planche L.

5°. Dans les autres cas, où l’on fait usage d’une variété de couleurs sur un fond colorié, des contours d’or ou d’argent, ou bien de soie blanche ou jaune, détachent les ornements du fond, en donnant à l’ensemble un ton général d’aspect.

Dans les tapis et dans les combinaisons de couleurs aux tons foncés, on se sert dans ce but de contours généraux de couleur noire.

Le but que les Indiens ont en vue surtout, dans leurs tissus, semble être de définir les ornements d’une manière délicate, et non d’une manière abrupte ; ils visent à ce que les objets coloriés, vus à une certaine distance, présentent un éclat neutralisé ; qu’ils décèlent de nouvelles beautés à mesure qu’on s’en approche ; et qu’une inspection minutieuse fasse connaître les moyens par les quels l’artiste est arrivé à produire ces effets.

En ceci, ils ne font que mettre en pratique les mêmes principes, qui règlent la décoration de surface dans l’architecture des Arabes et des Maures. Le tympan d’un arc mauresque et un châle indien sont faits précisément d’après les mêmes principes.

L’ornement de la planche LIII., pris d’une couverture de livre qui se trouve dans la collection de la compagnie des Indes, est un exemple brillant de décoration peinte. Les proportions générales des Lignes principales du patron, la distribution habile des fleurs sur la surface, et, malgré la complication de la composition, la continuité parfaite des lignes des tiges, placent cette composition bien au-dessus de toute tentative faite en ce genre par les Européens. Les ornements de l’intérieur de la même couverture, planche LIV., sont traités d’une manière moins conventionnelle ; mais avec quel charme l’artiste a observé les justes limites du traitement des fleurs sur une surface plate ! Cette couverture de Livre nous offre un spécimen de deux styles distincts : — l’extérieur est d’après le style arabe, et l’intérieur d’après le perse.

Chapitre XIII. — Planches 56, 57, 58.
ORNEMENTS HINDOUS.
Ornements pris d’une statue en basalte qui se trouve à l’« Asiatic Society. »

1. 
Birman en verre.Palais de Cristal.
2. 
Châsse de Birman.deBirman. P.C.
3. 
Étendard Birman. de Birman. P.C.
4-6. 
Pris d’une chasse de Birman. P.C.
7-10, 
12-17. Ornements pris des copies des peintures qui se trouvent sur les murs des cavernes à Ajunta. — Palais de Cristal.
11. 
Birman, pris d’un monastère près de Prome. — P.C.

1. 
Birman. — Hôtel de la Compagnie des Indes.
2, 3. 
Châsse de Birman. — Palais de Cristal.
4. 
Coffre doré de Birman. P.C.
5. 
Hindou. — Musée du Service Uni.

{{table|nodots|indentation=-1|section=6-9.|titre=Ornements Hindous. — Hôtel de la Compagnie des Indes.

10. 
Birman. — Palais de Cristal.
11. 
Hindou. — Musée du Service Uni.
12. 
Birman. — Musée Britannique.
13. 
Hindou. — Hôtel de la Compagnie des Indes.
14. 
Hindou. — Musée du Service Uni.
15. 
Hindou. — Hôtel de la Compagnie des Indes.
16-19, 
21. Birman. — P.C.
20, 22 
-25. Birman. — Musée du Service Uni.
26. 
Birman. — P. C.

Les matériaux restreints que nous possédons en Angleterre, ne nous permettent pas de fournir un nombre suffisant de spécimens de l’ornementation des Hindous, pour arriver à en avoir une juste appréciation. Les écrivains qui ont publié jusqu’à ce jour des ouvrages sur l’ancienne architecture de l’Inde, n’ont pas suffisamment dirigé leur attention sur la partie ornementale des bâtiments de ce pays, pour nous permettre de reconnaître le vrai caractère de l’ornement hindou.

Dans les premières publications sur l’art égyptien, toutes les œuvres de sculpture et d’ornement étaient rendues d’une manière si fausse, qu’il a fallu un temps considérable, avant que le pubUc européen pût arriver à croire à l’existence de tant de grace et de tant de raffinement dans les œuvres des Égyptiens.

Les restes des monuments égyptiens qui ont été transportés en Angleterre, les plâtres d’un grand nombre d’autres qui existent encore en Égypte, et les reproductions plus fidèles et plus dignes de foi qui ont été publiées, dans ces dernières années, ont entièrement dissipé le doute qui existait dans l’esprit du public à ce sujet ; et l’art égyptien, aujourd’hui, a fini par prendre la vraie place qui lui revenait, dans l’estime publique.

Après que la même chose aura été accomplie à l’égard de l’ancienne architecture de l’Inde, nous serons dans une meilleure position qu’à présent, de former une opinion jusqu’à quel point elle a droit de prendre rang parmi les beaux arts, ou bien nous saurons si les Hindous ne sont que des entasseurs de pierres ornées de sculptures grotesques et barbares.

Si nous ne possédions que des vues pittoresques du Parthenon et des temples de Balbeck et de Palmyre, nous n’hésiterions pas à déclarer, que les Romains étaient bien supérieurs aux Grecs dans l’architecture. Mais les contours d’une seule moulure du Parthénon suffiraient pour nous faire changer d’opinion, et nous amener à proclamer à haute voix, que ce que nous contemplions étaient les œuvres d’un peuple arrivé au plus haut degré de civilisation et de raffinement.

Quoique l’ornement ne soit, proprement parlant, qu’un accessoire de l’architecture, et qu’il ne doive jamais usurper la place des traits principaux de la construction, ni les surcharger de manière à les masquer, il n’en forme pas moins l’âme même du monument architectural ; car ce n’est que par l’ornement, que nous pouvons arriver à former une juste idée des soins et de la capacité intellectuelle qui ont présidé à la construction de l’ouvrage. Toute autre chose, dans un édifice, pourrait être seulement un résultat mécanique produit à l’aide de la règle et du compas, mais l’ornement nous fait connaître jusqu’à quel point l’architecte est en même temps artiste.

Personne ne peut lire l’ouvrage de Ram Raz[13] sur l’architecture des Hindous, sans sentir que ce peuple a dû atteindre à un degré de perfection architecturale plus élevé, que celui que les ouvrages publiés jusqu’à ce jour tendent à nous faire accroire. On trouve dans cet ouvrage non seulement des règles précises sur l’arrangement général des structures, mais aussi des directions minutieuses sur la division et la subdivision des ornements.

Un des préceptes cités par Ram Raz mérite d’être rapporté, comme preuve que les Hindous faisaient grand cas de la perfection générale : " Malheur à ceux qui demeurent dans une maison qui n’est pas bâtie selon les proportions de la symétrie. Il faut donc que l’architecte, en construisant un édifice, en considère avec soin toutes les parties, à partir des fondations jusqu’au toit." Parmi les directions qui se trouvent dans cet ouvrage sur les diverses proportions des colonnes, des bases et des chapiteaux, il existe une règle pour trouver la propre diminution du diamètre supérieur d’une colonne en proportion du diamètre inférieur.

Ram Raz dit que la règle générale suivie par les architectes hindous, était de diviser le diamètre de la colonne à la base, en autant de parties qu’il y avait de diamètres dans toute la hauteur de la colonne, et de prendre invariablement une de ces parties pour former le diamètre du haut de la colonne. La raison en est, que plus la colonne est haute, moins elle devra diminuer au sommet ; et cette règle était suivie, parce que la diminution apparente du diamètre dans les colonnes de la même proportion est toujours plus grande suivant la hauteur.

On trouvera à la planche LVI. les meilleurs spécimens d’ornements hindous que nous ayons pu nous procurer ; ils ont été pris d’une statue de Surga, ou Soleil, en basalte, qui se trouve dans la collection de l’« Asiatic Society ; » on suppose qu’elle appartient à une époque entre le cinquième siècle et le neuvième de l’ère chrétienne. Les ornements en sont admirablement exécutés, et trahissent visiblement l’influence grecque. L’ornement No. 8 représente le lotus vu à plat, orné de boutons en élévation de côté, qu’un dieu tient à la main.

Dans les livres sacrés cités par Ram Raz, se trouvent plusieurs préceptes qui recommandent d’orner les divers membres architecturaux, de lotus et de pierreries ; les quels semblent former les principaux types des décorations des moulures.

Des moulures entassées les unes sur les autres, forment les traits caractéristiques des bâtiments hindous. Dans l’ouvrage de Ram Raz se trouvent des instructions bien définies à l’égard des différentes proportions de chaque moulure, et il est évident que la valeur de ce style d’architecture doit dépendre entièrement du plus ou moins de perfection avec laquelle la transition d’une moulure à l’autre est effectuée ; mais, comme nous l’avons déjà dit, nous ne sommes pas à même, faute de matériaux, de porter un jugement à cet égard.

Nous avons réuni à la planche LVII. tous les exemples d’ornement décoratif que nous avons pu trouver sur les copies des peintures des cavernes d’Ajunta, que la compagnie des Indes a exposées au Palais de Cristal. Ces copies, quoiqu’on les représente comme étant d’une grande fidélité, ne sont néanmoins que l’ouvrage d’un artiste européen, et par conséquent il nous est difficile de dire jusqu’à quel point on peut s’y fier. Dans les parties secondaires de ces copies, dans les ornements par exemple, on voit si peu de cachet particulier, qu’on pourrait les attribuer à n’importe quel style. Il est à remarquer qu’il y a très peu d’ornements dans ces peintures ; particularité que nous avons observée dans plusieurs anciennes peintures qui appartiennent à l’« Asiatic Society. » Même sur les vêtements des figures, il y a une absence d’ornements qui ne peut manquer de frapper tout observateur.

Chapitre XIV. — Planches 59, 60, 61, 62.
ORNEMENTS CHINOIS.
Les ornements, Nos. 1, 8-17, 24-28, 33-35, 40, 42, sont pris de peintures sur porcelaine,
et les Nos. 2-7, 18-23, 29-32, 36-39, 41, sont pris de tableaux.

Les ornements, Nos. 1-12, 16, 19-21, 24, sont pris de peintures sur porcelaine,
et les Nos. 17, 18, de tableaux.
Les Nos. 13, 22, 23, sont pris de tissus,
et les Nos. 14, 16, de peintures sur des boites en bois.

Les ornements, Nos. 1-3, sont pris de peintures sur bois,
et les Nos. 4-6, 9, 10, 12-15, 17, 18, de peintures sur porcelaine.
Les Nos. 7, 8, 11, sont pris de tissus,
et le No. 16, d’un tableau.

Représentations conventionnelles de fleurs et de fruits, peintes sur porcelaine.

Malgré la haute antiquité de la civilisation des Chinois et la perfection à la quelle ils atteignirent dans leurs procédés de manufacture, bien des siècles avant notre époque, ils ne paraissent pas avoir fait beaucoup de progrès dans les beaux-arts. M. Fergusson, dans son admirable " Handbook of Architecture ", remarque que « la Chine possède à peine un bâtiment digne d’être classé parmi les œuvres d’architecture, » et que tous les grands ouvrages du génie, dont tout le pays est couvert, « n’offrent à la vue aucune composition architecturale et sont dénués de toute espèce d’ornements. »

Dans leur ornementation, si familière au public, par les nombreux objets de toute sorte, provenant de leur manufacture, qui ont été importés en Europe, les Chinois ne paraissent pas avoir dépassé le point auquel arrive tout peuple dans l’enfance de la civilisation : leur art, tel qu’il est, est entièrement stationnaire et ne présente aucune tendance ni progressive ni rétrograde. Ils sont même en arrière des habitants de la Nouvelle Zélande, sous le rapport de la conception d’une forme pure ; mais ils possèdent, de commun avec toutes les nations orientales, l’heureux instinct de l’harmonie des couleurs ; et comme ce don est plutôt une faculté naturelle qu’un talent qu’on acquiert, il ne nous étonne pas, puisque c’est précisément ce à quoi nous devions nous attendre. L’acquisition de l’appréciation de la forme dans sa pureté demande une éducation plus subtile ; c’est le résultat ou de qualités naturelles beaucoup plus élevées, ou du développement des idées primitives par des générations successives d’artistes continuant dans leurs efforts, par de nouvelles améliorations, les progrès faits par leurs prédécesseurs.

La forme générale d’un grand nombre de vases chinois se fait remarquer par la beauté de ses contours, mais on peut en dire autant des gargoulettes grossières d’argile poreuse, que le potier arabe, dépourvu de la connaissance des premiers principes de l’art, fabrique journellement sur les bords du Nil, n’ayant pour seule aide que l’instinct naturel à sa race ; mais la forme des vases chinois perd souvent sa pureté, par l’addition d’ornements grotesques ou dépourvus de toute espèce de signification, construits sur la surface de l’objet, au lieu de paraître s’en élancer : de là nous sommes amenés à conclure que les Chinois ne peuvent posséder l’appréciation de la forme, qu’à un faible degré.

Dans leur décoration peinte et dans leur décoration des tissus, les Chinois, en fait d’instinct artistique, ne trahissent que celui d’un peuple primitif, Les ornements qui ont pour base des combinaisons géométriques, sont ceux dans les quels ils ont le plus de succès ; mais même alors, s’il leur arrive d’abandonner les patrons formés par l’intersection de lignes égales, ils paraissent n’avoir qu’une idée très imparfaite de la distribution des intervalles. L’instinct qu’ils possèdent de l’harmonie des couleurs, leur permet jusqu’à un certain point, de balancer les formes, mais une fois privés de cette aide ils ne semblent pas capables d’obtenir le même résultat heureux. Les diaprés de la planche XLIX. fournissent des exemples à l’appui de ce que nous venons de dire. Les patrons 1, 8, 13, 18, 19, produits par des figures qui assurent une égale distribution, sont plus parfaits que les Nos. 2, 467, 41, dont l’arrangement est laissé au caprice de l’artiste ; d’un autre côté les Nos. 28, 33, 35, 49 ; et les autres patrons de ce genre reproduits sur cette planche, sont des exemples dans les quels l’effet de l’ensemble est produit par l’instinct nécessaire à balancer convenablement les couleurs entre elles ; talent naturel que les Chinois partagent avec les Indiens, dans leurs tissus où le ton de la couleur du fond est toujours en harmonie avec la quantité d’ornements dont on les décore. Les Chinois sont certainement de bons coloristes, et peuvent balancer, avec le même succès, les tons de couleur les plus riches ainsi que les nuances les plus délicates.

Leurs efforts sont couronnés d’un plein succès, non seulement dans l’emploi des couleurs primaires, mais aussi dans celui des secondaires et des tertiaires ; et davantage encore peut-être, dans le maniement des tons clairs des couleurs pures, — surtout dans le bleu pâle, le rose pâle, et le vert pâle.

Les Chinois, à l’exception des patrons géométriques, ne possèdent que très peu de formes purement ornementales ou conventionnelles ; nous en donnons quelques exemples à la planche LX., numéros 1-3, 5, 7, 8. Ils ne possèdent aucun ornement conventionnel courant, comme nous en trouvons dans tous les autres styles ; ils remplacent ce manque par une représentation de fleurs naturelles entrelacées d’ornements linéaires : tels sont les numéros 17, 18 de la planche LXI. ; ou par des fruits, comme à la planche LXII. Dans tous les exemples différents de leur ornementation, leur instinct les maintient dans de justes limites ; et quoique l’arrangement en soit généralement peu naturel et inartistique, il n’outrage jamais, la convenance, par des ombres et des nuances hors de place, comme on le voit parmi nous. Le traitement des figures, des paysages et des ornements dans leurs papiers de tenture, quelqu’inartistique qu’il puisse nous paraître, est néanmoins assez conventionnel pour qu’il ne choque jamais le bon goût, en dépassant les limites légitimes de la décoration ; de plus, dans leurs patrons floraux, les Chinois observent toujours les lois naturelles de la radiation partant de la tige-mère, et de la courbure tangente ; et il serait impossible qu’il en fût autrement, car la spécialité des Chinois, c’est de copier avec fidélité ; de là nous concluons qu’ils doivent observer de près la nature. Ce qui leur manque, c’est le goût pour idéaliser leurs compositions fondées sur ces observations.

Nous avons déjà parlé dans le chapitre des ornements grecs, des particularités de la frette chinoise. Le No. 1 de la planche LXI. est un méandre continu semblable à celui des Grecs ; les Nos. 2-9, 18, sont des spécimens de frettes irrégulières ; le No. 4 de la planche LX. est un exemple curieux d’une frette à extrémité recourbée.

L’ornement chinois, pris dans son ensemble, est une expression fidèle de ce peuple bizarre ; ce qui le caractérise c’est la bizarrerie, — nous ne saurions dire qu’il soit capricieux, car le caprice est l’élan erratique d’une imagination vive ; et les Chinois sont entièrement dénués de la faculté imaginative ; aussi toutes leurs œuvres péchent-elles par le manque de la qualité la plus gracieuse de l’art, — l’idéal.

Chapitre XV. — Planches 63, 64, 65.
ORNEMENTS CELTIQUES.
ORNEMENTATION LAPIDAIRE.
1. 
La croix d’Aberlemno, formée d’une seule dalle, haute de Angus 7 pieds. — Chalmers, Stone Monuments of Angus.
2. 
Ornement circulaire pris de la base d’une croix en pierre, au cimetière de du cimetière de St. Vigean, Angusshire. — Chalmers.
3. 
Partie centrale d’une croix en pierre qui se trouve au cimetière de l’île d’Inchbrayoe, Écosse.
4. 
Ornements d’une croix qui se trouve Meigle, Angusshire. — Chalmers.
5. 
Ornement pris de la base d’une croix près de la vieille église d’Eassie, Angusshire. — Chalmers.

Note. — Outre les différents ornements qu’on observe sur les pierres qui figurent ici, on trouve sur nombre de croix écossaises exclusivement, un ornement particulier qu’on appelle le dessin à lunettes. Il se compose de deux cercles joints par deux lignes courbes, lesquelles sont croisées par la traverse oblique d’un Z orné. Les antiquaires sont et ont toujours été embarrassés d’expliquer l’origine et la signification de cet ornement, dont nous n’avons jamais trouvé, hors de l’Ecosse, qu’un seul exemple sur un bijou gnostique, reproduit en gravure dans l’Essay on Christian Coins, par Walsh.

Sur quelques-unes des croix de l’île de Man et de Cumberland — de même que sur celle de Penmon, Anglesea, — se trouve un ornement semblable au dessin classique que nous avons reproduit sur la planche grecque VIII., figures figures 22 et 27. Cet ornement a été emprunté probablement au pavé mosaïque romain, où il se rencontre quelquefois : mais on ne le trouve jamais dans les manuscrits ni dans les ouvrages en métal.


ENTRELACS
1-5, 
10-22, 26, 42-44, sont des bordures d’entrelacs à rubans, copiées de manuscrits anglo-saxons et irlandais qui se trouvent au musée Britannique, à la bibliothèque Bodléïenne, Oxford, et aux bibliothèques de St. Gall et de Trinity College, Dublin.
6, 7. 
Entrelacs à rubans, pris des évangiles d’or de la bibliothèque Harléïenne, musée Britannique. — Humphreys.
8. 
Ornement formant la terminaison d’une lettre initiale, formé de lignes entrelacées et spirales, pris de l’exemplaire des évangiles, No. 693, bibliothèque de Paris. — Silvestre.
9. 
Entrelacs, pris d’un manuscrit irlandais qui se trouve à St. Gall. — Keiler.
23. 
Ornement formant la terminaison d’une lettre initiale, pris du livre du sacre des rois anglo-saxons, production d’artistes franco-saxons. — Humphreys.
24. 
Ornements à entrelacs, pris du psautier tironien, de la bibliothèque de Paris. — Silvestre.
26. 
Ornement entremêlé de feuillage et d’animaux dessinés d’après nature, pris des évangiles d’or. — Humphreys.
27. 
Ornement angulaire à entrelacs, pris de la Bible de St. Denis. 9ème siècle.
28. 
Dessin des lignes angulaires, pris des évangiles de Lindisfarne. Fin du 7ème siècle.
29. 
Panneau à entrelacs, du psautier de St. Augustin, musée Britannique. 6ème ou 7ème siècle.
30. 
Ornement formé de quatre triquètres joints, pris du Sacramentaire franco-saxon de St. Grégoire, bibliothèque de Reims. 9ème ou 10ème siècle. — Silvestre.
31. 
Partie d’une initiale gigantesque de la Bible francosaxonne de St. Denis. 9ème siècle. — Silvestre.
32. 
Ornement en quatre-feuilles à entrelacs, du Sacramentaire de Reims. — Silvestre.
33. 
Ornement angulaire à entrelacs des évangiles d’or, (agrandi).
34 et 
37. Ornements entrelacés, formés de points rouges, pris des évangiles de Lindisfarne.
35. 
Entrelacs de triquètres, pris des évangiles du sacre des rois anglo-saxons.
36. 
Ornement circulaire de quatre triquètres joints, pris du Sacramentaire de Reims, (agrandi).
38 et 
40. Lettres initiales des évangiles de Lindisfarne, formées d’entrelacs d’animaux et de lignes angulaires. Fin du 7ème siècle, (agrandies).
39. 
Ornement entremêlé de têtes de chiens, du Sacramentaire franco-saxon de Reims. — Silvestre.
41 et 
45. Ornements à entrelacs quadrangulaircs, pris du missel de Leofric, bibliothèque Bodléïenne.

ORNEMENTS SPIRAUX ET DIAGONAUX, ORNEMENTS ZOOMORPHIQUES ET ANGLO-SAXONS.
1. 
Lettre initiale, des évangiles de Lindisfarne, fin du 7ème siècle, musée Britannique, (agrandie).
2. 
Ornement en lignes angulaires, des évangiles Grégoriens, musée Britannique, (agrandi).
3. 
Entrelacs d’animaux, du livre de Kells, bibliothèque de Trinity College, Dublin, (agrandis).
4. 
Dessin diagonal. Evangiles de Mac Durnan, bibliothèque du palais de Lambeth. 9ème siècle, (agrandi).
5 et 
12. Ornements en spirale des évangiles de Lindisfarne, (agrandis).
6. 
Ornements en diagonal de manuscrits irlandais, St. Gall, 9ème siècle, (agrandis).
7. 
Entrelacs. Idem.
8. 
Entrelacs d’animaux, évangiles de Mac Durnan, (agrandis).
9, 10, 
13. Dessins en diagonal, évangiles de Mac Durnan, (agrandis).
11. 
Dessins en diagonal des évangiles de Lindisfarne, (agrandis).
14. 
Bordure en entrelacs d’animaux, tirée des évangiles de Lindisfarne, (agrandie).
15 et 
17. Panneaux à entrelacs de bêtes et d’oiseaux, pris des évangiles irlandais de S. Gall. 8ème ou 9ème siècle.
16. 
Q initiale, en forme d’animal allongé et angulaire, du psautier de Ricemarchus, Trinity College, Dublin. Fin du 11ème siècle.
18. 
Un quartier de cadre, ou bordure, pris d’une page enluminée du bénédictionnaire de St. Æthelgar, Rouen, 10ème siècle. — Silvestre.
19. 
Idem, pris du psautier d’Arundel, No. 155, musée Britannique. — Humphreys.
20. 
Idem, pris des évangiles de Canute, musée Britannique. Fin du 10ème siécle.
21. 
Idem, pris du bénédictionnaire de Æthelgar.
22. 
Ornement en spirale entremêlé d’oiseaux, formant partie d’une grande initiale majuscule, des évangiles de Lindisfarne. (Grandeur réelle.) — Humphreys.
ORNEMENTS CELTIQUES.

Le génie des habitants des Iles Britanniques, s’est signalé, en tout temps, par des productions d’un style qui différait singulièrement du style des autres nations du monde entier. Si les traits caractéristiques qui nous distinguent à présent, sont marqués d’un cachet particulier, ceux qui distinguaient nos ancêtres depuis les temps les plus reculés, ne l’étaient pas moins. Encore de nos jours, on regarde avec admiration nos immenses temples druidiques ; et parmi les productions des beaux-arts des siècles suivants, nous trouvons des croix gigantesques en pierre ayant jusqu’à trente pieds de hauteur, sculptées de la manière la plus élaborée et ornées de devises dont le style ne ressemble point au style des autres peuples, et ces croix nous représentent l’ancien génie pour les structures lapidaires sous une forme modifiée, inspirée par une foi nouvelle.

Les plus anciens monuments et reliques de l’art de l’ornementation que nous possédons, (et ils sont bien plus nombreux que la plupart des personnes ne s’imaginent), sont liés si intimement avec la première introduction du christianisme dans ces îles[14], que nous sommes forcés d’avoir recours à celui-ci pour démêler l’histoire et le cachet particulier de l’art celtique : tâche qui jusqu’à présent a été effleurée à peine, quoiqu’elle offre, au point de vue national, un degré d’intérêt égal à celui que peut inspirer l’histoire de l’art de l’ornementation de n’importe quel autre pays.

1. Évidence Historique. — Il est vrai que les historiens ne sont pas d’accord, quant à la manière précise dont le christianisme a été introduit en Angleterre, mais, sans qu’il soit nécessaire de chercher à réconcilier ces différends, nous avons l’évidence la plus ample, non seulement que le christianisme a été établi dans la Grande Bretagne avant l’arrivée de St. Augustin, 596, mais aussi que les anciens théologiens britanniques différaient sur bien des points importants de doctrine, avec le missionnaire envoyé par St. Grégoire le grand ; ce qui est confirmé jusqu’à l’évidence par les restes artistiques que nous possédons de cette époque. St. Gregoire avait envoyé en Angleterre plusieurs Bibles dont on conserve actuellement deux exemplaires : l’un à la bibliothèque Bodléïenne d’Oxford et l’autre à la bibliothèque du Collège Corpus Christi, Cambridge. Ces deux exemplaires venus d’Italie, sont écrits en lettres onciales et arrondies, si usuelles dans ce pays-là, et on n’y voit aucun ornement ; l’initiale de chaque évangile se distingue à peine de l’écriture du texte, seulement la première ligne, ou quelquefois les deux premières lignes, sont écrites en encre rouge, et chaque évangile a en tête le portrait de l’évangeliste, (dont on n’a conservé du reste que celui de St. Luc), assis sous un arc arrondi qui repose sur deux colonnes de marbre, et qui est décoré de feuillage arrangé d’une manière classique. Les plus anciens manuscrits italiens sont tous dépourvus d’ornements élaborés.

Le cas est totalement différent à l’égard des anciens manuscrits qu’on sait avoir été écrits dans les îles Britanniques. Ce sont ces manuscrits sur lesquels nous basons principalement la théorie de l’origine indépendante de l’ornement celtique ; aussi avons nous cru devoir donner quelques détails paléographiques, pour prouver leur antiquité vénérable, d’autant plus qu’on nous oppose constamment des doutes quant à l’âge supposé de ces documents précieux. Il est vrai qu’ils ne portent pas de date, mais quelques-uns d’entr’eux contiennent le nom du scribe, que nous sommes parvenus à identifier dans les premières annales, ce qui nous a permis de fixer la période à laquelle le volume a été exécuté. C’est ainsi qu’on a pu tracer avec certitude, à une période qui ne descend pas plus bas que le neuvième siècle, l’origine des évangiles autographes de St. Columba ; du Leabhar Dhimma, ou évangiles de St. Dimma Mac Nathi ; des évangiles Bodléïens, écrits par Mac Regol et du livre d’Armagh. Un autre témoignage qui fournit la preuve de la date reculée de ces volumes, se trouve dans la collection sans pareille de chartes anglo-saxonnes de cette époque, qu’on trouve au musée Britannique et dans d’autres bibliothèques, chartes qui datent à partir de la seconde moitié du septième siècle jusqu’à la conquête normande ; et quoique ces chartes, comme Astle le remarque, " soient écrites généralement d’une main plus déliée et plus cursive que les livres de la même époque, on n’en voit pas moins la ressemblance, entre les caractères des chartes et ceux des livres, laquelle sert ainsi à établir mutuellement leur authenticité." Il est impossible de comparer, par exemple, le manuscrit Cottonien Vespasian, A 1, connu généralement sous le nom de psautier de St. Augustin, avec les chartes de Sebbi, roi des Saxons de l’Est, 670 (Casley, Catal. of MSS. p. xxiv.), ou avec celles de Lothaire, roi de Kent, 679 ; ou bien encore la charte d’Aethelbald, datée de 769, avec les évangiles de Mac Regol ou de St. Chad ; sans être parfaitement convaincu que les manuscrits sont de la même époque que les chartes.

Une troisième preuve de la grande antiquité de nos premiers manuscrits est fournie par le fait, qu’on en conserve encore un grand nombre dans différents endroits à l’étranger, où ils avaient été portés par les missionnaires irlandais et anglo-saxons. L’histoire fait mention des nombreux établissements monastiques que nos compatriotes ont établis dans différentes parties de l’Europe ; et nous ne citerons que le moine St. Gall, irlandais, qui a donné son nom, non seulement à l’établissement monastique qu’il avait fondé, mais même au canton de Suisse où le monastère est situé. Parmi les livres monastiques de cet établissement, transférés depuis à la bibliothèque publique, se trouvent quelques-uns des manuscrits les plus anciens de l’Europe, et un grand nombre de fragments de volumes soigneusement ornés et exécutés dans les îles Britanniques, que l’on vénère comme reliques du fondateur. De la même manière on conserve à Fulda, les évangiles de St. Boniface. Les évangiles de St. Kilian, (irlandais), l’apôtre de la Franconie, qu’on a trouvés dans sa tombe, teints de son sang se conservent à Wurtzbourg, où on les expose sur l’autel tous les ans à l’anniversaire de son martyre.

Or, tous les manuscrits, dont on a la preuve qu’ils ont été écrits dans les îles Britanniques à une époque antérieure à la fin du neuvième siècle, trahissent dans leur ornementation un cachet particulier, qui diffère totalement de celui qui appartient à ceux des autres pays, si nous exceptons tels endroits où les missionnaires irlandais ou anglo-saxons ont pu introduire leur style, ou modifier ceux qui y existaient déjà. Ajoutons ici que, quoique nous ayons dérivé nos arguments principalement des plus anciens manuscrits, nous arrivons au même résultat en considérant les ornements en métaux ou en pierre de la même époque ; dont les dessins forment les pendants de ceux des manuscrits, à tel point qu’on ne peut qu’arriver à la conclusion, que les dessinateurs qui ont produit les dessins des uns, ont dû fournir aussi ceux des autres. Sur quelques-unes des grandes croix en pierre, cette ressemblance est si frappante, qu’on est presque tenté, en les examinant de croire qu’on voit une des pages d’un volume enluminé, à travers une loupe.

2. Particularités de l’Ornement Celtique. — Les principales particularités qui caractérisent l’ornement celtique, consistent, premièrement en ce que les ornements phyllornorphiques, soit à feuillages soit à végetaux, y manquent complètement — il n’y a pas la moindre trace de l’acanthe classique ; et deuxièmement, elles se manifestent dans le traitement excessivement compliqué, minutieux et élaboré des différents dessins, dessins géométriques pour la plupart, composés d’entrelacs à rubans, de lignes diagonales ou spirales, d’animaux et d’oiseaux monstrueux pourvus de têtes, de langues et de queues très longues, entrelacées et contournées en nœuds presque infinis.

Dans les manuscrits les plus somptueux, tels que le livre de Kells, les évangiles de Lindisfarne, et de St. Chad, et dans quelques-uns des manuscrits de St. Gall, on voit des pages entières couvertes de dessins des plus élaborés, divisés en compartiments, et qui dans leur ensemble présentent des dessins en forme de croix. Il y a un de ces dessins au commencement de chaque évangile. La production d’une telle masse d’ouvrage[15] doit avoir exigé un travail énorme et un soin infini, puisque l’examen le plus minutieux, à l’aide d’une loupe, ne pourrait y découvrir une erreur dans l’exactitude des lignes ou dans la régularité des entrelacs ; et ce soin minutieux n’empêche pas le coloris de produire l’effet le plus harmonieux.

Contrairement à l’habitude suivie auparavant, de commencer un manuscrit avec une lettre qui ne différait guère du reste du texte, on eut soin, dans ces manuscrits, d’orner d’une manière également élaborée le commencement de chaque évangile, qui fait face à ces grandes pages ornées. Les initiales étaient souvent d’une grandeur gigantesque et remplissaient la plus grande partie de la page, le reste de la page était occupé par quelques-uns des mots qui suivaient, dont chaque lettre avait la hauteur moyenne d’un pouce environ. Dans les pages qui formaient le commencement du texte, comme dans celles qui contenaient les dessins en forme de croix, se trouvaient représentés, avec plus ou moins de détails, tous les différents styles d’ornementation.

Les ornements les plus variés que les artisans en métaux, en pierre, et les écrivains des manuscrits employaient généralement, se composaient d’une ou de plusieurs bandelettes étroites entrelacées et nouées, contournées quelquefois dans les enroulements les plus compliqués, et quelquefois arrangées d’une manière géométrique et symétrique. Sur les planches LXIII. et LXIV. se trouvent nombre d’exemples des différents styles de cet ornement. En coloriant ces rubans de différentes teintes, appliquées sur un fond noir ou sur un fond de couleur, on peut produire des effets variés et charmants. Pour se faire une idée de la complication curieuse de quelques-uns de ces ornements, on n’a qu’à suivre le cours du ruban dans ces dessins ; comme, par exemple, dans celui qui se trouve dans le compartiment supérieur de la figure 5, planche LXIII. Quelquefois deux rubans poursuivent leur cours parallèlement, s’entrelaçant alternativement, comme à la figure 12, planche LXIV. Quand les circonstances le permettent, les rubans sont dilatés et prennent une forme angulaire pour remplir certains espaces du dessin, comme à la figure 11, planche LXIV. La modification la plus simple de ce dessin c’est le double ovale, qu’on peut voir aux angles de la figure 27, planche LXIV. Cette modification se rencontre dans les manuscrits grecs et syriaques, ainsi que dans les pavés mosaïques des Romains, mais on la trouve rarement dans nos premiers manuscrits. Une autre forme simple est celle qui est connue sous le nom de triquètre, et qui est fort commune dans les manuscrits et dans les objets travaillés en métal. La figure 36, planche LXIV., présente un exemple de quatre de ces triquètres introduits dans le motif. Les figures 30 et 35 de la même planche représentent des modifications de ce dessin.

Un autre ornement caractéristique, qu’on employait en profusion dans les plus anciens ouvrages de tout genre, se composait d’animaux monstrueux, tels que oiseaux, lézards et serpents de différentes espèces, allongés généralement outre mesure et garnis de nœuds, de queues et de langues qui s’étendaient en longs rubans entrelacés, s’éntremêlant et se contournant de la manière la plus fantastique ; quelque fois d’une manière symétrique, mais le plus souvent d’une manière irrégulière, dessinés qu’ils étaient de manière à servir de remplissage dans certains endroits. Quelquefois, mais pas souvent, on introduisait aussi la figure humaine ; comme sur un des panneaux de la croix de Monasterboice, au palais de Cristal, où l’on voit quatre figures humaines singulièrement entrelacées ; et sur une des bosses de la crosse de Lismore, appartenant au duc de Devonshire, on voit plusieurs de ces groupes fantastiques. Sur la planche LXIII. il y a des groupes d’animaux entrelacés de la même manière. Les exemples les plus compliqués sont les groupes de huit chiens (planche LXV., fig. 17) et de huit oiseaux (planche LXV., fig. 15) pris d’un des manuscrits de St. Gall ; mais l’exemple le plus élégant, c’est l’ornement marginal (fig. 8, planche LXV.) pris des évangiles de Mac Durnan, palais de Lambeth. Dans les manuscrits irlandais et gallois plus récents, les bords des rubans entrelacés se touchent, et les dessins sont bien moins géométriques et plus confus. Le dessin étrange (fig. 16, planche LXV.) n’est autre chose que la lettre initiale Q du psaume, Quid Gloriaris, et il est pris du psautier de Eicemarchus, évêque de St. David, 1088. Ce dessin doit représenter un animal monstrueux pourvu de nœuds dont l’un s’étend sur le devant au dessus du nez, et l’autre forme un crochet étrange au dessus de la tête, le cou est garni d’une rangée de perles, le corps est allongé et anguleux et se termine en deux jambes tordues pourvues de griffes féroces, et la queue est tellement nouée que l’animal aurait du mal à la débrouiller. Très souvent on n’employait que les têtes d’oiseaux et d’animaux pour former la terminaison d’un dessin, comme on peut le voir dans plusieurs ornements reproduits planche LXIV., et en effet la gueule béante et la langue allongée fournissent un fini qui ne manque pas de grace.

Le plus caractéristique de tous les dessins celtiques c’est celui qui se produit par deux ou trois lignes spirales, partant d’un point fixe, et dont les extrémités opposées s’élancent vers le centre des cueilles formées d’autres lignes spirales. Les figures 1, 5, et 12, présentent des exemples de cet ornement, reproduits tous sur une échelle plus ou moins agrandie ; tandis que la figure 22 représente la grandeur réelle. La figure 3, planche LXIII., montre comment ce dessin peut être converti en un dessin diagonal. Dans les manuscrits, de même que dans tous les meilleurs ouvrages en métal et en pierre, qui datent d’une époque plus ancienne, ces lignes spirales prennent toujours la direction de C, jamais celle de S. Cette circonstance prouve, ce que l’irrégularité du dessin même tend déja à démontrer, savoir, que l’ornement central de la figure 1, planche LXIII., n’a pas été tracé par un artiste versé dans les dessins réellement celtiques, et trahit ou la négligence ou la présence d’une influence étrangère. On a appelé ce dessin, le dessin à trompette, parceque l’espace entre les lignes, forme un dessin allongé et courbe qui ressemble à l’ancienne trompette irlandaise, dont l’embouchure est indiquée par un ovale en points, placé transversalement au bout le plus large. On rencontre des exemples du même motif exécutés sur les objets en bronze, d’un pied de diamètre environ, qu’on a trouvés de temps en temps en Irlande ; et on ne sait à quel usage ils ont pu servir ; on le voit aussi sur les petites plaques circulaires émaillées, ouvrages Anglo-Saxons d’une période reculée, qu’on a trouvées dans différents endroits en Angleterre. Mais il se voit rarement sur pierre ; le seul exemple que nous en connaissons en Angleterre se trouve sur les fonts baptismaux de l’église de Deerhurst. Comme cet ornement ne se rencontre dans aucun manuscrit exécuté en Angleterre après le neuvième siècle, nous pouvons conclure, que les fonts baptismaux en question sont les plus anciens parmi les fonts ornés de ce pays.

Un autre dessin, qui n’est pas moins caractéristique, se compose de lignes diagonales qui ne s’entrelacent jamais, mais qui sont arrangées séparément à des intervalles égaux, et qui forment une suite de dessins ressemblant aux motifs chinois.[16] La lettre Z, droite ou renversée, constitue l’élément primaire de ce dessin qu’on peut appeler, comme conséquence, le dessin de Z. Il est capable d’un grand nombre de modifications, comme on peut le voir, planche LXV., figures 6, 4, 9, 10, 11, et 13. Dans les manuscrits les plus élaborés, ce dessin est purement géométrique et régulier, mais dans les ouvrages peu-soignés, il dégénère en un dessin irrégulier, comme on peut l’observer à la planche LXIII., figures 1 et 3.

On trouve encore de temps en temps, dans les manuscrits anglais, un autre ornement fort simple, qui consiste en une série de lignes angulaires placées séparément à distance égale l’une de l’autre, de manière à former une suite de marches ou degrés. Voyez planche LXIV., figures 28 et 36 ; et planche LXV., fig. 2. Ce dessin du reste, ne saurait être regardé comme caractéristique de l’ornement celtique, puisqu’il se rencontre également dans les autres styles depuis l’époque la plus reculée.

En dernier lieu, nous mentionnerons encore l’ornement le plus simple de tous, celui qui ne consiste qu’en points rouges. On s’en servait beaucoup pour former l’ornement marginal des grandes initiales ou celui des détails ornés avec le plus de soin. Ces points forment un des principaux traits caractéristiques qui distinguent les manuscrits irlandais et anglo-saxons. Quelquefois ils étaient arrangés de manière à former un dessin à eux seuls, comme dans les figures 34 et 37, planche LXIV.

3. De l’Origine des Ornements Celtiques. — Les différents styles d’ornementation que nous avons tracés ci-dessus, se pratiquaient dans la Grande-Bretagne et en Irlande depuis le quatrième ou cinquième siècle jusqu’au onzième ou douzième ; et comme ces ornements paraissent sous la forme la plus pure et la plus élaborée dans tels endroits ou les races celtiques prédominèrent le plus long-temps, nous n’hésitons pas à les classer sous le nom générique d’ornements celtiques.

Nous laisserons entièrement de côté la question de savoir, si les Irlandais avaient reçu leurs lettres et leurs styles d’ornementation des premiers chrétiens britanniques, ou si ces ornements avaient pris leur origine en Irlande et s’étaient répandus ensuite en Angleterre. Pour décider ce point, il faudrait examiner avec le plus grand soin l’origine locale des premiers manuscrits anglo-saxons, ainsi que celle des pierres sculptées et garnies d’inscriptions d’origine romaine, romaine-britannique, ou appartenant à la première époque du christianisme, qui se trouvent à l’ouest de l’Angleterre et du pays de Galles. Mais pour notre argument il nous suffit d’avoir l’autorité du vénérable Bède, qui nous informe que les églises britanniques et irlandaises étaient identiques dans leurs particularités, et la même identité existe dans les monuments. Il est vrai que les Anglo-saxons employaient ces mêmes styles d’ornement, tout aussi bien que les Irlandais, comme on peut le voir dans les fameux évangiles de Lindisfarne ou le livre de St. Cuthbert, qu’on conserve dans la librairie Cottonienne du musée Britannique ; et qu’on sait positivement avoir été exécuté à Lindisfarne à la fin du 7ème siècle par des artistes anglo-saxons. Mais d’un autre côté il est vrai aussi que Lindisfarne était un établissement fondé par les moines d’Iona, disciples des Irlandais de St. Columba, de manière qu’il n’y a rien de surprenant à ce que les élèves anglo-saxons aient adopté les styles d’ornementation employés par leurs prédécesseurs irlandais. Il est certain que les Saxons, qui étaient païens en arrivant en Angleterre, n’avaient point de dessins d’ornementation qui leur appartint particulièrement ; et au Nord de l’Allemagne il n’existe point de restes, qui puissent fournir le moindre appui à l’idée, que l’ornementation des manuscrits anglo-saxons puisse avoir une origine teutonique.

Les conjectures les plus variées ont été avancées quant à la source d’où les premiers chrétiens des îles Britanniques ont pu tirer le cachet particulier de leurs ornements. Il y a même eu des écrivains qui ont nié l’originalité indépendante des églises britanniques et irlandaises, et ont soutenu qu’elles avaient tiré leurs inspirations d’une source romaine ; et ces auteurs n’ont pas craint d’avancer la supposition que les grandes croix de pierre de l’Irlande avaient été exécutées en Italie. Mais nous sommes à même de réfuter cette assertion par le fait, qu’il n’existe pas un seul manuscrit italien antérieur au neuvième siècle, ni une seule pierre sculptée qui ait la moindre ressemblance avec les restes qui se trouvent dans ce pays. Qu’on examine le magnifique ouvrage sur les catacombes de Rome, publié récemment par le gouvernement français, où toutes les inscriptions et les dessins exécutés sur les murs sont reproduits avec le plus grand soin, et on ne manquera pas d’y trouver la preuve, que l’art et l’ornementation des premiers chrétiens de Rome n’ont eu aucune part dans le développement de l’art dans les îles Britanniques. Il est vrai que les grandes pages ornées des manuscrits dont nous avons parlé, ont une certaine ressemblance avec les pavés mosaïques des Romains, de manière que, si ces pages se trouvaient dans les manuscrits anglo-saxons exclusivement, on aurait pu avancer la conjecture, qu’elles étaient copiées de ces pavés qui existaient dans différents endroits de l’Angleterre, et qui, au septième et au huitième siècles devaient être encore à découvert ; mais les plus élaborées et les mieux soignées de ces pages ornées se rencontrent dans les manuscrits irlandais où l’on peut tracer clairement l’influence irlandaise, et tout le monde sait qu’il n’y avait point de pavés mosaïques romains en Irlande, les Romains n’ayant jamais été dans cette île.

On pourrait dire aussi, que les entrelacs à rubans, si communs dans les manuscrits, etc., étaient tirés des pavés mosaïques romains ; mais dans ceux-ci les entrelacs sont tout ce qu’il y a de plus simple et de plus naïf, ne ressemblant en rien aux nœuds entrelacés et compliqués qu’on peut voir, par exemple, à la planche LXIII. Le fait est, que dans les restes romains, les rubans sont simplement placés alter nativement les uns sur les autres, tandis qu’ils sont noués dans les dessins celtiques.

D’autres écrivains persistent à prêter une origine Scandinave à ces sortes d’ornements, qu’on a l’habitude d’appeler les nœuds runiques, comme se rattachant aux superstitions Scandinaves. Il est vrai que dans l’Ile de Man, de même qu’à Lancaster et à Bewcastle, on trouve, sur des croix, des inscriptions runiques qui portent le cachet particulier des ornements dont nous venons de parler. Mais il faut se rappeler que ce sont les missionnaires des îles Britanniques qui ont converti au christianisme les nations Scandinaves, et que les croix britanniques ne ressemblent nullement à celles qui existent encore dans le Danemarc et en Norvège ; celles-ci, d’ailleurs sont de plusieurs siècles plus récentes que les plus anciens et les plus beaux des manuscrits britanniques ; de manière qu’il n’y a rien qui puisse venir à l’appui de l’assertion, que les ornements de ces manuscrits soient d’origine Scandinave. Pour réfuter cette assertion, il suffira de comparer nos planches avec celles contenues dans l’excellente série d’illustrations des anciennes reliques Scandinaves, qui se trouvent au musée de Copenhage, publiée tout récemment.[17] Dans les 460 représentations qui forment le total de cet ouvrage, il n’y a qu’une figure (No. 398) qui représente les motifs de dessin des manuscrits britanniques, et nous n’hésitons pas à affirmer que ce sont des restes d’ouvrages irlandais. Que les artistes Scandinaves ont adopté l’ornementation celtique, telle qu’elle a été pratiquée vers la fin du dixième et du onzième siècle, c’est prouvé d’une manière évidente par la ressemblance qu’il y a entre leurs églises en bois sculpté (illustrées en detail par M. Dabi) et les ouvrages en métaux de l’Irlande datant de la même époque, comme, par exemple, la croix de Cong au musée de l’académie royale d’Irlande, Dublin.

Les artistes Scandinaves, du reste, n’étaient pas les seuls à suivre l’art celtique, mais les artistes plus accomplis de l’école de Charlemagne et de ses successeurs, de même que ceux de la Lombardie, avaient adopté déjà pour leurs manuscrits magnifiquement enluminés, nombre d’ornements particuliers à l’art celtique. Mais ils y mêlaient les ornements classiques de l’acanthe et à feuillage, ce qui donnait à leurs pages une grace qu’on cherche en vain dans les œuvres élaborées mais péniblement compliquées des artistes britanniques. Cette combinaison d’ornements se fait remarquer, à la figure 25, planche LXIV., copiée des évangiles d’or, au musée Britannique, magnifique exemple de l’art des Francs du neuvième siècle. Dans quelques uns des manuscrits des Francs, cependant, les motifs Anglo-Saxons et irlandais étaient copiés de si près (seulement sur une échelle plus grande), qu’on leur a donné le nom de Franco-Saxons. C’est le cas avec la Bible de St. Denis, Bibliothèque Nationale, Paris, dont on conserve quarante pages à la bibliothèque du musée Britannique. La figure 31, planche LXIV., a été copiée de ce manuscrit, grandeur réelle.

Il nous reste encore à examiner, si Byzance et l’Orient n’ont pas fourni les idées que les premiers artistes celtiques ont ensuite développées dans la retraite de leurs monastères, telles que nous les voyons exécutées dans les motifs élaborés des manuscrits dont nous traitons. Le fait que ce style d’ornements était complètement développé avant la fin du septième siècle, et que Byzance avait été le siège des arts à commencer du milieu du quatrième siècle, paraît indiquer la possibilité, que les missionnaires britanniques ou irlandais (qui se rendaient souvent à la Terre Sainte et en Égypte) aient pu puiser dans ces régions les idées ou les principes de quelques-uns de leurs ornements. On aurait de la difficulté, il est vrai, à prouver cette assertion, attendu qu’on ne sait que fort peu sur l’état de l’art réel de Byzance, antérieurement au septième ou au huitième siècle. Mais ce qui est certain, c’est que l’ornementation de Ste. Sophie, illustrée avec tant de soin par H. Salzenberg, ne présente aucune analogie avec nos dessins celtiques ; ceux-ci cependant ont bien plus de ressemblance avec les premiers ornements du mont Athos, dont M. Dideron a donné quelques illustrations dans son Iconographie de Dieu. À la planche X. des ornemens égyptiens, figures 10, 13-16, 18-23, et planche XI., figures 1, 4, 6, et 7, on trouvera des dessins formés de lignes spirales ou de cordes, qui ont peut-être donné la première idée du motif en spirale de nos ornements celtiques ; on verra, cependant, que dans la plupart de ces exemples égyptiens, la ligne spirale est arrangée en forme de S. Il n’y a que la figure 11, planche X., qui soit arrangée en forme de C, s’accordant jusqu’à un certain degré avec nos motifs, dont elle diffère, cependant, grandement, quant aux détails. Les entrelacs élaborés, si communs dans l’ornementation mauresque, s’accordent jusqu’à un certain point avec les ornements slavoniques, éthiopiques, et syriaques, dont nombre d’exemples ont été reproduits par Silvestre, ainsi que dans notre Palographia Sacra Pictoria ; et comme tous ces ornements avaient probablement leur origine à Byzance ou à Mont Athos, on serait tenté d’attribuer la même origine à l’idée des ornements celtiques — idée qui a été développée d’une manière différente par les artistes irlandais et anglo-saxons.

En résumé ce que nous avons cherché à prouver, c’est que même en supposant, que les premiers artistes des îles Britanniques aient tiré le germe de leurs styles particuliers d’ornements d’une source autre que celle de leur propre génie national, ils ont dans tous les cas, entre la période de l’introduction du christianisme et le commencement du huitième siècle, formé différents systèmes distincts d’ornementation, lesquels, dans leur état développé ne ressemblaient en rien à ceux de tout autre pays, quel qu’il soit ; et cela a été accompli à une époque où presque tout le reste de l’Europe, par suite de la dissolution du grand empire romain, était plongé dans les ténèbres à l’égard des productions artistiques.

4. Ornements Anglo-Saxons d’une époque plus récente. — Vers le milieu du dixième siècle, quelques-uns des artistes anglo-saxons se servaient, dans leurs manuscrits, d’un autre style d’ornement également frappant et également distinct de celui de tout autre pays. Cet ornement consistait en un dessin de la forme d’un cadre, composé de barreaux d’or qui entouraient toute la page, au centre de laquelle étaient placés les miniatures et les titres. Ces cadres étaient ornés de feuillages et de bourgeons, mais pour rester fidèles aux idées invétérées des entrelacs, les feuilles et les tiges furent entre lacées entr’elles et avec les barreaux d’or mêmes — les angles étaient, en outre, décorés de cercles, de carrés, de rhombes, ou de quatrefeuilles. Ce style d’ornement était des plus élaborés, au Sud de l’Angleterre surtout ; et les exemples les plus grandioses ont été exécutés à Winchester au monastère de St. Æthelwold, dans la seconde moitié du dixième siècle. Le plus magnifique de ces exemples, c’est le bénédictionnaire appartenant au duc de Devonshire, et illustré complètement dans VArchoeologia : les deux exemples, cependant, qu’on conserve à la bibliothèque publique de Rouen, en approchent de bien près ; et on peut dire la même chose de l’exemplaire des évangiles qui se trouve à la bibliothèque de Trinity College, Cambridge. Les évangiles du Roi Canute, au musée Britannique, un autre de ces exemples, nous a fourni le motif de la figure 20, planche LXV.

Les grands manuscrits de l’école française de Charlemagne, ornés de feuillages, ont été sans doute les originaux qui ont inspiré à nos artistes anglo-saxons d’une époque plus récente, l’idée de combiner les feuillages avec leurs ornements.

J. 0. WESTWOOD.

RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES.
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O’Conor. Biblioth. Stowensis. 2 vols. 4to. 1818. Aussi, Rerum Hibernicarum Scriptores veteres. 4 vols. 4to.
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O’Neill. Illustrations of the Crosses of Ireland. Folio, en livraisons.
Keller, Ferdinand, Dr. Bilder und Schrißzüge in den irischen Manuscripten ; in den Mittheilungen der Antiq. Œsellsch. in Zurich. Bd. 7, 1851.
Westwood, J. 0. Polygraphia Sacra Pictoria, 4to. 1843-1845. Dans le Journal of the Archaeological Institute, vols. vii. et x. Aussi, nombre d’articles dans l’Archoeologia Cambrensis.
Cumming. Illustrations of the Crosses of the Isle of Man. 4to.
Chalmers. Stone Monuments of Angusshirt. Fol. imp.
Spaldino Club. Sculptured Stones of Scotland. Folio. 1856.
Gage, J. Dissertation on the St. Æthelwold’s Benedictional, dans l’Archoeologia, vol. xxiv.
Ellis, H. Sir. Account of Coedmon’s Paraphrase of Scripture His tory, dans l’Archoeologia, vol. xxiv.
Goodwin, James, B. D. Evangelia Augustini Gregoriana ; dans Trans. Cambridge Antiq. Society, No. 13, 4to. 1847, avec onze planches.
Bastard, Le Comte de. Ornements et Miniatures des Manuscrits Français. Imp. fol. Paris.
Worsaae, J. J. A. Afbildninger fra det Kong. Museum i Kjöbenhavn. 8vo. 1854.
Et les œuvres générales de Wtllemin, Strutt, Du Sommerard, Langlois, Shaw, Silvestre et Champollion, Astle (on Writing), Humphreys, La Croit, et Lisons(Magna Britannia).
Chapitre XVI. — Planches 66, 67, 67*, 68, 69, 69*, 70, 71, 72, 73.
ORNEMENTS MOYEN-ÂGE.
Feuilles et Fleurs Conventionnelles, prises de manuscrits de différentes périodes.

Collection de Bordures, prises de manuscrits enluminés, à partir du 9ème jusqu’au 14ème siècle.

Diaprés de Murs, pris de miniatures de manuscrits enluminés, à partir du 12ème jusqu’au 16ème siècle.

Vitraux Peints de différentes Périodes et de différents Styles.
1, 5, 
6, 8. Église d’Attenberg, près de Cologne.
3. 
Église de Southwell, Comté de Nottingham.
2, 4. 
Chapitre de la cathédrale d’York.
7. 
Transept du nord de la cathédrale d’York.
9, 11. 
Cathédrale de Soissons.
10. 
St. Thomas, Strasbourg.
13. 
Cathédrale de Troyes.
14. 
Cathédrale de Cantorbery.

Vitraux Peints de différentes Périodes et de différents Styles.
12, 17. 
St. Cunibert, Cologne.
15. 
Cathédrale de Cantorbery.
16, 26. 
Abbaye de St. Denis.
18-24, 
26, 27, 29. Cathédrale de Bourges.
28. 
Cathédrale d’Angers.

Carreaux Encaustiques. 13ème et 14ème siècle.

Manuscrits Enluminés, No. 1.

Les Nos. 1-12 sont du 12ème siècle ; le No. 13 est du 13ème siècle. Les Nos. 12 et 13 sont pris des Illuminated Books of the Middle Ages. — Humphreys.

Les autres ornements de cette planche sont pris du musée Britannique.

Manuscrits Enluminés, No. 2.

13, 14. — 13ème siècle. 1, 3-6, 8-11. —  14ème siècle. 2, 7, 12, 16. — 15ème siècle.

1, 2, 3, 7, 8, et 16, pris des Illuminated Books of the Middle Ages ; 15, pris d’un manuscrit dans la possession de l’auteur.

Les autres ornements sont pris du musée Britannique.

Manuscrits Enluminés, No. 3.

Manuscrits du 15ème siècle. 11-15, pris des Illuminated Boots of the Middle Ages.

Les autres ornements sont pris du musée Britannique.
ORNEMENTS MOYEN-AGE.

On peut facilement tracer la transition de l’arc en plein cintre, qui caractérise le style roman, au style gothique du treizième siècle, dans les bâtiments où ces deux styles sont mêlés ; mais il n’en est pas de même de la transition de l’ornement roman à celui qui était en vogue au treizième siècle. Toute trace de la feuille d’acanthe a disparu, et l’on trouve, en général, un style d’ornement purement conventionnel, dans les bâtiments de cette époque. L’ornementation qui se rapproche le plus du style roman, se trouve dans les manuscrits enluminés du douzième siècle, laquelle paraît avoir emprunté aux manuscrits grecs, quelques-uns de ses traits caractéristiques. Les ornements s’y composent d’une


Style ogival du 15ème siècle. Wells. Collins

Église de Warmington, Comté de Northampton.W. Twopeny.

Église de Warmington, Comté de Northampton. W. Twopeny.

Style gothique décoré. Wells. Collins.

tige continue qui se termine par une fleur, et du côté extérieur de la quelle s’élancent des feuilles. La disposition générale et l’arrangement des lignes sur un espace quelconque y est exactement semblable à l’arrangement des ornements sculptés du style ogival du treizième siècle.

Comme principe et comme exécution, les ornements du style ogival du 13ème siècle sont les plus parfaits de tous ceux de la période gothique. On y trouve autant d’élégance et de raffinement dans les modulations de la forme qu’on en trouve dans les ornements grecs. Ils sont toujours en parfaite harmonie avec les parties de la structure qu’ils sont appelés à décorer et s’en élancent toujours naturellement. En un mot, ils remplissent toutes les conditions que nous désirons trouver dans un style parfait de l’art, mais ils ne possédèrent cette perfection qu’autant qu’ils restèrent conventionnels. À mesure qu’ils devinrent moins idéalisés et qu’ils trahirent la tendance d’imiter plus fidèlement la nature, ils perdirent leurs beautés particulières, et cessèrent d’être une ornementation pour les différentes parties architecturales des édifices qu’ils devaient décorer ; ils n’en firent plus partie, pour ainsi dire, et ne devinrent que des ornements appliqués sur une surface architecturale.

Dans les chapiteaux des colonnes du style ogival du 13ème siècle, les ornements s’élancent directement


Pris de l’Église de Stone, comté de Kent. Publié par la Société Topographique.

du fût, et se divisent au-dessus du gorgerin en une série de tiges, dont chacune se termine par une fleur ; ce qui est analogue au mode de décoration des chapiteaux des colonnes égyptiennes. Dans le style décoré, au contraire, où l’architecte a tenté une imitation plus fidèle de la nature, il ne lui a plus été possible de traiter la feuille comme faisant partie du fût ; et par conséquent il a été obligé de terminer le fût par une campane, autour de laquelle s’enroulaient les feuilles. Plus l’artiste s’est avancé dans cette voie d’imiter de près la nature, plus l’arrangement de sa composition a perdu de son caractère artistique.

La même chose arrive à l’égard des bosses qui couvraient l’intersection des côtes. Dans les bosses sur les voutes du style ogival du 13ème siécle, les tiges des fleurs formant les bosses étaient une continuation des moulures des côtes, tandis que dans les périodes subséquentes les intersections des côtes furent cachées par les bosses elles-mêmes, qui devinrent des ornements appliqués sur la colonne, comme l’était la feuille d’acanthe sur la campane du chapiteau corinthien.

Dans les tympans des arcs, tant qu’on s’en tint au traitement conventionnel de l’ornement, une tige mère vigoureuse serpentait sur le tympan, de la quelle s’élançaient des feuilles et des fleurs ; mais lorsqu’on en vint à tenter d’imiter la nature, la tige cessa de constituer la forme de l’ornement, et perdit toute sa grace par la tentative de l’artiste de vouloir reproduire avec de la pierre la douceur de l’objet naturel. La tige mère comme caractère principal de l’ornementation, disparait par degré, et nous voyons souvent les tympans couverts de trois immenses feuilles s’élançant d’une tige torse placée au centre.

Nous ne pouvons, à l’aide du petit nombre de ruines qui existent encore des décorations de l’intérieur des bâtiments, former une idée exacte de ce genre d’ornement du treizième siècle. Les ornements des manuscrits enluminés ne sauraient nous servir de guides, car après le douzième siècle le style y est rarement architectonique ; de plus il y avait un si grand nombre d’écoles différentes d’enluminations, qui empruntaient tellement l’une de l’autre, qu’on trouve souvent dans la même enlumination un mélange de différents styles. Il n’est pas probable que, pendant que les ornements sculptés étaient généralement traités d’une manière conventionnelle, les décorations du même bâtiment ne le fussent point.


Pris de la Cathédrale de Wells. Collins.

Nous donnons sur la planche LXVII., un choix des bordures qui se trouvent sur les manuscrits enluminés exécutés à partir du neuvième siècle jusqu’au quatorzième ; et sur la planche LXVIII., des diaprés de murs pris principalement des fonds des enluminations exécutées à partir du douzième siècle jusqu’au seizième. Il n’y a qu’un bien petit nombre d’ornements de l’une ou de l’autre classe qui soient dignes d’être associés au pur ornement conventionnel du style ogival du treizième siècle.

C’est pendant le treizième siècle que l’architecture atteignit le point culminant de la perfection. Les mosquées du Caire, l’Alhambra, les cathédrales de Salisbury, de Lincoln, et de Westminster, possèdent tous la même qualité : le secret de combiner l’effet général le plus large avec la décoration la plus élaborée. Tous ces édifices possèdent entre eux une certaine ressemblance : quoique leurs formes diffèrent beaucoup les unes les autres, elles ont pour bases les mêmes principes. Ils trahissent les mêmes soins à l’égard des masses principales de la composition, la même appréciation des ondulations de la forme, le même respect rigide pour les principes naturels de l’ornementation, la même élégance, et le même raffinement dans toutes les décorations.

Ce serait vainement, il faut le dire, qu’on tenterait de reproduire de nos jours un bâtiment du treizième siècle. Des murs blanchis, des vitraux peints et des carreaux encaustiques, ne peuvent seuls soutenir l’effet qu’on arrivait à produire, lorsque chaque moulure avait la couleur qui convenait le mieux au développement de sa forme, et que du plancher jusqu’au toit, il n’y avait pas un pouce d’espace qui n’eût son ornement convenable — effet qui devait être d’une magnificence au-delà de toute imagination. En un mot l’architecture avait atteint une telle perfection, qu’elle s’épuisa par les efforts qu’elle avait faits d’y parvenir, — la lumière finit par s’éteindre : non seulement l’architecture, mais tous les arts décoratifs qui en dépendent commencèrent immédiatement à entrer dans une période de décadence, — décadence qui ne s’arrête jamais avant l’extinction complète du style.

On verra dans les exemples des carreaux encaustiques reproduits sur la planche LXX. que ceux qui appartiennent à l’époque la plus ancienne, tels que les numéros 17 et 27, produisent l’effet le plus large et qu’ils sont le mieux adaptés au but qu’ils devaient remplir. Quoique dans ce genre d’ornements la décadence n’allât pas assez loin, pour qu’on y tentât des imitations de relief, cependant nous pouvons voir dans le No. 16 quelque chose approchant la représentation des formes naturelles des feuilles, ainsi qu’un déclin très prononcé dans les patrons, tels que ceux du No. 23, où se trouvaient représentés des réseaux de fenêtre et les parties architecturales de bâtiments.

La planche LXVI. contient une grande variété de feuilles et de fleurs traitées d’une manière conventionnelle, prises de manuscrits enluminés. Quoiqu’un grand nombre parmi elles soient fortement enluminées dans l’original, nous les avons reproduites en deux couleurs seulement, pour montrer combien il est possible de représenter en diagramme le caractère général des feuilles. En adaptant ces feuilles ou ces fleurs à une tige en forme de volute, on produirait autant de styles différents, en apparence, qu’il y a d’ornements sur la planche, styles dont le nombre pourrait être encore augmenté par la combinaison de différentes variétés de feuilles ou de fleurs ; et si, à cela on ajoutait le traitement conventionnel d’une feuille ou d’une fleur quelconque, en suivant le même principe, il n’y aurait point de limites à la puissance inventive de l’artiste.

Nous avons taché de rassembler sur les planches LXXI., LXXII., LXXIII., les types des divers styles d’enlumination ornementale à partir du douzième siècle jusqu’à la fin du quinzième, et ils trahissent, dès les premiers, une décadence visible. Les ornements de la lettre N, planche LXXI., ne sont surpassés par aucun des exemples des styles subséquents que nous avons reproduits ; ils remplissent le but véritable de l’enlumination, et représentent, sous tous les rapports, le style pur de l’écriture ornée. La lettre elle-même forme l’ornement principal, de laquelle s’élance une tige mère qui, s’élevant hardiment de la base, s’élargit en une grande volute, exactement au point le plus convenable pour amener un contraste gracieux avec la ligne angulaire de la lettre ; contraste, qui est admirablement soutenu par la volute verte qui embrasse la partie supérieure de la lettre N et l’empêche de tomber ; cette dernière volute est si admirablement proportionnée qu’elle peut soutenir la volute rouge qui s’en élance. Les couleurs, aussi, sont balancées et contrastées de la manière la plus admirable ; et nous pouvons tirer une leçon utile de la manière dont la rotondité des tiges est exprimée, sans qu’il y ait une tentative réelle à produire un relief. Il existe un nombre immense de manuscrits enluminés dans ce style, que nous considérons comme le plus beau parmi les différents styles d’enlumination. Ce style possède certainement, dans son ensemble, le caractère oriental, et il a été probablement un développement de l’enlumination des Byzantins. Son adoption universelle exerça une grande influence, ce nous semble, sur l’ornementation du style ogival du treizième siècle, qui suit exactement les mêmes lois dans la distribution générale de la forme.

Ce style, par suite d’une répétition constante, perdit graduellement les beautés particulières et la convenance qu’il avait tirées de l’inspiration première ; les enroulements devinrent trop petits et trop élaborés, comme nous le voyons dans le No. 13 de la même planche et emmenèrent l’extinction de ce style. Nous n’y trouvons plus la même balance de la forme, nous n’avons que les quatre séries d’enroulements se répétant de la manière la plus monotone.

À partir de cette époque les lettres initiales cessent de former l’ornement principal de la page, mais le texte se trouve entouré de bordures qui courent autour de la page, comme au No. 1, planche LXXII., ou flanqué d’un côté d’ornements en queue comme aux numéros 9, 10, 11, 42. La bordure acquiert graduellement une importance de plus en plus grande ; au lieu de la forme vignette qu’elle avait généralement d’abord, elle arrive graduellement, au genre du No. 15, pour finir avec celui des numéros 7 et 2, où les contours extérieurs sont entourés d’une ligne rouge tandis que le fond est couvert de tiges et de fleurs intermédiaires, de manière à produire une tinte uniforme. Le No. 8 est le spécimen d’un style qui était très en vogue dans le quatorzième siècle ; il est d’un caractère très architectonique et se trouve généralement sur de petits missels et autour de très belles miniatures.

On pourra facilement tracer à l’aide des numéros 9, 10, 11, la marche graduelle qui eut lieu à partir de l’ornement conventionnel à teintes plates des numéros 13 et 14, jusqu’à la tentative de reproduire le relief des formes naturelles qu’on trouve sur les numéros 15, 7, 2. On remarque aussi un abandonnement graduel de la continuité des tiges mères, et quoiqu’on puisse encore tracer dans les numéros 15, 7, 2, chaque fleur ou chaque groupe de fleurs jusqu’à sa racine, l’arrangement général est rompu et fragmentaire.

Jusqu’à cette époque les ornements des enluminations sont encore du ressort du scribe ; ils sont d’abord dessinés avec les contours en noir, puis coloriés, mais nous verrons, planche LXXIII., que le peintre commença à usurper la place du scribe ; et plus nous avancerons, plus nous verrons qu’on semble s’éloigner davantage du but légitime de l’enlumination. Le No. 5 nous présente le premier pas dans cette direction ; nous y voyons un arrangement géométrique produit à l’aide d’ornements conventionnels entourant des panneaux dorés, sur les quels sont peints des groupes de fleurs traités d’une manière légèrement conventionnelle. Dans les numéros 6, 7, 8, 9, 10, 15, nous voyons des ornements conventionnels entremêlés de fleurs naturelles arrangées d’une manière fragmentaire. L’abandonnement de toute continuité dans la composition nous amène au No. 11 où nous voyons une fleur naturelle et un ornement conventionnel sur la même tige, puis aux numéros 12 et 13, où le peintre, maître de la position, donne l’essor à son imagination, et représente des fleurs et des insectes dont l’ombre se réfléchit sur la page. L’art de l’enlumination une fois arrivé à ce point ne put aller plus loin dans la voie de la décadence, — il n’y avait plus rien d’idéal, — et il s’éteignit dans le désir de représenter un insecte avec une fidélité telle, qu’on pût le prendre pour un insecte véritable s’abattant sur la page.

Les numéros 1, 2, sont des spécimens d’un style particulier, qu’on trouve dans les manuscrits italiens ; c’est une rénovation qui eut lieu au quinzième siècle du système d’ornement si en vogue dans le douzième siècle. Elle donna naissance au style du No. 3, où le patron formé d’entrelacs, était fortement colorié sur un fond d’or. Ce style s’éteignit de la même manière que le précèdent ; les entrelacs qui d’abord formaient des dessins purement géométriques, devinrent des imitations de branches naturelles, et nécessairement, ce point une fois atteint, le style ne put aller plus loin.

Il paraît y avoir une plus grande affinité entre les ornements des vitraux peints et ceux des manuscrits enluminés, qu’entre les premiers et les ornements sculptés des monuments de la même période ; et de même que les ornements des manuscrits enluminés, ceux des vitraux peints paraissent toujours devancer les ornements de structure. Par exemple : les vitraux peints du douzième siècle possèdent la même largeur d’effet, et sont construits de la même manière que les ornements sculptés du treizième, tandis que les vitraux peints du treizième, décèlent déja, selon nous, un état de décadence. Il s’est opéré le même changement que nous avons déja indiqué, en comparant le No. 13 au No. 12 de la planche LXXI.

La répétition constante des mêmes formes conduit graduellement à une surabondance d’ornementation dans les détails, d’où il résulte que l’effet général en souffre considérablement ; et les ornements sont hors de proportion avec les masses générales. Or, comme c’est une des beautés les plus caractéristiques du style ogival du treizième siècle, que l’ornement y est en un parfait accord, quant à la grandeur relative et à l’effet, avec les membres du bâtiment qu’il décore, cela paraît un fait curieux, si toutefois c’est un fait. Tous les ornements de la planche LXIX. et de la planche LXIX*., à partir du No. 12 jusqu’au No. 28 sont du douzième siècle ; les numéros 3 et 7 sont du treizième, et les numéros 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, sont du quatorzième. L’effet général de ces planches prouve ce que nous avons avancé ; on peut s’en convaincre en y jetant un simple coup-d’œil.

Nous trouvons toujours dans les vitraux peints du douzième siècle la mise en pratique de tous les principes qui appartiennent, comme nous l’avons montré, à un vrai style d’art. Nous n’avons besoin que de signaler au lecteur la manière tout ingénieuse dont les lignes perpendiculaires, les obliques et les courbes sont balancées et contrastées entre elles, dans tous les diaprés.

Les numéros 2 et 4 nous donnent un exemple d’un principe très généralement suivi, dont le caractère est tout-à-fait oriental : — le fond des vitraux est couvert d’un dessin continu qui forme une couleur, laquelle s’entrelace avec un autre dessin général qui couvre toute la surface.

Les numéros 1, 5, 6, 8, quatorzième siècle, nous offrent un exemple du commencement du style tendant à l’imitation directe de la nature, lequel finit par négliger tous les principes qu’on doit suivre dans la peinture sur verre. Les ornements et les figures, à travers lesquels la lumière devait passer, sont ombrés par l’artiste, dans sa tentative d’en faire des représentations copiées fidèlement d’après nature.

Chapitre XVII. — Planches 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82.
ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.
1, 8, 
9. Bas-reliefs de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
2. 
Bas-reliefs de la Scuola di San Marco, Venise.
3. 
Bas-relief formant la continuation en montant de la fig. 2
4, 6. 
Bas-reliefs de l’église de San Michele in Murano, Venise.
5, 7. 
Bas-reliefs de la Scala dei Giganti, Venise.

1, 2. 
Tirés d’une collection de plâtres pris, sous la surintendance du Professeur Varny, des principaux monuments du Cinque-cento, Gènes.
3. 
Pris de la première porte faite par Ghiberti au baptistère, Florence.
4, 5, 
8, 9, 11. Recueillis à Gènes.
6. 
Pris à Venise.
7. 
Pris de l’église de Santi Giovanni e Paolo, Venise.
10. 
Pris de l’hôtel Bourgtheroulde, Rouen.

1. 
Bas-relief par Andreo Sansovino, pris de l’église de Sta. Maria del Popolo, Rome.
2. 
Bas-relief de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
3. 
Bas-relief de l’hôtel Bourgtheroulde, Rouen.
4. 
Bas-relief tiré d’une collection de plâtres des meilleurs ornements du cinque-cento de Gènes, pris sous la surintendance du Professeur Varny.
5, 7, 
8, 10. Bas-reliefs, de Gènes.
6. 
Bas-relief du tombeau Martinengo, Brescia.
9. 
Bas-relief de la base des “ Trois Graces ” de Germain Pilon, Louvre.

1-3. 
Ornements émaillés sur cuivre, dans l’ancien style champlevé de Limoges, pris du musée de l’hôtel Cluny. Paris.
4, 8. 
Idem, d’une période plus récente.
9. 
Ornement du fond d’un tableau, Hôtel Cluny.
10, 11. 
Émaux sur fond d’or, Louvre.
12. 
Incrustation d’argent sur ivoire du seizième siècle, Hôtel Cluny.
13. 
Pris d’un coffret qui se trouve à l’Hôtel Cluny.
14. 
Pris d’une poire à poudre en fer, du seizième siècle, Hôtel Cluny.
15-17. 
Objets semblables en buis, du même musée.
18-20. 
Pris d’émaux de Limoges du seizième siècle, du même musée.
21. 
Idem, du Louvre.
22-24. 
Émaux sur fond d’or, seizième siècle, Louvre.
25. 
Partie d’un cabinet d’ébène du seizième siècle, Hôtel Cluny.
26. 
Ornements incrustés sur un fourreau de poignard du seizième siècle, Hôtel Cluny.
27, 28. 
Ornements de poterie du seizième siècle, Louvre.
29. 
Émail sur cuivre, style champlevé de Limoges.
30. 
Ornements peints, Hôtel Cluny.
31. 
Pris de l’armure de Henri III., Louvre.
32. 
Plaque en métal, du même musée.
33-35. 
Pris d’objets en métal qui se trouvent au Louvre.
36. 
Pris de l’armure de François II., Louvre.
37-39. 
Ornements repoussés en cuivre. Hôtel Cluny.
40, 41. 
Émaux style champlevé de Limoges, du même musée.
42-44. 
Ornements d’orfévrerie du seizième siècle, Louvre.
45, 46. 
Pris d’une peinture en émail peint de Limoges, seizième siècle, Hôtel Cluny.
47. 
Ornement en cuivre, même musée.
48. 
Incrustation d’ivoire sur ébène, idem.
49. 
Ornements peints, idem.
50-53. 
Émaux style champlevé de Limoges, idem.
54-56. 
Pris des accessoires de diverses peintures, idem.
57-61. 
Émaux style champlevé de Limoges.

1-36. 
Ornements pris des différents specimens de faïences hispano-arabiques, castelanes, françaises et italiennes qu’on conserve au musée de South Kensington ; et surtout des faïences dites majoliques de Pesaro, Gubbio, Urbino, Castel Durante, et d’autres villes d’Italie, du quinzième, du seizième, et du dix-septième siècle.

1-3. 
Ornements recueillis de la faïence émaillée de Bernard de Palissy, Hôtel Cluny.
4-10. 
Pris de différents spécimens de majolique, Hôtel Cluny.
11-13. 
Ornements de faïence du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
14-18, 
21. Ornements de faïence du seizième siècle, Louvre.
19, 20. 
Ornements de porcelaines du dix-septième siècle, Louvre.
22, 23. 
Ornements de poterie allemande en grés, décorée de vernis peint, seizième siècle. Hôtel Cluny.
24, 33. 
Ornements de faïences françaises, espagnoles et italiennes, Hôtel Cluny.
34. 
Pris du Louvre.

1, 2. 
Ornements de faïence.
3-6. 
Ornements de faïence du seizième siècle.
7-10. 
Ornements de faïence, du dix-septième siècle.
11, 12. 
Ornement de faïence à lustre métallique.
13. 
Pris d’un vase en verre vénitien du seizième siècle.
14-21. 
Ornements de faïence, du seizième siècle.
22, 23. 
Ornements de faïence d’une époque plus reculée.
24-27. 
Ornements de grés flamand.
28-32. 
Ornements de faïence du seizième siècle.
33. 
Pris d’un panneau de bois sculpté, du dix-septième siècle.
34-38. 
Ornements de grés émaillés.
39-12. 
Pris d’une broderie de soie sur velours.


N.B. 
— Tous les spécimens reproduits sur cette planche ont été tirés de l’Hôtel Cluny, Paris.

1. 
Pris d’un buffet de bois sculpté daté 1554, Hôtel Cluny.
2. 
Panneaux de bois du seizième siècle, Hôtel Cluny.
3. 
Pris d’un dossier de chaise en chêne, Hôtel Cluny.
4-6. 
Pris de différentes stalles de bois sculpté, du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
7-10, 
25, 26, 35, 36. Pris de différents objets d’ameublement, Hôtel Cluny.
11. 
Bout de poutre, fin du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
12, 13, 
20, 21, 39, 40. Pris de divers objets d’ameublement du seizième siècle, Hôtel Cluny.
14, 15. 
Pris d’objets d’ameublement du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
16. 
Pris d’un buffet, Hôtel Cluny.
17. 
Panneaux de volets, fin du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
18. 
Ornement sculpté, Louvre.
19. 
Pris d’un peigne en buis, Hôtel Cluny.
22. 
Balustrade de pierre, Château d’Anet.
23. 
Sculpture en pierre, Louvre.
24. 
Pris d’une cheminée, Hôtel Cluny.
27-30
Sculptures en marbre du fameux bassin de la fontaine du Château Gaillon, qu’on conserve actuellement au Louvre.
31, 32. 
Sculptures en pierre du dix-septième siècle, Louvre.
33. 
Sculpture de bois, Hôtel Cluny.
34, 38. 
Pris de la fontaine du Château Gaillon, Louvre.
37. 
Pris d’un fût d’arquebuse du seizième siècle, Hôtel Cluny.

1-9. 
Ornements sculptés d’objets d’ameublement en chêne du seizième siècle, Hôtel Cluny.
10, 11, 
19, 34. Pris du lit de François I., Hôtel Cluny.
12, 13, 
14, 32, 33. Pris de divers objets d’ameublement du seizième siècle, Hôtel Cluny.
15-17. 
Pris d’un buffet du quinzième siècle.
18. 
Pris d’un buffet en chêne daté 1524, Hôtel Cluny.
20-29. 
Pris de divers objets d’ameublement du seizième siècle, Hôtel Cluny.
30, 31. 
Panneaux de volets, fin du quinzième siècle, Hôtel Cluny.
ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.

Si deux hommes doués d’intelligence et ardents à la poursuite de l’étude de la littérature et des arts de l’Italie, allaient se mettre à l’œuvre, l’un à tracer la date la plus récente, à laquelle le reflet direct mais languissant de la grandeur romaine avait décliné, au point à ne plus répandre qu’une faible lueur sur le pays qu’il avait inondé jadis de sa lumière éblouissante ; pendant que l’autre chercherait à remonter vers les premiers efforts faits dans le même pays, pour réveiller la vénération pour ce qui, au dire des historiens, a été complètement éteint dans le cours des siècles — savoir la beauté classique — ces deux investigateurs ne manqueraient pas de se rencontrer et même de se croiser en directions inverses, dans le cours de leurs recherches. Le fait est, que les monuments matériels des anciens Romains, répandus avec profusion sur le sol de l’Italie, étaient si solides et si majestueux, qu’il aurait été impossible de vivre près d’eux et de les oublier. Pour trouver des fragments d’une beauté exquise, en pierre, en bronze, ou en marbre, on n’avait qu’à se donner la peine de fouir la terre qui les couvrait à peine ; aussi s’en servait-on de temps en temps, soit pour faire des tombeaux, soit pour former les accessoires de divers bâtiments, dans la construction desquels cependant, on perdait de vue et négligeait les principes de l’art auxquels ces fragments devaient toute leur beauté. Voilà pourquoi le style gothique a été lent à prendre racine en Italie, où il était destiné à fournir une carrière brillante mais de courte durée. À l’époque même, ou à peu près, où un Anglais introduisait le cintre en ogive dans la construction de St. Andrea, à Vercelli, au Nord de l’Italie, et où les constructions allemandes du Magister Jacobus s’élevaient à Assisi ; Nicolo Pisano, le grand rénovateur de la sculpture antique, commença sa première protestation en faveur des anciens et de leurs arts. La fin du treizième siècle fut marquée d’ailleurs, par une révolution complète dans le monde des lettres. Dante, dans son temps, n’a pas moins été connu comme grand poète chrétien, que comme émule de l’immortel poète de Mantoue, qui avait fait une étude approfondie des sciences classiques. Au quatorzième siècle, Pétrarque et Boccaccio, amis intimes, passèrent une vie longue et laborieuse, pas seulement à écrire des ouvrages italiens en vers ou en prose, mais à travailler sans cesse pour conserver et pour rendre au monde, le texte, perdu depuis long-temps, des auteurs romains et grecs. Cino da Pistoia, de même que quelques autres savants commentateurs et juristes, mit à la mode l’étude du grand « corpus » des anciennes lois, et établit des académies où ce recueil fut adopté comme texte. Ce fut Boccaccio qui donna à l’Italie le premier récit lucide de la mythologie païenne, et qui institua la première chaire de langue grecque à Florence, où il amena de Constantinople le savant grec Leontius Pilatus pour y remplir, le premier, les fonctions de professeur. Ces efforts de ressusciter les connaissances classiques furent secondés par une nombreuse cohorte de notables, parmi lesquels nous citerons, comme les plus généralement connus, Jean de Ravenna (élève de Pétrarque), Leonardo Aretino, Poggio Bracciolini, Æneas Sylvius (plus tard Pape Pie II., 1458-1464) et Cosmo, le père des Médicis. Ce fut à l’époque où les hommes dont nous venons de parler, étaient parvenus, à force de travail, à accumuler dans les bibliothèques publiques et particulières, tout ce qui restait de l’ancienne littérature classique, que l’art de l’imprimerie fut introduit en Italie, vers le milieu du quinzième siècle. Sous les auspices des Bénédictins de Subiaco, deux allemands, Sweynheim et Pannartz, établirent leur presse dans le célèbre monastère de Santa Scholastica, où ils publièrent, en 1465, leur édition de Lactantius. En 1467 ils se rendirent à Rome où ils produisirent, comme premier fruit de leurs travaux, « Cicero de Oratore. » En Allemagne et en France, ce fut la littérature biblique et ecclésiastique qui fournit la première occupation à l’imprimeur, en Angleterre ce fut la littérature populaire, tandis qu’en Italie, la littérature classique absorba, pendant quelque temps, presqu’exclusivement l’attention des typographes. Nicholas Jenson, que Louis XI. avait envoyé aux ateliers de Fust et de Scheffer pour y apprendre « le nouvel art par lequel on faisait des livres, » se rendit de Mayence à Venise pour y exercer les connaissances qu’il avait acquises dans cet art. C’est lui qui a inventé le caractère italique adopté dans la suite par le savant Aldus Manutius, homme remarquable, aussi érudit éditeur qu’imprimeur zélé, qui, à commencer de l’an 1490, a donné au monde en succession rapide, les éditions des différents auteurs classiques grecs et romains. Parmi ces premières œuvres, se trouve le « Hypnerotomachia, » ou rève de Poliphilus, écrit par le savant ecclésiastique Fra Colonna ; ouvrage à jamais mémorable dans l’art typographique. Il est profusément illustré de gravures sur bois, dont les dessins ont été attribués par quelques autorités au grand artiste Andrea Mantegna. Grace à ces illustrations, qui trahissent une étude approfondie des anciens ornements ; des types opposés diamétralement à ceux du moyen-âge, se répandirent sur le continent de l’Europe. La publication de Vitravius qui eut lieu à Rome vers 1486, à Florence en 1496, et qui parut accompagné d’illustrations à Venise en 1511, ainsi que le grand ouvrage d’Alberti, « De Re Ædificatoriâ, » Florence, 1485, mit le sceau à la tendance classique du siècle en fait d’arts ; et fournit les moyens de transmettre rapidement aux autres pays, les détails du dessin antique accueilli avec tant de ferveur en Italie. Les successeurs du premier Aldus à Venise, les Gioliti de la même ville, et les Giunti de Florence, multiplièrent rapidement les œuvres classiques ; ainsi l’imprimerie rendait universel et cosmopolite, ce mouvement de la rénovation, lequel, sans ce grand art, se serait limité probablement au sol de l’Italie.

Mais, long temps même avant que les aspirations des premiers explorateurs des mines de l’antiquité eussent commençé à porter des fruits, les indices ne manquaient point dans le monde artistique, de cet antagonisme aux formes gothiques, qui était, pour ainsi dire, inné chez les Italiens. Dans les ornements qui entourent le plafond de l’église d’Assisi, œuvre attribuée à Cimabue, le père de la peinture, l’acanthe est dessiné avec beaucoup d’exactitude ; et Nicola Pisano et quelques autres maîtres du trecento, ou treizième siècle[18], avaient déja su tirer de l’étude des restes antiques, nombre d’éléments importants pour le dessin. Ce ne fut cependant qu’au commencement du quinzième siècle, que le mouvement de la rénovation commença à porter des fruits précieux. Dans son premier état, la renaissance des arts n’a été qu’une rénovation de principes, et ce n’a été guère avant le milieu du quinzième siècle, qu’elle devint en quelque sorte une rénovation littérale. Nous voulons bien admettre que, dans la première période où les inspirations se puisaient aux sources de la nature, et où les détails des formes classiques n’étaient encore que peu connus et peu imités, quelques unes des productions aient présenté des défectuosités, auxquelles un système plus régulier d’éducation remédia plus tard ; mais nous ne saurions nier cependant, que nous préférons la fraîcheur et la naïveté, que les premiers pionniers ont mis dans leur ouvrage, aux graces plus complètes, mais aussi plus faciles, qui ont résulté de la reproduction presque directe de l’antique.

Le premier grand pas en avant, a été fait par le célèbre Jacopo della Quercia, qui, après avoir été exilé de Sienne sa ville natale, à Lucques, exécuta vers 1413, dans la cathédrale de cette ville, un monument à la mémoire d’Ilaria di Caretto, épouse de Giunigi de Caretto, seigneur de la ville. Dans cet ouvrage intéressant, (dont il existe un bon plâtre au Palais de Cristal) Jacopo a prouvé une étude soigneuse de la nature, tant dans les festons qui entourent la partie supérieure du piédestal, que dans les « puttini, » ou enfants joufflus, qui leur servent de supports ; la simplicité de son imitation se trahit dans les petites jambes tordues d’un de ces « puttini. » Son grand ouvrage cependant, c’est la fontaine de la Piazza del Mercato, à Sienne, qui a coûté deux mille deux cents ducats d’or, et qui présente, même dans son état actuel de délabrement et de dépérissement, des preuves du rare talent de l’auteur. Après l’exécution de ce capo d’opera, on lui donna le nom de Jacopo della Fonte ; cet ouvrage lui a valu de grandes distinctions, parmi lesquelles il faut compter sa nomination de marguillier de la cathédrale de Sienne, ville où il mourut en 1424, à l’âge de soixante quatre ans, après une carrière marquée par de grands travaux et par beaucoup de vicissitudes. Quoiqu’il ne fût pas heureux au concours pour la seconde porte de bronze du baptistère de Florence, comme on verra ci-après, il n’en a pas moins été estimé pendant sa vie et il a continué, même après sa mort, à exercer sur la sculpture une influence aussi grande que salutaire. Mais quelque grand que fût son mérite, il était bien au dessous de celui de Lorenzo Ghiberti son contemporain, tant pour l’imitation correcte de la nature que pour la grace, la dextérité et la facilité dans les combinaisons de l’ornementation.

En 1401, Florence, sous une forme de gouvernement essentiellement démocratique, était devenue une des villes les plus florissantes de l’Europe. Dans cette démocratie civique, les différents métiers étaient divisés en corporations appelées « arti, » représentées par des députés (consoli). Dans l’année mentionnée ci-dessus, ces députés résolurent de faire élever au baptistère, une seconde porte de bronze pour faire pendant à celle d’Andrea Pisano, laquelle avait été exécutée dans un style noble mais gothique.

La Signoria, ou gouvernement exécutif, fit part de cette résolution aux premiers artistes de l’Italie, pour les inviter au concours. Lorenzo Ghiberti, natif de Florence, qui n’avait que vingt-deux ans à cette époque, osa se présenter au concours, et fut prononcé capable et digne d’entreprendre l’ouvrage conjointement avec deux autres artistes, Brunelleschi et Donatello. Ceux-ci, cependant, se retirèrent volontairement en sa faveur ; et vingt-trois ans plus tard, Ghiberti acheva et posa la porte. La beauté du dessin et du travail était telle, que la Signoria lui donna la commande d’une autre porte, qui fut finie en 1444. Il serait impossible d’estimer trop haut l’importance de cette œuvre, soit à l’égard de son influence historique sur l’art, soit pour son mérite intrinsèque — car c’est un ouvrage qui, pour la beauté du dessin et la supériorité du travail, n’a point son égal parmi tous les spécimens semblables, de n’importe quelle époque. Les ornements (dont nous avons reproduit une partie, planche LXXV., fig. 3) qui entourent les panneaux, sont dignes de l’étude la plus minutieuse. Lorenzo Ghiberti, avait reçu son éducation de son beau-père, un orfèvre ; il n’appartenait à aucune école et l’on ne saurait dire qu’il en ait fondé une ; et son influence sur l’art, se manifeste plutôt dans l’hommage que des hommes tels que Buonarotti et Raphaël ont rendu à ses ouvrages, que par la formation de sa part, d’une école pour élèves. Il mourut dans sa ville natale, à un âge avancé, en 1455. Un de ses successeurs immédiats, Donatello, a su imprimer à ses ouvrages une verve et une vigueur mâle, qu’on ne trouvait pas toujours dans les compositions de Ghiberti, malgré la beauté qui les distinguait ; mais les qualités de l’un et de l’autre de ces artistes se trouvèrent réunies dans Luca della Robbia, qui a exécuté, dans le cours de sa longue vie (de 1400 à 1480) un nombre infini de travaux, dans lesquels les détails de l’ornementation étaient exécutés dans un style libre, gracieux et fort analogue à l’antique. Filippo Brunelleschi combina le talent d’un sculpteur avec celui d’un architecte. Il a fourni la preuve du premier, dans l’excellent spécimen d’ouvrage avec lequel il entra en concurrence avec Ghiberti pour l’exécution des portes célèbres de San Giovanni Battista ; et de l’autre, par la magnifique cathédrale de Sta. Maria qu’il construisit à Florence. Cette combinaison des capacités d’architecte et de sculpteur était, du reste, un trait qui caractérisait l’époque, dont les monuments nous présentent un mélange harmonieux de figures, de feuillages, et d’ornements conventionnels, qui s’allient si agréablement avec les moulures et avec les autres formes de la construction, qu’on voit au premier coup-d’œil, que tout l’ensemble a dû éclore, dans une forme parfaite, dans l’âme de l’artiste qui l’a exécuté.


Arabesques destinées par Baccio Pintelli, église de Sant’Agostino, Rome.


Arabesques destinées par Baccio Pintelli, église de Sant’Agostino, Rome.
00Ce développement du goût qui distinguait la Toscane se fit remarquer aussi à Naples, à Rome, à Milan, et à Venise. Le flambeau allumé par Massuccio à Naples passa successivement entre les mains d’Andrea Ciccione, de Bamboccio, de Monaco, et d’Amillo Fiore.

Panneau de la Piscine du maitre-autel de la Cortosa, Pavie.
L’opulence des princes à Rome, et les grands travaux entrepris par les pontifes successifs, tendaient à attirer vers la cité impériale les premiers talents de l’époque ; aussi y trouve-t-on jusqu’à ce jour, dans les différents palais et églises, des fragments de la sculpture décorative la plus exquise. Bramante, Baldassare, Peruzzi, Baccio Pintelli (nos gravures sur bois ci-contre reproduisent quelques exemples élégants des arabesques exécutées par

Panneaux de la Piscine du maître-autel de la Certosa, Pavie.
cet artiste à l’extérieur de l’église de Sant’Agostino, un des premiers bâtiments dans le style pur de la rénovation, exécutés dans la ville impériale) et le grand Raphaël même, ne dédaignaient point de dessiner pour les sculpteurs, des ornements qui trahissaient le goût le plus pur et l’imagination la plus exquise. La preuve la plus frappante de la perfection acquise dans ce département de l’art, par le dernier des artistes que nous venons d’énumérer, se trouve sans contredit dans les fameuses stalles en bois du chœur de San Pietro dei

Casinensi, à Perugia. L’exécution des sculptures par Stefano da Bergamo est parfaitement digne des compositions admirables de Raphaël.

Le dôme de Milan et la Certosa de Pavie ont créé une école d’art vraiment remarquable, école qui comptait au nombre de ses plus importants maestri les artistes Fusina, Solari, Agrati, Amadeo, et Sacchi. Ces localités, du reste étaient depuis longtemps traditionnellement connues pour le talent de leurs sculpteurs ; et il n’y a point de doute que ces artistes n’aient réalisé dans les formes les plus parfaites, les traditions qui existaient encore des Maestri Comaschi, ou Franc-maçons, de Como, au génie desquels les bâtiments les plus célèbres du moyen-âge doivent leurs ornements les plus gracieux. Parmi les Cinque-centistes Lombards, ce sont Agostino Busti, mieux connu sous le nom de Bambaja, et son élève Brambilla, qui ont le plus haut titre à l’admiration générale, et dont les charmantes arabesques, qui ornent la Certosa, resteront toujours des merveilles d’exécution. Nos gravures sur bois, prises de la Piscine du maître-autel, peuvent servir à donner une idée du style général des arabesques de Pavie.

Parmi les artistes que produisit Venise, il faut mentionner en premier lieu, les Lombardi (Pietro, Tullio, Giulio, Sante, et Antonio), aux talents desquels la ville a dû ses monuments les plus fameux. Après eux vinrent Biccio, Bernardo, Domenico di Mantua, et nombre d’autres sculpteurs, dont la gloire cependant a été éclipsée par celle du grand Jacopo Sansovino. À Lucques, ce fut Matteo Civitale (né 1435, mort 1501) qui soutint amplement la réputation de l’époque. Retournant à la Toscane nous y trouvons, vers la fin du quinzième siècle, la plus grande perfection déployée dans la sculpture

Ornements de la Piscine du maître-autel de la Certosa, Pavie.
Partie d’un pilastre de l’église Sta. Maria dei Miracoli, Venise, par les Lombardi.
Partie d’un pilastre de l’église de St. Maria dei Miracoli, Venise.
des ornements, dont le principal trait caractéristique n’était plus alors, comme auparavant, la simple imitation soigneuse de la nature, mais plutôt une reproduction conventionnelle de l’antique. Les noms de Mino da Fiesole — le plus grand parmi les artistes de l’école des Fiesolani — de Benedetto da Majano, et de Bernardo Rossellini, nous rappellent les nombreux monuments exquis qui abondent dans les églises de Florence et des autres principales villes du Grand-Duché. Ces artistes excellaient dans les ouvrages en bois, en pierre et en marbre ; et leurs ouvrages dans ce style de l’art, n’ont été surpassés que par ceux de leurs prédécesseurs, dont nous avons parlé, et par ceux d’un petit nombre de leurs contemporains.

Parmi ceux-ci nous nommerons Andrea Contucci, mieux connu sous le nom de Sansovino l’aîné, comme prééminent dans son art ; et il serait impossible de porter le modelé des ornements à un plus haut degré de perfection, que celui qu’il a déployé dans les monuments admirables, qui font la gloire de l’église de Sta. Maria del Popolo, Rome. Son élève Jacopo Tatti, qui prit dans la suite le nom de son maître, est le seul artiste qu’on puisse regarder comme son rival. Nous en parlerons ci-après.

Ayant tracé succinctement la succession historique des grands sculpteurs de l’Italie, qui étaient tous ornementistes en même temps que sculpteurs, nous allons signaler quelques unes des leçons, qu’à notre avis, l’étude de leurs ouvrages ne peut manquer d’enseigner aux artistes et aux artisans. Une des qualités les plus séduisantes, qui distingue plus particulièrement les ornements supérieurs en relief du Cinque-cento, c’est le talent judicieux avec lequel ceux qui les ont produits, ont su tirer parti du jeu de la lumière et de l’ombre, produit par les variations infinies du plan, non seulement sur des surfaces parallèles au fond d’où s’élève l’ornement, mais aussi sur des surfaces qui en forment les tangentes aux angles de contact qui varient à l’infini.

Entre un enroulement en forme de volute, où le relief diminue graduellement depuis le départ jusqu’à l’œil de la volute, et un enroulement où le relief est uniforme sur toute l’étendue, la différence de l’effet est très-grande ; et c’est à leur préférence constante pour la première de ces formes, que les artistes du Cinque-cento sont redevables des résultats infailliblement agréables, qu’ils ont atteints dans les combinaisons les plus simples, comme dans les plus compliquées, de leurs formes spirales.

Cette appréciation raffinée des nuances délicates du relief en sculpture, fut portée à sa plus grande perfection par Donatello, dont l’autorité, en fait de goût, avait le plus grand poids possible chez ses contemporains de Florence, et dont l’exemple fut suivi avec respect et dévotion par les artistes de toutes les classes. Il n’a pas été seulement le premier à pratiquer le bassissimo relievo, où l’effet de la projection et du modelé arrondi est produit dans des limites de relief si minimes, qu’elles paraissent presque impraticables, mais il a été aussi le premier à combiner ce genre d’ouvrage avec le mezzo et l’alto relievo ; et au moyen de cette combinaison il parvint à diviser son sujet en différents plans, presque comme dans une peinture. Donatello connaissait trop bien son métier pour jamais dépasser les conventions spéciales de la sculpture, mais il enrichit la pratique des Cinque-centisti florentins, de nombreux éléments dérivés de l’art de la peinture. Ces inventions — car elles sont presque dignes de ce nom, quoiqu’elles ne soient que le fruit d’une étude soigneuse de l’antique — furent adoptées et imitées avidement par les ornementistes de l’époque, et c’est à ces inventions qu’on peut faire remonter la trace de la supériorité technique si frappante, qui distingue les meilleures sculptures et le modelage de la renaissance.

Enfin, quand ce système de l’arrangement régulier des ornements en plans, eut atteint à l’apogée de la perfection, les effets de lumière et d’ombre se trouvèrent ménagés si ingénieusement, que vu de loin, le relievo ne présentait que des points disposés symétriquement en rapport avec certaines figures géométriques dominantes. En s’approchant de quelques pas, l’œil pouvait démêler les lignes et les figures qui joignaient les points des plus saillants. En se reprochant de plus près encore, on distinguait les feuillages et les tendrons, qui servaient à donner une idée tangible du type de la nature reproduit conventionnellement, et plus l’inspection était minutieuse et rapprochée, plus elle découvrait l’appréciation parfaite de
Petits pilastres d’un escalier en marbre de l’église de Sta Maria dei Miracoli, Venise, par Tullio Lombardo, vers l’an 1455.

Petits pilastres d’un escalier en marbre de l’église de Sta Maria dei Miracoli, Venise, par Tullio Lombardo, vers l’an 1455.
la part de l’artiste, de tous les raffinements du tissu de la surface. La « cisellatura, » ou « ciselure, » des meilleurs ornements italiens de la période du cinque-cento, telle qu’on en voit dans l’église dei Miracoli, Venise (fig. 1, 8, 9, planche LXXIV.), par les Lombardi ; dans l’église de Sta. Maria del Popolo (fig. 1, planche LXXVI.), Rome, par Sansovino ; sur les portes du baptistère, Florence (fig. 3, planche LXXV.), par Ghiberti ; dans les sculptures de San Michele di Murano (fig. 4, 6, planche LXXIV.) ; à la Scala di San Marco (fig. 2, planche LXXIV.) ; à la Scala dei Giganti (fig. 5, 7, planche LXXIV.), et dans d’autres bâtiments de Venise, est au dessus de toutes louanges. Jamais on n’y voit les fibres d’une feuille ou d’un tendron tournées dans une fausse direction, jamais la tendance gracieuse que la nature déploie dans la croissance, n’y est pervertie ou mal entendue. La polissure et les détails n’y trouvent leur place, qu’autant qu’ils ont quelque fonction spécifique à remplir ; et quoique le travail y ait été prodigué à pleines mains, à tel point que chaque touche prouve que c’était un travail d’amour, il n’y est jamais prodigué en pure perte, comme cela arrive souvent de nos jours, où l’on transforme quelquefois en dessins primaires ceux qui, au point de vue de l’intérêt, devraient être secondaires ou tertiaires.

L’introduction dans les bas-reliefs des éléments, qui sont du domaine de la peinture, dégenéra bientôt en confusion entre les mains d’artistes moins pénétrés que Donatello, de l’appréciation des limites exactes du traitement conventionnel en fait de sculpture. Le grand Ghiberti même a gâté l’effet de plusieurs de ses compositions les plus gracieuses, par l’introduction de la perspective et d’autres accessoires copiés trop directement d’après nature. Dans quelques uns des ornements sculptés de Certosa, cette faute est poussée à un tel point d’exagération, que des monuments qui, par leur beauté et leur dignité devraient inspirer au spectateur une admiration grave et sérieuse, ne servent qu’à l’amuser — ressemblant à une maison de poupées peuplée de fées, décorée de guirlandes, revêtue de tablettes, et couverte fantastiquement de feuillage, au lieu de représenter des œuvres d’art importantes, élevées en commémoration des morts, ou destinées à un usage sacré.

Un autre reproche qu’on peut adresser avec justice à bon nombre de ces monuments, c’est que les idées que leur destination doit nécessairement faire naître, s’accordent mal avec les ornements déployés dans les frises, les pilastres, les panneaux, les tympans, et les autres points enrichis d’ornements. Les masques tragiques et comiques, les instruments de musique, les ornements terminaux semi-priapiques, les autels antiques, les trépieds, les coupes à libations, les amorini dansants, les hybrides monstres marins et les chimères, sont peu en harmonie avec des monuments érigés dans des édifices consacrés ou dédiés au culte religieux. Il ne serait pas juste cependant, de mettre la faute de confondre le sacré avec le profane, entièrement sur le compte des artistes de la renaissance, dont les œuvres ne servaient qu’à refléter l’esprit prédominant de l’époque, où la rénovation du symbolisme mythologique n’était qu’une protestation contre les entraves gênantes d’une tradition ascétique, érigée en dogme sous la domination de l’Est, et endossée par l’église pendant les siècles, où l’ascendant qu’elle exerçait sur une population ignorante et turbulente, avait atteint le comble de sa hauteur. Au quatorzième siècle l’esprit des hommes les plus religieux était imbu des associations les plus incongrues ; et il n’est pas nécessaire d’aller au-delà de la « Commedia » de Dante, désignée par le monde littéraire comme le poème épique divin, pour reconnaître le fil embrouillé de l’inspiration gothique et classique, qui sillonnait tout le tissu de la littérature de cette époque.

L’étude des ornements italiens en relief du Cinque-cento, n’est pas moins utile à l’architecte qu’au sculpteur ; car il n’y a point de style dans lequel les ornements aient été mieux espacés, ou arrangés plus heureusement, de manière à contraster agréablement avec la direction des lignes architectoniques adjacentes, qui les limitent et les tiennent en subordination. On n’y trouve que rarement, pour ne
Petit pilastre de l’escalier des Géants, Palais Ducal, Venise, par Bendetto et Domenico da Mantua.

Petit pilaste d’un escalier de marbre de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
pas dire jamais, placé dans une position verticale, un ornement qui demandait plutôt une position horizontale, ou vice versâ ; il n’arrive que fort rarement, pour ne pas dire jamais, que les ornements et les moulures, ou les styles et les liernes, qui servent à donner la régularité et la symétrie à tout l’ensemble, soient en désaccord les uns avec les autres. Les planches LXXIV., LXXV., et LXXVI., représentent une suite de spécimens qui se caractérisent, pour la plupart, par la grace des lignes et par la distribution des ornements sur le plan, distribution hautement artificielle malgré son apparence naturelle. Ce sont les Lombardi, dans leurs ouvrages de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise (planche LXXIV., figs. 1, 8, 9 ; planche LXXVI., fig. 2) ; Andrea Sansovino de Rome (planche LXXVI., fig. 1) ; et Domenico et Bernardino de Mantoue, Venise (planche LXXIV., figs. 5 et 7), qui ont atteint la plus grande perfection sous ce rapport. Subséquemment à l’époque où florissaient ces artistes, on commença généralement à faire les ornements d’un haut relief plus uniforme ; en même temps on donnait plus d’épaisseur aux tiges et aux tendrons, qu’on n’effilait plus si uniformément ; on n’imitait plus si soigneusement les accidents variés de la croissance et le jeu de la nature ; on enrichissait le plan des panneaux avec plus de profusion, et l’on donnait à l’ensemble un aspect plus hérissé et moins raffiné. Le sculpteur se fit valoir comme concurrent de l’architecte, de manière que le dernier, pour se défendre contre le sculpteur et pour l’éclipser, se mit à faire des moulures plus lourdes ; et un style plus pesant devint graduellement à la mode. Nous trouvons l’indication de cette tendance vers le plethora en fait d’ornements, dans bon nombre des ouvrages gênois représentes, planche LXXV., figs. 1, 2, 4, 5, 8, 9, 11 ; et planche LXXVI., figs. 4, 5, 7, 8, et 10. ; La figure 6, de même planche, prise du célèbre tombeau Martinengo à Brescia, trahit aussi cette même tendance à surcharger.

On vit en même temps se développer dans l’art de la peinture, un mouvement correspondant à celui qui avait eu lieu dans la sculpture, et dont nous venons de donner un aperçu succinct. Giotto, élève de Cimabue, secoua les entraves de la tradition grecque, mettant toute son âme à l’étude de la nature. Ses ornements, comme ceux de son maître, se composaient d’une combinaison de mosaïques peintes, de bandes entrelacées et de reproductions libres de l’acanthe. Dans ses ouvrages à Assisi, à Naples, à Florence, et à Padoue, il a invariablement déployé une conception gracieuse de la balance qu’il est essentiel de maintenir entre les peintures sur murs et les ornements des murailles, tant pour la quantité que pour la distribution et les couleurs relatives. Ces principes si justes de la balance, ont été généralement compris et adoptés pendant le quatorzième siècle ; Simone Memmi, Taddeo Bartolo, les Orcagnas, Pietro di Lorenzo, Spinello Aretino, et nombre d’autres artistes étaient reconnus
Partie d’une porte dans un des palais des Dorias près de l’église de San Matteo, Gênes.
comme maîtres dans l’art de décorer les murs. Benozzo Gozzoli, le fameux
Ornement qui s’élance verticalement, près de l’église de Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
contemplateur de la nature, qui vivait dans le siècle suivant, était également assidu dans ses études de l’antiquité, comme on peut le voir dans les ornements architectoniques qui forment le fond de ses tableaux au Campo Santo, ainsi que dans les magnifiques arabesques qui divisent ses peintures de San Gimignano. Ce fut Andrea Montegna, cependant, qui imprima à la peinture le mouvement que Donatello avait donné à la sculpture, et cela, non seulement pour les figures, mais aussi pour toutes les variétés des ornements empruntés à l’antique. Les magnifiques cartons de cet artiste, que nous avons le bonheur de posséder à Hampton Court, pourraient passer, jusques dans leurs détails les plus minutieux, pour les dessins d’un ancien Romain. Vers la fin du quinzième siècle, le style de la polychromie prit une tournure nouvelle et marquée, dont nous détaillerons les particularités dans une autre notice subséquente, où nous traiterons des arabesques et des ornements grotesques.

En détournant nos regards de l’Italie pour les diriger vers la France, pays qui, le premier parmi les nations de l’Europe, alluma son flambeau au grand feu des arts de la renaissance, auquel l’Italie avait mis la flamme ; nous trouvons que les expéditions guerrières de Charles VIII. et de Louis XII., avaient communiqué à la noblesse de France une admiration ardente pour la splendeur des arts, qu’ils rencontraient à Florence, à Rome, et à Milan. Les premiers indices évidents du changement qui allait s’opérer, furent manifestés dans le monument (détruit malheureusement en 1793), érigé en 1499, à la mémoire de Charles VIII., autour duquel des figures de femmes, en bronze doré, représentant les vertus, étaient groupées exactement dans le genre italien. Dans la même année, le Roi Louis XII. invita le célèbre Fra Giocondo, architecte de Verona, ami et condisciple d’Aldus l’aîné, et le premier qui publiât une bonne édition de Vitruvius, à se rendre en France. Il y resta de 1499 à 1506, et fournit au roi son maître, le dessin de deux ponts sur la Seine, et probablement aussi quelques œuvres moins importantes qui ont péri depuis. C’est à lui qu’on a fréquemment attribué la construction du superbe château de Gaillon, commencé par le cardinal d’Amboise en 1502, mais au dire d’Émeric David et d’autres archéologues français, cette assertion ne s’appuie pas sur des fondations suffisamment satisfaisantes. L’évidence que l’on peut tirer de la construction même, est tout en faveur d’une origine française, et contraire à Giocondo, qui était plutôt un ingénieur et un investigateur, qu’un ornementiste. D’ailleurs on y trouve, entremêlé avec ce que l’on peut avec justice appeler classique, une masse d’ouvrage bourguignon ; de manière qu’on commettrait une injustice envers Giocondo en lui attribuant la construction de ce château, de même qu’on ferait tort à la France, en lui contestant l’honneur, de devoir son premier grand monument de la renaissance, au talent d’un artiste français. Du reste, les comptes publiés en entier par M. Deville en 1850, mettent la question presqu’au delà de tout doute, en démontrant, que Guillaume Senault en a été l’architecte et le maître maçon. Il n’est pas impossible cependant, que le cardinal ait consulté Giocondo sur le plan général, dont les détails ont été exécutés ensuite par Senault et ses compagnons, français pour la plupart. Le principal artiste italien qui a travaillé à quelques unes des arabesques les plus classiques, s’il faut en juger par le style, fut Bertrand de Meynal, qui avait reçu la commission d’apporter de Gènes la magnifique fontaine vénitienne, si bien connue comme le vasque du château de Gaillon ; cette fontaine se trouve actuellement au Louvre, et nous en avons reproduit quelques ornements élégants, planche LXXXI., figs. 27, 30, 34, 38. Colin Castille, qui figure principalement sur la liste des ouvriers-artistes, comme « tailleur à l’antique, » était peut-être un espagnol qui avait étudié à Rome. Telles parties de cet ouvrage de la renaissance qui ne sont pas dans le style bourguignon, sont très pures dans tous les points les plus essentiels, et diffèrent à peine des beaux spécimens italiens.

Ce ne fut cependant que dans le monument de Louis XII., actuellement à St. Denis, près de Paris, un des monuments les plus riches du seizième siècle, que la symétrie de la disposition architecturale fut, pour la première fois en France, combinée avec une exécution de maître déployée dans les détails. Cette belle œuvre d’art commandée par François I., a été exécutée entre 1518 et 1530, par Jean Juste de Tours. Douze arcs semi-circulaires entourent les corps du couple royal, représenté nu ; sous chacun des arcs est placé un des apôtres, et au quatre coins il y a quatre grandes statues représentant la Justice, la Force, la Prudence, et la Sagesse ; le tout étant surmonté par les statues du roi et de la reine à genoux : Les bas-reliefs représentent l’entrée triomphale de Louis à Gènes, et la bataille d’Aguadel où il se signala par sa valeur personnelle.

On a voulu attribuer ce monument de Louis XII. à Trebatti (Paul Ponee), mais le monument était achevé avant que cet artiste vînt en France ; ce qui est prouvé par l’extrait suivant tiré des archives Royales : François I. écrit au Cardinal Duprat : — « Il est deu à Jehan Juste mon sculteur ordinaire, porteur de ceste, la somme de 400 escus, restans des 1200 que je lui avoie pardevant or donnez pour le menage et conduite de la ville de Tours au lieu de St. Denis en France, de la sculpture de marbre de feuz Roy Loys et Royne Anne, &c, Novembre 1531.»

Tout aussi dignes d’étude que le tombeau de Louis XII., sont les magnifiques sculptures en alto et basso relievo, exécutées à la même époque, qui décorent tout l’extérieur du chœur de la cathédrale de Chartres ; le sujet en est pris de la vie du Sauveur et de celle de la Vierge, et forme quarante et un groupes, dont quatorze sont l’ouvrage de Jean Texier qui les commença en 1514, après avoir achevé la partie du beffroi érigée par lui. Ces compositions sont pleines de beauté et de vérité, les figures en sont animées et naturelles, la draperie est libre et gracieuse, et les têtes sont pleines de vie ; mais ce qu’il y a de plus beau peut-être, ce sont les arabesques qui couvrent presque entièrement les parties saillantes des pilastres, des frises, et des moulures de la base. Ces ornements sont fort exigus ; les groupes qui couvrent les pilastres, et qui sont les plus grands, n’ont que huit ou neuf pouces de largeur. Mais tout petits qu’ils sont, ces ornements montrent une verve de sculpture et une variété de devises vraiment merveilleuses. On y voit arrangés avec un goût exquis, des feuillages en masse, des branches d’arbres, des oiseaux, des fontaines, des faisceaux d’armes, des satyres, des insignes militaires et des outils appartenant aux différents arts. Un F couronné — monogramme de François I. — se distingue visiblement dans ces arabesques, et sur les draperies sont tracées les dates des années 1525, 1527, et 1529.

Le tombeau qu’Anne de Bretagne fit élever à la mémoire de son père et de sa mère, fut fini et placé dans le chœur de l’église Carmélite de Nantes, le 1er Janvier 1507. C’est le chef-d’œuvre de Michel Colombe — artiste d’un grand talent et de beaucoup de naïveté. Les détails des ornements surtout, sont des plus élégants. Le monument, élevé au Cardinal d’Amboise, à la cathédrale de Rouen, fut commencé en 1515, sous Roulant le Roux, maître-maçon de la cathédrale. Aucun italien n’a eu part dans l’exécution de ce monument, qu’on peut regarder comme l’expression de la vigueur avec laquelle la renaissance avait exercé son influence sur les artistes du pays.



Parties du tombeau de François II., Duc de Bretagne, et de sa femme Marguerite de Foix, érigé par Anne de Bretagne à l’église carmélite de Nantes, par Michel Colombe, en 1507.

Ce fut en 1530 et 1531 que François I. invita Rosso et Primaticcio à venir en France ; et à ces artistes suivirent, en succession rapide, Nicolo del’ Abbate, Luca Penni, Cellini, Trebatti et Girolamo della Robbia. L’arrivée de ces artistes et la fondation de l’école de Fontainebleau introduisirent dans la renaissance française de nouveaux éléments, dont nous parlerons subséquemment.

Nous aurions à dépasser les limites de cette esquisse, si nous allions entrer dans les détails historiques de l’art de la sculpture en bois. Aussi nous contenterons nous de remarquer, que tous les ornements adaptés à la pierre, au marbre, et au bronze, ont été appliqués aussi aux ouvrages en bois ; et que dans aucune autre époque de l’art industriel, le sculpteur n’a exercé son talent avec plus de grace pour rehausser la richesse des objets d’ameublement somptueux. Nos planches Nos. LXXXI. et LXXXII. offrent un témoignage éclatant en faveur de notre assertion. Ceux qui étudieront ces planches avec attention, ne manqueront pas d’y apercevoir l’abandonnement graduel des ornements à feuillages, qui formaient le fonds des premiers artistes de la renaissance. Ce qui frappera en second lieu, ce sera l’entassement de différents sujets et « Capricci » tirés de l’antique, accompagnés d’une certaine ampleur de projection et d’une légère tendance à la lourdeur ; et enfin on y reconnaîtra l’adoption générale d’une suite de formes particulières, et toutes nationales, différant des formes italiennes, telles que les volutes conventionnelles entrecoupées de petites entailles carrées ou oblongues (Planche LXXXI. figs. 17 et 20), et les têtes en médaillons (Planche LXXXI. figs. 1 et 17).

Il serait difficile de découvrir les traces de l’aube naissante de la renaissance des Arts en France dans les vitraux peints du quinzième siècle. Les ornements, les dais, de même que les feuillages, y sont généralement d’un caractère flamboyant et angulaire, quoiqu’ils soient finis d’une manière nette et aisée ; et les figures portent le cachet du style de dessin qui prévalait à cette époque. Le verre, tout en produisant un effet fort agréable, est beaucoup moins épais — surtout le verre bleu — que celui du treizième siècle. Le nombre des vitraux exécutés à cette époque est immense ; et on en trouve des spécimens, plus ou moins parfaits, dans presque toutes les grandes églises de la France. L’église de St. Ouen à Rouen, possède sur les fenêtres du cléristère, quelques belles figures sur un fond blanc et carré ; et on trouvera de beaux exemples des vitraux du même siècle à St. Gervais, Paris, et à Notre-Dame, Chalons-sur-Marne.

Cet art a subi de grandes améliorations à l’époque de la renaissance. On employait les premiers maîtres pour faire les cartons ; on se servait d’émail pour donner aux couleurs de l’épaisseur sans en diminuer le riche éclat, et on employait beaucoup plus de blanc. Bon nombre de ces vitraux ne sont guère autre chose que des grisailles, comme ceux de la Sainte Chapelle à Vincennes, dessinés par Jean Cousin ; parmi lesquels il y en a un, représentant l’ange sonnant la quatrième trompette, qui est admirable de composition et de dessin. La cathédrale d’Auch contient également quelques exemples excessivement beaux, exécutés par Arneaud Demole ; Beauvais possède aussi nombre de vitraux de la même époque ; entre autres, une fort belle fenêtre à arbre de Jessé, œuvre d’Enguerand le Prince ; les têtes sont d’un style grandiose, et la pose des figures rappelle les œuvres d’Albert Durer.

Les grisailles qui ornaient les fenêtres des maisons de la noblesse et même de la bourgeoisie, étaient petites mais exécutées avec une délicatesse admirable ; et elles étaient dessinées et groupées de manière à ne laisser que très-peu à désirer.

Vers la fin du seizième siècle, cet art commença à décliner ; les nombreux peintres sur verre chômaient faute d’emploi, et le célèbre Bernard de Palissy quitta ce métier dans lequel il avait été élevé, pour se dévouer à un état qui présentait de plus grandes difficultés, mais qui lui a acquis, à la fin, la plus haute renommée. C’est à lui que nous sommes redevables des charmantes grisailles, représentant l’histoire de Cupidon et de Psyché, d’après les dessins de Raphaël, qui décoraient autrefois le château d’Écouen, résidence de son grand patron, le connétable Montmorency.

Les ornements de la renaissance ne tardèrent pas à pénétrer en Allemagne, mais ils furent lents à s’emparer de l’âme des habitants, jusqu’à ce que la propagation des livres et des gravures vînt à en accélérer l’acceptation générale. Depuis long temps il y avait eu un courant constant d’artistes qui quittaient l’Allemagne et la Flandre pour aller étudier dans les grands ateliers de l’Italie. Dans le nombre, Roger de Bruges, qui a passé une grande partie de sa vie en Italie, et mourut en 1464, — Hemskerk et Albert Durer, qui ont exercé une influence particulière sur leurs compatriotes. Ce dernier artiste trahissait, dans un grand nombre de ces gravures, une appréhension parfaite des conditions du dessin italien, penchant tantôt vers la manière gothique de son maître Wohlgemuth, tantôt vers la simplicité Raphaëlesque de Marc’Antonio. La propagation, en Allemagne, des gravures de celui-ci a incontestablement eu pour suite, de former le goût d’hommes tels que Peter Vescher, qui fut le premier à mettre à la mode en Allemagne l’art plastique de l’Italie. Mais la renaissance de l’Allemagne, même à sa période la plus heureuse, était impure — une prédilection laborieuse pour les difficultés de la main en préférence des difficultés de l’esprit, y produisit bientôt ces zigs-zags bizarres, ces ornements à lacets et en forme de joyaux, et ces monstres compliqués, animés plutôt que gracieux, qui prirent la place de l’élégance raffinée des premières arabesques italiennes et françaises. (Voyez la gravure ci-dessous.)

Laissons maintenant les Beaux-Arts pour nous tourner vers les arts industriels, dont nous tracerons la rénovation comme elle se manifestait dans les dessins des fabricants de l’époque. Grâce à leur nature immuable et invariable, les produits en verre et ceux de la céramique offrent une évidence de style aussi complète que satisfaisante, aussi avons nous consacré trois planches entières (Nos. LXXVIII., LXXIX., et LXXX.) pour illustrer ces produits. La plupart des spécimens que nous y avons réprésentés ont été choisis parmi la « Majolica » d’Italie, et nous allons faire quelques remarques sur cette faïence et sa décoration.


Arabesque par Theodor de Bry, un des « Petits-maîtres » de l’Allemagne (1598), en imitation du style italien, en y ajoutant des lacets, des carricatures, et des formes de joyaux.

Il paraît que l’art de vernisser la poterie a été introduit en Espagne et dans les Îles Baléares par les Maures, qui avaient connu et exercé cet art depuis longtemps, sur les carreaux coloriés dont ils décoraient leurs bâtiments. La faïence dite « Majolica » tire son nom, à ce que l’on croit, de l’île de Majorcque, d’où la manufacture de poterie vernie a passé, à ce que l’on suppose, au centre de l’Italie ; et ce qui vient à l’appui de cette supposition, c’est le fait, que la première faïence d’Italie était ornée de dessins géométriques et de feuilles à trèfle, portant le cachet Sarracénique, (planches LXXIX. et LXXX., figs. 31 et 13). On s’en servit d’abord à fabriquer des tuiles coloriées et concaves qu’on fit entrer dans les constructions de briques, et plus tard sous la forme de pavés encaustiques. La manufacture de ce genre de faïence se poursuivait sur une grande échelle, entre 1470 et 1700, dans les villes de Nocera, Arezzo, Citta di Castillo, Forli, Faenza (de là nom de faïence), Florence, Spello, Perugia, Deruta, Bologna, Rimini, Ferrare, Pésaro, Fermignano, Castel Durante, Gubbio, Urbino, et Ravenna, de même que dans plusieurs villes des Abruzzi ; mais c’est un fait admis que Pésaro fut la première ville où cette fabrication acquit une certaine célébrité. On donna d’abord à cette faïence le nom de « mezza » ou demi-majolica et on en faisait des assiettes épaisses et lourdes et quelquefois très-grandes. Ces assiettes sont d’une couleur gris-foncé, et enduites à l’envers d’un vernis jaune-sombre. La contexture en est grossière et graveleuse, mais on y voit çà et là un lustre doré et prismatique, quoiqu’elles soient plus généralement d’une nuance de perle. Cette demi-majolica, au dire de Passeri et d’autres autorités, a été faite au quinzième siècle, et ce n’est que subséquemment à cette époque qu’elle a été remplacée entièrement par la majolique fine.

Un moyen de vernisser la poterie a été découvert par Luca della Robbia, né à Florence en 1399, qui se servait, à ce qu’on dit, d’un mélange d’antimoine, d’étain et d’autres substances, appliqué comme vernis à la surface des charmantes statues en terre-cuite, et des bas-reliefs modelés par lui. Le secret de préparer ce vernis fut conservé dans la famille de l’inventeur, jusqu’en 1550, où il fut emporté dans le tombeau par le dernier membre de la famille. On a tenté à Florence, de ressusciter la fabrication de la faïence de Robbia, mais le succès a été minime, par suite des grandes difficultés que présentait l’entreprise. Les sujets des bas-reliefs de Della Robbia sont religieux pour la plupart, genre auquel le blanc luisant des figures est parfaitement adapté ; les yeux y sont noircis pour relever l’expression, et les figures blanches sont détachées par un fond bleu-foncé. Les successeurs de Della Robbia ajoutèrent des guirlandes de fleurs et de fruits en teintes naturelles, et quelques uns d’entr’eux coloriaient les costumes et laissaient les chairs sans vernis. Passeri prétend que cette découverte avait été faite, déja à une époque plus reculée, à Pésaro, où l’on fabriquait de la faïence au quatorzième siècle ; mais quoiqu’il soit possible que la combinaison du vernis avec la couleur, fût connue à cette époque reculée, il est certain qu’elle n’a acquis de célébrité qu’en 1462, époque où Matteo di Raniere, de Cagli, et Ventura di Maestro Simone dei Piccolomini, de Sienne, s’établirent à Pésaro pour continuer la fabrication de faïence qui s’y exerçait déja alors ; et il est fort probable que leur attention ait été réveillée par les ouvrages de Della Robbia, que Sigismond Pandolfo Malatesta avait employé à Rimini. Il y avait, à ce qu’il paraît, quelque confusion quant au procédé précis que Della Robbia avait inventé, invention que lui, ainsi que toute sa famille, regardait comme un secret précieux. Quant à nous, nous croyons que le secret consistait plutôt dans la manière de détremper et de cuire parfaitement les grandes masses d’argile, que dans le moyen de faire le vernis protecteur, lequel offrait, à ce qu’il paraît, trop peu de nouveauté pour qu’il fût nécessaire d’en faire un secret.

Le lustre prismatique et un vernis blanc brillant et transparent, telles étaient les qualités qu’on cherchait surtout à obtenir dans la majolique fine et dans la faïence de Gubbio ; le lustre métallique se produisait par des préparations de plomb, d’argent, de cuivre et d’or, et sous ce rapport la faïence de Gubbio surpassait toutes les autres faïences. Pour donner à la faïence l’émail d’un blanc éclatant, on se servait d’un vernis fait d’étain, dans lequel on plongeait la poterie à demi-cuite ; puis on y peignait les dessins avant que le vernis ne fut sec, et la promptitude avec laquelle celui-ci absorbait les couleurs, explique l’inexactitude du dessin qu’on y trouve si souvent.

Une assiette en vieille faïence de Pésaro, qui se trouve au musée de la Haye, porte un chiffre qui paraît être composé des lettres « C. H. O. N. » Une autre assiette, mentionnée par Pungileoni, porte une marque formée par les lettres « G. A. T. » entrelacées. Mais ce sont des exemples rares, attendu que les artistes qui faisaient ces assiettes, ne signaient leurs ouvrages que très-rarement.

Les sujets choisis par les artistes, étaient généralement, des figures de saints, et des représentations d’événements historiques tirés de la sainte Écriture ; mais ils choisissaient de préférence les figures de saints, sujets qui continuèrent à jouir de la faveur générale jusqu’au seizième siècle, époque à laquelle on commença à y substituer des scènes empruntées aux œuvres d’Ovide et de Virgile, sans renoncer toutefois aux dessins tirés de la Sainte Écriture. Ordinairement on donnait, à l’envers de l’assiette, en lettres bleues, la description succincte du sujet et le renvoi au texte. La mode de décorer les objets, des portraits de personnages historiques, classiques et vivants, date d’une époque plus récente. Tous ces sujets sont peints d’une manière plate et molle, et ils sont entourés d’une espèce d’ornement sarracénique assez rude, différant complètement des arabesques Raphaëlesques qui étaient si fort à la mode pendant les dernières années du règne de Guidobaldo. Les assiettes couvertes de fruits coloriés et en relief appartiennent probablement à la faïence de Della Robbia.

Le déclin de la manufacture de Majolica, causé par la réduction des revenus du Duc régnant, et par le peu d’intérêt que son successeur témoignait pour cette industrie, fut accéléré encore par l’introduction de la porcelaine orientale et par l’emploi de la vaisselle d’argent, qui devint de plus en plus général parmi les classes élevées et riches ; on cessa de décorer la majolique de sujets historiques, qu’on remplaça par des dessins parfaitement exécutés, d’oiseaux, de trophées, de fleurs, d’instruments de musique, de monstres marins, etc., mais ces dessins devinrent graduellement de plus en plus faibles sous le rapport du coloris et de l’exécution, jusqu’à ce que leur place fût occupée par des gravures d’après Sadeler et autres artistes flamands. Toutes ces causes réunies contribuèrent à la décadence rapide de ce genre de fabrication, que le Cardinal Légat Stoppani chercha en vain à ressusciter.

La majolique fine de Pésaro atteignit sa plus grande perfection sous le règne de Guidobaldo II, qui tenait sa cour à Pésaro, et qui soutenait de sa protection les poteries de cette ville. À cette époque la majolique produite à Pésaro, ressemblait à celle d’Urbino de si près, qu’il était impossible de distinguer l’une de l’autre ; la contexture de la faïence était la même, et les mêmes artistes travaillaient souvent dans les poteries des deux villes. Déjà en 1486, la faïence de Pésaro commença à passer pour être supérieure à toute autre faïence d’Italie, à tel point que le gouverneur de Pésaro de ce temps la prit sous sa protection, en défendant, sous peine d’amende et de confiscation, l’importation de poterie étrangère quelconque, et en ordonnant même que tous les vases étrangers fussent bannis de l’état dans l’espace de huit jours. Cette protection fut confirmée, en 1532, par Francesca Maria I. En 1569, Guidobaldo II accorda un brevet pour vingt-cinq ans, infligeant une amende de 500 scudi pour toute infraction, à Giacomo Lanfranco de Pésaro, pour ses inventions dans la construction de vases travaillés en relief, de grandes dimensions et de formes antiques, auxquels il appliquait de l’or. En outre, Giacomo et son père furent exemptés de tous les impôts ou taxes.

À cause de la nouveauté et de la variété que présentait la majolique, les seigneurs du duché choisissaient des objets de cette faïence, pour les cadeaux destinés aux princes étrangers. En 1478, Costanza Sforza envoya à Sixte IV certains « vasa fictilia ; » et dans une lettre adressée à Robert Malatiste par Lorenzo le Magnifique celui-ci lui rend grâces pour un présent semblable. Un service peint par Orazio Fontana, d’après des dessins de Taddeo Zuccaro, fut présenté à Philippe II d’Espagne par Guidobaldo qui avait donné aussi un double service à Charles V. La collection de jarres, présentée à la trésorerie de Loreto par Francesca Maria II, avait été faite sur l’ordre de Guidobaldo pour servir dans son laboratoire ; quelques unes d’entr’elles sont décorées de portraits ou de quelque autre sujet, et toutes sont étiquetées du nom de quelque drogue ou mixture. Ces jarres, dont il existe encore 380 à la trésorerie de Loreto, sont bleues, vertes et jaunes. Passeri donne une classification de poterie décorée, accompagnée de la liste des termes employés par les ouvriers pour distinguer les différentes espèces de peinture employées à la décoration des assiettes, et des sommes payées aux artistes qui avaient exécuté les peintures. Il donne aussi un extrait curieux d’un manuscrit de la main de Piccolpasso, un « majolicaro » du milieu du seizième siècle, qui a publié des écrits sur son art. Pour comprendre l’extrait en question, il est nécessaire de se rappeler, qu’un bolognino était l’équivalent d’un neuvième de paul, et le gros, à un tiers de paul (dix sous et un liard) ; la livre était le tiers, et le florin présentait les deux tiers d’un petit écu ; et le petit écu ou écu ducal valait les deux tiers d’une couronne romaine (valeur actuelle : cinq francs, six sous et demi).

Trophées. — Ce genre d’ornements se composait d’armes anciennes et modernes, d’instruments de musique et de mathématique, et de livres ouverts ; ils sont peints généralement en camaïeu jaune, sur un fond bleu. Les assiettes de ce genre se vendaient principalement dans la province même (Castel Durante) ou elles étaient fabriquées, et les artistes qui en faisaient les peintures recevaient la somme
Piédestal qui fait partie d’une porte du palais, donné par les Génois à Andrea Doria.
d’un écu ducal pour le cent. Ce genre d’ornements était en grande faveur parmi les Cinque-centisti, soit pour le marbre soit pour la pierre : témoin le monument érigé à Gian Galeazzo Visconti, à la Certosa, Pavie, ainsi que les parties de la porte génoise dont nous donnons la gravure ci-contre.

Arabesques. — Ornements qui se composent d’une espèce de chiffre légèrement lié, de nœuds et de bouquets entrelacés. Les objets décorés dans ce genre, s’envoyaient à Venise et à Gènes, où on les payait au taux d’un florin le cent.

Cerquate, c’était le nom qu’on donnait aux entrelacs de feuilles de chêne, peints en jaune foncé sur un fond bleu ; on les appelait aussi « peintures Urbino, » parce que le chêne faisait partie des armoiries du Duc. Ce genre de décoration valait quinze gros le cent ; mais lorsque le fond de l’assiette était décoré, en outre, d’un petit sujet quelconque en peinture, l’artiste recevait un petit écu.

Grotesques, c’étaient des entrelacs de monstres mâles et femelles, dont le corps se terminait en feuillages ou en branches. Ces décorations fantastiques se peignaient généralement en camaïeu blanc sur un fond bleu ; le prix en était de deux écus le cent, à moins qu’elles ne fussent peintes par commande, pour Venise ; dans ce cas le prix alloué était de huit livres ducales.

Feuilles. — Ces ornements se composaient de quelques branches de feuilles, toutes petites, éparpillées sur le fond. Le prix en était de trois livres.

Fleurs et Fruits. — Ces charmants groupes s’envoyaient généralement à Venise, où on les payait au taux de cinq livres le cent. L’autre variété de ce style consistait en trois ou quatre grandes feuilles peintes d’une couleur, sur un fond d’une couleur différente. Le prix en était d’un demi-florin le cent.

Porcelaine, tel était le nom donné à un style d’ouvrage qui consistait en fleurs bleues fort délicates, garnies de petites feuilles et de boutons, peintes sur un fond blanc. Cet ouvrage se payait à raison de deux livres, et au delà, pour le cent. C’était fort probablement un style imité et importé de Portugal.

Tratti, ou bandelettes larges, nouées de différentes manières,
Partie de pilastre d’une porte du palais présenté par les Génois à Andrea Doria.
et d’où s’élançaient de petites branches. Prix, deux livres le cent.

Soprabianco, c’était une peinture blanche sur un fond de céruse, pendant que la marge de l’assiette était entourée de bordures vertes ou bleues. Ces ornements valaient un demi-écu le cent.

Quartiert. — Dans ces motifs, l’artiste divisait le fond de l’assiette en six ou huit rayons, qui allaient en divergeant du centre à la circonférence ; chaque espace était d’une couleur particulière, sur laquelle on mettait des bouquets peints en différentes nuances. Les peintres recevaient pour ce genre d’ornement le prix de deux livres le cent.

Gruppi. — C’étaient des bandes larges entrefilées de petites fleurs. Le motif en était plus grand que celui des « tratti ; » et on l’embelissait quelquefois par une petite peinture placée au centre ; dans ce cas le prix en était d’un demi-écu, mais sans cette peinture additionnelle, on n’allouait que deux jules.

Candelabri. — Ces ornements se composaient d’un bouquet vertical s’étendant d’un côté de l’assiette à l’autre, l’espace des deux côtés étant rempli par des feuilles et des fleurs éparses. Le prix des Candelabri
Partie de pilastre d’une porte du palais présenté par les Génois à Andrea Doria.
était de deux livres le cent. La gravure ci-contre démontre que ce sujet était dès le commencement, en grande faveur chez les meilleurs artistes du Cinque-cento, qui l’employaient très généralement.

Nous aurions à dépasser les limites de cette notice, si nous voulions nous étendre en détail sur le mérite et sur les œuvres d’artistes tels que Maestro Georgio Andreoli, Orazio Fontana, et Francesco Xanto de Rovigo, ce qui serait inutile, d’ailleurs, puisque M. Robinson dans son catalogue de la collection de Soulages, publié tout récemment, a avancé quelques vues fort intéressantes sur les différentes questions difficiles qui ont rapport à ce sujet. De même, nous ne ferons que signaler ici les modifications intéressantes apportées à la fabrication et aux dessins céramiques en France, par la persévérance indomptable de Bernard de Palissy, maître-potier de François I. Nous avons reproduit, planche LXXIX., figs. 1, 3, plusieurs spécimens des décorations de sa faïence élégante, qui, pour le dessin, occupent par rapport aux autres monuments de la renaissance française, à peu près la même position que la première majolique occupe à l’égard des monuments de la rénovation italienne. Ce style commença à se faire remarquer, il est vrai, dans la bijouterie française, déjà sous le règne de Louis XII., à l’époque où l’appui vigoureux du puissant Cardinal d’Amboise, imprima un élan considérable à cet art ; mais ce ne fut que du temps de François I., qui invita à sa cour le grand maître de la renaissance — Cellini — que l’art du bijoutier atteignit sa plus haute perfection. Pour apprécier, cependant, à sa juste valeur la condition et la nature précise des ouvrages en métaux-précieux, il est indispensable de jeter un coup-d’œil rapide sur les principaux traits
Partie inférieure qui montre la naissance de la moulure d’un petit pilastre, de l’église Sta. Maria dei Miracoli, Venise.
caractéristiques de cette école admirable d’émailleurs, qui, par leurs productions pendant le quinzième siècle, et plus encore par celles du seizième siècle, disséminèrent de tous les côtés quelques uns des ornements les plus élégants qui aient jamais été appliqués aux ouvrages en métal.

Vers la fin du quatorzième siècle, les artistes de Limoges trouvèrent non seulement, que les émaux de l’ancien genre champlevé — dont nous avons donné, dans le but de montrer le contraste, de nombreux exemples, planche LXXVII., figs. 1, 3, 4, 8, 29, 40, 41, 50, 53, 57, 61 — avaient entièrement passé de mode, mais que presque tous les orfèvres importaient d’Italie les émaux transparents, ou en faisaient eux-mêmes, avec plus ou moins de succès, selon le talent de chacun. Dans cet état des choses, ces artistes, au lieu de tenter la concurrence, inventèrent un procédé tout nouveau, qui ne regardait que l’émailleur, et qui mit celui-ci à même de se dispenser entièrement du burin de l’orfèvre. Les premières tentatives étaient fort grossières, et il n’en reste que peu d’exemples. Que les progrès étaient lents, c’est prouvé par le fait, que les premiers spécimens qui aient quelques prétentions au mérite, remontent au milieu du quinzième siècle. Quant au procédé, le voici : On traçait le dessin à l’aide d’une pointe aiguë, sur une plaque dépolie de cuivre, qu’on couvrait d’une couche mince d’émail transparent. Après avoir passé une ligne épaisse et noire sur le tracé, l’artiste remplissait les intervalles de différentes couleurs, transparentes pour la plupart, pendant que les lignes noires faisaient le même emploi que tiennent les bandes d’or dans l’ouvrage cloisonné. C’est la carnation qui offrait le plus de difficulté ; on la couvrait d’abord de noir, sur lequel on modelait ensuite les grandes lumières et les demi-teintes, à l’aide d’un blanc opaque, auquel on donnait parfois quelques touches de rouge transparent. La dernière opération qui restait à faire, c’était d’appliquer la dorure et de fixer les imitations de pierres précieuses : — la dernière trace presque de l’école byzantine, qui avait autrefois exercé une si grande influence en Aquitaine.

L’ouvrage fini présentait une apparence semblable à celle d’un émail grossier et transparent, — ressemblance qui était probablement préméditée, d’autant plus que les spécimens de cet émail n’étaient jamais fort grands, et par conséquent ils étaient parfaitement adaptés à remplacer l’ivoire dans la construction de ces petits triptyques, accessoires indispensables dans les appartements et les oratoires des riches pendant le moyen-âge. Aussi, trouvons nous, que tous les premiers émaux peints ont la forme d’un triptyque ou d’un diptyque, ou bien qu’ils avaient formé partie de l’un ou de l’autre ; il en existe encore bon nombre qui sont garnis de leur monture originale de laiton, et les antiquaires croient qu’ils sont sortis de l’atelier de Monvearni, car ils portent généralement le nom ou les initiales de ce maître. Quant aux autres artistes, ils suivaient, malheureusement, l’habitude générale qui prévalait pendant le moyen-âge, de ne pas signer leurs œuvres, aussi leurs noms sont ils ensévelis dans l’oubli, si nous exceptons ceux de Monvearni et de P. E. Nicholat, ou plutôt de Pénicaud, qui est la version plus correcte des inscriptions.

Au commencement du seizième siècle, le style de la renaissance avait fait de grands progrès, et parmi les autres changements qu’il amena, il mit en vogue les peintures en camaïeu, ou grisaille. Les fabricants de Limoges adoptèrent immédiatement ce nouveau genre de peinture ; et cette adoption eut pour résultat de produire ce qu’on peut appeler la seconde série d’émaux peints. Le procédé suivi dans ce genre de peinture, était à peu près le même que celui qu’on employait à l’égard des carnations des anciens spécimens : on couvrait d’abord toute la surface de la plaque de cuivre, d’un émail noir, puis on obtenait les clairs et les demi-teintes par le moyen d’un blanc opaque ; les parties qui demandaient l’application d’un coloris, tels que les visages et le feuillage, recevaient un vernis de la teinte voulue ; on ajoutait presque toujours des touches en or pour compléter la peinture, et quelquefois, lorsqu’on désirait produire un brillant plus qu’ordinaire, on appliquait sur le fond noir une feuille mince d’or ou d’argent, appelée paillon, qu’on recouvrait ensuite de vernis. Toutes ces différentes opérations ont été employées dans les portraits de François Ier et de Henri II., exécutés par Léonard Limousin pour la décoration de la Sainte Chapelle, mais qui se trouvent maintenant au musée du Louvre. Limoges, il faut le dire, doit beaucoup au premier de ces monarques, qui non seulement y établit une manufacture, mais décerna au directeur Léonard, le titre de « peintre, émailleur, valet de chambre du Roi, » et lui conféra en même temps le surnom de « le Limousin, » pour le distinguer d’un autre artiste encore plus fameux, Leonardo da Vinci. Le Limousin, du reste, était loin d’être un artiste ordinaire, comme on peut le voir, soit en examinant ses copies des anciens maîtres allemands et italiens, ou ses portraits originaux de contemporains célèbres, tels que ceux du duc de Guise, du connétable de Montmorency, de Catherine de Medicis et autres — exécutés, il faut bien se le rappeler, avec les matériaux les plus difficiles à manier qui aient jamais été encore employés dans un but artistique. Les ouvrages de Léonard ont été exécutés entre 1532 et 1574, et, contemporains avec lui florissaient un grand nombre d’artistes émailleurs, dont plusieurs l’ont égalé, si non surpassé dans leurs productions ; tels sont, entre autres, Pierre Raymond, la famille des Pénicaud et celle des Courtey, Jean et Susanne Court, et M. D. Pape. Pierre, l’aîné de la famille des Courtey était non seulement un excellent artiste, mais il jouissait de la réputation d’avoir fait les plus grands émaux qu’on eût jamais exécutés ; ils sont au nombre de douze, dont neuf se trouvent au musée de l’Hôtel de Cluny, et les trois autres, au dire de M. Labarte, sont en Angleterre. Ces émaux avaient été fabriqués pour la décoration de la façade du château de Madrid, pour la construction et l’embellissement duquel, François Ier et Henri II dépensèrent des sommes considérables. Nous ferons remarquer que les artistes de Limoges, dans cette dernière phase de l’art de l’émaillure, ne se limitèrent pas, comme ils l’avaient fait précédemment, à la reproduction de sujets sacrés ; mais même les plus distingués parmi eux, ne dédaignèrent pas de modeler des vases, des cassettes, des cuvettes, des aiguières, des coupes, des plateaux, et une variété d’autres objets à l’usage journalier, qu’on couvrait d’abord entièrement d’émail noir, et qu’on décorait ensuite de médaillons, etc. en blanc opaque. Au commencement de ce nouveau genre de manufacture, les artistes prenaient la plupart de leurs sujets, des gravures de Martin Schöen, d’Israel van Mecken, et autres artistes allemands ; puis ils copièrent celles de Marc Antoine Raimonds et autres artistes italiens ; et enfin vers le milieu du seizième siècle ils reproduisirent les ouvrages de Virgile Solis, Théodore de Bry, Étienne de l’Aulne, et autres petits-maîtres.

Les ateliers de Limoges employés à la fabrication des émaux peints, étaient en pleine activité pendant le quinzième siècle, le seizième, le dix-septième et une grande partie du dix-huitième, époque à laquelle l’art s’éteignit entièrement. Les derniers artistes émailleurs furent les Nouaillers et les Laudin, dont les meilleurs ouvrages se font remarquer par l’absence des paillons, et par un dessin d’un style tant soit peu indécis.

Il ne nous reste plus, en terminant, qu’à engager les étudiants et les artistes à cultiver les beautés du style de la renaissance, avec un soin égal à celui qu’ils devront apporter à en éviter les extravagances. Lorsqu’un art permet une grande liberté à l’artiste, celui-ci encourt une aussi grande responsabilité, qu’un politique dans la science du gouvernement. Dans les styles où l’imagination ne peut être arrêtée que par une force intérieure, il est du devoir de l’artiste de tenir en bride sa puissance inventive. Qu’il emploie les ornements en abondance s’il le désire ; mais que ses compositions respirent un air de modestie et de convenance, tenant un juste milieu entre l’exagération et une trop grande simplicité. Si son imagination ne lui est pas propice, qu’il se contente de produire des formes fleuronnées d’ornements conventionnels, genre qui plaît toujours à l’œil et ne demande pas de grands efforts d’esprit ; et s’il désire ensuite attirer l’attention par la reproduction comparativement directe d’objets matériels, il n’en sera que plus certain d’atteindre son but. Dans un style, comme celui de la renaissance qui, non seulement permet, mais même exige le concours des autres arts, l’artiste ne doit jamais perdre de vue les spécialités de chacun des arts individuellement. Qu’il les tienne comme les différents membres d’une famille bien réglée, dans les relations les plus intimes et les plus harmonieuses, mais qu’il ne permette jamais à aucun parmi eux d’empiéter sur les prérogatifs d’un autre, ni même de quitter son département pour envahir celui de son voisin. Ainsi réglés et contenus, les styles les plus nobles, les plus riches, et les mieux adaptés aux besoins multiples d’un système social des plus artificiels, seront ceux qui, comme la renaissance, exigeront le concours de l’architecture, de la peinture, de la sculpture, et la plus grande perfection technique en industrie, pour réaliser les conditions qui sont essentielles et indispensables pour produire l’effet voulu.


OUVRAGES AUXQUELS NOUS AVONS EU RECOURS POUR LES ILLUSTRATIONS LITTÉRAIRES ET PITTORESQUES.
Alciati (A.) Emblemata D. A. Alciati, denuo ab ipso Autore recognita ; ac, quæ desiderabantur, imaginibus locupletata. Accesserunt noua aliquot ab Autore Emblemata suis quoque eiconibus insignita. Petit in-octavo., Lyons, 1551.
Antonelli (G.) Collezione dei migliori Ornamenti antichi, sparsi nella città di Venezia, coll’aggiunta di alcuni frammenti di Gotica architettura e di varie invenzioni di un Giovane Alunno di questa I. R. Accademia. In-quarto, oblong, Venise, 1831.
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Chapitre XVIII. — Planches 83, 84, 85.
ORNEMENTS DU TEMPS D’ÉLISABETH.
1. 
Le centre de l’ornement d’une cheminée en pierre qui se trouvait autrefois au Palais Royal de Westminster, et qui est placée actuellement dans la garde-robe dela Cour des Juges de Queen’s Bench.
2. 
Sculptures en pierre d’une vieille maison de Bristol. Jacques I.
3. 
Frise, de Goodrich Court, Herefordshire. Du temps de Henri VIII. ou d’Klizabeth. Travail flamand.
5 et 7. 
Sculptures en bois de Burton Agnes, dans le York shire. Jacques I.
6. 
Sculpture en bois au dessus de la porte d’une maison près de Norwich. Élisabeth.
8. 
Sculptures en bois d’un prie-dieu de l’église de Pavennam, Bedfordshire. Jacques I.
9. 
Sculptures en bois d’une cheminée, Old Palace, Bromley, près de Bow. Jacques I.
10 et 
15. Sculptures en pierre d’un tombeau de l’Abbaye de Westminster. Jacques I.
11 et 
12.rien
13. 
Sculptures en bois, Montacute, dans le Somersetshire. Élisabeth.
14. 
Sculptures en pierre, Crewe Hall. Jacques I.
16. 
Sculptures en bois de la Halle de Trinity Collége, Cambridge.
1. 
Ornement en pierre, Burton Agnes, Yorkshire. Jacques I.
2. 
Ornement en peinture, de l’escalier de Holland House, Kensington. Jacques I.
3. 
Sculptures en bois. Holland House.
4. 
Idem, idem.
5. 
Sculptures en bois, Aston Hall, Warwickshire. Epoque avancée de Jacques I.
6. 
Pris d’une vieille chaise. Élisabeth.
7. 
Ornement en pierre d’un des tombeaux de Westminster. Élisabeth.
8. 9. 
Ornements de Burton Agnes, Yorkshire. Jacques I.
10. 
Ornements diaprés en bois, Old Palace, Enfield. Élisabeth.
11. 
Ornements diaprés en bois, Aston Hall. Jacques I.
12 et 
16. Ornements en bois des bancs de l’église de Pavenham, Bedfordshire. Jacques I.
13 et 
14. Pris de Burton Agnes. Les derniers qui aient été publiés de la période de Charles II.
15, 24, 
26. Ornements diaprés en pierre, Crewe Hall, Cheshire. Jacques I.
17. 
Ornement d’une cheminée en marbre, Little Charlton House, Kent.
18 et 
20. Ornements en bois, dans la maison de Peter Paul Pindar, Bishopsgate. Jacques I.
19 et 
21. Ornements en bois de Burton Agnes, Yorkshire. Jacques I.
22. 
Pris d’un cabinet. Jacques I. Travail français.
23. 
Pris d’un tombeau de l’Abbaye de Westminster. Jacques I.
25. 
Pris d’un tombeau, Aston Church. Jacques I.
27. 
Sculptures en bois de l’escalier d’Aston Hall, Warwickshire. Époque avancée de Jacques I.
28. 
Décoration en plâtre d’un plafond à panneaux de Cromwell Hall, Highgate. Charles II.

1, 15, 
18. Ornements diaprés de Burton Agnes, Yorkshire.
2. 
Ornements diaprés en bois, de la Halle de Trinity Collége, Cambridge.
6 et 
8. Idem, idem. Dernière époque de Jacques I.
3. 
Pris de la draperie d’un tombeau de Westminster. Élisabeth.
4. 
Ornements diaprés en bois, pris d’une vieille maison à Enfield. Jacques I.
5. 
Ornements diaprés en plâtre, d’une vieille maison près de l’église de Tottenham. Élisabeth.
7. 
Tapisserie travaillée à l’aiguille. Élisabeth. (J de grandeur.) Prise de la collection de M. Mackinlay. Le fond est vert-clair ; le sujet jaune clair, bleu, ou vert ; et les contours sont en cordon de soie jaune.
9. 
Motif pris de la draperie d’un tombeau de Westminster. ÉLisabeth.
10. 
Pris d’une couverture en damas d’une chaise qui se trouve à Knowle, Kent. Jacques I.
11. 
Ouvrage à l’aiguille appliqué. Jacques I. ou Charles I. Tiré de la collection de M. Mackinlay. Le fond est rouge foncé ; les ornements sont en soie jaune ; et les contours en cordon de soie jaune.
12. 14, 
16, 17. Motifs pris de robes de vieux portraits. Élisabeth ou Jacques I.
13. 
Ouvrage à l’aiguille appliqué. Par un artiste italien. Jacques I. ou Charles I.
ORNEMENTS DU TEMPS D’ÉLISABETH.

Avant de donner la description des traits qui caractérisent le style qu’on appelle généralement le style du temps d’Élisabeth nous croyons devoir tracer succintement l’origine de la rénovation de l’antique en Angleterre, et ses progrès successifs, jusqu’au moment où elle est parvenue à triompher et à l’emporter complètement sur le style gothique, au seizième siècle. La première introduction de la renaissance en Angleterre date de l’an 1518, époque à laquelle Torrigiano composait, par ordre de Henri VIII., un monument consacré à la mémoire de Henri VII., monument qui se trouve encore actuellement à l’abbaye de Westminster, et qui présente un exemple à peu près pur du style italien de cette époque. Le monument de la comtesse de Richmond à Westminster dans le même style, date de la même époque ; le dessin en a été fourni également par Torrigiano qui se rendit, peu de temps après, en Espagne, laissant en Angleterre plusieurs Italiens, attachés au service de Henri, qui devaient naturellement contribuer à propager le goût pour ce genre de style. Parmi les noms de l’époque qiri sont parvenus jusqu’à nous, nous citerons ceux de Girolamo da Trevigi, employé à la fois comme architecte et comme ingénieur ; de Bartolomeo Penni et d’Antony Poto (del’Nunziata), peintres ; et de Benedetto da Rovezzano, fameux sculpteur florentin. Ajoutons à cette liste le nom de Jean de Padoue, qui appartient à une période plus récente, et qui a eu, à ce qu’il paraît, plus d’ouvrage que tous les autres ; il a fourni, entre autres le dessin de l’ancien Somerset House, en 1549. Cependant ce n’a pas été purement et exclusivement l’influence italienne qui a contribué à développer en Angleterre le nouveau style, puisque nous rencontrons, à la même époque les noms de Gerard Hornebande, ou Ilorebout, de Gand, de Lucas Cornelis, de John Brown, et d’Andrew Wright, sergents-peintres du Roi. En 1520, le célèbre Holbein vint en Angleterre ; et c’est à lui et à Jean de Padoue que revient le mérite d’avoir naturalisé en Angleterre le nouveau style, modifié par le génie individuel et l’éducation germanique de l’un, et par les modèles, et les réminiscences locales d’où découlaient les inspirations de l’autre, qui a reproduit dans ce pays, non sans des modifications considérables, plusieurs des formes qui caractérisaient la première école vénitienne de la renaissance. Holbein mourut en 1554, mais Jean de Padoue lui survécut bien des années, et c’est lui qui fournit le dessin du superbe hôtel Longleat vers l’an 1570. À l’occasion des funérailles d’Édouard VI., 1553, mention est faite dans le règlement de la procession, (Archœol. vol. xii., 1796) des noms d’Antony Toto (cité ci-dessus), de Nicholas Lyzarde, peintres, et de Nicholas Modena, sculpteur ; tous les autres noms des maîtres-maçons, etc. sont Anglais. À une époque plus récente, pendant le règne d’Élisabeth, nous ne trouvons que deux noms italiens à savoir celui de Federigo Zucchero) dont la maison à Florence dessinée, dit on, par lui-même tendrait plutôt à prouver que le style d’architecture anglais a exercé de l’influence, sur lui que vice versâ, et de Pietro Ubaldini, peintre de livres enluminés.

C’est la Hollande qui fournit à l’Angleterre le plus grand nombre des artistes de cette époque, pendant laquelle se forma véritablement le style dit du temps d’Élisabeth : Lucas de Heere de Gand, Cornelius Ketel de Gouda, Marc Garrard de Bruges, H. C. Vroom de Haarlem, peintres ; Richard Stevens, hollandais, qui a exécuté le monument de Sussex, à l’église de Boreham, Suffolk ; et Théodore Haveus, de Clèves, l’architecte des quatre portes, Humilitatis, Virtutis, Honoris, et Sapiential, de Caius Collége, Cambridge, et qui a dessiné et exécuté, en outre, le monument du Docteur Caius, vers l’an 1573. À la même époque nous rencontrons déja une nombreuse phalange d’artistes anglais, dont nous citerons comme le, s plus remarquables les architectes, — Robert et Bernard Adams, les Smitbsons, Bradshaw, Harrison, Holte, Thorpe, et Shute (celui-ci a été l’auteur du premier ouvrage scientifique en anglais, sur l’architecture, 1563) ; Hillier orfèvre et bijoutier ; et Isaac Oliver, peintre de portraits. La plupart des architectes que nous venons de nommer exerçaient leur art au commencement du dix-septième siècle, époque à laquelle la publication des «  Elements of Architecture,  »[19] par Sir Henry Wooton, contribua à répandre l’étude du nouveau style. Bernard Jansen et Gerard Chrismas, natifs de Hollande l’un et l’autre, jouissaient d’une grande vogue pendant le règne de Jacques I. et de Charles I., et la façade de Northumberland House, Strand, est leur œuvre.

Quelque temps avant la fin du règne de Jacques I. — i. e. en 1619 — le nom de Inigo Jones marque à peu près la décadence complète du style du temps d’Élisabeth, décadence dont la reconstruction du palais de Whitehall donna le signal, fournissant en même temps un exemple qui ne pouvait manquer de produire une révolution complète dans l’art. Du reste, le style « Palladien » du seizième siècle avait été introduit déja auparavant par Sir Horatio Pallavicini, qui appliqua ce style à sa maison (démolie à présent) à Little Shelford, Cambridgeshire ; et quoique Nicholas Stone et son fils, architectes et sculpteurs, aient continué à suivre l’ancien style, dans les monuments funèbres surtout, celui-ci céda bientôt la place au genre plus pur, mais moins pittoresque des meilleures écoles italiennes.

Ainsi en partant de 1519, époque d’où datent les œuvres de Torrigiano à Westminster, et descendant à la date de 1619, époque à laquelle Inigo Jones commença la construction de Whitehall, nous embrassons le siècle du style du temps d’Élisabeth, et la plupart des œuvres exécutées pendant ce temps appartiennent à la période dite Élisahéthéenne.

Dans la liste des artistes que nous avons donnée ci-dessus, on remarque un mélange variable de noms italiens, hollandais, et anglais. Dans la première période, règne de Henri VIII., ce sont les Italiens qui prédominent, au nombre desquels nous croyons pouvoir placer le célèbre Holbein, car ses ouvrages de luxe en métal, etc. — comme par exemple le gobelet qu’il a dessiné pour Jane Seymour, le poignard et l’épée faits probablement pour le roi — sont empreints d’une grace et d’une pureté de style dignes de Cellini lui-même. Les arabesques qu’il a peintes dans le grand tableau de Henri VIII. et de sa famille, au palais de Hampton Court, quoiqu’elles soient, tant soit peu, grotesques et lourdes n’en sont pas moins des imitations soignées des modèles du cinque-cento ; et le plafond de la chapelle royale du palais de St. James, dessiné par lui en 1540, est dans le style dont il y a nombre de beaux exemples à Venise et à Mantoue.

Pendant le règne d’Élisabeth nous remarquons une grande prépondérance d’artistes hollandais, car une sympathie politique et religieuse liait alors l’Angleterre à la Hollande ; et quoique ces artistes soient désignés pour la plupart comme peintres seulement, il ne faut pas perdre de vue, qu’à cette époque les arts étaient intimement liés les uns avec les autres, et ce n’était pas chose rare que de voir des peintres occupés à dessiner des modèles pour ornements, tant peints que sculptés, et même des modèles d’architecture ; d’un autre côté les peintres trouvaient dans les accessoires de leurs tableaux mêmes de la place pour les dessins d’ornements, comme on peut le voir, par exemple, dans le portrait de la reine Marie, peint par Lucas de Heere, tableau qui a des compartiments à panneaux d’entrelacs géométriques, remplis de fleurons. Nous pouvons donc conclure, que pendant la plus grande partie du règne d’Élisabeth les états protestants des Pays-Bas et de l’Allemagne[20] exercèrent une influence importante sur les arts en Angleterre. Ce fut à la même époque que fut bâti le château de Heidelberg (1556-1559), qui a dû produire de l’effet sur les arts en Angleterre, d’autant plus qu’Élisabeth, fille de Jacques I. tenait sa cour comme reine de Bohême, à ce château, au commencement du dix-septième siècle.

Dans la dernière partie du règne d’Élisabeth et pendant le règne de Jacques I. les artistes anglais étaient très nombreux, et avaient, à ce qu’il paraît, tout le champ à eux, libre de tout concurrent, à l’exception de Jansen et de Chrismas ; c’est donc à cette période que nous devons nous attendre à trouver une école véritablement anglaise. Effectivement c’est à cette époque qu’appartiennent les artistes anglais dont les noms sont associés avec la construction et la décoration concomitante de bâtiments, tels que Audley End, Holland House, Wollaton, Knowle et Burleigh.

De même, on doit s’attendre à trouver dans les œuvres des artistes du règne de Henri, des ornements purement italiens ; comme c’est le cas en effet, non-seulement dans les sujets dont nous avons parlé déjà, mais aussi dans les exemples donnés planche LXXXIII., Nos. 1 et 3. Sous Élisabeth nous ne trouvons qu’une imitation légère des modèles italiens, et une adoption complète du style d’ornement pratiqué par les artistes décorateurs de l’Allemagne et des Pays-bas. Sous le règne de Jacques I. nous retrouvons le même style, continué par les artistes anglais d’une manière plus large, comme on peut le voir aux Nos. 5 et 1 1 de la planche LXXXIV., pris d’Aston Hall, construit dans la dernière partie de ce règne. Aussi, cette époque offre-t-elle fort peu de ce qu’on puisse appeler original dans le caractère des ornemsnts, lesquels ne sont que des modifications de modèles étrangers. Déja à la fin du quinzième siècle on peut découvrir le germe des enroulements à jour qui caractérisent cette époque dans les ouvrages décoratifs de l’Italie, tels que vitraux peints et livres enluminés. Les superbes ordures ornées, etc. de Giulio Clovio (1498-1578), élève de Giulio Romano, représentent déjà sur différents points, l’enroulement, les bandelettes, les pointes de diamants et les festons qui caractérisent le style du temps d’Élisabeth ; la même chose se voit dans les vitraux peints de la bibliothèque Laurentienne de Florence, par Giovanni da Udine (1487-1564) ; cette ressemblance est encore plus frappante dans les frontispices du grand ouvrage de Serlio sur l’architecture, publié à Paris en 1545. Quant à l’autre trait caractéristique qui distingue principalement les ornements du temps d’Élisabeth, savoir les entrelacs à rubans compliqués et capricieux, il faut en chercher l’origine dans les dessins aussi excellents que nombreux des graveurs, qui étaient connus sous le nom de « petits-maîtres » de l’Allemagne et des Pays-bas, tels que Aldegrever, Virgilius Solis de Nuremberg, Daniel Hopfer d’Augsbourg, et Theodor de Bry, qui ont présenté au monde, dans le courant du seizième siècle, un grand nombre de dessins à ornements gravés. N’oublions pas de parler des compositions, tant pour l’architecture que pour l’ornement, publiées à la fin du même siècle par W. Dieterlin, compositions capricieuses et d’un caractère tout-à-fait élisabéthêen, lesquelles, au dire de Vertue, ont servi à Chrismas pour ses dessins de la façade de Northumberland House. Tels sont les sources, d’où le style dit élisabêthéen a tiré ses principaux fondements. Remarquons ici que la décoration doit évidemment varier en caractère, selon les différents sujets et les divers matériaux auxquels elle s’applique, loi æsthétique parfaitement reconnue par les maîtres italiens, qui se gardaient bien d’appliquer aux œuvres de sculpture et d’architecture le style appartenant à la peinture, qu’ils reléguaient dans ses justes limites, ne s’en servant que pour les livres enluminés, les gravures et les métaux damasquinés ; mais il n’en fut pas ainsi des artistes qui travaillaient en Angleterre à l’époque dont nous traitons ici, bien au contraire, ceux-ci faisaient entrer le style de l’ornement peint, dans toutes les branches de l’art, et ils reproduisaient jusque dans leurs bâtiments, les caprices illimités et bizarres de l’artiste décorateur, tels qu’ils les trouvaient dans les gravures.

Quant aux principaux traits caractéristiques des ornements du temps d’Élisabeth, — les voici : la variété grotesque et compliquée des enroulements travaillés à jour et pourvus de bords boucles ; les entrelacs à rubans représentant quelquefois des motifs géométriques, mais plus généralement des dessins flottants et capricieux, comme on peut le voir, par exemple, au No. 12, planche LXXXIII., et aux Nos. 26 et 27, planche LXXXIV. ; les rubans à lacet et à pointes de diamant ; les contours courbes et rompus ; les monstres et animaux grotesques entremêlés ça et là de dessins larges et flottants, représentant des ornements de branches et de feuilles naturelles, comme on en voit au No. 7, planche LXXXIII., et dont il existe encore un superbe exemple au plafond de la grande galerie de Burton Agnes, Yorkshire ; les ornements à balle et à pointes de diamants et les compartiments en panneaux remplis de feuillage ou de blasons ; les voussoirs et les tasseaux grotesques si généralement en usage ; et enfin la hardiesse qui distingue les sculptures, tant en pierre qu’en bois, qui sont pleines d’effet quoiqu’elles soient exécutées grossièrement. Contrairement à ce que l’on voit dans les premiers exemples de la renaissance sur le continent, surtout en France et en Espagne, les ornements du temps d’Élisabeth ne s’appliquaient pas sur des formes gothiques, mais le fondement, ou la masse architecturale, était, à l’exception des fenêtres, d’un caractère essentiellement italien, marqué par l’application grossière des ordres de l’architecture l’un sur l’autre ; l’extérieur des murs étant garni de corniches et de balustrades, et les murs de l’intérieur étant bordés de frises et de corniches et surmontés de plafonds plats ou voûtés ; même les pignons aux contours convexes et concaves, qui sont si communs dans ce style, étaient fondés sur les modèles de la première école de la renaissance à Venise.

Les motifs diaprés en couleur exécutés sur bois, sur les vêtements des statues monumentales, et sur la tapisserie, trahissent pour la plupart plus de justesse et de pureté de dessin que ceux des sculptures ; les couleurs, d’ailleurs, en sont riches et fortement marquées. Ces étoffes étaient, en grande partie, le produit des métiers de la Flandre, et, dans quelques cas, de ceux de l’Italie ; — la première fabrique indigène de ce genre n’a été établie qu’en ICI 9 à Mortlake.

Les Nos. 9, 10, 11, et 13, planche LXXXV. sont ceux qui trahissent le cachet le plus essentiellement italien, parmi tous les exemples donnés ; et on affirme même que le No. 1 3 est l’œuvre d’un artiste italien. Les Nos. 12, 14, et 16, qui portent également le cachet du caractère italien, sont pris de portraits de l’époque d’Élisabeth et de Jacques I., ouvrages de quelques artistes hollandais ou italiens probablement. Les Nos. 1, 4, 5, 15, et 18, quoiqu’ils soient exécutés dans le goût italien, se distinguent par une grande originalité ; tandis que les Nos. 6 et 8 appartiennent au style élisabêthéen ordinaire. On conserve encore un bel exemple d’ornements en couleur, exécutés sur le poêle appartenant à la compagnie des ferronniers, daté de 1515, dont le fond est d’or, décoré d’un motif riche et flottant de pourpre ; semblable sous tous les rapports aux devants d’autel peints, ou antependiums, de Santo Spirito, Florence, (quinzième siècle) et fabriqué probablement en Italie.

À l’église Ste. Marie, Oxford, on conserve une riche tenture de chaire, au fond d’or et ornée d’un motif en bleu ; et à Hardwick Hall, Derbyshire, se trouve une belle piècé de tapisserie avec un motif en fil d’or et de cramoisi sur un foud de soie jaune. Mais le plus beau specimen, peut-être, de ce genre d’ouvrage, c’est le poêle de velours cramoisi orné d’un dessin travaillé en or,[21] fait dans la première partie du seizième siècle et appartenant à la compagnie des selliers. Quoique, dans les exemples dont nous venons de parler, comme dans ceux donnés à la planche LXXXV., l’effet soit produit principalement par l’emploi de deux couleurs seulement, il y a un grand nombre d’autres spécimens où l’on trouve toutes les variétés de couleur employées copieusement ; l’or cependant prédomine toujours sur les couleurs — goût dérivé probablement de l’Espagne, où la découverte des mines d’or du nouveau monde avait conduit à l’usage démesuré de l’or comme moyen de décoration, pendant le règne de Charles V. et celui de Philippe II. On peut voir un bel exemple de ce style, dans la cheminée magnifique ornée de sculptures élaborées et dorées combinées avec du marbre noir, qu’on conserve actuellement dans l’appartement du gouverneur à Charter-house.

Vers le milieu du dix-septième siècle, toutes les marques caractéristiques les plus prononcées de ce style avaient expiré complètement ; et nous voyons s’éteindre, non sans quelque regret, cette richesse, cette variété et ce goût du pittoresque, qualités prédominantes de ce style, lequel, tout dépourvu qu’il fut de bons principes moteurs, et tout sujet qu’il fut à s’éparpiller et à tomber en confusion, ne pouvait manquer néanmoins de pénétrer le spectateur d’une certaine impression de noblesse et de grandeur.

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Clayton. The Ancient Timber Edifices of England.
Britton. Architectural Antiquities of Great Britain.
Chapitre XIX. — Planches 86, 86*,87, 88, 89, 90.
ORNEMENTS ITALIENS.
Série d’arabesques, peintes à fresque par Giovanni da Udine, Perino del Vaga, Giulio Romano, Polidoro da Carravaggio, Francesco Penni, Vincenzio da San Gimignano, Pellegrino da Modcna, Bartolomeo da Bagnacavallo, et peut-être par d’autres artistes, d’après les dessins de Raphaël, et choisies parmi les décorations des loges, ou arcade centrale du Vatican, Rome.

Série d’arabesques peintes à fresque sur un fond blanc, prises du palais ducal à Mantoue.

Série d’arabesques peintes à fresque sur des fonds en partie coloriés, prises pour la plupart du palais ducal à Mantoue.

Série d’arabesques peintes à fresque sur des fonds entièrement coloriés, prises des décorations du palais ducal à Mantoue, exécutées d’après les dessins de Giulio Romano.

Série de spécimens de décorations typographiques du seizième siècle en Italie et en France, pris des ouvrages publiés par les Aldine, les Gianta, les Stephan et d’autres imprimeurs célèbres.

Le mouvement vers la rénovation de l’antique, qui avait eu lieu en Italie, pendant le quinzième siècle, mais seulement en partie et d’une manière imparfaite, devint, peu après le commencement du seizième siècle, systématique, et prit conséquemment une nouvelle vigueur, grace principalement aux arts de l’imprimeur et du graveur, qui aidèrent puissamment à rendre cette rénovation populaire, en plaçant rapidement entre les mains de tous les artistes éminents en Italie et même hors de ce pays, des traductions de Vitruvius et d’Alberti, ornées de nombreuses illustrations et accompagnées de savants
Panneau de soffite prise d’un des palais génois.
commentaires ; et avant la fin du siècle, les traités écrits par Serlio, Palladio, Vignola et Rusconi offraient un témoignage permanent du zèle avec lequel les monuments de l’antiquité avaient été étudiés. Mais de même que les besoins du système social italien du seizième siècle différaient de ceux de l’époque impériale de Rome,
Ornement vertical, de Gènes.
ainsi nécessairement la nature des monuments créés pour satisfaire à ces besoins, différa de celle des monuments de l’ancienne Rome. Dans le style de la renaissance du quinzième siècle, l’artiste avait principalement dirigé son attention à imiter les ornements de l’antiquité ; dans celui du seizième, son attention fut dirigée principalement vers la rénovation des proportions antiques des cinq ordres, en même temps que celles de la symétrie architecturale, en général : l’ornement pur avait été, en grande partie, négligé dans ses détails, et n’était plus considéré, dans son ensemble, que comme un accessoire décoratif de l’architecture. Les arts qui, pendant le quinzième siècle, avaient été fréquemment réunis dans les maestri, sous la direction desquels on avait exécuté de grands monuments, devinrent individualisés, au seizième siècle. Le génie d’un Raphaël et d’un Michel Ange — ces géants d’intelligence — pouvait seul maintenir les triples attributs de la peinture, de l’architecture et de la sculpture dans une subordination relative et convenable ; lors que, dans la suite, des hommes tels que Bernini et Pietro da Cortona tentèrent des combinaisons semblables, ils n’arrivèrent à produire, à peu de chose près, qu’une confusion générale, qu’un effet manqué. Comme les règles de l’art devinrent plus compliquées, des académies s’établirent, dans lesquelles on introduisit un système de division à l’égard du travail ; d’où il résulta, à quelques rares exceptions près, que les architectes ne songèrent guère plus qu’à des plans, des coupes et des élévations, dans lesquels les colonnes, les arches, les entablements, etc. accaparaient toute leur attention ; et que les Panneau de soffite prise d’un des palais génois. Ornement vertical, de Gènes. peintres travaillèrent davantage dans leurs studios, et moins dans les bâtiments que leurs ouvrages devaient orner, négligeant entièrement de s’occuper de l’effet général des décorations, et ne visant qu’à la précision anatomique, aux effets puissants de clair-obscur, à une composition de maître, d’un traitement large et d’un ton chaleureux. Les sculpteurs d’un ordre élevé, abandonnèrent la sculpture ornementale et concentrèrent presque exclusivement leur attention, aux statues et aux groupes isolés, ou aux monuments, dans lesquels la beauté de l’effet général était subordonnée au seul développement des caractères plastiques. La composition des ornements fut laissée, en grande partie, au hasard ou au caprice ; et l’exécution en fut confiée à des artistes de second ordre. Les gravures ci-contre repré sentent des spécimens frappants, de ce genre d’ornements. Mais les arabesques peintes dans le style italien et les stucchi qui les accompagnaient quelquefois, se distinguent de ces ornements d’une manière si remarquable, que nous croyons devoir les réserver pour une notice toute spéciale. Quoique l’architecture du palais Pandolfini à Florence, et du palais Caffarelli, ci-devant Stoppani, à Rome, œuvres de Raphaël, soit d’une grande perfection, néanmoins, comme ce grand artiste doit sa célébrité, comme ornemaniste, à ses arabesques, nous n’en parlerons pas ici. Nous ne nous arrêterons pas non plus aux ouvräges de Baldassare Peruzzi, tout intéressants qu’ils sont ; parce que, à l’égard du moins de l’ornementation, ils se rapprochent tellement de l’antique, qu’ils n’offrent aucune individualité frappante. Quant à Bramante, on doit le considérer plutôt comme un artiste de la période de la renaissance, que sous tout autre point de vue. C’est le grand artiste florentin, dont le génie ardent et impatient de toute contrainte, se débarrassa de toutes les entraves de la tradition, qui fournit le germe de cette originalité opiniâtre, laquelle se communiquant à tous ses contemporains dans toutes les différentes parties de l’art, amena une licence qui, (ce serait vain de vouloir le nier) finit, entre des mains plus faibles que les siennes, par amener un écart de la voie du bon goût et du raffinement, dans toutes les branches de l’art.

Michel Ange naquit en 1474 de la noble famille florentine des Buonarrotti, descendants des comtes de Canossa : il fut élève de Domenico Ghirlandaio ; et s’étant fait remarquer de bonne heure, par son talent pour la sculpture, il fut invité à venir étudier à l’école fondée pour la culture de cet art par Laurent de Medicis. Lors du bannissement de la famille des Medicis, de Florence, en 1494, Michel Ange se retira à Bologne, où il travailla au tombeau de St. Dominique ; après quelque temps il retourna à Florence, et avant l’âge de vingt-trois ans il avait exécuté son célèbre « Cupidon » ainsi que son « Bacchus. » L’exécution de maître de la première de ces statues, lui valut l’invitation de se rendre à Rome, où, parmi un grand nombre d’autres ouvrages de cet artiste, se trouve « la Piété, » sculptée sur la commande du cardinal d’Amboise, et qui est maintenant à St. Pierre. Après la Piété, son ouvrage le plus important fut la statue gigantesque de « David, » qui se trouve à Florence. À l’âge de vingt-neuf ans il retourna à Rome, où Jules II. l’appela pour ériger son mausolée ; le « Moïse » de St. Pierre in Vincoli, et les « Esclaves, » au musée du Louvre, avaient été, dans l’origine, destinés à décorer ce monument, qui fut achevé sur une échelle plus petite que celle sur laquelle on avait eu l’idée d’abord de le construire. Il travailla ensuite aux peintures de la chapelle Sistine, peintures qui, soit que nous en considérions la sublime composition, ou que nous prenions en considération l’influence qu’elles exercèrent sur l’art contemporain et des temps qui suivirent, doivent être rangées parmi ses plus grandes œuvres. En 1541, il acheva sa grande peinture à fresque du « Jugement dernier, » exécutée pour le pape Paul III. Le reste de sa vie, il s’occupa principalement de la construction de St. Pierre, à laquelle il travailla jusqu’à sa mort en 1564, et pour laquelle il ne voulut jamais accepter aucune rémunération.

Pendant sa longue vie, Michel Ange, dans toutes ses productions, semble avoir été possédé du désir incessant de la nouveauté, aspiration qui, captivant toute son attention, l’a empêché de s’occuper de l’étude de là perfection seule. Ses innovations hardies dans l’ornementation ne sont pas moins frappantes, que celles qu’il tenta dans les autres départements de l’art. Ses larges frontons et ses moulures grandioses d’une composition brisée, ses consoles et ses enroulements si majestueux, son imitation directe de la nature, à une légère exagération près, dans quelques unes de ses décorations, et la grande étendue de surface unie qu’il conservait toujours dans ses compositions architecturales, fournirent à l’arène artistique de nouveaux éléments, dont s’emparèrent avidement des hommes d’une puissance inventive moindre que celle dont il était doué. Michel Ange produisit une vraie révolution dans l’école romaine de dessin : — Giacomo della Porta, Domenico Fontana, Bartolomeo Ammanati, Carlo Maderno et Vignola lui-même, en ce qui regarde l’ornementation, adoptèrent, avec un petit nombre des beautés de ce grand artiste, un grand nombre de leurs défauts, dont le plus grand était une exagération outrée. À Florence, Baccio Bandinelli et Benvenuto Cellini étaient parmi le nombre de ses ardents admirateurs et de ses imitateurs zélés. Venise, heureusement, échappa jusqu’à un certain point, à la contagion générale, ou du moins elle y résista plus longtemps que presque tout autre endroit de l’Italie. Elle dut cette immunité, en grande partie, à l’influence bienfaisante d’un génie moins hardi que celui de Michel-Ange, mais beaucoup plus raffiné, et presque tout aussi universel. Nous faisons allusion au plus grand des deux Sansovino — à Jacopo.

Ce grand artiste naquit, en 1477, à Florence, d’une ancienne famille. Ayant montré de bonne heure, un goût remarquable pour l’étude de l’art, il fut placé par sa mère sous Andrea Contucci de Monte Sansovino, dont nous avons déja parlé dans le chapitre XVII., et qui travaillait alors à Florence ; « Celui-ci s’aperçut bientôt, » dit Vasari, « que le jeune homme promettait de devenir un artiste éminent. » L’attachement qui se forma entre le maître et l’élève assuma une telle intensité, que le public finit par les regarder, pour ainsi dire, comme père et fils, et on ne donna plus à Jacopo le nom de « de’Tatti, » mais bien celui de « di Sansovino ; » nom qui lui est resté jusqu’à nos jours et qui lui sera toujours donné. S’étant fait remarquer à Florence par son talent, et étant considéré comme un jeune homme d’un grand génie et d’une réputation des plus honorables, il fut conduit à Rome par Giuliano da San Gallo, architecte du pape Jules II. À Rome il attira l’attention de Bramante et exécuta, sous sa direction, une grande copie en cire du « Laocoon, » concouramment avec d’autres artistes, parmi lesquels se trouvait Alonzo Berruguete, le célèbre architecte espagnol ; son ouvrage fut déclaré le meilleur ; on le coula en bronze et le cardinal de Loraine qui en devint, en dernier lieu, le possesseur, l’emporta en France en 1534. San Gallo tomba malade et fut obligé de quitter Rome ; Bramante procura un logement à Jacopo dans la même maison qu’habitait Pietro Perugino, qui était alors occupé à peindre un plafond pour le pape Jules dans la Torre Borgia ; il fut si content du travail de Jacopo, qu’il le chargea de préparer un grand nombre de modèles en cire, pour son propre usage. Dans la suite Jacopo se lia avec Luca Signorelli, Bramantino di Milano, Pinturicchio et Cesare Cesariano, célèbre par ses commentaires sur Vitruvius ; et il fut enfin présenté au pape Jules qui l’employa. Il était sur la voie des honneurs et de la fortune, lorsqu’il tomba sérieusement malade et fut obligé de retourner dans sa ville natale, où il se rétablit bientôt ; il concourut avec Bandinelli et d’autres artistes pour l’exécution d’une grande statue en marbre, et remporta le prix sur ses compétiteurs. De nombreuses commandes lui arrivèrent alors et lui procurèrent une occupation continuelle ; entre autres ouvrages, il exécuta à cette époque pour Giovanni Bartelini, son beau « Bacchus » qui se trouve maintenant dans la galerie degli Uffizii à Florence.

En 1514, on fit à Florence de grands préparatifs pour l’entrée dans cette ville de Léon X. ; Jacopo fut employé à préparer les dessins des arcs de triomphe et des statues. Le pontife en fut tellement satisfait, que Jacopo Salviati mena son ami Sansovino baiser le pied du pape, qui le reçut avec la plus grande bonté. Sa Sainteté lui donna immédiatement la commande de préparer un dessin pour la façade de San Lorenzo à Florence, qu’il exécuta, à ce qu’il paraîtrait, avec tant de talent, à la satisfaction de tout le monde, que Michel-Ange qui devait concourir avec lui pour la surintendance de la construction de cet édifice, en éprouva une certaine jalousie, et usant de ruse, réussit à empêcher le succès mérité de Sansovino ; car, dit Vasari, « Michel-Ange était déterminé à garder tout pour lui-même. » Nullement découragé, malgré cela, il continua à rester à Rome, où il fut employé à exécuter des ouvrages de sculpture et d’architecture ; il eut le grand honneur de voir son plan de l’église de St. Jean des Florentins, choisi de préférence à ceux de Raphaël, d’Antonio da Sangallo, et de Balthazar Peruzzi, ses compétiteurs. Pendant qu’il surveillait le commencement des travaux, il tomba, et se fit tellement mal, qu’il fut obligé de quitter la ville. Différentes circonstances amenèrent la suspension des travaux, jusqu’au pontificat de Clément, époque à laquelle Jacopo retourna à Rome, et se remit au travail. Dès cette époque il fut employé dans tous les travaux d’importance qui furent entrepris dans cette ville, jusqu’à la prise et au sac de cette ville par les Français, 6 Mai 1527.

Jacopo chercha un refuge à Venise, ayant l’intention de visiter ensuite la France, dont le Roi lui avait offert de l’emploi. Le Doge, Andrea Gritti, le persuada cependant de rester à Venise et d’entre prendre la restauration des coupoles de St. Marc. Il exécuta si bien ce travail qu’il fut nommé Proto-Maestro de la république, avec la jouissance d’une maison et d’un revenu annuel. Il remplit les devoirs de cet emploi avec une telle sagacité et une telle diligence, que par suite de différents changements et améliorations qu’il fit dans la ville, il augmenta les revenus de l’État. Parmi les plus beaux ouvrages qu’il exécuta à Venise — ouvrages qui du reste peuvent être rangés parmi les plus beaux de l’art italien — nous mentionnerons la libreria Vecchia, la zecca ou hôtel de la monnaie, les palais Cornaro et Moro, la loge autour de la campanile de St. Marc, l’église de San Georgio dei Greci, les statues de l’escalier du géant, le monument de Francesco Veniero, et les portes de bronze de la sacristie. Vasari nous le représente comme un homme d’un caractère aimable et agréable, d’une grande sagacité et d’une activité rare. Il paraît avoir joui de l’estime général. Parmi ses nombreux élèves, nous mentionnerons Tribolo et Solosmeo Dánese, Cattaneo Girolamo de Ferrara, Jacopo Colonna de Venise, Luco Lancia de Naples, Bartolommeo Ammanati, Jacopo de Medici de Brescia, et Alessandro Vittoria de Trent. Il mourut le 2 Novembre 1570, à l’âge de quatre-vingt-treize ans ; « et (comme nous le rapporte Vasari) quoique sa vie s’éteignît dans le cours naturel des lois de la nature, tout Venise pleura sa mort. » C’est principalement à l’heureuse influence exercée par Sansovino, que l’école de Venise doit sa célébrité pour ses ouvrages d’ornements en bronze.

Si nous quittons maintenant l’Italie et que nous passons en France, nous reprendrons le fil des progrès nationaux, interrompus par l’introduction dans ce pays des artistes italiens engagés au service de Francois 1er (circa 1530) qui formèrent « l’École de Fontainebleau, » dont le chef le plus populaire était Primaticcio. Le style de dessin de cet artiste était fondé, quant aux proportions, sur le système adopté par Michel-Ange, mais ses figures aux membres un peu grêles, offraient à la vue des lignes serpentantes, et d’une grace quelque soit peu artificielle. La manière toute particulière, dont les maîtres de Fontainebleau arrangeaient et représentaient les draperies, exerça une influence singulière sur les artistes français, non seulement dans le département de leur art, mais dans l’ornement en général. Les plis chiffonnés des vêtements, tout particuliers à cette école, disposés non pas d’une manière naturelle, mais de manière à remplir le mieux, les vides qui se trouvaient dans l’ensemble de la composition, amena une légèreté générale dans le traitement de semblables objets, et donna naissance à ce style flottant, et tout à part, qu’on peut facilement découvrir dans tous les ouvrages des artistes qui se sont appliqués à reproduire le style en vogue à cette époque. Parmi les plus distingués de ces artistes se fait remarquer le célèbre Jean Goujon, né au commencement du seizième siècle, doué, du reste, d’un talent d’une originalité des plus remarquables. Ses principaux ouvrages, dont la plupart heureusement existent encore aujourd’hui, sont : — la fontaine des innocents, Paris (1550) ; la galerie de la salle des cent Suisses, maintenant des Caryatides, supportée par quatre figures colossales de femmes, qu’on range parmi ses meilleurs ouvrages ; la célèbre Diane de Poitiers, connue sous le nom de Diane chasseresse ; un très beau petit bas-relief du même sujet ; les portes en bois de l’église de St. Maclou à Rouen ; les sculptures de la cour du Louvre ; et enfin le Christ au tombeau, dans le musée du Louvre. Goujon partagea chaudement l’enthousiasme produit universellement par la découverte des écrits de Vitruvius, et il écrivit même un essai à ce sujet dans la traduction qu’en fit Martin. Il fut malheureusement tué pendant le massacre de la St. Barthélemy, pendant qu’il travaillait sur un échafaud au Louvre, en 1572. Barthélemy Prieur, encore plus imbu que lui de l’esprit italien de l’école de Fontainebleau, faillit partager le même sort. Cet artiste ne fut sauvé que grace à la protection du connétable de Montmorency, dont il était destiné à élever l’effigie monumentale. Jean Cousin, le plus ardent disciple du système adopté par Michel-Ange dans les proportions des formes, était contemporain de Goujon et de Prieur. Il est principalement connu, comme nous l’avons déjà constaté (chapitre XVII.) comme dessinateur, par ses vitraux peints, et comme sculpteur, par la belle statue qu’il fit de l’amiral Chabot. Parmi la bande artistique de cette époque, Germain Pilon, né à Loué, près de Mans, tenait une place proéminente. Les statues du couvent de Soulesmes font partie de ses premiers ouvrages. Son père l’envoya à Paris vers 1550, et en 1557, son monument de Guillaume Langei du Bellay fut placé dans la cathédrale de Mans. Il exécuta vers la même époque les monuments de Henri II. et de Catherine de Médicis, dans l’église de St. Denis, près de Paris, d’après les dessins de Philibert de Lorme. Le monument du chancelier de Birague est considéré comme un de ses meilleurs ouvrages.

Le magnifique groupe, si bien connu, des trois Graces, maintenant au Louvre, taillé dans un seul bloc de marbre, était destiné à supporter une urne contenant les cœurs de Henri II. et de Catherine de Médicis. Afin de donner une idée du style ornemental de Pilon nous avons reproduit, planche LXXVI., No. 9, la base du monument dont le groupe des Graces devait faire partie. Les statues et les bas-reliefs du monument de François 1er sont par Pilon et Pierre Bontemps. On ne connaît aucun ouvrage du premier de ces artistes, exécuté après 1590, année que Kugler donne comme la date de sa mort.

La longueur des membres et la grace artificielle particulières à l’école de Fontainebleau, furent portées aux dernières limites de l’extravagance par Pierre Francheville, né à Cambray en 1548, qui introduisit en France le style de Jean de Bologne, dont il avait été l’élève pendant plusieurs années, style qui présentait dans les formes une exiguïté et une longueur encore plus grandes. Pour arriver à une juste idée du caractère particulier du style d’ornement qui prédominait à cette époque, et qui servit de transition pour arriver au style généralement connu sous le nom de style Louis XIV., on ne peut mieux faire que d’examiner les ornements de l’appartement de Marie de Médicis au Luxembourg, Paris, exécutés vers l’an 1620.

Le style de Le Pautre, artiste d’un grand talent et d’une grande fertilité d’imagination, devint ensuite en vogue. La gravure de la page suivante donne une idée de ce style.

Il serait peut-être bien, cessant de nous occuper pour un moment des ornements sculptés italiens et français, de diriger notre attention sur les ornements peints ; d’autant plus que dans le court espace de temps, pendant lequel se manifesta un zèle des plus grands pour la conservation des anciens vestiges de la décoration polychromatique des Romains, on atteignit à un très haut degré de perfection et de beauté. On doit toujours se rappeler qu’il existait une très grande différence entre les arabesques peintes et les arabesques sculptées des anciens. Au commencement de la renaissance, ces dernières furent presque entièrement négligées, tandis que les premières furent imitées avec le plus grand succès, comme on peut le voir par les pilastres de panneaux, si pleins d’intérêt, dessinés par Baccio Pintelli pour l’église de St. Augustin à Rome, et que représentent nos gravures de la page 144.

À l’étude des anciennes sculptures des Romains et des Grecs, suivit naturellement celle des décorations de l’antiquité en marbre et en pierre, qu’on trouvait en abondance dans toute l’Italie, et que découvraient les excavations de chaque jour — tels que des restes, tantôt parfaits, tantôt brisés, de vases, d’autels, de frises, de pilastres, etc. décorés d’ornements ; des groupes ou des statues, des bustes ou des têtes sur médaillons ou sur fonds architecturaux ; des fruits, des fleurs, des feuillages et des animaux, entremêlés de tablettes de diverses formes, portant des inscriptions allégoriques. Une variété infinie de ces objets d’une beauté exquise attirait l’attention des artistes de cette époque, lesquels se rendaient à Rome dans le seul but d’en prendre le dessin. En se servant des sujets qu’ils avaient esquissés pour former les arabesques modernes, il était presque impossible que dans le commencement, les artistes pussent éviter de communiquer à leurs peintures, quelque chose du cachet formel et matériel des objets sculptés d’après lesquels ils avaient fait leur dessins originaux.

Cette circonstance peut expliquer, jusqu’à un certain point, les différences qu’on ne peut manquer de découvrir entre l’imitation et l’objet imité, dans le grand nombre des premières tentatives de reproduire les décorations peintes de l’époque impériale romaine. Parmi les artistes qui se vouèrent avec ardeur à l’étude de l’antique, nul ne se fit plus remarquer que Pietro Perugino, pendant le séjour qu’il fit à Rome à la fin du quinzième siècle. Nous avons une preuve manifeste des résultats auxquels il arriva, par suite des études approfondies qu’il fit des ornements de l’antiquité, dans la commande


Panneau de plafond, d’après un dessin par Le Pautre.


qu’il reçut de ses concitoyens de décorer le plafond du palais de la bourse, ou « Sala di Cambio, » de fresques qui devaient reproduire avec fidélité et vigueur, le style des anciens et certains sujets tirés de l’antique. Cette belle œuvre, vraiment artistique, fut exécutée par Perugino peu après son retour de Rome à Perugia, et prouve d’une manière évidente combien cet artiste avait puisé avec fruit à la source classique de l’art antique. Cet ouvrage est, sans aucun doute, la première reproduction complète des grotesques des anciens, et il possède un intérêt tout particulier, non seulement parce qu’il établit le droit de Perugino d’être considéré comme le premier grand rénovateur fidèle de ce style gracieux, mais aussi pour avoir été « la pièce d’épreuve » d’un genre auquel tant de mains
Arabesque dessinée par Baccio Pintelli pour l’église St. Augustin, Rome.

Arabesque dessinée par Baccio Pintelli pour l’église St. Augustin, Rome.
novices se sont dans la suite exercées, dont les effortsfinirent par lui faire atteindre à la plus grande perfection.

Les principaux élèves de Perugino, dont les travaux aidèrent matériellement cet artiste dans l’exécution de ces fresques gracieuses, furent Raphaël, alors âgé de seize ou de dix-sept ans ; Francesco Ubertini, plus connu sous le nom de Bacchiaca ; et Pinturicchio. Il est curieux de tracer l’influence que le succès de cette première tentative exerça sur l’avenir de ces trois jeunes étudiants. Il procura d’abord à Raphaël et à Pinturicchio la commande de décorer, de concert, la célèbre bibliothèque de Sienne, et dans la suite engagea le premier à se livrer à la culture de ce genre d’ornements, dont nous pouvons admirer les heureux résultats dans la composition des arabesques inimitables des loges du Vatican, etc., etc., et plaça le second artiste en mesure d’exécuter les décorations du plafond du chœur de Sta. Maria del popolo ; et de l’appartement Borgia, etc. à Rome. Quant à Bacchiaoca il devint si entièrement épris de ce style, qu’il dévoua toute sa vie d’artiste à peindre des animaux, des fleurs, etc. pour des décorations grotesques ; et il finit par acquérir dans toute l’Italie, une grande célébrité pour la perfection de ce genre de composition.

Pour le dessin habile et libre, les couleurs harmonieuses, la touche brillante, la balance parfaite des « pieni » et des « vuoti, » et l’imitation fidèle des peintures des anciens Romains, les fresques de la « Sala di Cambio » de Perugia sont au nombre des plus parfaites qui aient jamais été exécutées, quoique, sous le rapport de la délicatesse, du fini et du raffinement, on doive à peine s’attendre à ce qu’elles puissent égaler les productions subséquentes de Giovanni da Udine et de Morto da Feltro.

Raphaël, pendant le séjour qu’il fit à Rome, sous le pontificat de Léon X., reçut de ce pontife, la commande de décorer une arcade qui avait été construite pendant le règne de Jules II, par Bramante son beau-père.

Il fut arrêté que l’ensemble des décorations de cette arcade devait représenter un sujet sacré, mais que le style et l’exécution devaient rivaliser avec les plus beaux restes des peintures anciennes découvertes à Rome, jusqu’à cette époque. La partie principale de la composition paraît avoir été exécutée par Raphaël lui-même, et les détails semblent avoir été confiés à une bande d’assistants de choix, qui apportèrent incontestablement un zèle des plus grands à la réalisation de ce grand ouvrage. Ce fut par leurs mains, guidées par le goût exquis du grand artiste d’Urbin, qu’ont été crées les décorations des célèbres loges, les quelles depuis leur exécution n’ont jamais cessé d’exciter l’admiration de tous les artistes. Nous avons reproduit sur les planches LXXXVI. et LXXXVI*. un choix, fait avec soin, des principaux sujets de ces décorations.

On ne saurait, avec justice, comparer ces arabesques avec celles qu’on possède encore de l’antiquité ; car celles-là ont été exécutées par les plus grands maîtres de l’époque, pour servir de décoration à un édifice des plus magnifiques et des plus importants, tandis que ces dernières appartiennent à une époque moins remarquable sous le rapport de l’art, et ont servi à décorer des bâtiments bien moins importants relativement à la magnificence des empereurs romains, que l’est le Vatican à l’égard de la splendeur de l’époque papale. La comparaison deviendrait plus équitable, si nous pouvions faire revivre les gloires fanées du palais des César, ou de « la maison dorée » de Néron.

« Les différentes parties des arabesques de l’antiquité, étaient presque toujours dessinées sur une échelle réduite, afin de favoriser l’étendue apparente du local qu’elles étaient appelées à décorer ; en outre elles décelaient une proportion générale entre les différentes parties. Elles ne présentent pas à l’œil, sous le rapport de l’échelle proportionnelle qui devrait exister entre les différents sujets, les différences frappantes qu’on trouve dans les arabesques de Raphaël, dont les différentes parties sont tantôt d’une largeur outrée, tantôt d’une petitesse extrême. Nous y voyons quelquefois les sujets les plus larges, placés à côté ou au-dessus de ceux d’une moindre dimension, ce qui augmente d’autant plus le désaccord qui existe déjà dans la composition, et choque, en outre, l’œil, autant par le manque de symétrie que par le mauvais choix des sujets eux-mêmes. Ainsi à côté des arabesques les plus riches, représentant sur une très petite échelle, des combinaisons élégantes et minutieuses de fleurs, de fruits, d’animaux, de figures humaines, de vues de temples, de paysages, etc., nous trouvons d’autres arabesques, représentant des calices de fleurs, d’où s’élancent des tiges tordues, des feuilles et des fleurs, qui toutes, relativement aux premières arabesques, sont d’une proportion colossale ; nuisant ainsi non seulement à l’effet des autres décorations, mais détruisant aussi la grandeur de la composition architecturale dans son ensemble. En dernier lieu, si nous examinons le choix des sujets, à l’égard de l’association des idées qu’ils sont appelés à faire naître, et les décorations des symboles et des allégories employés pour les exprimer, nous trouvons que les ouvrages des anciens, qui ne puisaient à aucune autre source que dans leur mythologie, ont un avantage marqué, sous le rapport de l’unité de la composition, si nous les comparons avec le mélange qui prédomine dans les arabesques des loges, représentant un monde imaginaire à l’aide des symboles du christianisme. » Telles sont, entre autres, les conclusions générales aux quelles est arrivé M. Hittorff, qui a étudié si à fond la polychromie ancienne ; et il serait impossible d’en contester la justesse. Cependant, tout en condamnant les fautes d’ensemble, nous ne devons pas perdre de vue, la grace exquise des détails, que le pinceau de Raphaël et de ses élèves a enfantée. « Si nous passons du Vatican à la villa Madama, nous trouvons, aussitôt que nous entrons dans le vestibule de cette résidence, que les divisions des décorations produisent un effet général moins confus : il existe une proportion mieux réglée et une plus grande symétrie ; les superbes plafonds, malgré la multiplicité de leurs ornements, produisent un effet plus agréable et plus calme. Les principaux sujets, qui représentent des scènes prises de la mythologie païenne, offrent à la vue une unité d’ensemble qui se rapproche davantage du caractère des ouvrages de l’antiquité. Si nous adoptons l’opinion générale, que ce bel ouvrage a été conçu par Raphaël, en imitation des arabesques qui ornent les loges, et exécuté entièrement par Giulio Romano et Giovanni da Udine, nous voyons que les élèves favoris de ce maître incomparable ont réussi à éviter les fautes contre le bon goût, que lui-même et ses contemporains n’ont pu manquer de reconnaître dans sa première œuvre, toute favorable qu’elle ait été reçue par la voix unanime, non seulement des courtisans mais même des artistes. » Les arabesques de cette charmante retraite sont peintes, pour la plupart, sur des fonds de couleur, et, en cela, elles diffèrent de celles du Vatican qui sont exécutées, en général, sur des fonds blancs ; à l’égard de cet emploi de fonds de couleur, Giulio Romano paraît avoir été plus partial que Raphaël ou Giovanni da Udine.

La villa a été bâtie, sur les dessins de Raphaël, par Romano et son collègue, pour le pape Clément VII. lorsqu’il était encore le cardinal Giulio de Médicis. Les travaux n’étaient pas encore entièrement terminés qu’ils furent détruits par le cardinal Pompeo Colonna, qui voulut se venger de Clément VII., lequel avait brulé quatorze de ses châteaux dans la Campagna de Rome. Cette villa tombe aujourd’hui en ruines ; mais la magnificence des trois arches qui existent encore, suffit pour nous faire voir que le plan en était digne de Raphaël ; car il n’y a aucun doute que c’est l’œuvre de ce grand maître, comme le prouve une lettre de Castiglione à Francesco Marcia, duc d’Urbino, ainsi que quelques dessins, qui, de même que la lettre, existent encore aujourd’hui.

Après la confiscation des biens de la famille des Médicis, en 1537, la villa Madama fut achetée par Marguerite, fille de Charles V. et veuve du duc Alexandre de Médicis ; et c’est du titre de cette princesse qu’elle tire son nom de Madama. Cette résidence fut alors, en partie, restaurée, quoiqu’elle n’ait jamais été entièrement achevée, et Marguerite l’habita après son mariage avec Ottavio Farnese. Elle devint ensuite, avec les autres biens des Farnese, la propriété de la couronne de Naples, par suite d’un mariage entre les deux familles.

Les élèves et les imitateurs de Raphaël ont exécutés un si grand nombre d’arabesques, et ils atteignirent dans cet art, à un si haut degré de perfection, qu’il est difficile aujourd’hui de savoir, d’une manière positive, à qui nous sommes redevables, des belles arabesques qui décorent encore, de nos jours, un grand nombre des palais et des maisons de campagne dans le voisinage de Rome. Après la mort prématurée de Raphaël, les liens de fraternité, qui avaient uni la société des artistes rassemblés autour de lui, furent brisés, et ceux, qui avaient travaillé avec tant de talent sous lui, se répandirent dans diverses directions, en Italie, emportant avec eux l’expérience et les connaissances qu’ils avaient acquises, en exécutant les grands travaux confiés à ce grand maître. C’est de cette


Partie d’un plafond, en stuc, du palais Mattei di Giove, Roma, par Carlo Maderno.


manière que les éléments des décorations d’arabesques peintes furent disséminés dans toute la péninsule. Ces artistes, cependant, trahirent dans leurs ouvrages, en proportion qu’ils se trouvèrent éloignés de l’influence classique de Rome, un style moins pur de décorations, et une plus grande tendance à produire des effets pittoresques ; et dans le dix-septième siècle, les arabesques disparurent complètement pour faire place à un style de décorations fastueuses, qui convenaient à l’extravagance de l’architecture somptueuse, chérie et propagée par les Jésuites. Du temps de Bernini et à une époque plus récente, du temps de Borromini, les artistes, dans leurs ouvrages de stuc donnaient un champ libre à toutes les fantasies de leur imagination, et le malheureux peintre, devait se contenter des ouvertures rétrécies laissées entre les ailes battantes et les draperies flottantes des anges et des saints suspendus dans l’air, à des voutes et à des dômes, où il ne pouvait guère mettre autre chose que les jongleries du père Pozzo et de son école.

Avant de quitter entièrement le sujet des arabesques, nous ferons bien peut-être d’indiquer l’origine de quelques anomalies qui existent dans ce genre d’ornementation, considéré sous ses divers aspects locaux. L’influence exercée sur les différents styles, par les restes de l’antiquité, s’est faite naturellement sentir plus particulièrement dans les endroits où on les a découverts en plus grand nombre. Ainsi à Rome, l’école de peinture en arabesques se rapprochait de très près de l’antique, tandis qu’à Mantoue, à Pavie et à Gênes, etc., on reconnaissait l’existence d’autres influences, d’autres types entièrement distincts les uns des autres. À Mantoue, par exemple, le système d’ornementation pouvait se subdiviser dans l’école de la représentation des objets naturels, et celle dont toutes les productions étaient d’un conventionnel outré frisant même la caricature — importation de Giulio Romano, et reflet du paganisme favori de Rome. Les fresques gracieuses dont nous avons reproduit de nombreux spécimens sur les planches LXXXVII. et LXXXVIII., exécutées, pour la plupart, sur un fond blanc, ont été prises des appartements déserts du palais ducal de Mantoue, où les ravages du temps les auront bientôt entièrement détruites. On y voit fréquemment des feuilles, des fleurs et des tendrons entourant un roseau central, comme aux Nos. 7 et 9 de la planche LXXXVII. ; — composition qui paraît tirer son inspiration directe de la nature. Dans d’autres exemples, comme dans les Nos. ], 2, 3, 4, 5 et 6 de la même planche, on trouve un style tout de convention, où la main de l’artiste dessine, guidée seulement par les fantaisies de son imagination, une série continuelle, rarement monotone, de courbes et d’enroulements, dont les points principaux sont accentués par des calices de fleurs, et dont les lignes dominantes sont ornées, et de temps à autre interrompues par un feuillage de plantes parasites.

Les spécimens, Nos. 1, 2, 4 et 5, de la planche LXXXVIII., présentent une différence frappante de style dans la décoration du même bâtiment. L’artiste, dans ces exemples, s’est éloigné encore davantage de la nature, tout en conservant une mode de représentation encore plus pittoresque, que dans les premiers exemples d’un style beaucoup plus pur. Loin de nous de vouloir affirmer qu’on ne puisse arriver à exécuter des ornements de l’ordre le plus élevé, en fait de beauté, et du caractère le plus architectonique, dans une composition basée sur des reproductions d’objets entièrement de convention ; mais il est certain que pour être agréable, une telle composition doit être traitée d’une manière simple, et dessinée à plat, sous le rapport du clair-obscur et des couleurs. La manière de varier le traitement de l’ornement, doit être en proportion directe de la différence plus ou moins prononcée, que les éléments, dont l’ornement se compose, présentent à l’égard de l’aspect ordinaire de la nature. Ainsi dans les belles arabesques de la planche LXXXVII. qui représentent, librement esquissées d’après nature, les formes de certaines plantes qui croissent dans les jardins et dans les champs, une certaine délicatesse de modelé et l’indication d’un effet accidentel, sont permises ; mais il ne peut en être de même, lorsque, comme dans les spécimens de la planche LXXXVIII., les arabesques sont formées d’objets tout de convention ; là, un traitement semblable nous paraît affecté et faible. On peut déjà tracer dans la confusion des lignes, dans les rubans flottants, et dans les formes vagues ornées de pierres précieuses du No. 5, ainsi que dans les masques et les bonnets de fous monotones du No. 1 (planche LXXX.) — cette tendance à la caricature, qui a tant défiguré les productions, que le génie de Romano enfantait avec une puissance de main de maître, mais malheureusement avec une trop grande fécondité. Tant que l’exubérance du génie de ce grand artiste s’est trouvée contrôlée par l’association d’artistes d’un goût plus pur que le sien, comme dans ses ouvrages à la villa Madama et à Rome, on ne peut trouver que peu de chose à lui reprocher ; mais lorsque dans la suite, devenu le « Gran Signore » à Mantoue, il devint énivré d’orgueil, il produisit des œuvres, toujours grandes et belles à la vérité, mais dans lesquelles il n’entre pas peu de ce qui est ridicule.

Les spécimens de ses arabesques que nous avons rassemblés à la planche LXXXVIII. montrent à la fois son talent et sa faiblesse comme ornemaniste. Incapable de se débarrasser des souvenirs qu’il avait de l’antique, et en même temps trop égoïste, dans sa vanité, pour se contenter d’en faire une reproduction fidèle, lorsqu’il puisait à cette source, il laisse entrevoir dans les sujets qu’il en empruntait, un aspect d’incertitude, qu’on trouve bien rarement dans les spécimens que nous possédons de l’antiquité. Les sujets qu’il tirait de la nature sont traités tout aussi mal : il ne cueillait les fleurs dont le sein de la nature est orné, que pour les écraser dans son étreinte grossière. Il existe, néanmoins, une hardiesse dans ses productions fantasques, et une sureté de main dans le dessin des cambrures de ses enroulements, qui lui assurent une place honorable dans le temple des arts. De même que « Van qui manquait de grâce, mais jamais d’imagination, » c’est sous le rapport du bon goût dont il a été, de son temps, un des principaux arbitres, que Griulio Romano faillit fréquemment, comme le prouvent plusieurs des ornements que nous avons reproduits à la planche LXXXIX., qui sont principalement pris du palais del Te, à Mantoue. Ainsi le No. 2 nous représente un enroulement dessiné avec hardiesse, mais dont l’effet est entièrement abîmé par l’objet ridicule d’où il s’élance ; le No. 3 nous offre des masques absurdes qui semblent ricaner des formes gracieuses qui les entourent ; et le No. 4 nous reproduit des spécimens où la nature et l’antique sont traités également mal. Le No. 6 de la même planche exemplifie une sévère morale : — Servile dans les endroits où l’ornement devrait être libre de toute entrave dans la disposition de ses lignes principales, libre et hardi dans les endroits où une certaine déférence à quelque type de forme cesse d’être servile, dans les éléments accessoires dont il est composé, cet enroulement courant, qui n’est qu’une adaptation d’un des patrons les plus communs de l’antiquité, laisse entrevoir à la fois, la faiblesse d’imagination de Romano et son manque de goût.

L’influence locale qui a réagi sur certains styles d’ornement, comme nous l’avons déjà fait remarquer pour les arabesques, peut se tracer aussi facilement dans les meilleurs exemples typographiques et xylographiques des anciens imprimeurs. Ainsi, les formes et la distribution presque uniforme des « pieni » et des « vuoti, » des ornements, Nos. 4-7, 9-16 de la planche XC, pris du célèbre « Etymologien Magnum, » imprimé à Venise en l’an 1499, trahissent évidemment l’influence du style des


Ornement typographique d’une des productions de l’aucienne imprimerie parisienne. (Testament grec de Stephau.)


fragments orientaux ou byzantins, que Venise possédait en si grand nombre. On pourrait presque croire que les lettres initiales d’Aldine reproduites sur cette dernière planche, ont été gravées par les mêmes mains, qui ont exécuté les patrons damasquinés qui ornent les ouvrages en métaux de l’époque. La bible toscane de 1538 nous offre des illustrations sans nombre des objets de convention, qu’on trouve si généralement dans la sculpture cinque-cento, et dont les églises de Florence étaient ornées d’une manière si profuse. Les spécimens de l’imprimerie parisienne méritent aussi, sous tous les rapports, l’admiration du « virtuose »

Les productions de Stephan — No. 29, pris de son célèbre testament grec — de Colinseus, son élève (No. 3), de Macé Bonhomme, de Lyons, 1558, de Théodore Rihel, de Francfort, 1574, de Jacques de Liesveldt d’Anvers, 1544, de Jean Palier et de Regnault Chauldière, de Paris, offrent un grand nombre d’illustrations agréables et pleines d’intérêt des différences produites par diverses influences locales, dans les ornements de détail d’un caractère semi-antique.

Avant de faire connaître brièvement les premières causes de la décadence générale de la rénovation de l’art classique, nous allons retourner à l’Italie et jeter un coup-d’œil sur une ou deux branches de l’industrie, qu’il serait injuste de passer sous silence. La première, et celle qui offre le plus d’intérêt, c’est la verrerie de Venise — industrie qui a contribué beaucoup à répandre la renommée de Venise sur toute la surface du globe.

La prise de Constantinople par les Turcs, en 1453, força les habiles artisans grecs à chercher un asyle en Italie, et les fabricants de verre, de Venise, apprirent de cas exilés la manière d’enrichir leur verrerie, par le moyen des couleurs, de la dorure et de l’émaillure. Au commencement du seizième siècle, les Vénitiens inventèrent l’art d’introduire des fils de verre colorié et blanc opaque (latticinio) dans la substance des objets qu’ils fabriquaient ; ce qui forma un ornement beau et durable, dont la légèreté naturelle convenait admirablement aux formes délicates des objets aux quels on l’appliquait. L’État garda le secret de cet art de la manière la plus jalouse, et décréta les peines les plus sévères contre tout ouvrier qui le divulguerait ou qui exercerait son métier dans un pays étranger. D’un autre côté il accorda de grands privilèges aux fabricants de verrerie, de Murano, et les ouvriers employés dans ce genre de manufacture jouirent d’une plus haute


Ornements de marqueterie, style Louis Seize, par Fay.

Panneaux, style Louis Seize, par Fay.
considération que les autres artisans. En 1602, on frappa une médaille d’or à Murano, dans le but de

transmettre à la postérité les noms des premiers fabricants qui établirent des verreries dans l’île, et les noms qui s’y trouvent sont ceux des manufacturiers : Muro, Leguso, Motta, Bigaglia, Miotti, Briati, Gazzabin, Vistosi, et Bailarin. Les Vénitiens réussirent à garder leur secret précieux, pendant deux siècles environ, et par ce moyen, ils monopolisèrent le commerce de la verrerie dans toute l’Europe ; mais au commencement du dix-huitième siècle, le goût de la verrerie massive taillée commença à prévaloir, et la Bohême, la France, et l’Angleterre prirent part à l’exploitation de cette branche de l’art industriel.

Un grand nombre d’ouvrages magnifiques en métaux précieux furent exécutés à cette époque, dont un grand nombre, on le suppose, a été fondu, en Italie, lors du sac de Rome, et en France, pour payer la rançon de Francois 1er. Il n’y a pas de doute, cependant, que la plus grande partie n’ait été remodelée dans la suite. Le cabinet du Grand Duc de Toscane, à Florence, et le musée du Louvre, à Paris, possèdent néanmoins de belles collections de coupes et d’autres objets émaillés et ornés de pierreries, qui prouvent suffisamment l’habileté et le goût des orfèvres et des bijoutiers du seizième siècle. Un des plus riches bijoux que la mode mit en vogue et qui continua à être porté pendant un temps considérable, fut « l’enseigne, » espèce de médaille que les nobles portaient généralement à leurs chapeaux, et les dames dans leurs coiffures. La coutume de donner des présents dans toutes les occasions importantes, procurait continuellement de l’ouvrage aux bijoutiers des deux pays ; et même pendant les temps de troubles, ceux établis dans le voisinage de la cour, voyaient fleurir leur commerce. La restauration de la paix en Italie, après la convention de Château Cambresis, et en France, à l’avènement de Henri IV., amena une augmentation de demandes pour les ouvrages d’orfèvrerie ; et dans la suite, la magnificence des cardinaux de Richelieu et de Mazarin ouvrit la voie au siècle de Louis le Grand, pour qui furent exécutés de beaux ouvrages d’art par l’orfèvre parisien, Claude Ballin, lequel travaillait dans le Louvre, avec Labarre, Vincent Petit, Julien Desfontaines, et autres. L’aigrette fut un des objets qui, à cette époque, mit le plus à contribution, l’ingénuité des bijoutiers ; elle était généralement portée par la noblesse. À partir de cette époque, le style de la bijouterie française entra dans une voie rapide de décadence ; la perfection du travail dans les objets en métaux passa à ceux de bronze et de laiton, — les ciselures sur laiton du célèbre Gouthier, sous le règne de Louis XVI., sont au-dessus de tout éloge. Nous reproduisons deux


Arabesque par Théodore de Bry, un des Petits Maîtres.
charmants spécimens du burin parisien, de ce genre d’ouvrage, dont la roideur et la frivolité sont

rachetées par une exécution parfaite.

Les détails de cet art, et la popularité dont il jouit, ne manquèrent pas d’exercer une certaine influence sur les compositions artistiques en général ; car, comme les meilleurs dessinateurs et les premiers graveurs de l’époque étaient employés par les orfèvres à l’exécution de leurs compositions et de leurs patrons, il s’en suivit naturellement, qu’un grand nombre de dessins spécialement destinés aux ouvrages de bijouterie, furent employés dans des compositions destinées à un but bien différent ; comme on l’a vu spécialement en Allemagne, où, surtout en Saxe, on exécuta pour l’Électeur un grand nombre d’ouvrages d’un style mixte, composé d’un mélange de renaissance et de style bâtard italien, orné de courroies et de rubans, de cartouches, et d’une complication embrouillée de membres architecturaux. La gravure au bas de la page précédente, d’une arabesque par Théodore de Bry, offre une assez bonne illustration de la manière dont les motifs adaptés expressément à l’émaillure dans le style de Cellini, étaient amalgamés, pour fournir le grotesque de l’époque. Ce n’est pas seulement dans les ouvrages de Théodore de Bry qu’on trouve de pareilles anomalies ; les gravures à l’eau forte d’Étienne de Laulne, de Gilles l’Égaré et autres nous présentent exactement le même caractère. Les graveurs et les dessinateurs de cette école étaient, en outre, fréquemment employés, en Alle magne et en France, à fournir des modèles pour les ouvrages de damasquinure, très longtemps en vogue dans ces deux pays ainsi qu’en Italie.

Il est à remarquer que, quoique les croisés aient acheté des armes orientales à Damas et qu’ils aient même apporté quelquefois en Europe des objets d’un travail des plus élaborés, — le vase de Vincennes, par exemple, — on n’ait fait aucune tentative d’imiter ce genre de manufacture avant le milieu du quinzième siècle, époque à laquelle on s’en servit dans la décoration des armures à plaques de fer, alors en vogue dans ce pays. Il est très probable que l’art de la damasquinure fut introduit premièrement de l’Orient en Europe par les grandes villes commerçantes, telles que Venise, Pise, et Gênes, et qu’il fut employé ensuite, comme une décoration plus durable pour les armures, que la dorure partielle, par les artistes de Milan, ville qui était alors en Europe ce que Damas avait été en Orient : — le grand entrepôt pour les meilleures armes et armures. La damasquinure fut employée d’une manière tellement exclusive pour la décoration des armes, que les écrivains italiens l’ont toujours désignée sous le nom de « lavoro all’ azzimina. » Au commencement du seizième siècle, cet art commença à s’exercer hors de l’Italie ; et il n’est nullement improbable qu’il ait été enseigné aux ouvriers français et espagnols, par les artistes ambulants, que les rois de France et d’Espagne, guidés par leur bon goût, ou peut-être entraînés par leur vanité, attachaient à leur cour. L’armure de François Ier, maintenant au Cabinet de Médailles, à Paris, est peut-être le plus beau spécimen de damasquinure qu’on ait conservé. Cette armure, ainsi que le bouclier, propriété de sa majesté la Reine d’Angleterre, lequel se trouve à Windsor, a été attribué au fameux Cellini ; mais si on les compare avec les ouvrages bien connus de ce grand artiste, on verra que le dessin des figures indique plutôt le style d’un artiste d’Augsbourg, que celui de Cellini, dont le style est toujours large ; qualité qu’il avait acquise de l’étude qu’il avait faite des œuvres de Michel-Ange.

À partir de cette époque jusqu’au milieu du dix-septième siècle, on décora de damasquinures un grand nombre d’armes, dont le Louvre, le Cabinet de Médailles, et le musée d’Artillerie, à Paris, possèdent de nombreux et beaux spécimens. Nous pouvons mentionner les noms de Michel-Ange, de Negroli, des Piccinini, et de Cursinet, comme ceux d’artistes qui ont excellé dans l’art de la damasquinure, ainsi que dans celui de l’armurier.

L’art de la damasquinure ne paraît pas avoir été en grand usage en Angleterre, où l’on se contentait d’employer à la place, la dorure partielle, la gravure, le cendrage, et le brunissage ; et les quelques spécimens, qu’on en possède, y ont été importés, ou ont été capturés par les Anglais dans leurs guerres à l’étranger, telle que la magnifique armure emportée en Angleterre par le comte de Pembroke, après la bataille de St. Quentin.

Nous avons eu la tache agréable de rapporter de quelle manière l’art ornemental français avait été régénéré au seizième siècle, en suivant les traces de l’école italienne d’alors ; et c’est pour nous maintenant un devoir bien moins agréable de faire connaître l’influence funeste que l’Italie exerça, au dix-septième siècle, sur l’art français. Il ne peut y avoir aucun doute, que Lorenzo Bernini et Francesco Borromini, deux artistes italiens richement doués de dons naturels, mais dont le mérite fut fort exagéré de leur temps, firent un mal immense à l’art français. Placés au faîte de la renommée, ils concentrèrent sur eux, pendant toute leur vie, l’attention universelle. Le premier était le fils d’un sculpteur florentin et naquit en 1589. Il décela de bonne heure un talent précoce pour la sculpture, et même pendant son adolescence il fut largement employé, non seulement comme sculpteur, mais aussi comme architecte. Il vécut presque continuellement à Rome : la fontaine de la Barcaccia sur la piazza di Spagna, le célèbre triton sur la piazza Barberini et les grandes fontaines de la piazza Navona ; le collége de la propaganda fide ; le grand vestibule et la façade du palais Barberini, en face de la strada felice ; une campanile pour St. Pierre (qu’on a ôté dans la suite) ; le palais Ludovico,


Composition ornementale par Le Pautre.


sur le mont Citorio ; la célèbre piazza de St. Pierre ; et enfin le grand escalier conduisant de St. Pierre au Vatican ; tous ces ouvrages, sans énumérer un grand nombre d’autres, sont de sa composition. Les bustes de Bernini étaient recherchés par tous les souverains et tous les seigneurs de l’Europe ; au point qu’à l’âge de soixante-huit ans, Louis XIV., qui était peu accoutumé à se voir refuser quelque chose, et encore moins à être réduit à jouer le rôle de suppliant, fut contraint d’écrire au pape et à Bernini, des lettres de supplication, dans lesquelles il priait le sculpteur de se rendre à Paris. On dit que pendant toute la durée de son séjour dans cette capitale, Bernini reçut, quoiqu’il y travaillât peu, cinq louis d’or par jour, et que le roi, à son départ, lui fit remettre cinquante mille écus, et lui accorda, en outre, une pension annuelle de deux mille écus pour lui, et une de cinq cents pour ses fils, qui l’avaient accompagné à Paris. À son retour à Rome, il exécuta une statue équestre en l’honneur de Louis, statue qui est maintenant à Versailles. Au talent d’architecte et de sculpteur, Bernini paraît avoir ajouté celui de mécanicien et de peintre ; il a peint, dit-on, environ cinq cents tableaux dans le Case Barberini et Chigi. Il mourut en 1680.

Francesco Borromini, naquit près de Como, en 1599. Placé de bonne heure en apprentissage chez Carlo Maderno, il trahit bientôt un talent brillant comme sculpteur et comme architecte. À la mort de Maderno il lui succéda dans la surintendance des travaux exécutés à la cathédrale de St. Pierre, sous la direction de Bernini, avec lequel il se querella peu après. Grâce à son imagination ardente, à sa puissance inventive et à sa rare facilité comme dessinateur, il eut bientôt de nombreuses commandes à exécuter ; dans ses productions capricieuses et fantasques, il arriva à tourner en caricature tout ce qui, dans le style de Bernini, tendait à l’extravagance. Jusqu’à sa mort, en 1667, il continua assidûment à renverser tous les principes connus d’ordre et de symétrie, non seulement à son propre profit, mais à l’admiration générale des chefs de la mode de l’époque. Les anomalies qu’il introduisit dans toutes ses compositions ; les moulures disproportionnées, les 4 courbes rompues, contrastées et rentrantes ; les lignes et les surfaces interrompues et tordues, devinrent en vogue, et tous les artistes en Europe se mirent à imiter de semblables énormités. En France, elles firent fureur, et, au lieu des formes un peu bizarres mais pittoresques qu’on trouve dans les gravures de Du Cerceau, 1576 — on ne vît plus que les formes plus élaborées mais moins agréables semblables à celles exécutées par Marot, 1727 — et par Mariette, 1726-7. Les œuvres de Borromini, publiées en 1725, et celles de Bibiena, qui n’étaient guère plus pures, publiées en 1740, eurent une immense circulation et tendirent à affermir le public dans son admiration pour les ouvrages élaborés, décelant une grande facilité de conception et de dessin, versus la simplicité et la beauté. Malgré cette influence pernicieuse, plusieurs artistes français de l’époque, sous les règnes de Louis XIV. et de Louis XV., exécutèrent, au milieu de leur extravagance, un grand nombre de belles compositions ornementales, qui décelaient une beauté capricieuse de lignes, rarement surpassée ; telles que certaines compositions de Le Pautre (règne de


Ornement de frize, Louis seize, par Fay.


Louis XIV.), ainsi qu’un grand nombre de décorations d’intérieur qu’on trouve dans les œuvres de Blondel, publiées sous le règne de Louis XV.

C’est à de Neufforge, cependant, qu’appartient le sceptre dans cette cour de confusion artistique ; et il nous a laissé assez de folies gracieuses dans les 900 planches de son grand ouvrage sur l’ornement. Ce serait hors de place de signaler ici, individuellement, l’un ou l’autre artiste, parmi la masse d’archi tectes, de dessinateurs et de graveurs habiles, auxquels le Grand Monarque et la brillante cour de son successeur donnaient force commandes, libéralement payées. Il y en a un cependant, Jean Berain, dont nous ne pouvons passer le nom sous silence, d’autant plus qu’il occupait le poste spécial de « dessinateur des menus plaisirs du roi, » Louis XIV., et que c’est à lui que nous sommes redevables pour les meilleurs dessins qui rendront le nom de Buhl, célèbre, aussi longtemps qu’on trouvera, parmi le public, des admirateurs de beaux meubles. Il contribua essentiellement à la décoration de la galerie d’Apollon au Louvre, et des appartements d’apparat aux Tuileries, comme le prouve un ouvrage publié en 1710. Daigremont, Scotin et autres ont gravé une autre grande collection des admirables dessins comiques de cet artiste. À l’avènement de Louis XV. au trône, en 1715, les compositions architecturales et ornementales devinrent bien plus rococo et baroques, qu’elles ne l’avaient été pendant la plus grande partie du règne de son prédécesseur. Malgré le beau talent et le bon exemple que l’architecte Souffot déploya dans ses œuvres, les enroulements tors et ornés de feuilles, et les coquilles, en vogue sous Louis XIV., se changèrent sous Louis XV. dans le rocaille et finirent par dégénérer jusqu’aux eccentricités de la chinoiserie. De ce style qui approchait de l’inanition, l’ornement renaquit sous Louis XVI., et il se forma un style élégant, quoique un peu trop linéaire, ressemblant, sous quelque rapport, à celui introduit en Angleterre par Robert Adams, principalement dans ses constructions de l’Adelphi. Le génie de trois hommes capables exerça une influence bienfaisante sur les compositions destinées pour les travaux industriels, à une époque rapprochée de la Révolution : — Reisner, ébéniste, célèbre pour son exquise marqueterie ; Gouthier, ciseleur en cuivre de Marie Antoinette ; et Demontreuil, sculpteur en bois de la famille royale. Pendant la Révolution, le chaos régna en souverain, d’où sortit l’ordre


Panneau pour la marqueterie Reisner, par Fay.

Frise, Louis seize, par Fay.


sous la forme d’une abjuration complète des colifichets de la monarchie en faveur de la sévérité républicaine de David. À mesure que la république s’affaiblit pour faire place à l’empire, la mode abandonna peu à peu le style sévère républicain pour la magnificence impérialiste — Napoléon Ier employa Largement et récompensa libéralement les meilleurs artistes ; et Percier, Fontaine, Normand, Fragonard, Prudhon, et Cavalier, portèrent, par leur talent, le style gracieux et savant, mais raide et froid, de l’Empire, au degré le plus élevé de perfection. À la restauration, l’antique cessa d’être de mode, et la confusion régna de nouveau. Les facultés naturelles du pays, cependant, aidées par des établissements publics conduits d’une manière judicieuse et libérale, ravivèrent bientôt l’intérêt public ; et la rénovation d’un style quasi archéologique, a eu lieu. On rechercha, restaura, et imita de tous côtés, les monuments du moyen-âge et de la renaissance ; et après des études nombreuses, un style d’un caractère éclectique, mais approchant de l’originalité, est en voie de se former dans ce pays.

La France, il faut l’avouer, est aujourd’hui maîtresse de l’arène artistique, dans la distribution et l’exécution des ornements de presque tous les genres ; mais les progrès qui ont lieu en ce moment en Angleterre, sont si rapides, qu’il n’est nullement impossible, qu’un historien, dans quelques années d’ici, puisse placer les Alliés, comme cela devrait être, sur un pied d’égalité.


ouvrages littéraires et pittoresques, auxquels on a eu recours pour les illustrations.
Adams (E.) The Polychromatic Ornament of Italy. In-quarto, Londres.
Alberti (L. В.) De Re Ædificatoria Оpus. Florent. 1485, in-folio.
Albertolli, Ornamenti diversi inventati, ic., da. Milan. In-folio. D’Androuet du Cerceau. Livre d’Architecture"". Paris, 1559, in folio.
D’Aviler, Cours d’Architecture, par. Paris, 1756, in-quarto.
Bibiena, Architettura di. Augustæ, 1740, in-folio.
Borromini (F.) Opus Architectonicum. Rоmæ, 1725, in-folio.
Clochar (P.), Monumens et Tombeaux mesurés et dessinés en Italie, par. 40 Plans et Vues des Monuments les plus remarquables de l’Italie. Paris, 1815.
Dedaux. Chambre de Marie de Médicis au Palais du Luxembourg ; ou Recueil d’Arabesques, Peintures, et Ornements qui la décorent. In-folio, Paris, 1838.
Diedo e Zanotto. Sepulchral Monuments of Venice. I Monumi mi cospicui di Venezia, illustrai i dal Cav. Antonio Diedo e da Francesco Zanotto. In-folio, Milan, 1839.
Doppelmayr (J. G.) Mathematicians and Artists of Nuremberg, ic. Historische Nachricht von den Nürnbergischen Mathematicis und Künstlern, etc. In-folio, Nürnberg, 1730.
Gozzini (V.) Monumens Sépulcraux de la Toscane, dessinés par Vincent Qozzini, et gravés par Jtrôme Scotto. Nouvelle Edition, augmentée de vingt-neuf planches, avec leur Descriptions. In-quarto, Florence, 1821.
Gruner (L.) Description of the Plates of Fresco Decorations and Stuccoes of Churches and Palaces in Italy during the Fifteenth and Sixteenth Centuries. With an Essay by J. J. Hittorff, on the Arabesques of the Ancients compared with those of Raffaelle and his School. New edition, largely augmented by numerous plates, plain and coloured. In-quarto, Londres, 1854.
——— Fresco Decorations and Stuccoes of Churches and Palaces in Italy during the Fifteenth and Sixteenth Centuries, with descriptions by Lewis Gruner, K. A. New edition, augmented by numerous plates, plain and coloured. In-folio, Londres, 1854.
——— Specimens of Ornamental Art selected from the best models of the Classical Epochs. Illustrated by 80 plates, with descriptive text, by Emil Braun. In-folio, Londres, 1850.
Magazzari (G.) The most select Ornaments of Bologna. Baccolta de’piu scelti Ornati sparst per la Cilia di Bologna, desegnati ed incisi da Giovanni Magazzari. In-quarto oblong, Bologne, 1837.
De Neukforge, Recueil élémentaire d’Architecture, par. Paris (1757). 8 vols, in-folio.
Pain’s British Palladio. Londres, 1797, in-folio.
Palladio, Architettura di. Venet. 1570, in-folio.
Passavant (J. D.) Rafael von ürbino und sein Vater Giovanni Santi. In zwei Theilen mit vierzehn Abbildungen. 2 vols, in-octavo. 1 vol. in-folio, Leipzig, 1839.
Percier et Fontaine, Recueil de Décorations intérieures, par. Paris, 1812, in-folio.
Perrault, Ordonnance des cinq spices de Colonnes, selon les Anciens, par. Paris, 1683, in-folio.
Philibert de Lorme, Œuvres d’Architecture de. Paris, 1626, in folio.
FrRanesl (Fr.) Différentes Manières d’orner les Cheminées, etc., par. Borne, 1768, in-folio, et autres ouvrages.
Ponce (N.) Description des Bains de Tite. 40 planches, in-folio.
Raphael. Life of Raphael, by Quatremère de Quincy. In-octavo, Paris, 1835.
Recueil d’Arabesques, contenant les Loges du Vatican d’après Raphael, et grand nombre d’autres Compositions du même genre dans le Style antique, d’après Normand, Queverdo, Boucher, etc. 114 planches, in-folio imperial. Paris, 1802.
Busconi (G. Ant.), Dell’Architettura, lib. X., da. Venez. 1593, in-folio.
Scamozzi, Idea del’Architettura da. Venez. 1615. 2 vols, in folio.
Serlio (Seb.) Tutte le Opere d’Architettura di. Venet. 1584. In--quarto.
——— Libri cinque d’Architettura di. Venet. 1551. In-folio.
Terme de Tito. Série de 61 gravures des peintures, des plafonds, des arabesques, &c, des Bains de Titus, gravées par Carloni. 2 vols, in-plano, atlas. — In-folio oblong. Rome.
Tosi and Becchio. Autels, Tabernacles, et Monuments sépulcraux du quinzième siècle et du seizième, qui existent à Rome. Publié sous le patronage de la célèbre Académie de St. Luc, par MM. Tosi et Becchio. Descriptions en italien, en anglais, en français, par Me. Spry Bartlett. In-folio. Lagny, 1853.
Vignola, Regola dei cinque Ordini d’Architettura, da. In-folio.
Volpato ed Ottaviano. Loggie del Raffaele nel Vaticano, etc. Rome, 1782.
Zahn ( W.)[22] Ornamente aller Klassischen Kunst-Epochen nach den originalen in ihren eigenthümlichen farben dargestellt. In-folio oblong. Berlin, 1849.
Zobi (Ant.) Notizie Storiche suit’Origine e Progressi dei Lavori di Commesso in Pietre Dure che si esequiscono nelt I. e R. Stabilimento di Firenze. Seconde édition, augmentée et corrigée par l’auteur. In-quarto, Florence, 1853.
Chapitre XX. — Planches 91100.
FEUILLES ET FLEURS D’APRÈS NATURE.
Feuilles de maronnier d’Inde, de grandeur naturelle, calquées sur nature.

Feuilles de vigne, de grandeur naturelle, calquées sur nature.

1. Feuille de lierre palmé. 2, 3, 4, et 5. Feuilles de lierre ordinaire, de grandeur naturelle, calquées sur nature.

1. Feuille de Chêne rouge. 2. Feuille de Chêne blanc. 3. Feuille de Figuier. 4. Feuille d’Erable. 5. Feuille de Bryone blanche. 6. Feuille de Laurier. 7. Feuille de Laurier à baies ; toutes de grandeur naturelle, calquées sur nature.

1. Feuille de Vigne. 2. Feuille de Houx. 3. Feuille de Chêne. 4. Feuille de Chêne de Turquie. 5. Feuille de Laburnum ; toutes de grandeur naturelle, calquées sur nature.

1. Feuille de Rose sauvage. 2. Feuille de Lierre. 3. Feuille de Mûrier des haies ; toutes de grandeur naturelle, calquées sur nature.

1. Aubépine, If, Lierre, et Fraisier ; tous de grandeur naturelle, calquées sur nature.

Fleurs vues à plat et en élévation.
1. 
Iris.
2. 
Lis blanc.
3. 
Asphodèle.
4. 
Narcisse.
5. 
Ognon.
6. 
Églantine.
7. 
Myosotis.
8. 
Chèvrefeuille.
9. 
Mauve.
10. 
Cardamine.
11. 
Véronique.
12. 
Scille penchée.
13. 
Glossocomia clematidea.
14. 
Convolvulus.
15. 
Primevère.
16. 
Pervenche.
17. 
Clarkia.
18. 
Leycesteria formosa.

1. Chèvrefeuille. 2. Convolvulus — de grandeur naturelle.

Grenadilles, de grandeur naturelle.
FEUILLES ET FLEURS D’APRÈS NATURE.

Nous avons tâché de démontrer dans les chapitres précédents, que pendant les meilleures périodes de l’art, tout ornement était basé sur l’observance des principes qui règlent l’arrangement de la forme dans la nature, plutôt que sur la tentative d’imiter d’une manière fidèle et absolue les formes des objets naturels ; et que toutes les fois que dans un art quelconque, on dépassait ces limites, c’était un des indices les plus prononcés de décadence : — l’art véritable consiste dans l’idéalisation et non dans la représentation fidèle des formes de la nature.

Nous croyons devoir insister fortement sur ce point, car dans l’état actuel d’incertitude ou nous sommes, sous le rapport des arts, il commence à se développer une tendance générale de reproduire, aussi fidèlement que possible, la forme naturelle en guise d’ornement. On est fatigué de la répétition éternelle des mêmes formes conventionnelles qui, empruntées des styles passés, ne sauraient exciter en nous que peu de sympathie. Le cri universel de « Retournez à la nature, comme l’ont fait les anciens, » se fait entendre ; quant à nous, nous serions des premiers à répéter ce cri, mais avant tout, nous voudrions savoir ce que nous devons y chercher et jusqu’à quel point nous arriverons à un résultat satisfaisant. Si nous puisons à la nature comme l’ont fait les Égyptiens et les Grecs, nous pouvons espérer de réussir ; mais si nous le faisons comme les Chinois, ou même comme les artistes du quatorzième et du quinzième siècle, nous n’y gagnerons que bien peu. Les tapis floraux, les tapisseries florales, et les sculptures florales de notre époque, fournissent des preuves suffisantes qu’on ne peut arriver, par de tels moyens, à la production d’un art ; et que plus on imite fidèlement la nature, plus on est loin d’arriver à produire une œuvre d’art.

Quoique l’ornement ne soit, proprement parlant, que l’accessoire de l’architecture, et qu’il ne doive jamais usurper la place des parties architecturales, ni les surcharger ni les déguiser, il n’en est pas moins l’âme même d’un monument d’architecture.

C’est par l’ornement d’un édifice que nous pouvons juger le mieux de la puissance créatrice que l’artiste a déployée dans la production de son œuvre. Les proportions générales d’un bâtiment peuvent être bonnes, les moulures peuvent être copiées avec plus ou moins de fidélité, des modèles reconnus les meilleurs mais ce n’est que dans le traitement de l’ornement, qu’on peut reconnaître si l’architecte est en même temps, artiste. L’ornement fait connaître les soins et le goût plus ou moins raffinés qui ont été déployés dans la construction. Mettre l’ornement à la place convenable, n’est pas chose facile ; mais faire en sorte que l’ornement ajoute à la beauté et exprime l’intention de l’ensemble de l’ouvrage, c’est encore plus difficile.

Malheureusement ce n’a été que trop la pratique de notre époque d’abandonner la décoration des parties architecturales, et plus spécialement de l’intérieur des bâtiments, aux mains les moins capables d’en remplir la tâche.

La déplorable facilité de fabriquer l’ornement, produite par l’usage ravivé de la feuille d’acanthe, a contribué beaucoup à ce résultat, et a paralysé l’instinct créateur de l’artiste, qui a laissé aux soins d’un autre tout ce que cet autre pouvait faire sans difficulté ; abdiquant ainsi sa haute position, d’architecte, — tête et chef.

Comment, alors, arriver à satisfaire au désir universel pour le progrès, — comment, inventer ou développer un nouveau style d’ornement quelconque ? On nous dira probablement, qu’il faut d’abord inventer un nouveau style d’architecture, et que ce serait commencer à rebours que de commencer par l’ornement.

Telle n’est pas notre opinion. Nous avons dejà montrer que le désir pour les ouvrages d’ornement coexiste chez tous les peuples avec les premières tentatives dans la voie de la civilisation ; et que l’architecture adopte l’ornement, mais ne le crée pas.

L’ordre corinthien d’architecture a été suggéré, dit-on, par la vue d’une feuille d’acanthe qui, en croissant, s’était élancée autour d’un pot de terre ; mais on s’était servi de la feuille d’acanthe, comme ornement, bien longtemps auparavant, ou, du moins, on en avait suivi le principe de la croissance, dans les ornements conventionnels. Ce fut l’application particulière de cette feuille à la formation du chapiteau d’une colonne, qui amena pour résultat, la création de l’ordre corinthien.

Les principes de la foliation, et même la forme générale des feuilles, qui prédominent dans l’architecture du treizième siècle, existaient longtemps auparavant dans les manuscrits enluminés, lesquels, ayant tiré leur origine de l’Orient, ont imprimé aux ornements du style ogival un cachet presque oriental. Les architectes du treizième siècle étaient conséquemment, très familiers avec ce système d’ornementation ; et nous ne saurions douter qu’une des causes de l’adoption universelle de ce style pendant le treizième siècle, ne provînt de la grande familiarité qu’on avait eu déja de ses formes principales.

Le style floral en imitation directe de la nature, qui suivit, avait aussi été précédé par le même genre de style dans les ouvrages d’ornement. La facilité de peindre sur un missel des fleurs en imitation directe de la nature, amena la tentative d’en exécuter en pierre, sur les édifices de l’époque.

L’ornement architectural du temps d’Élisabeth est, pour la plupart, la reproduction des ouvrages du tisserand, du peintre, et du graveur. Il ne pourrait en être autrement, surtout, dans tout style d’emprunt. Les artistes du temps d’Élisabeth étaient nécessairement beaucoup plus familiers avec les peintures, les tentures, les meubles, les ouvrages en métaux, et autres objets de luxe que l’Angleterre recevait du continent de l’Europe, qu’avec les monuments architecturaux ; et c’est cette familiarité avec l’ornementation de l’époque, et cette connaissance imparfaite de son architecture qui conduisirent au développement des particularités, qui distinguent l’architecture du temps d’Élisabeth de l’architecture plus pure de la renaissance.

Nous pensons donc, que nous avons raison de croire, qu’on peut arriver à produire un nouveau style d’ornement, indépendamment d’un nouveau style d’architecture ; et de plus, que ce serait un des moyens les plus prompts d’arriver à un nouveau style architectural ; — si on pouvait, par exemple, trouver une nouvelle manière de terminer le sommet des moyens de support, on aurait résolu une des plus grandes difficultés.

Les caractères principaux et fondamentaux d’un bâtiment qui servent à en constituer le style, sont : premièrement, les moyens de support ; secondement, les moyens d’attache entre les supports ; et troisièmement, la formation du toit. C’est la décoration de ces parties architecturales qui donne au style, son cachet particulier ; et ces parties s’écoulent si naturellement l’une de l’autre, que l’invention de l’une en amènera nécessairement les autres.

Il semblerait, au premier coup d’œil, que les moyens de varier ces parties architecturales, ont été épuisées, et qu’il ne nous reste plus qu’à faire usage de l’un ou de l’autre des systèmes qui ont déjà fourni leur carrière.

Si nous rejetons l’emploi de la colonne et de la poutre horizontale des Grecs et des Égyptiens, l’arc arrondi des Romains, la voute et l’arc pointus du moyen-âge, et les dômes des Mahométans, — Que nous reste-t-il, nous demandera-t-on ? On nous dira peut-être que tous les moyens possibles d’attache entre les supports, ont été épuisés, et que ce serait vain que de chercher à trouver de nouvelles formes. Mais est-ce qu’on n’aurait pu, de tout temps, faire valoir la même impossibilité ? Les Égyptiens auraient-ils jamais supposé qu’on pût jamais découvrir un moyen d’attache autre que leurs immenses blocs de pierre ? L’architecte du moyen-âge aurait-il jamais songé qu’on pût arriver à surpasser ses voutes aériennes, et à traverser les abîmes par des tubes creux en fer ? Ne désespérons de rien ; le monde n’a pas encore vu, le dernier système architectural. Il est vrai que nous vivons dans un siècle où l’on se contente de copier, et où l’architecture décèle une absence complète de vitalité, mais le monde a passé déjà par de semblables périodes avant notre époque. Du chaos qui existe actuellement sortira, sans aucun doute, — peut-être pas de notre temps, — un système d’architecture qui sera digne des vastes progrès que l’homme a faits dans toutes les autres directions vers la possession de l’arbre de la science.

Mais revenons à notre sujet. Quelle voie suivre, nous demandera-t-on pour arriver, ou même pour tenter d’arriver à un nouveau style de l’art ou à un nouveau style d’ornementation ? Nous répondrons tout d’abord, que nous avons peu d’espoir qu’il nous sera donné de voir plus, que le commencement d’un changement ; car les architectes actuels sont d’un côté, beaucoup trop sous l’influence d’une éducation passée, et d’un autre côté ils subissent trop le contrôle d’un public mal informé ; mais la génération qui se forme est née, sous l’un et l’autre rapport, sous des auspices plus heureux, et c’est en elle que nous devons concentrer notre espoir pour l’avenir. C’est pour son usage que nous avons recueilli cette collection des ouvrages du passé, non pour qu’elle les copiât servilement, mais pour que les artistes, par suite d’un examen attentif des principes qui existent dans tous les ouvrages du passé et qui ont excité l’admiration universelle, pussent être conduits à la création de nouvelles formes également belles. Nous croyons que si un artiste ardent à la recherche de la science, veut secouer toute tentation à l’indolence, examiner par lui-même les ouvrages du passé, les comparer avec les ouvrages de la nature, et faire tous ses efforts pour arriver à une parfaite appréciation des principes qui existent dans les uns et les autres, il ne peut manquer de devenir créateur à son tour et d’individualiser de nouvelles formes, au lieu de reproduire les formes du passé. Nous croyons qu’un artiste entièrement pénétré de la loi de l’accord universel des choses dans la nature, et de l’étonnante variété de leurs formes, lesquelles cependant n’ont pour base qu’un petit nombre de lois fixes : — la distribution proportionnée des aires, les courbures tangentes des lignes et la radiation d’une tige-mère, — quelque soit le type qu’il emprunte à la nature, n’a qu’à renoncer au désir de l’imiter et à suivre la voie qu’elle lui indique si clairement, pour arriver à la création de nouvelles formes de beauté beaucoup plus facilement, qu’en suivant la mode actuelle de s’appuyer sur les ouvrages du passé pour trouver les inspirations du présent. On n’aurait besoin que de quelques pionniers pour donner la première impulsion : la voie une fois indiquée, d’autres la suivraient, améliorant et perfectionnant l’idée première jusqu’à ce que, entièrement développée, elle atteigne à un nouveau point culminant de l’art, pour tomber ensuite en décadence et finir par dégénérer en confusion à son tour. Pour le moment, cependant, nous sommes assez éloignés de l’une et de l’autre de ces phases. Nous sommes désireux de contribuer de tout notre pouvoir, à l’accomplissement de ce but ; et nous avons recueilli sur les dix planches de feuilles et de fleurs, qui accompagnent ce chapitre, plusieurs des types naturels qui, selon nous, sont les mieux adaptés à conduire à la reconnaissance des lois naturelles qui prévalent dans la distribution de la forme. Mais le fait est que ces lois sont si universelles, qu’on verra qu’on peut les apercevoir dans une feuille aussi bien que dans mille. Le seul exemple de la feuille de châtaignier, planche XCI., renferme toutes les lois qui existent dans la nature : nul art ne peut rivaliser avec la grace parfaite de sa forme, la distribution proportionnelle de ses aires, la radiation de la tige-mère, les courbures tangentes de ses lignes, et la distribution égale de la décoration de surface. Tel est l’enseignement que nous présente une seule feuille, mais si nous portons plus loin nos études sur la croissance des feuilles, nous verrons dans un assemblage de feuilles de vigne ou de lierre, que les mêmes lois qui existent dans la formation d’une seule feuille, existent aussi dans un assemblage de feuilles. De même que sur la feuille de châtaignier, planche XCI., l’aire de chaque lobe diminue en proportion égale à mesure qu’elle approche de la tige, ainsi dans toute combinaison de feuilles, chaque feuille est partout en harmonie avec le groupe. Si sur une feuille, les aires sont si parfaitement distribuées que le repos de l’œil est maintenu, il en est de même dans le groupe ; on ne voit jamais une feuille disproportionnée venir détruire le repos du groupe. Cette loi universelle de l’équilibre est partout visible sur les planches XCVIII., XCIX., C. Les mêmes lois existent dans la distribution des lignes sur la surface des fleurs ; il n’existe pas une seule ligne sur les surfaces qui ne tende à développer d’avantage la forme, — on ne pourrait en ôter une sans endommager la perfection de la forme ; et pourquoi cela ? parce que la beauté provient naturellement de la loi de la croissance de chaque plante. Le sang vivifiant, la sève, en quittant la tige, prend la voie la plus prompte pour arriver aux confins de la surface, quelque variée que soit cette surface ; plus la distance qu’elle a à parcourir, est grande, ou plus le poids qu’elle a à supporter, est lourd, plus, sa substance sera épaisse (Voyez Convolvulus, XCVIII., XCIX.) Nous avons donné sur la planche XCVIII., plusieurs variétés de fleurs, à plat et en élévation ; d’après ces exemples on verra que la géométrie est la base de toute forme : l’impulsion qui forme la surface, s’élançant du centre avec une force égale, s’arrête nécessairement à des distances égales ; — la symétrie et la régularité en sont le résultat.

Qui donc, maintenant, osera dire qu’il ne nous reste rien autre chose qu’à copier les fleurs à cinq ou à sept lobes du treizième siècle, le chèvrefeuille des Grecs ou l’acanthe des Romains, et que ces types seuls puissent produire l’art ; — la nature est-elle ainsi liée ? Voyez l’immense variété des formes, et l’invariabilité des principes. Nous avons la conviction qu’un autre avenir nous est encore ouvert ; nous n’avons, pour y atteindre, qu’à nous réveiller de notre assoupissement. Le Créateur n’a pas fait toutes les choses si belles, pour que nous missions une limite à notre admiration ; bien au contraire, et ses œuvres nous sont offertes non seulement pour que nous en jouissions, mais aussi pour que nous les étudiions. Elles nous sont données pour réveiller cet instinct naturel qui est implanté en nous : le désir d’imiter dans les ouvrages de nos mains, l’ordre, la symétrie, la grâce, la convenance, que le Créateur a semé à pleines mains sur la terre.

  1. Le tatouage de la tête prise du musée de Chester et reproduite sur la page suivante, est digne de remarque, en ce qu’il démontre que même dans ou usage si barbare, se manifestent les principes les plus éleva de l’art de l’ornementation ; chaque ligne tracée sur la figure est on ne peut mieux adaptée à en développer les traits naturels.
  2. Le capitaine Cook, de même que d’autres voyageurs, parle maintes fois du goût et du génie des habitants des îles de la mer Pacifique et des mers du Sud : citant comme exemples, des étoffes peintes « d’une variété de figures infinie, à tel point qu’on serait tenté de croire, qu’ils ont emprunté leurs dessins à un magasin de mercier, contenant une collection des produits les plus élégants de la Chine et de l’Europe, sans compter les dessins originaux qui leur appartiennent en propre. » Mention est faite aussi, presque constamment, des « mille différents dessins » de leurs paniers et de leurs nattes, ainsi que de la fantaisie déployée dans leurs riches sculptures et dans leurs coquillages incrustés. Voyez The Three Voyages of Captain Cook, 2 vol. Lond. 1841-43 ; Voyage au Pole du Sud, par Dumont d’Urville, 8 vo. Paris, 1841 ; Id. Allas d’Histoire, fol. ; Natural History of Mas, par Prichard, Lond. 1855 ; Native Races of Indian Archipelago, par J. W. Earle, Loud. 1852 ; General History and Collection of Voyages and Travels, par Kerr, Londres, 1811-17.
  3. On peut voir au musée Britannique, le plâtre d’un bas-relief de Kalabshée en Nubie, représentant les victoires remportées par Ramses II, sur un peuple noir, les Éthiopiens, à ce que l’on croit. Il est dignes de remarque que, parmi les représentations de présents offerts par ce peuple comme tribut au roi, on voit, outre les peaux de léopard et d’animaux rares, outre l’ivoire, l’or, et les autres produits du pays, trois chaises d’ivoire sculpté, précisément pareilles à celle sur laquelle le roi est assis au moment de recevoir ces présents ; ce qui paraît indiquer que les Égyptiens tiraient de l’intérieur de l’Afrique ces objets de luxe si soigneusement travaillés.
  4. Les plus beaux Ornements et les Tableaux les plus remarquables le Pompéï, d’Herculanum, et de Sabis, de., par Guillaume Zahn. Berlin, 1828.
  5. Examples of Ornamental Sculpture in Architecture, par Lewis Vulliamy, Architecte,
  6. Museo Bresciano, illustrato, Brescia, 1838.
  7. The Architectural Antiquities of Rome, par G. L. Taylor et Cresy, Architectes. Londres, 1821.
  8. Cet essai sur les principes généraux de l’ornementation de l’Alhambra est réimprimé, en partie, du « Guide Book to the Albambra Court in the Crystal Palace, » par l’auteur de cet ouvrage.
  9. Ces transitions étaient ménagées avec la plus grande perfection dans les moulures des Grecs, les quelles décèlent ce raffinement développé au plus haut degré ; le même raffinement se trahit dans les contours exquis des vases grecs.
  10. On ne saurait trouver un meilleur exemple de cette harmonie ailleurs, que dans les temples grecs, où les lignes verticales, horizontales, angulaires, et courbes sont parfaitement en rapport les unes avec les autres. L’architecture gothique nous offre aussi de nombreuses illustrations de ce principe : toute tendance des lignes de courir dans une direction y est neutralisée par des lignes angulaires ou courbes : ainsi le tailloir de l’arc-boutant est précisément ce qu’il faut pour neutraliser la tendance montante des lignes, de même que le pignon contraste admirablement avec les dessus courbés des fenêtres et leurs meneaux perpendiculaires.
  11. Si nous voyons si souvent des ouvrages manqués, en fait de papiers-peints, de tapis et d’objets d’habillement surtout, c’est parce qu’on néglige cette règle si évidente ; les lignes des papiers-peints s’élancent généralement vers le plafond, de la manière la plus désagréable, parce que la ligne verticale n’y est pas corrigée par la ligne angulaire, ni la ligne angulaire par la ligne courbe ; de la même manière, les lignes des tapis vont toujours dans une direction seulement, tendant à conduire l’œil tout droit à travers les murs de l’appartement. C’est aussi la source de ces étoffes abominables, à raies et à carreaux, qui défigurent la forme humaine — coutume préjudiciable au goût public et tendant à abaisser par degré le ton de l’œil de notre génération, en fait de forme. Si on élevait les enfants au son d’une vielle raclant sur un ton faux, leurs oreilles ne manqueraient pas de se détériorer et perdraient tout sentiment pour l’harmonie en fait de sons. La même chose doit naturellement arriver à l’égard de la forme, et il faudrait que tous ceux qui s’intéressent au bien-être de la génération actuelle, fissent des efforts vigoureux pour mettre un terme à cette tendance.
  12. Toutes les compositions en carrés ou en cercles seront monotones, n’offrant que peu de plaisir, parce que les moyens qui ont servi à les produire sont trop visibles. De même, les compositions distribuées en lignes ou en divisions égales, seront moins belles que celles, qu’on ne peut apprécier que par un effort de perception plus grand.
  13. « History of the Architecture of the Hindus, » par Kara Raz. Londres, 1834.
  14. Les restes celtiques de l’époque païenne qui se trouvent à Gavr’Innis, en Bretagne, à New Grange en Irlande, ainsi qu’un monument druidique qui existe près de Harlech, Pays de Galles, décèlent des tentatives grossières d’ornementation, consistant principalement en lignes spirales circulaires et angulaires taillées dans la pierre.
  15. Dans une de ces pages ornées, que nous avons copiée de l’évangile de St. Chad, il n’y a pas moins de cent vingt représentations d’animaux des plus fantastiques.
  16. Quelques-uns des dessins reproduits dans la partie supérieure de la planche chinoise LIX., se rencontrent, presque sans modification, dans nos ouvrages en pierre et en métaux ainsi que dans nos manuscrits.
  17. Nous trouvons dans cet ouvrage danois, à la division dévouée au siècle de bronze, divers exemples d’ornements spiraux sur métal ; mais ils y sont toujours arrangés en guise de S avec quelques combinaisons fort simples. Dans la seconde division de la période du fer, se trouvent aussi différents exemples d’animaux entrelacés fantastiquement et représentés sur métal. Mais on n’y trouve nulle part les entrelacs à rubans, les dessins diagonaux ressemblant à Z ou les dessins en spirale ressemblant à une trompette.
  18. Nous maintenons cet emploi de l’italien trecento parce qu’il figure dans l’original anglais : « Nicola Pisano and other masters of the trecento, or thirteenth century ». Nicola Pisano, né vers 1230 et mort vers 1280, appartient au duecento. De même plus loin, l’auteur utilise le terme « cinque-cento » pour désigner le XVe siècle. (Note Wikisource.)
  19. On dit que les ouvrages de Lomazzo et de De Lorme ont été traduits en Anglais pendant le règne d’Élisabeth, mais nous n’en avons jamais vu un seul exemplaire.
  20. Le monument remarquable de Sir Francis Vcre (temps de Jacques I.), à Westminster est presque identique pour le dessin avec celui d’Engelbert de Nassau, à la cathédrale de Breda (seizième siècle).
  21. Voyez l’ouvrage superbe de Shaw, « Arts of the Middle Ages. »
  22. Cet ouvrage plein d’intérêt, nous a fourni les sujets des planches LXXVIL, LXXVIIL, LXXIX.