PhilomélaJ. Hetzel, libraire-éditeur (p. 87-90).
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FULVIA



Les filles que l’on aime et les chevaux qu’on crève
Étaient ses passe-temps, le double dévidoir
De sa vie, et l’Éden qu’il poursuivait en rêve
Eut deux compartiments : écurie et boudoir !


Mais son arabe à la crinière ébouriffée,
Son anglais au poil lisse, au robuste poitrail,
Il aurait tout donné pour sa belle, coiffée
D’or luisant, comme sont les saintes d’un vitrail !

Car, dès l’adolescence, ayant, en mainte affaire,
Humanité fangeuse, appris ce que tu vaux,
Il était coutumier de dire : Je préfère
Aux hommes le cheval, mais la femme aux chevaux.
 
Et plus que toute femme, il aima la marquise
De Z. Il n’eut pas tort, et plus d’un l’envia ;
Car vous ne savez point quelle femelle exquise
Fut cette rousse enfant qu’on nommait Fulvia !


Elle avait l’indolence aux séduisants manèges ;
L’œil cave et noir d’où sort l’éclair des chauds courroux,
Et, comme des rayons de soleil sur les neiges,
Le long de son corps blanc tombaient ses cheveux roux.

Ses lèvres exhalaient le frais parfum des menthes,
Son chant faisait pâmer,, la nuit, les rossignols,
Et, beauté qui me charme entre les plus charmantes,
Des mains d’Italienne et des pieds espagnols !

Si bien que Fulvio, devant la séductrice,
Soupirait à mi-voix, de bonheur allangui :
« Ah ! laisse-moi baiser, tant que je les meurtrisse,
Ta main de Camargo, ton pied d’Amaegui ! »


« Alma mia ! » disait la belle aux seins d’ivoire,
Et son œil que prolonge une ligne de k’hol
Rayonnait sous les cils comme une agate noire,
Et ses veines battaient sous la peau de son col !