Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 1

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Pour autant, cette reconquête démocratique, si elle est le préalable à tout redressement, ne peut suffire. « Reprendre le pouvoir », ce n’est pas seulement l’exercer à intervalles réguliers, c’est aussi permettre à ceux qui gouvernent en notre nom de mettre en action le projet retenu par le peuple. En un mot, être capable de remédier à l’impuissance publique qui mine aussi notre démocratie.

Le fossé entre les engagements et les résultats ne tient en effet pas seulement à la perte de notre souveraineté (c’est-à-dire au fait de laisser les autres décider à notre place), mais aussi à l’épuisement de l’État (lorsqu’on a le droit d’agir, il nous manque trop souvent les moyens de le faire).

Faute d’avoir su dompter, réformer, muscler l’État, le pouvoir politique a perdu son bras armé. Obèse, illisible, inefficace, il est devenu la cible de tous. L’aberration du résultat ne s’est pas fait attendre: les féodalités, les corporatismes, les communautarismes, les réseaux sont souvent les plus forts.

Oui, pour éviter la gesticulation politique et médiatique, nous avons besoin d’un État fort. Car, en république, ne l’oublions jamais, « l’État c’est nous ».

Si les Français veulent vraiment reprendre le pouvoir, il nous faut donc reconstruire l’État. Celui qui applique la loi, rien que la loi, toute la loi. Celui qui incarne l’intérêt général. Celui qui donne un contenu concret à la devise de notre République.

Ce qui vaut pour tous les pays est encore plus vrai pour la France, pour la simple raison que la nation s’est construite autour de l’État. Il en a toujours été la colonne vertébrale. La qualité et l’intégrité de ses fonctionnaires, la rigueur de son droit, l’unité d’application des décisions ont longtemps fait de lui un modèle pour le monde entier. Sans lui, il n’est pas de cohésion nationale possible.

Les émeutes de novembre 2005 en apportent la preuve. On ne peut laisser bafouer la loi pendant vingt ans sans conséquences, affaiblir la justice, laisser prospérer les inégalités scolaires ou territoriales.

En novembre 2005, nos compatriotes ont soudain découvert dans leur miroir télévisuel ce qu’ils pressentaient depuis des années, mais qu’ils ne voulaient pas croire, bercés, endormis par les paroles complaisantes et rassurantes du politiquement correct. Ils ont découvert le morcellement de la nation, indissociable du délabrement de l’État.

On a parlé alors de « dépression française ». Les responsables politiques, une fois de plus, comme dans toutes les périodes sombres de notre histoire, ont flotté. La République s’est sentie coupable, donnant raison aux bandes et à la loi du plus fort.

Alain-Gérard Slama, dans une chronique du Figaro, parue lors des événements de novembre 2005, décrit remarquablement la situation: « D’un côté, l’élu va au-devant du jeune révolté, dans la posture implorante de la conquête des cœurs; de l’autre, la riposte fuse, imparable: “Casse-toi, Ducon.” Et l’élu de repartir avec la conviction mélancolique que la langue a changé, que nous nous sommes fait une trop haute idée de notre culture, et qu’il faut désormais gouverner “autrement”. La question qui se pose est de savoir si décidément nous n’avons le choix qu’entre la capitulation, qui annonce les violences au quotidien des sociétés multiculturelles, ou le nationalisme.» Puis il poursuit en évoquant la mélancolie du pays[1].

Cette crise aura ainsi révélé le besoin d’autorité, d’unité et de justice. Un besoin d’État et de République.

Nous retrouvons ici l’éternelle dialectique française de la division et de l’unité. Tout au long de leur histoire, les Français ont en effet été soucieux de préserver l’unité de la nation, sachant combien la tentation de la division, de l’éclatement, du chacun pour soi, est leur plus grand péril.

Le rassemblement du peuple a d’ailleurs toujours accompagné ses sursauts comme ses grandes réussites.

Pour que notre pays s’en sorte demain, il lui faut donc retrouver sa cohésion. Chacun, quelle que soit son origine, doit avoir le sentiment qu’il fait partie d’un tout, qu’il a sa chance à la fois de maîtriser son destin individuel selon ses mérites et de participer au destin collectif.

Donner un sens à ce « vouloir vivre ensemble », ciment de la nation, passe ainsi par:

  •  une véritable école du mérite;
  •  un État de droit capable d’appliquer la loi;
  •  des services publics réformés redonnant vie à l’aménagement du territoire;
  •  une politique d’assimilation pour forger une citoyenneté.


  1. « Partagée entre la mélancolie et la peur, entre le relativisme et le nationalisme, la République ne sait que, ou chercher à tout prix à se faire aimer, ou se comporter comme une marâtre. Dans les deux cas, elle ne doit pas être surprise d’être rejetée. L’éducation, l’égalité devant la loi, l’égalité des droits, l’égalité devant la sanction sont plus que jamais les réponses qui s’imposent devant des situations massives d’anomie sociale. Le coût, certes, est élevé : de Gaulle est mort depuis longtemps, et la République, pour se rétablir, doit faire appel au concours de toute la nation en la sortant de sa mélancolie.»