Fables de La Fontaine (éd. 1874)/Le Loup, la Mère et l’Enfant

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XVI

LE LOUP, LA MÈRE ET L’ENFANT

Ce loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris :

Il y périt. Voici l’histoire :

Un villageois avait à l’écart son logis.
Messer loup attendait chape chute[1] à la porte ;
Il avait vu sortir gibier de toute sorte,
Veaux de lait, agneaux et brebis,
Régiment de dindons, enfin bonne provende.
Le larron commençait pourtant à s’ennuyer.
Il entend un enfant crier :
La mère aussitôt le gourmande,
Le menace, s’il ne se tait,
De le donner au loup. L’animal se tient prêt,
Remerciant les dieux d’une telle aventure,
Quand la mère, apaisant sa chère géniture,
Lui dit : Ne criez point ; s’il vient, nous le tuerons.
Qu’est ceci ! s’écria le mangeur de moutons :
Dire d’un, puis d’un autre ! Est-ce ainsi que l’on traite
Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ?
Que, quelque jour, ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette…
Comme il disait ces mots, on sort de la maison :
Un chien de cour l’arrête ; épieux et fourches-fières
L’ajustent de toutes manières.
Que veniez-vous chercher en ce lieu ? lui dit-on.
Aussitôt il conta l’affaire.
Merci de moi ! lui dit la mère ;
Tu mangeras mon fils ! L’ai-je fait à dessein
Qu’il assouvisse un jour ta faim ?
On assomma la pauvre bête.
Un manant lui coupa le pied droit et la tête :
Le seigneur du village à sa porte les mit ;
Et ce dicton picard alentour fut écrit :

« Biaux chires leups, n’écoutez mie
« Mère tenchent chen fieux qui crie[2]. »



  1. Une bonne occasion.
  2. « Beaux sires loups, n’écoutez pas mère tançant son fils qui crie. »