Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 2

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En France, la République et l’école sont toujours allées de pair. Dès la Révolution française, la nécessité de l’émancipation des citoyens par l’éducation est apparue comme une condition indispensable à la bonne marche de la démocratie et à la réalisation du bonheur collectif. École et République se sont donc consolidées mutuellement au fil du temps. Elles se lézardent aujourd’hui ensemble!

Certes, le tabou est encore tenace. Tout est fait pour laisser croire que l’institution résiste bien à l’éclatement de notre pays. Malheureusement, nous sommes très loin du compte. En témoigne l’intensité des émeutes de novembre 2005, qui ne peuvent être totalement étrangères à l’affaiblissement des institutions de la République, à commencer par son Éducation nationale.

La grande majorité des enseignants en sont d’ailleurs conscients, s’en désolant de plus en plus ouvertement dans un nombre croissant de livres. Si d’ailleurs l’Éducation nationale ne s’est pas écroulée complètement, c’est bien grâce à eux et à leur capacité à résister aux consignes ubuesques d’une nomenklatura souvent irresponsable.

Il reste qu’à force de détruire systématiquement tout ce qui avait fait la force de l’école publique française, longtemps enviée du monde entier, les dégâts sont bien là.

L’Éducation nationale, qui figurait il y a trente ans au deuxième rang des classements de l’OCDE, est retombée au dixième rang après l’Angleterre. Toutes les études concordent. Cent cinquante mille jeunes sortent chaque année du système scolaire sans formation. Plus grave encore, d’après une évaluation récente du ministère: un tiers des élèves seulement maîtrisent les programmes à la sortie du CM2, 50 % étant à la traîne et 15 % étant complètement perdus. Pour le secondaire, les chiffres sont pires encore.

Notre école, dont le maître mot demeure comme jamais l’égalité des chances, est devenue en trente ans l’une des plus inégalitaires. Ainsi, il est plus difficile qu’il y a trente ans pour un jeune issu de milieu modeste de réussir aujourd’hui des études supérieures. De surcroît, elle prépare mal au monde du travail, dont elle reste coupée. Enfin, le climat de violence qui y règne est largement sous-estimé. L’école de l’apprentissage de la vie en société est devenue l’école de la jungle.

Il serait certes injuste d’accuser l’Éducation nationale de tous les maux. Dans une société elle-même violente, où les enfants passent plus de temps devant la télévision que devant un professeur ou plongés dans un livre, où les parents nourrissent bien souvent une attitude de défiance à l’égard des institutions, maître compris, la tâche n’est pas aisée.

Une tâche d’autant plus difficile que la gauche comme la droite, polémiquant souvent hors sujet, ont délaissé les vraies questions.

N’en déplaise aux syndicats et à la gauche, les moyens financiers ne sont pas en cause. La France dépense plus que la moyenne des autres pays pour son école primaire et secondaire. Dans le secondaire, nous avons un professeur pour 12,3 élèves contre 16,1 en 1963 et 15 aujourd’hui aux États-Unis. Pour autant, si l’enveloppe globale paraît suffisante, il y a sans doute matière à discuter l’affectation des moyens par le ministère.

À l’opposé, la droite a tort de diaboliser un système national qui, s’il était correctement dirigé et géré, redeviendrait très vite un atout de premier plan pour la France.

Oui, je persiste et signe, l’école gratuite, laïque et obligatoire est l’une des grandes conquêtes de la République, en même temps qu’un de ses piliers. Elle garantit en principe avec la carte scolaire le brassage social, elle doit permettre aux enfants défavorisés d’accéder au même savoir que ceux issus de milieux aisés. Il suffit d’observer le coût des études secondaires de qualité aux États-Unis, ou l’absence de maternelle et la fin des classes à 14 heures en Allemagne, pour comprendre notre chance.

Pour autant, ce système ne peut fonctionner et susciter l’adhésion que s’il hisse les uns et les autres. Or, la gauche par clientélisme, la droite par lassitude, ont abandonné toute exigence en laissant le ministère aux mains des fameux « pédagogistes ». En une génération, ces derniers ont réussi le triste exploit d’inverser totalement le système des valeurs. Au nom d’un égalitarisme niveleur qui s’habille des atours de l’égalité, ils ont réduit les exigences et creusé les inégalités réelles entre ceux qui ont des parents pour les aider et ceux qui n’en ont pas. Au nom de la tolérance, ils ont laissé se développer un climat malsain de violence entre les élèves. Comprendre cette dérive, c’est permettre rapidement d’inverser le cours des choses en s’appuyant sur les nombreux atouts de notre Éducation nationale, au premier rang desquels une majorité d’enseignants.