Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques/Chapitre 6 - §3

§ III. — Lois et règlements[1].

Si le texte de Frontin est précieux à bien des égards, c’est peut-être avant tout en ce qui concerne les documents législatifs de l’administration des eaux. C’est presque un corpus juris aquarum qui est contenu dans les dernières pages de son commentaire[2]. En voici les principales dispositions, qui assurément ont dû être appliquées aussi dans les provinces. Frontin les classe sous deux chefs juridiques : jus ducendae aquae et jus tuendae aquae[3] ; les unes concernent le parcours de l’eau et sa distribution, les autres la protection des aqueducs.

I. — CONCESSIONS.

Sous la République. Régime sans concessions privées. — L’auteur rappelle d’abord qu’autrefois à Rome l’eau n’était octroyée à aucun citoyen en particulier, mais qu’on s’approvisionnait aux bassins et fontaines publiques en venant y puiser : personne n’avait le droit de canaliser cette eau ; seul le trop-plein pouvait être capté : « Ne quis privatus aliam ducat, quam quae ex lacu humum accedit. » Encore cette eau n’était-elle accordée que pour les bains et les ateliers de foulons, et moyennant une redevance, au trésor public[4]. Comme, il fallait que cette eau fut recueillie propre, les édiles curules étaient chargés de désigner dans chaque quartier deux citoyens, propriétaires ou simples habitants, comme préposés à la surveillance des fontaines[5].

Par exception, et pourvu qu’il y eût consentement de la part du public, quelques personnages de marque, en raison sans doute de services rendus à l’État, recevaient une partie de cette eau. Mais avant tout, c’était au public que l’on songeait, en lui laissant la faculté de puiser de l’eau à toute heure du jour et de la nuit, l’eau coulant sans interruption[6].

On peut se demander si cet usage de l’eau sans conduites privées ne s’est pas perpétué dans les provinces. Il est de fait qu’on trouve un ou deux exemples sous l’empire, d’eaux concédées par le conseil des décurions à quelques citoyens, en vertu d’un privilège[7], d’où résulte qu’on n’avait pas créé de réseau pour la distribution privée. Mais comme d’autre part, les fouilles de Pompéi, d’Ostie, de Tusculum, etc., n’ont pas laissé voir une seule maison pour ainsi dire, qui n’eût la jouissance d’un ou plusieurs jets d’eau, on peut en conclure que la distribution individuelle était, au moins dans les grandes villes de l’empire, toujours pratiquée. Pour Lyon, entre autres, il n’y a pas à hésiter.

Sous l’Empire. Concessions données en sauvegardant la primauté de l’intérêt public. — Le souci de l’intérêt public ne s’atténua nullement du fait d’envoyer l’eau à des concessionnaires choisis. La pensée d’Agrippa, en dotant Rome de nouveaux aqueducs, ne se proposa d’abord pour but que l’abondance pour tous, et les concessions ne vinrent que lorsqu’il fut certain que le peuple n’en souffrirait pas. Il tint toujours au principe de l’eau coulant sans cesse, et du trop-plein livré seulement par exception. Frontin y resta fidèle aussi, voulant maintenir la salubrité de la ville par des chasses continues d’eau pure dans les égouts[8]. Même souci subsistait dans les colonies, ainsi que l’atteste une prescription formelle contenue dans la lex coloniae Genetivae[9] ; pour obtenir l’eau du trop-plein, il faut non seulement l’autorisation des duumvirs, mais encore une délibération de l’ordre des décurions, quarante membres au moins étant présents : Si quis colon (orum) aquam in privatum caducam ducere volet, isque at IIvir. adierit postulabit (q)ue, ut ad decurion, referat. Tunc is IIvir, a quo ita postulatum erit, ad decuriones, cum non minus xxxx aderunt, referto. Si decuriones m. p . qui tunc atfuerint, aquam caducam in privatum duci censuerint, ita ea aqua utatur, quot sinc privat (i) injuria, fiat, i. potest(as) que e(sto).

'Don et renouvellement des concessions. — Il a été dit, à l’occasion, que l’empereur s’était réservé, aussitôt après l’innovation d’Agrippa, le droit exclusif d’accorder les concessions contre un droit fixe, probablement par quinaire, dont, nous ne connaissons pas l’importance. D’ailleurs, il se réservait la faculté d’en accorder quelques-unes gratuitement. Rappelons aussi que la concession accordée à vie prenait fin au décès du bénéficiaire. Et l’on peut ici se demander quelle armée de contrôleurs et de bureaucrates il fallait pour tenir à jour cette comptabilité de reprises et de renouvellements perpétuels.

Une atténuation fut apportée cependant à ce régime de transmission. Quand plusieurs individus s’étaient associés pour avoir l’eau en commun, on laissait la concession subsister jusqu’au décès du dernier survivant[10]. De plus, l’empereur Nerva, réagissant contre l’excès de zèle intéressé des fontainiers qui, dès le jour de la mort, interceptaient l’eau aux héritiers, pour se faire payer un délai de tolérance de quelques jours, ou pour vendre cette eau à d’autres pendant ce même temps, l’empereur Nerva, disons-nous, décida qu’un sursis de trente jours serait accordé pour permettre aux intéressés de faire une nouvelle demande et d’attendre la réponse sans être privés d’eau dans l’intervalle[11].

Dans les provinces, il faut distinguer le cas où les magistrats municipaux jouissaient d’un pouvoir effectif étendu, et où il appartenait aux duumvirs, aux décurions, d’octroyer les concessions et d’en percevoir les bénéfices ; l’autre cas est celui de l’exploitation au nom de l’empereur, le cas de Lyon, si l’on se range à l’opinion soutenue dans ces pages : le légat de la province, représentant de l’autorité impériale, accordait l’eau sur la demande des intéressés, et le fonctionnaire chef du service administrait les revenus au profit de l’entretien des aqueducs. Le prince avait un pouvoir discrétionnaire pour accorder la quantité d’eau qu’il voulait à tel ou tel usager. Les Quintilii, les Septimius Rassus faisaient découler des aqueducs publics une profusion d’eau qui eût presque suffi à alimenter un quartier de Rome. Plus tard, les souverains s’interdirent et interdirent à leurs magistrats des prodigalités de ce genre. À Constantinople, une constitution impériale de Gratien, Valentinien et Théodose décréta qu’un particulier, eût-il la demeure la plus somptueuse, n’aurait pas droit à plus de trois onces d’eau[12]. Nous n’avons pas à revenir sur les prescriptions déjà examinées[13], en vertu desquelles il était interdit de prendre l’eau ailleurs qu’aux châteaux d’eau, et d’adapter au calice un tuyau de plomb de diamètre plus fort, avant une distance de cinquante pieds. Ces prescriptions étaient contenues dans un sénatus-consulte émis sur la motion des consuls Elius Tubéron et Paulus Fabius Maximus, en l’an II avant Jésus-Christ, soit 743 de Rome.

II — EXPROPRIATIONS ET SERVITUDES.

Etendue restreinte du droit d’expropriation. Coude de l’aqueduc du Gier à Chaponost. — Le droit d’expropriation, antérieurement au dernier siècle de la République, était, à ce qu’il semble, assez mal défini. Tite-Live raconte qu’en l’an 573 (181 avant J.-C.) les censeurs durent abandonner un projet d’adduction d’eau, à cause de l’opposition d’un propriétaire au passage sur son fonds[14].

Frontin, sans préciser de date, signale le subterfuge usité depuis longtemps pour respecter jusqu’à un certain point le droit des particuliers. S’ils se montraient trop difficiles pour la vente d’une parcelle, on leur achetait tout le terrain, quitte à le revendre ensuite à d’autres, diminué de la bande nécessaire au parcours de l’aqueduc[15]. Des arbitres évaluaient la somme à payer pour l’expropriation.

La lex coloniae Genetivae formule nettement le droit d’expropriation par décret des décurions sur le rapport des duumvirs, réserve faite pour les constructions existant auparavant sur le parcours projeté[16]. Dans ce cas, on était obligé de faire un détour. Cette disposition expliquerait une particularité qu’on remarque à un certain endroit de l’aqueduc du Gier, aux arcades de Chaponost[17]. À cinquante mètres environ avant l’arrivée au réservoir de chasse du siphon de Beaunant, la ligne d’arcades fait un coude brusque, un angle de 120° environ. On ne saurait guère accepter l’avis de ceux qui expliquent ce changement de direction par la nécessité d’amortir la vitesse avant d’arriver au réservoir, car d’autres moyens à la fois plus simples et plus efficaces auraient procuré cet amortissement. Le fait s’explique très bien, au contraire, par l’existence, très naturelle sur ce plateau, d’un domaine bâti qu’on a évité de couper, en faisant prendre à l’aqueduc une direction oblique, redressée ensuite par le coude en question.

Servitudes et droits divers. — Le droit d’exproprier ne s’exerçait pas pour les conduites de distribution. On était obligé de les faire passer sous la voie publique, à moins du consentement formel des particuliers dont on se proposait de traverser le terrain. En cas d’impossibilité absolue de faire autrement, on obtenait le consentement par une forte indemnité. Il est vrai que, souvent, les propriétaires faisaient à cet égard preuve de libéralité[18].

Inversement, il fallait l’autorisation spéciale de l’État ou de la cité pour qu’une conduite privée pût traverser le sol public[19]. Et il est clair aussi que les particuliers avaient à débattre entre eux, sans que les pouvoirs publics eussent rien à y voir, les conditions de passage de leurs conduites sur leurs terrains réciproques.

Si les propriétaires du sol où passaient les aqueducs avaient des droits, ils étaient à leur tour passibles de certaines servitudes, telles que la servitude de passage sur leurs domaines, au moyen de chemins et sentiers donnant accès à l’aqueduc pendant les réparations, et à plus forte raison, pendant la construction; celle de laisser prendre sur leur sol tous les matériaux que ce sol était susceptible de fournir, briques, sable, pierres, etc., le tout moyennant indemnités fixées par un arbitre équitable[20]. Il va sans dire que, si les travaux causaient des dégâts chez les propriétaires, ceux-ci avaient un recours, soit, contre l’État, soit contre l’entrepreneur, suivant les cas[21]. D’après l’édit municipal de Vénafre, que cite M. Lanciani, il faut, que le propriétaire puisse aller et venir dans son domaine, sans être le moins du monde gêné par les travaux[22].

Il n’est pas question dans Frontin de la réquisition de main-d’œuvre auprès des propriétaires riverains. Mais il en a été dit quelques mots plus haut[23], et nous savons que, de tout temps, ces corvées ont existé pour les travaux publics, qu’il s’agît de l’entretien des routes ou de constructions diverses[24]. L’usage s’en répandit de plus en plus sous l’empire. À l’époque de Constantin, en retour de certaines immunités, les riverains sont tenus de procéder eux-mêmes au curage des aqueducs, sous peine de se voir confisquer leurs propriétés[25] : cette disposition formelle est contenue dans une ordonnance de cet empereur adressée à un consularis aquarum. Un autre rescrit impérial, de Gratien, Valentinien et Théodose, au préfet de la ville, enjoint à tous de concourir au rétablissement des ports et des aqueducs[26].

III. — PROTECTION DES AQUEDUCS.

Bornes ou cippes. Jalons aux aqueducs de Rome. — Une mesure, dont le premier résultat fut de faciliter un entretien régulier, consista, aux aqueducs de Rome, dans l’établissement de cippes ou bornes numérotées qui, de deux actes en deux actes, c’est-à-dire tous les 240 pieds, plantées à quelques pas du canal, suivirent son parcours. C’est aussi la distance prescrite par Vitruve entre deux regards, et l’on en pourrait induire que les cippes marquaient la place des regards quand ceux-ci n’étaient pas surmontés d’une construction apparente, si l’on ne savait que cette règle de Vitruve était peu régulièrement suivie[27]. En tous cas, ces bornes indiquaient par leur numéro la distance exacte du point désigné à la ville, et l’aquarius qui avait à rendre compte de tout fait survenu le long du parcours, le localisait exactement par la simple mention des deux cippes successifs entre lesquels il l’avait remarqué.

On n’en a retrouvé qu’une trentaine, aux environs de Rome, dont la plupart au nom d’Auguste, trois au nom de Tibère, et deux au nom de Claude. Voici un spécimen de l’inscription qu’ils portent uniformément, avec la seule différence du numéro d’ordre et du nom de l’aqueduc.

IVL • TEP • MAR
IMP • CAESAR
DIVIF
AVGVSTVS
EX • S • C
LXXI (numéro d’ordre)
P • CCXL (dist. fixe de l’un à l’autre).

Bornes de protection. — On croit que l’érection de ces bornes, en tant que cippes-jalons numérotés, fut une mesure prise par Auguste seulement[28], que ses premiers successeurs se contentèrent d’en restaurer quelques-unes, mais que l’usage prévalut de ne plus y marquer de numéros, quelquefois même de ne rien y inscrire. Elles ne servirent plus que pour marquer la limite entre la propriété publique provenant de l’achat d’une bande de terrain tout le long de l’aqueduc, et les propriétés privées en bordure. Elles étaient à cet effet disposées deux à deux vis-à-vis l’une de l’autre, et à égale distance de l’axe, de chaque côté du canal : toutefois ce dernier usage ne paraît pas avoir été constant. En tous cas, la bande de terrain marquée par la distance des bornes à l’axe avait été expropriée par l’État non pas seulement pour y installer la conduite et la surveiller librement, mais pour qu’elle fût une véritable zone de protection : en aucun cas, personne n’y pouvait faire passer un chemin, y planter, y semer ou y bâtir, en vertu du sénatus-consulte suivant rapporté par Frontin[29].

« Quod . A . Ælius . Tubero . Paullus . Fabius . Maximus . coss . v . f .[30] Aquarum . quae . in . urbem . venirent . itinera . occupari . monumentis . et . aedificiis . et . arboribus . conseri . Q. F. P. D. E. R. I. C[31]. ad reliciendos . rivos . specusque . per . quae . et . opera . publica . corrumpuntur . placere . circa . fontes . et . fornices . et . muros . utraque . ex . parte . vacuos . quinos . denos . pedes . patere . et . circa . rivos . qui . sub . terra . essent . et . specus . intra . urbem . et . extra . urbem . si . continentia . aedificia . utraque . ex . parte . quinos . pedes . vacuos . relinqui . ita . ut. neque . monumentum . in . his . locis . neque . aedificium . post . hoc . tempus . ponere . neque . conserere . arbores . liceret . si . quae . nunc . essent . arbores . intra . id . spatium . exciderentur . praeterquam . si . quae . villae . continentes . et . inclusae . aedificiis . essent . si quis . adversus . ea . commiserit . in . singulas . res . poena . HS . dena . milia . essent . ex . quibus . pars . dimidia . praemium . accusatori . daretur . cujus . opera . maxime . convictus . esset . qui . adversus . hoc . s . c . commisisset . pars . autem . dimidia . in . aerarium . redigeretur . deque . ea . re . judicarent . cognoscerentque . curatores . aquarum[32]. »

Ce sénatus-consulte fut confirmé deux ans après (9 avant J.-C), par une loi que votèrent les comices, sur la convocation du consul T. Quinctius Crispinus, et qui établit que « si le terrain qui doit rester libre est délimité autour des canaux, conduits, souterrains, voûtes, tuyaux, tubes, châteaux d’eau et bassins des eaux publiques amenant l’eau à Rome, nul ne pourra rien opposer, ni construire, ni enclore, ni fixer, ni établir, ni poser, ni placer, ni labourer, ni semer dans ce lieu, ni même y rien amener, si ce n’est pour les constructions ou les rétablissements autorisés ou exigés par cette même loi[33]. »

Cette règle paraît avoir été adoptée partout dans l’empire romain ; seule la largeur de l’espace réservé varia suivant les lois de chaque cité. Pour les aqueducs de Rome, il est même plus que probable que la distance de quinze pieds ou cinq pieds de la limite à l’axe, suivant l’un ou l’autre cas (canal hors de terre ou sous terre), ne fut pas toujours rigoureusement observée. Elle se rencontre exacte à l’aqueduc Trajana, d’après l’inscription suivante, trouvée en 1830, près de la route de Rome à Bracciano, à dix milles de la ville :

imp. CAESAr
divi NERVAE • F • Nerva
tTRAIANVS Aug
GERM • DACIC
poNT • MAX • TR • POT • XIII
IMP • VI • COS • V • P • P •
AQVAM • TRAIANAM
PECVNIA • SVA
IN • VRBEM • PERDVXIT
EMPTIS • LOCIS
PERLATITVD • P • XXX
[34]

Encore ne pouvons-nous savoir d’après ce cippe si une distinction avait été faite entre les deux cas ; il semble plutôt que sur toute la longueur de l’aqueduc, qu’il fût souterrain ou apparent, régnait de chaque côté de l’axe une bande uniforme de 15 pieds. D’autre part, c’est 2m,60 seulement (c’est-à-dire moins de neuf pieds au lieu de 10), qu’on a mesurés entre deux bornes de l’aqueduc Marcia-Tepula-Julia, près de la villa Negroni[35]. Enfin, près de la Porta-Furba, à 4 ou 5 kilomètres de Rome, où le triple aqueduc Marcia-Tepula-Julia, et le double canal Claudia-Anio novus, marchent parallèlement très proches l’un de l’autre, deux cippes ont été trouvés en 1905, l’un se rapportant au premier de ces deux aqueducs et portant l’inscription numérotée d’Auguste, l’autre qui marque l’espace réservé pour le second, et qui n’est pas gravé. Or, la distance de ces deux cippes aux axes des deux aqueducs était respectivement de 5 mètres et de 5m,35, ce qui n’est qu’à peu près la distance fixée par le sénatus-consulte[36].

À l’aqueduc de Vénafre, la largeur totale était de 16 pieds, soit 8 pieds de chaque côté de l’axe du canal enterré.

IVSSV • IMP • CAESARIS
AVGVSTI • CIRCA • EVM
RIVOM • QVI • AQVAE
DVCENDAE • CAVSA
FACTVS • EST • OCTONOS
PED • AGER • DEXTRA
SINISTRAQ • VACVVS
RELICTVS • EST
La loi parait donc avoir été entendue dans un sens assez élastique en ce qui concerne la largeur prescrite : le prix des terrains traversés, la façon dont ils étaient habités et cultivés, tout cela jouait certainement un rôle important dans la fixation des limites.

La pierre de Chagnon. — Aucune des bornes de ce genre, à part la pierre de Chagnon[37], trouvée au bord de l’aqueduc du Gier, ne porte expressément les défenses formulées par les sénatus-consultes. C’est ce qui donne à cette pierre un si curieux intérêt. Je rappelle le texte de l’inscription qu’elle porte :

« Ex auctoritate Imperatoris Caesaris Trajani Hadriani Augusti, nemini arandi serendi pangendive jus est intra id spatium agri quod tutelae ductus destinatum est. »

Ce texte, d’un côté si explicite, est d’autre part incomplet pour nous, puisqu’il n’indique pas la largeur de la zone de protection. La place seule de la borne devait l’indiquer, et on ne connaît pas cette place exactement, car la pierre n’était plus debout quand on l’a retrouvée : elle avait glissé ou roulé, on ne sait pas du tout de combien de pieds ou de mètres. On ne peut donc faire que des conjectures sur le spatium agri désigné : était-il à peu près en conformité avec les prescriptions du sénatus-consulte, ou beaucoup plus large, limité au-dessus de l’aqueduc par ce que nous avons appelé la tranchée supérieure[38] ? Je préfère là-dessus ne pas conclure.

On ne s’explique guère non plus comment il se fait que cette pierre soit un spécimen unique, et plus généralement que dans tout l’empire romain les bornes de protection, quelle que soit l’inscription qu’elles portent, soient si rares. Qu’au voisinage des endroits habités, elles aient peu à peu disparu, parce qu’on les aura utilisées pour la construction, cela se comprend. Mais dans les campagnes désertes ?… On ne les y trouve pas, dira-t-on, parce qu’elles sont enfouies, comme à Chagnon, où c’est le pur hasard qui a amené la découverte. Mais ce hasard aurait été plus fréquent si les bornes avaient été fréquentes. Ne vaudrait-il pas mieux penser qu’on ne les plantait qu’au voisinage des endroits où elles pouvaient être vues souvent, près des bourgs, ou des fermes, à la rencontre des routes ? Elles auraient précisé, étant établies ainsi en un petit nombre de points choisis, la signification d’une haie ou d’un fossé régnant partout le long du canal et limitant le spatium agri réservé. Et ce serait la situation même de ces bornes, peu nombreuses par le fait même, qui expliquerait leur disparition presque totale. Elles se seraient offertes comme inévitablement à l’utilisation, après la ruine des aqueducs.

N’insistons pas là-dessus plus qu’il ne convient, et contentons-nous de remarquer que le nom d’Hadrien inscrit, sur cette pierre de Chagnon pourrait fournir une présomption de plus en faveur de la construction de l’aqueduc du Gier sous son règne. En effet, ce texte ne renferme aucune prescription qui ne soit contenue dans la loi de Quinctius Crispinus, citée plus haut. Dès lors, pourquoi aurait-on attendu jusqu’au règne d’Hadrien[39] pour inscrire ce règlement le long de l’aqueduc si celui-ci était déjà construit sous Claude ? En outre, nous voyons par ce même texte que l’administration impériale intervenait bien directement dans la surveillance et la protection de l’ouvrage.

IV. — SANCTIONS PÉNALES.

Règlements de Frontin. — Afin de conjurer toutes les contraventions, toutes les fraudes, si faciles à commettre et commises si souvent, comme le déplore Frontin en maint endroit de son traité, les empereurs, les magistrats, le sénat et le peuple romain adjoignirent des sanctions variées à toutes lois et tous décrets concernant cette matière. Voici d’abord celles qu’a consignées Frontin, puis celles qui émanent des constitutions impériales.

1o Celui qui arrosait son terrain avec l’eau destinée au public perdait la propriété du sol[40]. Si l’on avait employé des esclaves à cet ouvrage illicite ; ces esclaves étaient confisqués. Ces dispositions furent confirmées par Arcadius et Honorius par ordonnance adressée à Asterius, comte d’Orient[41] (1er novembre 399).

2o Celui qui salissait à dessein l’eau jaillissant des fontaines publiques payait une amende de 10.000 sesterces[42].

3o Celui qui violait la zone réservée le long du parcours de l’aqueduc par des bâtiments ou des plantations devait payer pour chaque violation 10.000 sesterces. La moitié allait au dénonciateur, l’autre moitié au trésor public[43].

4o Frontin cite enfin[44] la loi votée par le peuple sur la motion de Quinctius Grispinus. Les dispositifs, au point de vue pénal, visent surtout les dégradations aux conduites et l’interception des eaux, et insistent sur la responsabilité du maître dont l’esclave a causé les dommages en question. Il faut remarquer la mesure de tolérance en vertu de laquelle on pouvait, dans certains cas, puiser de l’eau au canal. C’est une preuve que certains regards de la conduite étaient ouverts en permanence et accessibles.

« … Quicumque . post . hanc . legem . rogatam . rivos . specus . fornices . fistulas . tubulas . castella . lacus . aquarum . publicarum . quae . ad . urbem . ducuntur . sciens . dolo . malo . foraverit . ruperit . foranda . rumpendave . curaverit. pejorave . focerit . quominus . cae . aquac . carumve . qua . in urbem . Romam . ire . cadere . fluere . pervenire . duci . possint . quove . minus . in . urbe . Roma . et . in . iis . aedificiis . quae . urbi . continentia . sunt . erunt . in . his . hortis . praediis . locis . quorum . hortorum . praediorum . locorum . dominis . possessoribusve . aqua . data . vel . adtributa . est . vel . erit . saliat . distribuatur . dividatur . in . castella . lacus . immittatur . is . populo . romano . C. milia . dare . damnas . esto . et . qui . clam . quid . corum . ita . fecerit . id . omne . sarcire . reficere . restituere . aedificare . ponere . et . celere . demolire . damnas . esto . sine . dolo . malo . atque . omnia . ita . ut . quicunque . curator . aquarum . est . erit . aut . si. curator . aquarum . nemo . erit . tum . is . praetor . qui . inter . cives . et . peregrinos . jus . dicit . multa . pignoribus . cogito . coerceto . cique . curatori . aut . si . curator . non . erit . tum . ei . praetori . eo . nomine . cogendi . coercendi . multae . dicendae . sive . pignoris . capiendi . jus . polestasque . esto . si . quid . eorum . servus . fecerit . dominus . ejus . HS . centum . milia . populo . det[45] . si . quis . circa . rivos . specus . fornices . fistulas tubulos . castella . lacus . aquarum . publicarum . quae . ad . urbem . Romam . ducuntur . et ducentur . terminatus steterit . ne quis . in . eo . loco . post hanc . legem . rogatam . quid . opponito . molito . obsepito . ligito . slatuito . ponito . collocato . arato . serito . neve . in . cum . locum . quid . immittito . praeterquam . eorum . faciendorum . reponendorum . causa . praeterquam . quod . hac . lege . licebit[45] . opportebit . qui . adversus . ea . quid . fecerit . et . adversus . cum . siremps . lex . jus . causaque . omnium . rerum . omnibusque . esto . utique . uti . esset . esseque . opporteret . si . is . adversus . hanc . legem . rivum . specum . rupisset . forassetve . quominus . in . eo . loco . poscere . herbam . fenum . secare… curatores . aquarum . qui . nunc . sunt . quique . erunt . circa . fontes . et . fornices . et . muros . et . rivos . et . specus . terminatus . arbores . vites . vepres . sentes . ripae . maceria . salicta . arundineta . tollantur . excidantur . effodiantur . excodicentur . utique . recte . factum . esse . volet . coque . nomine . iis . pignoris . captio . multae . dictio . coercitioque . esto . idque . iis . sine . fraude . sua . lacere . liceat . jus . potestasque . esto . quominus . vites . arbores . quae . villis . aedificiis . maceriisve . inclusae . sunt . maceriae . quas . curatores . aquarum . causa . cognita . ne . demolirentur . dominis . permiserunt . quibus . inscripta . insculptaque . essent . ipsorum . qui . permisissent . curatorum . nomina . maneant . hac . lege . nihilum . rogator . quominus . ex . iis . fontibus . rivis . specubus . fornicibus . aquam . sumere . haurire . iis . quibuscunque . curatores . aquarum . permiserint . praeterquam . rota . calice . machina . liceat . dum . neque . puteus . neque . foramen . novum . fiat . ejus . hac . lege . nihilum . rogator[46]. »

En résumé, cette loi établit une amende de 100.000 sesterces contre ceux qui interceptent les eaux, et règle à ce sujet la procédure, qui est pareille pour ce dernier délit et pour la violation de la zone réservée, bien qu’il y ait une grande différence, dans le taux de l’amende ; le violateur de la zone de protection ne paie, en effet, que 10.000 sesterces, d’après le sénatus-consulte précédent[47]. Constitutions impériales. — On cite parmi les constitutions impériales :

1o Arcadius et Honorius à Flavianus, préfet de la ville. — Il est question ici spécialement de l’aqueduc Claudia. Ceux qui perceront les parois de ce canal seront punis de la confiscation de leurs bâtiments et terres, et le fonctionnaire qui aura été de connivence avec le contrevenant, paiera autant de livres d’or qu’il y aura eu d’onces détournées (4 novembre 402)[48].

2o Valentinien et Gratien à Fortunatien, comte du domaine privé (comes rerum privatarum). — Une amende d’une livre d’or est infligée, par mesure d’eau prise indûment, à quiconque se sera servi d’un module plus grand que celui qui lui a été concédé[49].

3o Gratien, Valentinien et Théodose à Cléarque, préfet de la ville. — Le fonctionnaire qui n’a pas dénoncé un usurpateur paie 6 livres d’or[50] (22 juin 384).

4o Zénon à Adamantinus, préfet de la ville. — Le magistrat qui aura consacré à un autre usage public les fonds destinés aux réparations des aqueducs devra prendre à ses frais cette charge négligée.

5o Zénon à Pontius. — Les plantations d’arbres dans la zone réservée seront punies de la confiscation des fonds. Ce n’est qu’une confirmation des anciens règlements[51].

6o Constantin à Maximilien, consularis. — La négligence du

propriétaire à nettoyer les canaux qui traversent sa propriété est punie de la confiscation des fonds[52].

7o Arcadius et Honorius à Africanus, préfet de la ville. — Perte de la concession pour celui qui a pris l’eau directement à la conduite, au lieu de la tirer du château d’eau[53] (28 mars 397).

Ces sanctions étant déterminées spécialement pour les villes de Rome ou de Constantinople, on ne peut affirmer que Lyon eût les mêmes contre ceux qui violaient les règlements relatifs à ses aqueducs. Mais le document de Chagnon est encore précieux ici, en ce qu’il nous montre que les prescriptions, au moins sur une des questions les plus importantes, étaient pareilles à celles de Rome. On peut en induire non à l’identité, mais à la similitude des autres prescriptions, ce qui amène à la similitude des sanctions. Ainsi le légat impérial, s’inspirant des mesures prises à Rome, ou même plutôt consultant à ce sujet directement l’empereur, devait prendre quand il le fallait, ou maintenir d’une manière fixe, des dispositions pénales dont les textes précédents nous donnent une idée suffisante.

  1. Il ne s’agit ici que d’un simple aperçu : une étude méthodique et détaillée demanderait une compétence juridique que ne possède pas l’auteur de ce volume.
  2. Du no 94 à la fin, no 130.
  3. De Aquis, 94.
  4. Ibid.
  5. Ibid., 97.
  6. De Aquis, 103, « … ut sine intermissione diebus noctibusque aqua fiunt ».
  7. Dans les villes de Suessa et de Thysdras (Afrique). Orelli, 4047, Henzen, 5329.
  8. « Impetranlur autem et cae aquae quae caducae vocantur, id est quae aut ex castellis aut ex manationibus fistularum affluunt, quod beneficium a principibus parcissime tribui solitum… Caducam neminem volo ducere nisi qui nostro beneficio aut priorum principum habent ; nam necesse est ex castellis aliquam partem aquae effluere, cum hoc pertineat non solum ad urbis nostrae salubritatem, sed etiam ad ulilitatem cloacarum abluendarum. » (De Aquis, 110 à 111.)
  9. C.I.L., ii, 4539.
  10. De Aquis, 109.
  11. Ibid.
  12. « Summas quidem domus si lavaeris lautioribus praesententur, binas non amplius aeque undas, aut si hoc amplius exegerit ratio dignitatis, supra ternas neutique possidere ; mediocres vero et inferioris meriti domus singulis et semis contentos esse decernimus. »
  13. De Aquis, 106. (V. ci-dessus, p 338.)
  14. Tite-Live, xl, 51.
  15. De Aquis 128
  16. « Quae aquae publicae in oppido colon, gen adducentur, Ilvir, qui tum erit, ad decuriones, cum duae partes aderunt, referto per quos agros aquam ducere liceat. Qua pars major decurion, qui tunc aderunt dari decreverint, dum ne per it aedificium, quot non ejus rei causa factum sit, aqua ducatur, per eos agros aquam ducere ius potestasque esto, neve quis facito, quo minus ita ducatur. » (Cap. XCVIIII.)
  17. V. ci-dessus, p. 124.
  18. Tel un certain Sennius Sabinus, d’Albinum : AQVAS. IVSQVE. EARVM. AQVARVM. TVBO. DVCENDARVM. ITA VT. RECTE. PRAEFLVERE. POSSINT. VICANIS. ALBINENSIBVS. D. S. D. (Orelli 199.)
  19. Bull. Inst., 1829, 175.
  20. Frontin, 125. — Sénatus-consulte de l’an 11 avant J.-C.
  21. Et inversement. « Si per publicum locum rivus aquaeductus privati nocebit, erit privato aetio ex lege xii tabularum ut de noxa domino caveatur. » (Paul.)
  22. « Ne ob id opus dominus eorum, cujus agri locive per quem agrum locumve, ea aqua is aquae ductus subit, invius fiat, neve ob id opus minus ex agro suo in partem agri quam transjicere, transferre, transvertere recte possit. » V. Lanciani, ouvr. cité. p. 387.
  23. V. ci-dessus, p. 371.
  24. Cic. Pro Fonteio, vii. — In Verrem, de Suppliciis, xix.
  25. « …Per quorum fines formarum meatus transcunt, ab extraordinariis oneribus volumus esse immunes, ut eorum opera aquarum ductus sordibus oppleti mundentur.. Quod si neglexerint, amissione possessionum multenlur. » (V. Rondelet, ouvr. cité, p. 132.)
  26. « Ad portus et aquaeductus instaurationem, omnes certatim, faeta operarum conlatione, instare debent : neque aliquis ab hujuscemodi consortis dignitatis privilegiis excusari. » (Ibid., p. 136.)
  27. V. ci-dessus, p. 290.
  28. V. Lanciani, ouvr. cité, p. 345.
  29. De Aquis, 127.
  30. « Verba fecerunt. »
  31. Abréviation de la formule : « Quid fieri placeret, de ea re ita censuerunt. »
  32. « Les consuls Q. Elius Tubéron et Paullus Fabius Maximus ayant exposé que les chemins réservés le long des aqueducs qui se rendent dans la ville sont occupés par des monuments, des édifices et des arbres, et ces consuls ayant demandé au Sénat ce qu’il lui plairait d’ordonner à ce sujet, il a été arrêté que, pour les réparations des canaux et de leurs voûtes, dont les dégradations mettent en souffrance les travaux publics, il sera laissé quinze pieds libres de chaque côté des fontaines, des arcades et des murs de substructions, et cinq pieds libres de chaque côté des conduits souterrains et des canaux qui, soit dans la ville, soit au dehors, sont contigus à des édifices, de sorte qu’on n’aura plus à l’avenir le droit de placer en dedans de ces limites ni monuments, ni maisons, ni arbres ; que tous les arbres qui se trouvent actuellement dans l’espace réservé seront arrachés, à moins qu’ils ne touchent à quelque habitation et ne soient enfermés dans les édifices. Quiconque sera en contravention à ce décret paiera, pour chaque délit, une amende de 10.000 sesterces, dont la moitié sera donnée comme récompense à l’accusateur qui aura le mieux prouvé les faits ; l’autre moitié sera versée au trésor. Les curateurs des eaux connaîtront des affaires de cette espèce, et les jugeront. » (Frontin, 127.)
  33. « Si quis circa rivos, specus, fornices, fislulas, tubulos, castella, lacus aquarum publicarum quae ad urbem Romam ducuntur et ducentur terminatus steterit, ne quis in eo loco post hanc legem rogatam quid opponito, molito, obsepito, figito, statuito, ponito, conlocato, arato, serito neve in cum locum quid immittito, praeterquam quod hac lege licebit. » (De Aquis, 129.)
  34. C.I.L, vi, 1260.
  35. C.I.L, vi, 1248.
  36. V . un article de M. Lanciani paru en 1905 dans les Notizie degli scavi. — Cf. nos propres observations à ce sujet. Nouvelles archives des Missions scientifiques, t. XV, fasc. 2. 1907.
    Cette distance de quinze pieds de chaque côté demeura cependant toujours inscrite dans les règlements. Constantin la prescrivit encore par une ordonnance adressée à Maximilien, et déjà citée. — « Praeterea scire eos opportet, per quorum praedia ductus commeat, ut dextra laevaque de ipsis formis quindecim pedibus intermissis arbores habeant. »
  37. V. ci-dessus, p. 108.
  38. V . ci-dessus, p. 211 et suiv.
  39. Il est vrai que la partie de l’aqueduc le long de laquelle a été trouvée cette pierre, d’après nos propres raisonnements, a été construite postérieurement au reste. L’argument perd donc ici de sa valeur et l’on ne saurait y voir qu’une présomption à côté d’autres raisons bien plus probantes exposées au cours de la précédente étude.
  40. De Aquis, 97.
  41. « Mansura poena in eos qui ad irigationes agrorum vel hortorum delicias, furtivis aquarum motibus abutuntur. » Cité par Rondelet, ouvr. cité, p. 138.
  42. « Ne quis aquam oletato dolo malo ubi publice saliat. Si quis oletarit sesterciorum x milia multa esto. Oletato videtur esse olidam facito. » (De Aquis, 97)
  43. V. la citation ci-dessus, p. 390. (De Aquis, 127.)
  44. De Aquis, 129.
  45. a et b De si quis circa à opportebit, passage déjà cité, v. ci-dessus, p. 393, note 3.
  46. « Quiconque, après la promulgation de la présente loi, aura méchamment et de propos délibéré, percé ou fait percer, rompu ou fait rompre les canaux, conduits, souterrains, voûtes, tuyaux, tubes, châteaux d’eau et bassins des eaux publiques qui sont amenées à Rome, ou aura empêché ces eaux, en tout ou en partie, de suivre leur cours, de se répandre, de couler, de parvenir, d’être conduites dans la ville, ou bien de jaillir, de se distribuer, et de se rendre dans les châteaux d’eau et bassins, soit à l’intérieur de Rome, ou dans les édifices qui sont ou seront contigus à la ville, soit dans les jardins ou dans les propriétés dont les maîtres ou les possesseurs auront obtenu ou obtiendront une concession, sera condamné à une amende de cent mille sesterces au profit du peuple romain. Quant à celui qui aura commis un de ces délits furtivement, mais sans intention criminelle, il devra réparer, refaire, reconstruire, replacer toutes choses en leur premier état, et démolir sur-le-champ, et sans fraude, ce qu’il aura construit. À cette fin, celui qui est ou sera curateur des eaux, ou à son défaut, le préteur chargé de juger les différends entre les citoyens et les étrangers, devra recourir à une amende pécuniaire, ou à des gages, ou à la contrainte personnelle ; et même le curateur, ou ce préteur, aura, en son propre nom, le droit et le pouvoir d’exercer toute contrainte, et de prononcer les peines pécuniaires, la tradition des gages ou la contrainte personnelle. Si quelqu’un de ces dommages est causé par un esclave, c’est le maître qui paiera au trésor public les cent mille sesterces. Si le terrain qui doit rester libre est délimité autour des canaux, conduits, souterrains, voûtes, tuyaux, tubes, châteaux d’eau et bassins des eaux publiques qui sont ou seront amenées à Rome, nul ne pourra, après la promulgation de la présente loi, rien opposer, ni construire, ni enclore, ni fixer, ni établir, ni poser, ni placer, ni labourer, ni semer dans ce lieu, ni même y rien amener, si ce n’est pour les constructions ou les rétablissements autorisés ou exigés pur cette même loi. Celui qui enfreindra cette disposition sera soumis au même recours légal, et le droit et les fins de poursuite seront en toutes ces choses et pour tous, ce qu’ils seraient et ce qu’ils devraient être, si le contrevenant eût rompu ou percé un canal, ou même une voûte, pour que rien n’empêche d’y faire paître des troupeaux, et d’y faucher le foin, il sera pourvu, par les soins des curateurs des eaux, maintenant et à l’avenir, à ce que près des sources, arcades, murs, canaux et conduits souterrains, situés dans cette délimitation, les arbres, vignes, buissons, épines, murs de clôture, plantations de saules et de roseaux soient enlevés, coupés, arrachés, déracinés, conformément aux ordres de ces mêmes curateurs, qui devront exiger des gages, ou prononcer une amende et la contrainte personnelle, droit et pouvoir dont ils useront avec équité. Quant aux vignes et aux arbres qui sont renfermés dans l’enceinte des maisons de campagne et des édifices, ou dans des murs de clôture, et quant aux murs eux-mêmes que les curateurs des eaux, après examen de l’affaire, auront permis de ne pas faire disparaître, et sur lesquels on aura inscrit ou gravé les noms des curateurs qui auront accordé cette permission, la présente loi n’empêche nullement qu’ils subsistent. Elle ne déroge en rien, non plus, à toutes les permissions accordées par les curateurs, de prendre, ou de puiser de l’eau aux sources, canaux, conduits, soit souterrains, soit placés sur des arcades, pourvu que l’on n’emploie ni roue, ni calice, ni machine, et qu’il n’y soit pratiqué aucun puits, ni aucun percement nouveau. »
  47. Je ne pense pas que les mots siremps lex, jus, causaque veuillent dire que la même peine sera appliquée : cela parait signifier seulement qu’il y a même recours, même procédure. Il serait bien étrange que la nouvelle loi eût décuplé la peine que fixait le sénatus-consulte deux ans auparavant. Le texte, d’autre part, est tronqué à l’endroit où il est question du pacage des troupeaux et de la récolte du foin sur la zone réservée. On ne sait donc pas au juste s’il est question d’une prohibition ou d’une concession. J’ai opté pour cette dernière conjecture, car l’herbe pâturée ou fauchée régulièrement ne pouvait faire aucun tort à l’aqueduc, la végétation inculte étant au contraire nuisible ; et, d’autre part, le trésor pouvait, en affermant ce droit, y trouver quelque bénéfice.
  48. « Ne quis Claudiam, interruptis formae lateribus alque perfossis, sibi fraude elicitam existimet vindicandam. Si quis contra fecerit, earum protinus aedium et locorum amissione multetur. Officium praetera, cujus ad sollicitudinem operis hujus custodia pertinebit, hac poena constringimus : ut tot librarum auri inlatione multetur, quotuncias Claudiae nostrae conniventia ejus usurpatas fuisse constiterit. » (Cité par Rondelet, p. 140.)
  49. « ... Si ultra licitum aliquem usurpare constiterit, per singulos obolos librae unius auri dispendiis ingravetur. » On ne sait au juste ce qu’est l’obole. Probablement une mesure d’eau, voisine de l’once. (Rondelet, p. 134)
  50. « Quod tibi paret officium sex librarum auri milita feriatur, nisi prodiderit usurpantes. » (Rondelet, p. 134.)
  51. « Quod antiquis etiam constitutionibus interdictum esse dignoscitur. » (Rondelet, p. 146.)
  52. Il est vrai que l’obligation du nettoyage était compensée par l’exemption des charges extraordinaires, ce qui rend un peu moins étrange ce procédé radical de la confiscation. « Quod si neglexerint amissione possessionum multabuntur. » (V. Rondelet, l32.)
  53. « Quicunque ex aquaeductu magis quam ex castellis aquae usum putaverit derivandum, etiam id quod prius jure beneficii fuerat consecutus, amittat. » Cette tournure par magis quam rend la prescription un peu vague et faible.