Essais et Notices - Les commencemens d’un poète

Essais et Notices - Les commencemens d’un poète
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 20 (p. 424-432).
ESSAIS ET NOTICES

LES COMMENCEMENS D’UN POÈTE [1]

On connaît l’amusante suscription que Victor Hugo avait griffonnée à la page liminaire d’un des cahiers contenant les premiers essais de sa précoce jeunesse : « Les bêtises que je faisais avant ma naissance. » Mais Hugo avait vingt ans quand parut son premier volume de vers J’ai entre les mains le recueil, non destiné au public, des « bêtises » d’un poète dont la « naissance » officielle eut lieu, — chose peut-être unique dans toute la littérature, — à quarante-huit ans. Je voudrais essayer de dire tout l’intérêt que me paraissent offrir ces Vers de jeunesse d’Auguste Angellier.

C’est en 1896, à quarante-huit ans, je le répète, qu’Angellier publia son premier livre de vers : A l’amie perdue. Les cent soixante-dix-huit sonnets qui composent l’ouvrage avaient été écrits en quelques semaines, en 1893 : le poète hésita près de trois ans à les publier. Il n’était jusqu’alors connu d’un public d’ailleurs assez clairsemé, — pour ne rien dire de deux livrets un peu scolaires, — que par deux opuscules, une Étude sur la Chanson de Roland et une Étude sur Henri Regnault, et surtout par une très belle, encore qu’un peu longue. Étude sur la vie et les œuvres de Robert Burns. Il avait, presque de tout temps, écrit des vers, sauf pourtant pendant la longue période où il préparait et rédigeait son Burns : entre ces années 1881 et 1893, il s’était volontairement interdit la poésie, ou, plus exactement encore, il ne s’était permis que quelques rares pièces de circonstance. Mais, de 1867 à 1881, il avait composé un certain nombre de vers : la plupart ont paru dans des journaux locaux, la Saison, de Boulogne-sur-Mer, ou la France du Nord ; d’autres étaient restés inédits. Angellier se proposait de les recueillir en un volume à tirage très restreint, qu’il voulait offrir aux seuls amis de sa jeunesse. Un fidèle ami du poète, le docteur Louis Ovion, a réalisé son vœu. Rarement publication posthume aura jeté plus vive lumière sur les origines et la formation d’un grand talent.

Et d’abord, Angellier a fait comme tous les poètes, ou, pour mieux dire, comme tous les écrivains : il a commencé par imiter, ou, tout au moins, par se souvenir.

Ou bien je franchissais le portail tourmenté
D’un poème effrayant comme une cathédrale
Où, sur le cœur humain, le vers dur, attristé,
Tombe comme un cercueil qu’on pose sur la dalle.

Certes, les deux derniers vers sont beaux, et l’image est originale. Mais ne font-il pas invinciblement chanter dans notre mémoire l’adorable strophe de Sully Prudhomme :

Parfois un vers, complice intime, vient rouvrir
Quelque plaie où le feu désire qu’on l’attise ;
Parfois un mot, le nom de ce qui fait souffrir.
Tombe comme une larme, à la place précise
Où le cœur méconnu l’attendait pour guérir ?…

Voici, dans une même strophe, deux réminiscences de Musset :

Souvenir ! Souvenir ! frère de l’Espérance,
Avec ta blonde sœur le seul bien ici-bas,
Le seul bien qui soit pur de l’amère souffrance.
Qui nous reste fidèle et ne nous trompe pas !

Le poète, sans s’en douter peut-être, a reproduit ici un hémistiche de l’Espoir en Dieu :

L’amour même, l’amour, le seul bien d’ici-bas,

et un autre de la Nuit de mai :

Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance !

Mais de toutes les influences poétiques qu’Angellier a pu subir, la plus décisive et la plus constante me semble bien avoir été celle de Victor Hugo. A une amie qui partait pour l’Italie, il envoie un volume du poète des Orientales, — peut-être les Contemplations, — avec ces vers très significatifs :

Emportez, en partant, ce livre où ma pensée,
Selon les jours heureux ou les jours de malheur,
Joyeux, a retrouvé quelque joie effacée.
Ou triste, quelque ancienne et profonde douleur.

Lisez-le, c’est un grand et sublime poète
Qui sait du cœur humain tout comprendre et sentir,
Et qui, pour acquérir la gloire, qu’on n’achète
Qu’à force de douleurs, a dû beaucoup souffrir.

J’ai marqué du crayon maint frais et doux passage
Qui parle du printemps, des enfans ou des fleurs ;
Maint triste et sombre aussi, car sur plus d’une page
Vous y pourrez revoir la trace de mes pleurs.

Et il va sans dire que cette admiration se traduit par des imitations ou des réminiscences. Par exemple, ces vers d’une fort belle pièce intitulée Placidum mare :

Que vous font les troubles du monde ?
La mer vous donne sa profonde.
Son immense sérénité,

ne sont-ils pas comme un écho, lointain peut-être, discret et subtil, reconnaissable pourtant, de ces vers de Hugo, dans la célèbre pièce des Voix intérieures, À l’Arc de triomphe :

Nul ne sait, question profonde.
Ce que perdrait le bruit du monde,
Le jour où Paris se tairait ?

Mais si l’influence de Victor Hugo sur l’auteur de l’Amie perdue ne se manifestait que par quelques réminiscences, il n’y aurait guère lieu d’y insister. Or, parmi des différences qui sautent aux yeux, c’est bien, chez les deux poètes, la même abondance verbale, la même largeur de souffle, le même goût des développemens copieux, drus, parfois même un peu redondans, la même façon de frapper et de lancer le vers, ample, sonore, robuste, puissamment impérieuse. Reprenons la pièce que nous venons de citer : elle est datée de 1871. Le poète s’adresse aux pêcheurs dont il envie le sort :

Si la tempête éclate ardente,
Si vous êtes dans la tourmente,

Mieux vaut lutter contre les flots
Que prendre les hommes pour cibles ;
Mieux valent vos dangers terribles
Que nos crimes, 6 matelots.

Que si vous y périssez même,
Eh bien ! je vous envie et j’aime,
Avoir un bateau pour cercueil,
Pour tueur le vent redoutable,
Pour mon oreiller d’or le sable,
Et l’Océan pour mon linceul.

Plutôt que tomber dans la boue.
Dans un chemin où, sur ma joue,
Les canons pesans passeront,
D’avoir pour meurtrier un frère,
D’avoir la fange pour suaire,
Et de la honte sur le front.

C’est le mouvement même de quelques-unes des plus belles pièces de Hugo. Lisons encore la pièce, qui date de la même époque, A l’empereur d’Allemagne : ce n’est pas le jugement d’un historien, c’est la vengeresse imprécation d’un poète :

Assis dans son fauteuil, le vieil empereur veille ;
Depuis longtemps déjà il ne peut plus dormir :
Il sent que le remords, qui jamais ne sommeille,
Est un dur compagnon qu’on ne peut assoupir.

Il murmure tout bas des paroles rapides.
Les coudes sur la table et le front dans les mains.
Dans ces mains de vieillard que creusent moins de rides
Qu’elles n’ont fait creuser de sépulcres humains…
....................
Malheur ! il veut roidir son corps tremblant qui bouge :
Il est environné par un brouillard sanglant.
Il demeure hagard. Tout ce qu’il voit est rouge ;
Que de sang ! que de sang ! O vieux roi, que de sang !

Le tapis de table est rouge, rouges ces pages.
Rouge le grand fauteuil qui lui sert à prier ;
La lampe a la clarté des rouges soirs d’orages.
Et C’est du sang qu’il voit dans son large encrier.

Qu’est-ce qui donc a teint en grenat ces tentures ?
Qu’est-ce qui donc a teint en pourpre ces lambris ?
— C’est le sang s’écoulant, à flots, par les blessures
De deux peuples entiers, qui les a cramoisis…
....................


— C’est l’implacable flot qui pendant cette guerre
S’est écoulé des corps de tant de malheureux.
S’ils dorment aujourd’hui si blêmes dans la terre,
C’est que ce qu’ils avaient de sang est sous tes yeux.

Du sang ! du sang partout ! C’est désormais ta vie.
Tu désirais la pourpre, et tu l’as maintenant.
Ta mémoire, après toi, demeurera rougie :
De ton ambition Dieu fait ton châtiment.

Une marque qu’aucun diadème ne cache
Restera sur ton cœur et sur ton front pâli[2] :
La mer y passerait sans emporter la tache.
L’histoire y passera sans apporter l’oubli.

Ces vers pourraient figurer avec honneur dans les Châtimens ou dans l’Année terrible. Et j’en dirais autant d’une très belle pièce que je voudrais pouvoir citer tout au long, et qui, intitulée le Pensionnat de Neuilly, relate l’un des plus tristes épisodes de la Commune :

Elles s’en allaient deux à deux,
Toutes joyeuses, de l’église…
................
On sentait, comme dans les fleurs,
Un parfum d’âmes entr’ouvertes ;
printemps, dans ces jeunes cœurs
L’espoir ouvrait ses feuilles vertes…

La mitraille des soldats de Versailles éclate et hache littéralement « le frais pensionnat. »

En voyant épars dans le sang
Ces doux corps dont pas un ne bouge,
On aurait dit des fleurs dormant
Sur un manteau de velours rouge.

Une autre pièce, datée de 1868, a obtenu, en 1872, au concours de l’Académie des jeux floraux de Toulouse, un souci d’argent. Elle est intitulée Dans les Champs, et elle a pour épigraphe quelques vers des Contemplations. Elle débute ainsi :

C’était un jour d’été, je revenais le soir ;
L’ombre faisait trembler le sommet des collines,
Les oiseaux s’endormaient dans les buissons d’épines,
Et les troupeaux lassés allaient à l’abreuvoir.

Les deux vers que j’ai soulignés, le dernier surtout, me semblent de toute beauté. On ne saurait traduire en moins de mots, et en des mots plus parlans, une fine, une originale notation pittoresque. On ne saurait, en un seul vers mieux rythmé, plus sobrement évocateur, mieux enfermer tout un large tableau rustique. Comme la démarche lente, harassée des bœufs qui rentrent du labour est bien rendue par ce grand vers alangui où l’on entend véritablement leur pas feutré, hésitant et lourd ! Je n’ose dire que c’est là du Victor Hugo, car tous les vrais poètes ont de ces vers-là, directs, forts et simples, qui font lever devant nos yeux toute une longue suite d’images familières, mais n’est-il pas vrai que ces deux vers sont exactement de la même famille que ceux de la Tristesse d’Olympio, par exemple :

Les grands chars gémissans qui reviennent le soir,

ou que ces autres encore :

Comme un essaim chantant d’histrions en voyage
Dont le groupe décroît derrière le coteau ?

Mais on peut être de la même famille sans subir l’influence l’un de l’autre ; et d’ailleurs, subir une influence n’est pas nécessairement manquer d’originalité. Ce sont les médiocres qui ne subissent pas d’influence : leur personnalité étant inexistante, ils n’ont pas à en prendre conscience, à la dégager des élémens étrangers qui en arrêtent et, parfois, risquent d’en étouffer le développement. Or, c’est précisément à quoi servent les grandes œuvres que l’on aime, que l’on admire et que l’on imite pour tâcher de rivaliser avec elles : elles nous révèlent à nous-mêmes notre idéal intérieur, notre tempérament, le fond même de notre nature ; nous nous reconnaissons, nous nous aimons en elles, et quand nous nous inspirons d’elles, c’est de nous-mêmes encore que nous nous inspirons. Sous leur impulsion, nous essayons de réaliser nos secrètes virtualités. Il est fort possible que, si Angellier n’avait pas lu, relu et su par cœur du Victor Hugo, il n’aurait pas été tout ce qu’il a été ; mais ce n’est pas Hugo qui l’a fait poète ; et aussi bien, bénie soit l’influence de Victor Hugo, si c’est cette influence qui lui a fait trouver des vers comme ceux-ci :

Le lis au doux et blanc pétale
Vierge encore des frelons dorés,

ou comme ceux-ci encore :

C’en est donc fait ! La guerre horrible est de retour,
Non pas celle des camps, — celle du carrefour…
Pas celle que la Nuit couvre de sa splendeur,
Où les étoiles d’or pleurent comme des frères
Les pauvres morts épars, — celle des réverbères,
Du lourd brouillard sanglant qui monte d’un charnier,
Et que l’ouragan même hésite à dissiper,

ou comme ceux-ci enfin :

Mais un soir, je m’en vins lentement, quand la lune
Fauche l’azur du ciel de sa faucille d’or
Et fait tomber d’en haut sur la peine commune
Sa moisson de sommeil et d’oubli, doux trésor.

Quelle étonnante image et quelle admirable strophe ! La pièce d’où elle est extraite est dédiée à Tennyson. Si ce dernier, en les lisant, n’a pas été jaloux de ces vers, s’il n’a pas senti au cœur ce petit coup que connaissent bien tous les amoureux de la vraie poésie, s’il ne s’est pas dit : « Celui-là est digne de figurer dans la phalange sacrée, » j’en serais infiniment surpris, et un peu scandalisé. Et que d’autres vers encore, pleins, forts, sonores, et comme gorgés de sève, on pourrait cueillir dans ces poésies de jeunesse !

… Ces sinistres faucheuses
Qui rasent par rangs drus les lourds seigles humains…

Les pesans régimens, tout enivrés de gloire
Et cadençant leur pas sur un chant de victoire.
Passent avec des fleurs au bout de leurs fusils…

Il consume sa vie au brasier de son rêve…

Si je tiens mon honneur comme un diamant dur
Qu’aucun désir n’a pu briser sur son enclume…

Je ne veux pas mourir avant d’avoir été…

Le vent léger du soir s’endort sous la feuillée
Encor tout parfumé par le baiser des fleurs…

Quand la nuit bleue épand le sommeil de ses urnes…

La fine poudre d’or qui tombe quand le soir
Vide le sablier du jour…

Mais je ne voudrais pas laisser croire que le poète de l’Amie perdue ne vaut, — comme les poètes de troisième ou quatrième ordre, — que par de beaux vers isolés ; il a le souffle, il a le mouvement, il a la continuité de l’élan poétique. Entre autres développemens rythmiques dignes d’attention, et qui pouvaient faire pressentir telle ou telle page des futurs recueils Dans la lumière antique, je choisis celui-ci, que j’emprunte à un fort beau poème composé, en 1881, en l’honneur de l’inventeur boulonnais Frédéric Sauvage :


Qu’il existe, au delà du noir trépas, un juge
Grand et doux, qui, sachant que l’homme est un roseau
Qui croît au bord du mal ainsi qu’au bord de l’eau,
Pèse avec des poids d’or le mérite et le vice
Avec des poids de fer, afin que sa justice
Du côté du pardon incline le fléau ;
Ou bien que, de la vie ainsi que d’un radeau
Nous tombions naufragés dans l’insondable gouffre
Où va s’engloutissant tout ce qui vit et souffre,
Dissous, anéantis, ne laissant après nous
Que quelques souvenirs semblables aux remous
Qui marquent un instant l’endroit où l’on s’enfonce,
Quel que soit le secret inconnu, la réponse
A l’énigme du sphinx assis sur un tombeau...


Dans un article d’ensemble sur Auguste Angellier, plus tard, quand on aura exhumé de ses carnets de voyage, de ses essais manuscrits, de ses notes intimes, de ses lettres, tout ce qui mérite d’en être sauvé, il y aura lieu, sans doute, d’étudier de plus près ces Vers de jeunesse, d’en indiquer, avec les rares qualités, les menus défauts, d’en extraire aussi quelques indications sur l’évolution morale et littéraire du poète. Aujourd’hui, mon dessein, plus modeste, est tout simplement de glaner, dans un recueil destiné à de rares lecteurs, quelques fleurs de poésie sur lesquelles le grand public a bien quelques droits, lui aussi. Mais il y a une question, évidemment insoluble, curieuse pourtant, et que je ne saurais m’abstenir de soulever en terminant.

Qu’il y ait eu chez Angellier non seulement une âme, un tempérament, mais encore un talent de vrai poète, c’est ce que ce recueil juvénile suffit amplement à démontrer. Supposons qu’il s’en fût tenu là, et qu’à trente-trois ans il eût cessé d’écrire des vers. On aurait pu lui appliquer les deux vers involontaires et si souvent cités de son compatriote Sainte-Beuve :


Il existe en un mot chez la plupart des hommes
Un poète mort jeune à qui l’homme survit ;


et comme pour quelques-uns de ses contemporains, M. Anatole France, M. Paul Bourget, M. Jules Lemaître, on aurait pu se demander pourquoi il avait renoncé à la poésie, et ce qui, de sa poésie, avait passé dans sa prose. Mais ici le tempérament poétique a été le plus fort, et. après une quinzaine d’années de labeur critique et de simple prose, on a vu reparaître le poète plus mûr, mieux muni, plus riche d’expérience, de réflexion, de culture et de talent : il a pu donner coup sur coup, en quinze ans, sept recueils de vers, et il s’apprêtait à en publier deux ou trois autres quand il est mort. Il est devenu le poète de l’Amie perdue, des Chrysanthèmes, de Decenter mori, de la Tristesse de l’Aurore, de Lucius matris, de Niobé. Il a pris rang non seulement parmi ceux qui sont l’ordinaire butin des auteurs d’Anthologies, mais encore parmi ceux que les historiens de la littérature accueillent et retiennent. Pour ne rien dire ici des poètes encore vivans, croit-on que l’avenir, l’impartial avenir placera Angellier très loin de Sully Prudhomme et de Verlaine ? Et même, — c’est la question que posent ses Vers de jeunesse, — n’aurait-il pas pu, s’il l’avait voulu, monter plus haut encore ? On songe par contraste à Victor Hugo s’écriant à seize ans : « Je veux être Chateaubriand, ou rien, » à sa volonté si fermement arrêtée, à la continuité persévérante et obstinée de son ambition et de son effort. Si Angellier avait eu une ambition et une volonté analogues, si, jusqu’à quarante-cinq ans, il avait donné au labeur poétique tout son temps et tous ses loisirs, au lieu de s’y « divertir » en passant, à ses heures, n’aurait-il pas laissé une œuvre plus, imposante, plus complète et plus parfaite que celle qu’il nous a léguée ? Ou bien, tout est-il bien ainsi, et, les poètes comme les livres ayant leur destinée, sa poésie a-t-elle bénéficié d’une production un peu tardive, et a-t-elle gagné, en spontanéité et en ferveur d’émotion, à ne pas avoir été soumise trop tôt à une impérieuse discipline, à avoir même été contenue, refoulée, recueillie dans le cœur du poète, comme un subtil parfum dans un vase précieux. La question est peut-être oiseuse, et, en tout cas, insoluble, puisque nous ne connaîtrons jamais le mystère de la production littéraire. Inférieure ou non à son talent, l’œuvre d’Angellier existe, elle s’est imposée au public et à la critique, et c’est cela seul qui importe. Il n’est aucun de ses lecteurs qui ne souscrive à ce qu’il disait un jour de lui-même :


Je ne partirai pas sans laisser quelques gerbes ;
Et lorsque l’avenir vannera mes épis,
Peut-être mettra-t-il près des chants plus superbes
Mon hommage modique aux vieux murs assoupis.


Que l’ombre du poète soit satisfaite ! Les historiens de l’avenir ne l’oublieront pas.


VICTOR GIRAUD.

  1. Auguste Angellier, Vers de jeunesse, 1 vol. in-16. Lille. Imprimerie L. Danel. Le volume n’est pas mis dans le commerce. Les quarante et une pièces qui le composent sont disposées dans l’ordre chronologique.
  2. Encore une fin de vers de Victor Hugo :

    Puisque j’ai dans tes mains posé mon front pâli…

    (Chants du Crépuscule, XXI.)