Fables de La Fontaine (éd. 1874)/Épilogue du deuxième recueil

ÉPILOGUE


C’est ainsi que ma muse, aux bords d’une onde pure,
Traduisait en langue des dieux
Tout ce que disent sous les cieux
Tant d’êtres empruntant la voix de la nature.
Truchement de peuples divers,
Je les faisais servir d’acteurs en mon ouvrage :
Car tout parle dans l’univers ;
Il n’est rien qui n’ait son langage.
Plus éloquents chez eux qu’ils ne sont dans mes vers,
Si ceux que j’introduis me trouvent peu fidèle,
Si mon œuvre n’est pas un assez bon modèle,
J’ai du moins ouvert le chemin :
D’autres pourront y mettre une dernière main.
Favoris des neuf sœurs, achevez l’entreprise :
Donnez mainte leçon que j’ai sans doute omise ;
Sous ces inventions il faut l’envelopper.
Mais vous n’avez que trop de quoi vous occuper :
Pendant le doux emploi de ma muse innocente,

Louis dompte l’Europe ; et d’une main puissante,
Il conduit à leur fin les plus nobles projets
Qu’ait jamais formés un monarque.
Favoris des neuf sœurs, ce sont là des sujets
Vainqueurs du Temps et de la Parque.