Essai sur le perfectionnement des arts chimiques en France/Introduction

ESSAI


SUR LE PERFECTIONNEMENT


DES


ARTS CHIMIQUES


EN FRANCE.


Jusqu’ici les Français n’ont tenu que le second rang parmi les peuples manufacturiers de l’Europe ; cependant notre position géographique, nos richesses territoriales, notre caractère national, paroissoient nous avoir destinés pour occuper le premier : par quelle fatalité ne sommes-nous pas à la place que la nature nous a marquée ?

Plusieurs causes me paroissent avoir amené cette interversion de l’ordre naturel.

1.o Les préjugés, qui classoient les fabriques parmi les métiers abjects, et en écartoient les talens et les capitaux.

2.o Un mauvais système d’administration, qui ne voyoit dans les fabriques qu’une source d’impôt, et jamais la base principale de la prospérité publique.

3.o Le manque absolu de tout esprit national, et le plus scandaleux engouement pour toutes les productions étrangères.

Ces causes de destruction ont disparu, et nous restons avec tous nos premiers avantages. La révolution nous en a même préparé de nouveaux : car en détruisant la vénalité des magistratures, et supprimant les corporations, elle force la fortune et les talens à refluer dans les ateliers de fabrique ou dans les travaux de l’agriculture.

Il se prépare donc un nouvel ordre de choses, qui sera tel que, si nous savons le diriger, la France se placera d’elle-même au premier rang parmi les nations manufacturières. Ses belles destinées sont prévues, senties et redoutées par nos ennemis : il est de leur intérêt, il tient à leur existence politique de les contrarier, de les étouffer. Ce n’est qu’en se faisant un système de conduite bien approfondi, que le Gouvernement français pourra se sauver des écueils dont les préjugés, l’intérêt de l’étranger, ou la malveillance, vont l’entourer à la paix. Je bornerai ses devoirs, à cet égard, à trois moyens également faciles.

Le premier de tous consiste à former des fabricans éclairés.

Le second se borne à rendre la fabrication plus économique.

Le troisième a pour but d’indiquer aux fabricans, sur le sol de la République, les emplacemens les plus convenables aux divers genres de fabrication.