Pour les autres éditions de ce texte, voir La Colombe et la Fourmi.

XII

LA COLOMBE ET LA FOURMI

L’autre exemple est tiré d’animaux plus petits.

Le long d’un clair ruisseau buvait une colombe,
Quand sur l’eau se penchant une fourmis[1] y tombe ;

Et dans cet océan on eût vu la fourmis
S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d’herbe dans l’eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la fourmis arrive.
Elle se sauve. Et là-dessus
Passe un certain croquant[2] qui marchait les pieds nus :
Ce croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu’il voit l’oiseau de Vénus,
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu’à le tuer mon villageois s’apprête,
La fourmi le pique au talon.
Le vilain retourne la tête :
La colombe l’entend, part, et tire de long.
Le souper du croquant avec elle s’envole :
Point de pigeon pour une obole.

  1. La Fontaine a ajouté une s au mot fourmi pour éviter l’hiatus.
  2. Un inconnu, un aventurier.