Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Le Brigand et le Mûrier

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Brigand et le Mûrier.

Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 95r).

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LE BRIGAND ET LE MÛRIER


Un brigand, ayant assassiné un homme sur une route, et se voyant poursuivi par ceux qui se trouvaient là, abandonna sa victime ensanglantée et s’enfuit. Mais des voyageurs qui venaient en sens inverse, lui demandèrent ce qui lui avait souillé les mains ; il répondit qu’il venait de descendre d’un mûrier. Comme il disait cela, ceux qui le poursuivaient le rejoignirent, le saisirent et le pendirent à un mûrier. Et le mûrier lui dit : « Je ne suis pas fâché de servir à ton supplice : c’est toi en effet qui as commis le meurtre, et c’est sur moi que tu en as essuyé le sang. »

Il arrive souvent ainsi que des hommes naturellement bons, quand ils se voient dénigrer par des calomniateurs, n’hésitent pas à se montrer méchants à leur égard.