Livre III
Gaspard de la nuitMercure de France (p. 115-116).


XI

L’HEURE DU SABBAT


Qui passe donc si tard à travers la vallée ?
H. de Latouche. — Le Roi des Aulnes.


C’est ici ! et déjà, dans l’épaisseur des halliers, qu’éclaire à peine l’œil phosphorique du chat sauvage tapi sous les ramées ;

Aux flancs des rocs qui trempent dans la nuit des précipices leur chevelure de broussailles, ruisselante de rosée et de vers luisants ;

Sur le bord du torrent qui jaillit en blanche écume au front des pins, et qui bruine en grise vapeur au fond des châteaux ;

Une foule se rassemble innombrable, que le vieux bûcheron attardé par les sentiers, sa charge de bois sur le dos, entend et ne voit pas.

Et de chêne en chêne, de butte en butte, se répondent mille cris confus, lugubres, effrayants : « Hum ! hum ! — Schup ! schup ! — Coucou ! coucou ! »

C’est ici le gibet ! — Et voilà paraître dans la brume un juif qui cherche quelque chose parmi l’herbe mouillée, à l’éclat doré d’une main de gloire.