Exégèse des Lieux Communs/124
CXXIV
La Science.
Et voici le labarum des imbéciles. La Science ! Avant le vingtième siècle, la médecine, pour ne parler que de cette gueuse, n’avait aucun besoin de la science et daignait à peine s’en recommander. Depuis fort longtemps, elle croupissait dans les déjections de ses malades. Maintenant elle piaffe dans sa propre ordure.
La putréfaction se plaignait de n’avoir pas son prophète. Alors Pasteur est venu, Pasteur au nom doux et mélibéen, et le Microbe, en retard de soixante siècles sur la création, est enfin sorti du néant. Quelle révolution ! À partir de lui, tout change. La recherche de la petite bête remplace l’ancien esprit des Croisades. On ne connaît plus que la science. On ne veut plus rien savoir, sinon la science, et chaque matassin revendique son animalcule. Tous les sérums, toutes les pestes liquides, tous les écoulements des morts, tout ce qui se passait naguère au fond des sépulcres, est aujourd’hui restitué à la lumière, préconisé, mobilisé, injecté, avalé. La rage, la tuberculose et le choléra sont devenus des apéritifs ou des pousse-café. Le moujick de la bande vient de découvrir même un jus contre la vieillesse. Il ne tient qu’aux parents d’avantager leurs enfants de quarante ferments d’infection, dès le berceau, et de faire de leurs corps des vases de purulence. Ils sont à l’Institut Pasteur tout un lot de citoyens utiles exclusivement voués à la recherche des moyens de pourrir.
— Oui, monsieur, on les loge pour ça ! me disait, il y a quinze jours à peine, l’interne de la place de la Concorde, et l’illustre empoisonneur Jenner, à qui l’Europe contemporaine est redevable de sa vacherie, ne trouverait plus de litière pour lui-même dans cette maison !…
Ce qui fut, autrefois, la cinquième d’entre les Sept pointes de flammes de la coiffure impériale du Vagabond, la divine Science est devenue quelque chose de si bas que le Bourgeois y pense atteindre. Faut-il que cette Valeur soit dépréciée pour qu’un imbécile tel que Zola, par exemple, ait l’audace de la tripoter sous les yeux d’un peuple si déchu que nul ne songe à cracher au visage de l’affronteur !
Ah ! que celui-là représente bien cette relavure de l’espèce humaine, cette gringuenaude des siècles qui se nomme le Bourgeois contemporain ; et qu’il doit lui aller au cœur, lorsqu’à tout propos, il invoque ce qu’il ose appeler la Science, dans les pages souillées et indéchiffrables de ses romans vomitifs ! La science pour aller vite, la science pour jouir, la science pour tuer ! La science avilie jusqu’à paître les propriétaires, jusqu’à nettoyer le chenil des brutes féroces dont le Pauvre est épouvanté !