Faust (Goethe, trad. Nerval, 1877)/Second Faust/Avertissement

Traduction par Gérard de Nerval.
Garnier frères (p. 183-184).
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AVERTISSEMENT
SUR LE SECOND FAUST ET SUR LA LÉGENDE




Le pacte infernal signé entre Faust et Méphistophélès ne s’est ni accompli ni dénoué entièrement dans le premier Faust de Gœthe. Lorsque Méphistophélès rappelle à lui le docteur au moment où Marguerite va marcher au supplice, le lecteur a pu supposer que l’âme de Faust tombait au pouvoir du démon, pendant que celle de Marguerite s’élevait au ciel, emportée par les anges. Le sens se trouve complet ainsi. Mais il restait pourtant à l’auteur le droit de continuer la vie fabuleuse de son héros et de mettre en œuvre le reste de la légende populaire, dont il s’était écarté dans l’épisode de Marguerite.

C’est ce que Gœthe a fait dans le second Faust, et nous avons dû, pour l’intelligence des deux ouvrages, donner aussi la source même où il s’était inspiré. On verra par là ce qui lui appartient en propre et ce qui forme le fonds commun où sont venus puiser tant d’auteurs qui ont traité le même sujet. Ainsi que nous l’avons annoncé ailleurs, nous avons traduit entièrement dans cette édition la partie du second Faust qui fut publiée en 1827, du vivant de l’auteur, sous le titre d’Hélène.

Le complément posthume de cette tragédie, qui a paru depuis dans ses œuvres complètes, ne se rattache plus aussi directement au développement clair et précis de la première donnée, et, quelles que soient souvent la poésie et la grandeur des idées de détail, elles ne forment plus cet ensemble harmonieux et correct, qui a fait du premier Faust un chef-d’œuvre immortel. Une analyse détaillée, mêlée des scènes les plus remarquables, entièrement traduites, nous a paru suffire pour guider le lecteur du dénoûment du premier Faust à ce magnifique acte d’Hélène, qui est véritablement la partie la plus importante du second Faust de Gœthe, et où se retrouve encore un beau reflet de ce puissant génie, dont la faculté créatrice s’était éteinte depuis bien des années, lorsqu’il essaya de lutter avec lui-même en publiant son dernier ouvrage.

Nous avons ensuite repris le récit de l’action secondaire qui se passe à la cour de l’empereur, et nous avons donné dans leur entier les scènes de la mort de Faust, dans lesquelles l’auteur semble s’être inspiré à son tour du poëme de Manfred de lord Byron, que son premier Faust avait évidemment inspiré. Notre travail se trouve ainsi complet, et l’examen analytique, reliant entre elles les grandes parties qui se correspondent, explique les scènes d’intermède et d’action épisodiques, fort diffuses et fort obscures pour les Allemands eux-mêmes.