Epistre envoiée au Tigre de la France

Pour les autres éditions de ce texte, voir Épître au Tigre de France.

Epistre envoiée au Tigre de la France
Christian Mylius (p. 1-13).


EPISTRE
ENVOIEE
AV TIGRE DE
la France.


Il entend, me ſemble, le cardinal de Loraine.


Richard Donokus

Libuz de bollo simli Gallus. 74. Gusfam ducem Tipzedem, Caridinate Gurfarne eczu matzen. magnu marfuprum, Lupam nominabant.

to la legrande on card. de Los Sine.

I's fient pending Martiny Homet and auwit imprimeste Tyore de la tran

"on le Cardinal ante fortes for
EPISTRE

Enuoyée au Tigre de

la France


Tigre enragé, Vipere venimeuſe, Sepulcre d’abominatiõ, ſpectacle de malheur : iuſques à quand ſera ce que tu abuſeras de la ieuneſſe de noſtre Roy ? ne métras tu iamais fin à ton ambition demeſuree, à tes impoſtures, a tes larcins ? Ne vois tu pas que tout le monde les ſcait, les entend, les congnoiſt ? Qui pence tu qui ignore tõ deteſtable deſſeing, & qui ne liſe en ton viſage le malheur de tous tes iours, la ruine de ce Royaume, & la mort de noſtre Roy ? Ie ne veux d’autre teſmongnaige pour te conuaincre que tes propres actiõs, Tu ſcais bien que viuant le Roy Francoys premier (le jugement duquel étoit admirable) tu n’oſois comparoiſtre deuant luy, & qu’il defendit au feu Roy Henry ſon fils, que toy ny les tiens n’euſſiez aucune intelligence de ſes affaires, Mays toy voyant que ta vertu ne t’y pouuoyt conduire, tu veins à implorer layde des femmes & demander leur alliance, enuers leſquelles apres t’en étre preualu, tu as eſté non moins ingrat, que tu fus cruel a ton propre oncle, lequel eſtant caſſé & debilité de vielleſſe & de maladie, tu contraignis d’auãcer ſes iours par le voyage de Rome, pour la faim qui te rongeoit inceſſamment de ſa dépouille. Auec tels maniemẽs tu entras aux maniemens des affaires de ce Royaume, dont depuis il n’à eſté que miſerable : car il n’à eſté fait, dit, ne penſé choſe par toy, qui ne reuienne au dommage de la Frãce, & au profit de ta maiſon. Qui fut l’ẽtree de la guerre d’Allemaigne ? ne fuſſe pas toy ? Si ie te demãde la raiſon, me diras tu que c’étoit pour bien que tu ſouhétois à la couronne de France ? Tu n’eſtois pas ſi peu mallin en ce temps la, que tu n’entendiſſes bien ou telle entrepriſe pouuoyt reuenir : mais la cupidité te mordoit de faire grande la maiſon de ton couſin, & l’eſperance que tu te propoſois de l’Eueſché de Metz. Et auſsi que par ce voyage, tu aſſeurois tes biens & auancoys la fortune de ton frere aiſné.

Toutes ces choſes la, & quelques autres que toy & moy ſcauõs bien, feirent prendre les armes au feu Roy Henry, Qu’en eſt il aduenu ? la mort d’vne infinité de vaillans hommes, la poureté vniuerſelle de ce Royaume, fors qu’ẽ ta maiſon : la perte de trois batailles le delaiſſement du pais conquis. Tu me diras que ce n’à pas eſté à ton occaſiõ. As tu iamais parlé de la Paix, que lorsque n’oſas parler de la guerre ? N’as tu pas fait vng voyage à Rome, & deuers tous les potentas d’Italie, parmy les neiges & les glaces, au pluſ grand froid de l’yuer ? pour faire la guerre à Naples, lors que les affaires étoyẽt plus bouillãs par deca entre l’Empereur Charles, le grãd guerroier, & le feu Roy Henry ? Tu ſcauois bien que nos forces vnies luy pouuoyent bien reſiſter ? & tu les as voulu ſeparer & diuiſer au milieu du plus grand danger, mais l’on aperceut ta malice & méchanceté : car outre ce que tu fus deſauoué par le feu Roy, la Treſue fut arreſtee ſans attẽdre ton retour. Mais dy moy braue negociateur, (la diligence duquel pour faire vne méchanceté n’eſt point retardé par neiges, par les glaces des Alpes, ny de l’Apenyn) as tu iamais fait demõſtration de vouloir la Paix ? Si tu me parle du chaſteau Chambreſi, ie te dy que tu n’y auois aucune puiſſance : mais le tout deſpẽdoit du Cõneſtable de France, auec lequel tu eſtois allé pour te inſinuer en ſon amitié, eſtant ia auerti du congé q̃ l’on te minutoit.

Mais que me reſpondras tu, quand ie te diray qu’encores que le voyage de Naples fut vne foys rompu, tu fis tant par tes impoſtures, que ſoubs l’amitie fardee d’vn Pape diſsimulateur, ton frere aiſné fut fait chef de toute l’armee du Roy, pours’en feruir a fe faire Roy luy meſmes, & ſi le Pape fut mort à te faire Pape.

Quand ie te diray que pour auoir diminué la France de ſes forces, tu as fait perdre au feu Roy vne bataille, & la ville de ſainct Quentin. Quand ie te diray que pour rompre la force de la Iuſtice de France, & pour auoir les iuges corrumpus & ſemblables à toy, tu as introduict vng ſemeſtre à la court de Parlement. Quand ie te diray q̃ tu as fait venir le feu Roy

pour
pour te ſeruir de miniſtre à ta méchanceté

& impieté. Quand ie te diray que les fautes des finances de France ne viennent que de tes larcins. Quand ie te diray qu’vng mary eſt plus continent auec ſa femme que tu n’es auec tes propres parentes. Si ie te dy encores que tu tes emparé du gouuernement de la France, & as deſrobé ceſt hõneur aux Princes du ſang, pour mettre la courõne de France en ta maiſon : que pourras tu reſpondre : Si tu le confeſſes, il te faut pendre & eſtrangler : ſi tu le nye, ie te convaincray. Tu fais mourir ceux qui conſpirent contre toy, & tu vis encores qui as conſpiré contre la couronne de France, contre les biens des vefues & des orfelins, contre le ſang des triſtes & des

A v nocens.
innocens. Tu fais profeſsion de preſcher

de ſaincteté, toy qui ne congnois Dieu que de parolle, qui ne tiens la religion Chreſtienne que cõme vn maſque pour te deguiſer, qui fais ordinaire trafique, bãque & marchandiſe d’Eueſchez & de benefices, qui ne vois rien de ſainct que tu ne fouilles, rien de chaſte que tu ne violles, rien de bon que tu ne gaſtes. L’hõneur de ta ſœur ne ſe peut garentir d’auec toy. Tu laiſſes ta robe, tu prẽs l’eſpee pour l’aller voir. Le mary ne peut eſtre ſi vigillant, que tu ne decoyues ſa fem̃e. Monſtre deteſtable chacun te congnoit, chacun t’apercoit, & tu vis encores ? N’oys tu pas crier le ſang de celuy que tu fis eſtrangler dans vne chambre du boys de Vincennes ? S’il eſtoit

ble,
coupable, que n’a il eſté puny publiquement ?

Ou ſont les teſmoingts qui l’ont chargé ? Pourquoy as tu voulu en ſa mort rõpre & froiſſer toutes les loix de France. Si tu pẽcoys que par les loix, il peut eſtre condemné ? Tu dis que ceux qui reprengnent les vices, mediſent du Roy : tu veux doncques qu’on t’eſtime Roy. Si Cæſar fut occi pour avoir pretendu le Séptre iniuſtement, doit on permettre que tu viues toy quile demandes iniuſtement ? Mais pourquoy dy ie cecy, afin que tu te corriges. Ie congnois ta ieuneſſe ſi enuiellie en ſon obſtination, & tes meurs ſi deſprauez, que le recit de tes vices ne te ſcauroyent eſmouuoir. Tu n’es point de ceux là que la honte de leur vilainie, ny le remors de leurs

dam-
damnables intẽtions, puiſſe attirer

à aucune reſipiſcence & amendement. Mais ſi tu me veux croyre, tu t’en iras cacher en quelque tanniere, ou bien en quelque deſert ſi loingtain, que l’on n’oye ny vẽt ny nouuelles de toy, Et par ce moyen tu pourras euiter la poincte de cent mille eſpees qui t’attendent tous les iours.

Doncques va ten, deſcharge nous de ta tyrannie, euites la main du bourreau, qu’attẽs tu encores ? Ne vois tu pas la patiẽce des Princes du ſang Roial qui te le permet ? attens tu le commandemẽt de leur parolle, puis que la ſilence t'a declaré leur volunté en le ſouffrant ? ils te le commandent, en ſe taiſant, ils te condamnent. Va doncques malheureux, & tu eſuiteras la punition digne de tes merites. Huitain

Il m’eft aduis qu’il te deburoit ſuffire (Tigre euenté) voyr le Roy noſtre ſire Vouloir ſoufrir remplir ta bource ainſi De ſes trefors, va luy crier mercy Va infecté, qu'il ne te face fuire : Car s’il congnoit quelque iour en ſes ſens Que tu reſpans le ſang des Innocens Tu pourras dire alors qu’auras du pire

FIN.