Essai de psychologie/Chapitre 2

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Chapitre 2

de l’état de l’ame à la naissance.


Ce n’est proprement qu’à la naissance que la force motrice de l’ame commence à se déployer. Diverses circonstances concourent alors à mettre l’ame dans une situation incommode & douloureuse, qui s’annonce souvent par des cris & toujours par des mouvemens plus ou moins sensibles de tout le corps. Les esprits qu’une puissance aveugle chasse indistinctement dans tous les muscles, les secouent & les contractent fortement. Les membres auxquels ces muscles aboutissent, dégagés des liens qui les tenoient auparavant enchaînés, cedent avec docilité aux impressions qu’ils reçoivent & sont agités en différens sens. Cette agitation se communiquant par le moyen des nerfs à la partie du cerveau qui répond à ces membres, l’ame acquiert le sentiment de leur existence. Mais ce sentiment est confus : l’ame ne distingue point encore la main du pied, le côté droit du côté gauche. Ce n’est que par une suite d’expériences ou de tatonnemens, qui commencent peut-être avant la naissance, que l’ame s’habitue à rapporter à leur véritable lieu les sensations qu’elle éprouve & à ne mouvoir précisément que les membres qu’il faut mouvoir. On peut imaginer que l’ame commet d’abord bien des méprises, mais ces méprises cessent peu à peu. Bientôt les esprits sont dirigés d’une maniere plus convenable : la main ne reçoit plus des ordres qui s’adressent au pied ; le pied ne reçoit plus les ordres qui s’adressoient à la main : l’ame apprend à régner.