Fragments du discours prononcé par Cicéron pendant sa candidature

Traduction par Eusèbe de Salverte.
Didot (p. 167-187).

FRAGMENTS DU DISCOURS

PRONONCÉ PAR CICÉRON PENDANT SA CANDIDATURE
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ARGUMENT.

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De six compétiteurs qu’avait Cicéron dans la demande du consulat, quatre étaient peu redoutables pour lui, et se conduisaient avec modération. C’étaient P. Sulpicius Galba, L. Cassius Longinus, Q. Cornificius, et C. Licinius Sacerdos. Mais Antoine et Catilina, malgré l’infamie dont ils étaient couverts, jouissaient tous deux d’un grand crédit ; ils avaient un parti puissant, et s’enorgueillissaient de l’appui de Crassus et de César, De concert, ils employaient l’intrigue, la corruption, la calomnie, la violence pour écarter Cicéron du consulat. Celui-ci, peu de jours avant les comices, saisit une occasion de s’élever dans le sénat contre ses indignes adversaires. Pour réprimer la brigue, et sa licence et son audace croissantes chaque jour, le sénat voulut porter contre elle une loi plus sévère que celles qui existaient déjà. Le tribun Q. Mucius Orestinus s’opposa à cette loi. Cicéron prit la parole pour combattre l’opposition du tribun, et en profita pour dévoiler les manœuvres de Catilina et d’Antoine. Des invectives grossières, et surtout des reproches sur la nouveauté de son nom, furent les seules armes avec lesquelles ses rivaux tentèrent de lui répliquer.

Tels sont les détails historiques que donne le grammairien Asconius sur le discours in Togâ candidâ dont il nous a conservé des fragments. Ses citations ne suffisent pas pour en faire deviner l’ordre et le plan ; nous n’essayerons donc pas de le restituer. Nous avouons même que, si ces fragments offrent quelque intérêt, ce n’est guère qu’autant qu’ils forment une sorte de commentaire historique de l’Essai sur la candidature.

Ce motif n’est pourtant pas le seul qui nous ait engagé à les traduire, et à nous livrer, avec si peu d’espoir d’intéresser le lecteur, à un travail ingrat, où le défaut de liaison des phrases fait perdre, à chaque pas, la possibilité d’assigner avec certitude leur véritable sens.

Des nombreux discours de Cicéron que le temps nous a enviés, celui-ci est peut-être le plus regrettable. Tous les autres, si nous pouvions les recouvrer, nous feraient admirer sans doute le défenseur dans les causes civiles et criminelles, l’accusateur, le magistrat, l’homme d’État : mais les discours que nous possédons nous ont déjà montré l’orateur romain excellant tour à tour dans chacun de ces personnages. Le discours in Togâ candidâ serait unique en son genre : il offrirait le modèle de l’attaque et de la défense dans la guerre que les candidats se faisaient souvent entre eux.

Cette attaque et cette défense publiques sont bien éloignées de nos mœurs ; nous n’y voyons guère que des déclamations injurieuses que devrait punir un combat singulier ou une plainte en justice. Raisonnons toutefois : cette méthode de disputer une place, en établissant hautement que l’on est plus digne que ses compétiteurs, laisse à ceux-ci la faculté de réfuter les reproches qu’on leur adresse et de combattre les droits qu’on leur oppose. Qu’y peut-on substituer parmi nous ? l’accusation secrète, réservée, autant que possible, pour le dernier moment, qui n’admet point de réponse de la part de l’accusé, et égale ainsi, par la même impuissance, la vérité et le mensonge ! L’homme qui agit par le motif le plus pur, pour écarter d’une place à laquelle lui-même ne prétend pas, un sujet indigne ; cet homme peut-être ne choisira point une autre arme, et ne la maniera pas avec moins d’adresse : persuadé qu’une démarche perfide, quand elle empêche l’innocence de se justifier, n’est que prudente quand il s’agit d’ôter à l’intrigue le pouvoir d’en imposer.

Que peut, pour le maintien des mœurs, la crainte d’une délation secrète ? Rien ; puisqu’une vie à l’abri du reproche n’est point à l’abri des traits des délateurs. Aux discussions publiques entre les candidats, appartenait une efficacité plus sûre. Chacun d’eux avait dû s’y préparer dès le commencement de sa carrière ; certain d’avance que sa vie entière passerait alors sous les yeux du peuple ; qu’on ne lui ferait grâce ni d’un vice, ni d’un défaut, ni d’une action blâmable, ni d’une simple erreur ; que sa conduite et ses discours, comme homme et connue citoyen, aux armées, au forum, dans les provinces, dans l’intérieur de sa maison, seraient discutés par des émules jaloux, et appréciés par un juge sévère.

Les mœurs d’un Catilina, d’un Antoine, d’un Clodius, ne doivent point ici nous être opposées. Le mal, parvenu au comble, était alors plus fort que les remèdes. Mais que l’on songe au débordement de puissance et de richesses qui vint fondre dans Rome, si j’ose m’exprimer ainsi, immédiatement après la bataille de Zama ; et l’on s’étonnera que les mœurs aient mis encore un siècle et plus à se corrompre complétement, et l’on sera tenté d’attribuer ce retard, non-seulement à l’admirable institution de la censure et à l’habitude non moins admirable qu’avaient le sénat et le peuple même de s’entendre dire, à la tribune, des vérités dures, mais aussi à cet examen rigoureux qu’appelait tous les ans, sur chacun des candidats, la jalousie de ses compétiteurs.

Si l’on s’effraye des haines que de pareilles discussions devaient enfanter, je demanderai à quel point les menées sourdes et ténébreuses dont se compose, chez les modernes, presque toute la science de parvenir, sont propres à entretenir, entre des rivaux d’ambition, l’amitié et la bonne intelligence ? A Rome, du moins, si l’on était injuste, calomniateur même, on l’était à découvert, c’était à la clarté du jour que l’on combattait pour s’entre-détruire ; et cette franchise dans l’inimitié laissait plus de possibilité aux réconciliations.

Que suit-il de là ? qu’il faille introduire cette coutume dans nos mœurs, auxquelles elle convient si peu ? Non ; mais qu’on ne doit pas non plus la condamner légèrement. Elle avait des inconvénients ; et, dans le passé, comme dans le présent, quelle chose n’en a pas ? Mais les avantages l’emportaient encore, dans un pays où les communications de la société étaient très-bornées, et où, par conséquent, la publicité de pareilles discussions donnait seule aux citoyens la possibilité de se connaître bien et de se juger entre eux.

Regarder chaque chose à sa place : telle est la loi que l’on doit s’imposer, toutes les fois que l’on juge l’histoire, les institutions, les mœurs, les écrivains d’un temps ou d’un pays différent du sien. On trouve alors moins à blâmer, plus à examiner, plus à apprendre ; on étudie mieux l’organisation sociale, où rien ne se meut isolément, et dont toutes les parties réagissent les unes sur les autres ; enfin l’on agrandit en soi la connaissance de l’homme, à mesure que l’on s’accoutume à le considérer sous des traits divers, au lieu de céder à l’habitude que donnent l’orgueil et l’ignorance, de ne le voir nulle part autrement qu’on ne le voit autour de soi.


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FRAGMENTS DU DISCOURS PRONONCÉ PAR CICÉRON PENDANT SA CANDIDATURE.

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… Oui, Pères conscrits, j’affirme qu’Antoine et Catilina , escortés de leurs dépositaires (2), se sont réunis la nuit dans la maison d’un noble (3) déjà connu et même célèbre par le gain qu’il fait, en favorisant de semblables largesses.

Eh ! qui peut être l’ami de celui qui a égorgé tant de citoyens, ou le client d’un homme qui, dans sa propre cité, a déclaré ne pouvoir plaider à crédit égal contre un étranger (4) ?

Il (5) ne rentra pas encore en lui-même, lorsque, absent, vous l’avez flétri par les plus sévères décrets.

Il a appris combien les jugements sont redoutables, lorsqu’il a été absous ; si toutefois il y eut alors quelque chose que l’on pût appeler jugement et absolution (6).

Toutefois, Q. Mutins, je regrette que vous conceviez de la république une opinion si défavorable. Vous affirmiez hier que je suis indigne du consulat. Quoi ! le peuple romain saura moins bien que Q. Mutins se choisir un défenseur ! Lorsque L. Calénus vous accusa de vol, ne m’avez-vous pas chargé, de préférence, du soin de vous sauver ? Et l’homme dont vous avez imploré l’appui dans cette position si peu honorable, le peuple romain, selon vous, ne peut l’accepter pour guide dans les affaires les plus glorieuses ? à moins que vous ne prétendiez qu’accusé de vol par L. Calénus, vous n’avez trouvé en moi qu’un défenseur impuissant (7).

Lorsque, aux yeux du peuple, Catilina trancha la tête de l’homme le plus populaire, n’a-t-il pas montré quel cas il fait du peuple (8) ?

Je ne puis m’expliquer quelle démence l’induit a me témoigner du mépris. Croit-il que je le supporte patiemment ? L’exemple d’un de ses amis les plus intimes (9) ne l’a-t-il pas instruit que les injustices, même faites à d’autres, trouvent en moi un vengeur ?

L’un, dont tous les troupeaux sont vendus et les domaines près d’être adjugés judiciairement, retient une troupe nombreuse de pâtres, avec lesquels il pourra, dit-il, dès qu’il le voudra, renouveler la guerre des esclaves (10).

L’autre induit le premier individu sur qui il ait ce pouvoir, à promettre tout à coup au peuple un spectacle de gladiateurs que rien ne l’obligeait de donner : candidat consulaire, il examine lui-même, et choisit, et achète les gladiateurs ; et cela, à la face du peuple romain (11).

Si vous ne voulez, consuls, augmenter encore le prix d’achat des suffrages, écartez donc, comme le sénat a commencé de le faire, l’opposition de Q. Mutius à la nouvelle loi (12). Quant à moi, je me contente de la loi par laquelle nous avons vu condamner à la fois deux consuls désignés (13).

Laissons cet Antoine, brigand dans l’armée de Sylla, sicaire à l’entrée du dictateur, et cocher pour célébrer son triomphe (14).

Mais toi, Catilina ! que tu brigues le consulat, que tu oses y penser, n’est-ce point une monstruosité, un prodige ? A qui le demandes-tu ? Aux principaux citoyens.... qui, rassemblés par le consul L. Volcatius, n’ont pas même voulu te permettre la candidature (15) ?

Aux sénateurs..... dont un décret, après t’avoir dépouillé de tous tes honneurs, t’a, pour ainsi dire, livré captif aux orateurs de l’Afrique ?

(16) A l’ordre équestre, dont tu fus l’assassin ?

Au peuple, à qui ta cruauté a donné un spectacle que nul n’a pu voir sans désolation, ni se rappeler sans gémir.

.....Depuis le Janicule jusqu’au temple d’Apollon, il la porta au dictateur, dans ses propres mains, cette tête pleine encore de chaleur et de vie !.....

.. Qu’allégueras-tu pour ta défense ? la même excuse que les autres assassins ? Mais ce qu’ils ont dit, tu as perdu le droit de le dire (17).....

Enfin, ils ont pu nier, et ils ont nié : Toi, tu n’as pas laissé à ton impudence la ressource d’une dénégation. Et combien on doit louer l’équité des juges qui condamnent Luscius (18) malgré ses dénégations, et absolvent Catilina malgré son aveu (19) !

Il convient donc qu’il n’a pu se rendre coupable par ignorance ; et c’est tandis que les autres sicaires allèguent que s’ils ont commis quelque meurtre, hommes dépourvus de lumières, ils n’ont fait qu’obéir à leur général, au dictateur. Ils pouvaient même nier absolument leurs crimes : Catilina ne le peut pas.

Est-ce là l’illustration qui t’enhardit à me dédaigner, à me mépriser ? Est-ce la gloire dont te couvre le reste de ta vie ? toi qui as toujours vécu de manière qu’il n’est point de lieu si sacré où ta présence ne motivât une accusation, même quand tu n’y commettais point de crime !

Toi, souvent surpris en adultère, et qui cherchais aussi à surprendre les adultères (20) ; toi, qui, dans le fruit d’un adultère, as trouvé à la fois ta fille et ton épouse !… Souillé de tous les forfaits et de toutes les turpitudes, sanglant de mille assassinats, corrupteur des lois, des procédures, des jugements !

Faut-il rappeler comment tu as envahi (21) le gouvernement d’une province, malgré les cris et la résistance de tout le peuple romain ? Quant à la manière dont tu l’as administrée, je n’ose en parler, puisque tu as été absous. Il faut que je croie mensongers et les chevaliers romains, et les actes d’une cité respectable, et Q. Metellus Pius, et l’Afrique entière ; il faut me persuader que tes juges ont découvert je ne sais quel motif pour te déclarer innocent. Misérable ! tu ne sens pas que leur arrêt ne t’a point absous, mais réservé pour un jugement plus sévère et une condamnation plus terrible.

Je passe sous silence cette entreprise exécrable, et ce jour qui faillit être pour la république si amer et si désastreux, lorsque ayant pour complices Cn. Pison, et quelque autre encore (22), tu tentas de massacrer nos principaux citoyens.

As-tu donc oublié, Antoine, que lorsque nous demandions ensemble la préture, tu m’osas solliciter de te céder le premier rang ; et comme tu me pressais sur ce point et que tu t’y obstinais effrontément, je te répondis qu’il y avait, de ta part, de l’impudence à me demander ce que Boculus (23) même n’eût jamais obtenu de toi. Ignores-tu que je fus nommé préteur le premier ? Toi, par la condescendance de tes compétiteurs, la collation des centuries (24), et surtout grâce à mes bons offices, du dernier rang tu passas au troisième.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

N’ayant pu alors, comme ils le tentaient, porter au peuple romain un coup mortel avec ce stylet espagnol, aujourd’hui ils s’efforcent de tourner contre la république deux poignards à la fois (25).

Sachez donc qui, déjà, a dépêché le gladiateur Licinius, si avide de servir Catilina : un homme honoré de la questure, Q. Curius (26) !

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REMARQUES


1. In togâ candidâ : littéralement, discours prononcé par Cicéron revêtu de la toge blanche, celle que portaient les candidats.

2. Sequestres : Voyez De la Demande du Consulat, note 42.

3. — Asconius croit que ce noble était Crassus ou César.

4. — Voyez De la Demande du Consulat, note 10.

5. — Catilina. Voyez De la Demande du Consulat.

6. — On sent assez que ce passage est ironique, et signifie qu’après l’absolution qu’il a obtenue, Catilina est en droit de ne plus craindre les tribunaux, quelque accusation que l’on intente contre lui.

7. — Cicéron avait défendu avec succès Q. Mutius Orestinus, accusé de pillage et de vol. Vendu aux ennemis de son bienfaiteur, Mutius tournait en ridicule, dans toutes ses harangues, la naissance et le caractère de Cicéron.

8. — Voyez De la Demande du Consulat.

9. — Verrès, suivant Asconius.

10. — Le soupçon que Cicéron jette ici sur Antoine, était aussi vraisemblable que propre à frapper l’esprit des Romains, encore épouvantés du souvenir de Spartacus.

11. — Sous prétexte de donner au peuple des spectacles de gladiateurs, Catilina, et, à son exemple, Clodius et tous les mauvais citoyens s’entouraient d’une troupe de sicaires, à la tête desquels ils commettaient toutes sortes de violences. Voyez la défense de Milon par Cicéron, et l’histoire de ce fameux procès. D’ailleurs, ce spectacle, donné sans motif par une créature de Catilina, pendant sa candidature, était un moyen indirect de capter les suffrages, et pouvait motiver l’accusation de brigue.

12. — Tout ce passage est corrompu. La leçon adoptée dans les dernières éditions d’Asconius : « Quamobrem augere etiam mercedes si vultis, Q. Mutium conantem legem impedire, ut coepit senatus, consules, prohibete, » présente un sens clair, mais en contradiction avec la suite des idées. Le moyen d’augmenter le prix auquel se vendaient les suffrages (mercedes) n’était assurément pas d’en rendre la vente impossible, en faisant passer la nouvelle loi, malgré l’opposition de Mutius. J’ai traduit comme si le texte portait si non vultis ; la particule négative, exprimée en abréviation par n, se sera facilement perdue sous la plume d’un copiste inattentif.

13. — La loi Calpurnia, en vertu de laquelle, deux ans auparavant (l’an de Rome 687) avaient été condamnés, comme convaincus de brigue, P. Autronius et P. Sylla, consuls désignés. L’un et l’autre furent complices de Catilina dans ses deux conjurations (Sallust. Catil., 18 — 29).

14. — Antoine, à la tête de quelques troupes de cavalerie de l’armée de Sylla, dévasta l’Achaïe ; il ne fut point étranger aux crimes des proscriptions ; enfin, il descendit dans l’arène et parut dans les courses de char, dont Sylla donna le spectacle en l’honneur de la victoire.

15. — Voyez De la Demande du Consulat, note 19.

16. — Voyez De la Demande du Consulat, note 19.

17. — Je lis ici, avec Patricius : Quid tu potes in defensione dicere ? Quod illi ? Quid, si illi ea in suâ defensione dixerunt quæ tibi dicere non licebil ?

18. — L. Luscius, centurion dans l’armée de Sylla, condamné, peu de temps auparavant, pour la part active qu’il avait prise aux proscriptions.

19. — César (l’an de Rome 689), pour relever la mémoire populaire du parti de Marius, cita en justice et fit condamner les assassins qui avaient servi les vengeances de Sylla ; mais il épargna Catilina, le plus coupable de tous. En vain L. Paullus accusa de nouveau ce monstre pour les mêmes crimes, Catilina fut encore absous (Cicer. ad Attic., I, 16 ; Sallust. Catil. 31 ; Dio Cass., tom. 65).

20. — Telle était alors la corruption des mœurs, que plus d’un mari cherchait à surprendre des jeunes gens avec sa femme, afin de se venger de leur affront par d’infâmes plaisirs.

21. Violaveris : il faut, je crois, lire avec Patricius, vi occupaveris, ou donner un sens équivalent au mot violaveris.

22. — On remarquera sans doute cette réticence singulièrement exprimée, neque alio nemine. Asconius pense qu’elle désigne Crassus, comme ayant été en secret l’âme de la conjuration de Pison et de Catilina. Suétone, en confirmant ce soupçon contre Crassus, lui associe César.

23. — Les éditions imprimées portent toutes quod avunculus nunquam impetrasset : « ce que ton oncle même n’eût jamais obtenu », sans que rien nous fasse connaître cet oncle maternel d’Antoine ou de Catilina, que Cicéron semble mettre en scène. Dans une note sur le commencement de cet alinéa, Asconius rappelle la part que prit Antoine aux courses de chars données par Sylla, et nous apprend que Boculus était un des plus fameux cochers du cirque. Il me semble donc clair : 1° que cette apostrophe s’adresse à Antoine ; 2° qu’il est question de Boculus dans le texte ; 3° et qu’ainsi, l’on ne peut mieux faire que d’adopter la leçon proposée par Ant. Augustin, évêque d’Alifi, et Sigonius, « quod a te Boculus, etc. » Cette ironie sanglante, qui, en rappelant une action honteuse d’Antoine, présente un cocher du cirque comme l’homme qui a le plus de pouvoir sur son esprit, est bien dans le goût de Cicéron.

24. Collatio centuriarum. Les candidats qui réunissaient les suffrages d’un plus grand nombre de centuries qu’il n’était nécessaire pour décider leur élection, pouvaient en céder une partie à celui des autres élus à qui ils voulaient assurer un des premiers rangs. C’était un apport fait par plusieurs personnes à la fois, une mise en commun, une collation. Voyez sur la forme de cette concession le savant ouvrage de Grucchius (N. de Grouchi) de Comitiis Romanorum, lib. I, cap. 4.

25. — L’orateur venait de rappeler encore une fois la conjuration tramée par Pison, depuis questeur en Espagne, et par Autronius, Sylla et Catilina.

26. — Ce passage est absolument corrompu. L’apostrophe, Judices ! appartient à un plaidoyer, et non à un discours prononcé devant le sénat. Plusieurs éditions portent jam emisisse… Quintumque Curium… Cette dernière leçon semble commencer une autre phrase ; aussi Schrévélius (édition de Basle, 1637) ajoute-t-il en note : extremum deest. Il est impossible, on le sent, et heureusement peu important de garantir l’exactitude de la traduction. Ce Q. Curius, à qui la dignité de questeur avait donné l’entrée du sénat, est sans doute le même que Quintus (De Pet. Cons., § III), cite comme l’ami de Catilina et d’Antoine.

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