Essai de psychologie/Chapitre 53

(p. 181-183).

Chapitre 53

De l’ordre.


Chaque chose a ses qualités, ses déterminations particulieres qui font qu’elle est ce qu’elle est.

Ces qualités donnent naissance aux rapports qu’on observe entre les choses. Ces rapports constituent l’ordre.

L’ordre est donc quelque chose de très-réel, puisqu’il dérive de l’essence même des êtres, et que cette essence a sa raison dans l’entendement divin, source éternelle de toute réalité.

Agir d’une maniere conforme à l’ordre, c’est agir d’une maniere conforme aux rapports qui sont entre les choses : c’est en user à l’égard de chaque être relativement à sa nature ou à son mérite. Traiter un animal comme un caillou, un homme libre comme un esclave, un Montesquieu comme un Spinosa, c’est agir d’une maniere contraire à l’ordre. L’ame a sa nature, ses facultés d’où dérivent ses rapports aux êtres environnans. La loi naturelle est l’effet de ces rapports.

L’ame observe cette loi, ou ce qui revient au même, l’ordre, lorsqu’elle agit conformément à sa nature ou à ses rapports.

L’ame a le sentiment des rapports. Le tempérament, l’éducation, l’habitude le rendent plus ou moins vif. Ce que quelques philosophes ont nommé instinct moral ne se réduiroit-il point à ce sentiment ?

Mais, pourquoi l’ame éprouve-t-elle certains sentimens à la présence de certains objets ? Telle est sa nature : tels sont les rapports qu’elle soutient avec ces objets. L’ame a ces Sentimens comme elle a la sensation de la chaleur.

Les idées de juste & d’injuste, d’honnête & de déshonnête, de vertu & de vice, de bien & de mal se réduisent à celles d’ordre & dedésordre.