Entrée de Napoléon et de Marie-Louise à Paris


ENTRÉE


DE NAPOLÉON


ET


DE MARIE-LOUISE


À PARIS.



….. Deus nobis hœc otia fecit ;
Namque erit ille mihi semper Deus.

Virg., Ecl. I.



Mille cris jusqu’aux cieux montent de toutes parts,
L’organe des combats gronde sur nos remparts :
Il gronde… Ce n’est plus cette voix meurtrière
Qui renverse des camps la sanglante barrière,
Quand deux Peuples rivaux, précipitant leurs coups,
Arment l’un contre l’autre un funeste courroux ;

C’est le chant du triomphe, et le cri de l’ivresse !
Au milieu des transports d’une vive allégresse,
Nos frères, nos amis, à nos vœux sont rendus :
Une fille des Rois, belle de ses vertus,
Brillante des attraits qui parent Cythérée,
Nous ramène la paix si long-tems désirée ;
Sa main de tous les yeux vient d’essuyer les pleurs ;
Sa voix conciliera les esprits et les cœurs.

Favorisé des Dieux, armé de leur puissance,
Un Héros, à jamais l’idole de la France,
Un Héros, le modèle et le vengeur des Rois,
Au bruit de son courroux, au bruit de ses exploits,
Des Enfans d’Erynnis chassant l’indigne horde,
À son char triomphal enchaîna la Discorde.
Guerrier-Législateur, les Peuples à sa voix
Ont reconnu leur maître, ont adopté ses lois ;
Il marche le front ceint du sacré diadème.
Mais le Ciel devait plus à ce Héros qu’il aime ;
La victoire est toujours trop cruelle au vainqueur ;
La Paix, l’auguste Paix consolera son cœur ;
Thémis ennoblira le repos de Bellone :
La valeur fait les Rois, la Vertu les couronne.

Je vous atteste, ô Dieux ! pour réparer nos maux,
Quand vos puissantes mains guidèrent ce Héros,
Ne le vîtes-vous pas, au milieu de sa gloire,
Gémir et s’inclinant sur son char de victoire,

Demander à vos pieds un triomphe plus doux ?
Enfin, vous l’exaucez ; Mars arrête ses coups.
Dieux, amis de la paix, achevez votre ouvrage,
De ce Héros chéri conservez-nous l’image,
Qu’un fils mette le comble à vos nombreux bienfaits :
Fils de Napoléon, qu’en ses augustes traits
Respirent ce grand cœur, ce généreux courage,
De son glorieux père immortel héritage.

Hymen, ô doux hymen[1] ! que ton joug fortuné
Soit des plus belles fleurs par nos mains couronné ;
Que l’hymne de la paix succède aux cris de guerre :
Les tems de l’âge d’or[2] sont promis à la terre.

Fonde, Napoléon, ces pompeux bâtimens,
De triomphes sans nombre éternels monumens ;
Et Louise, à son tour, par de touchans exemples,
Dans le cœur des Français s’érigera des temples ;
Qu’on célèbre ton nom et tes exploits guerriers,
Elle étendra par-tout l’ombre de tes lauriers ;
De ses charmes puissans, la muette éloquence
Aux fureurs de Bellone imposera silence ;

La joie et le bonheur repeupleront nos champs,
La paix va rappeler leurs belliqueux enfans :
Ces guerriers[3] qui d’amour portent l’aimable chaîne,
Sans obstacle suivront l’ardeur qui les entraîne ;
Hymen embellira les fêtes des hameaux ;
Hymen du laboureur embellit le repos.

Qu’ils sont changés ces tems de douleur et d’alarmes
Où l’Aurore éveillée au tumulte des armes,
Aux portes d’Orient retardant son retour.
Semblait avec effroi nous ramener le jour ;
Et d’un voile orageux[4] ceignant sa chevelure,
Voulait à nos regards dérober la Nature,
Redoutant d’éclairer quelques malheurs nouveaux !

Français ! au souvenir de tes nombreux travaux,
Connais mieux le bonheur désormais ton partage.

Tel le navigateur qu’a tourmenté l’orage,
Sur le rivage assis contemple au loin les mers,
Heureux à ce tableau[5] des maux qu’il a soufferts,

Lorsque de l’Aquilon se tait la violence,
Il semble encor des flots écouter le silence.

Vous donc qui cessez d’être à la merci du sort,
Vous qui goûtez en paix les délices du port,
Et des cruels Autans méprisez la furie,
Célébrez le Monarque et l’Épouse chérie
Dont l’aimable regard[6] rend le Ciel plus serein ;
Animez de leurs traits[7] et le marbre et l’airain ;
Invoquez le secours des Filles de mémoire,
Qui des Princes fameux éternisent la gloire,
Et que la vérité guidant votre pinceau,
Des vertus de nos Rois consacre le tableau.
Disciples d’Apollon, Enfans de l’Harmonie,
Amans de Calliope, Amans de Polymnie,
Unissez à l’envi tous les talens divers,
Du nom des deux Époux remplissez l’Univers.

Français, reste toujours à ta gloire fidelle ;
Sois clément au vaincu[8], sois terrible au rebelle ;

Au rebelle ! Que dis-je ? Ah ! dans ces jours heureux,
Le Ciel ne sera plus fatigué de nos vœux.
Vous[9] qu’une tendre Sœur redemande à son Père,
Chers objets des soupirs d’une sensible Mère,
Jeunes Guerriers, trahis par le sort des combats,
Captifs infortunés en de tristes climats,
Ce superbe Hyménée adoucissant vos peines,
De vos bras glorieux fera tomber les chaînes.
Pour nous, dans l’Univers, il n’est plus d’ennemis ;
Napoléon verra ses Enfans réunis,
Publier ses bienfaits, bénir ses destinées,
Et réclamer pour lui les plus longues années.

Vivez, Prince, vivez pour faire des heureux :
Tige en Héros féconde, arbre majestueux,
Déployez vos rameaux, et croissant d’âge en âge,
Protégez l’Univers sous votre auguste ombrage[10].


BERRYER fils,
Élève du Collège de Juilly.
  1. O Hymen, Hymenœe !
    Cinge tempora floribus
    Suave olentis amaraci.
    Catulle.
  2. Jam redit et virgo, redeunt Saturnia regna.
    Virg., Ecl. IV.
  3. Six mille militaires ont été mariés dans l’Empire par décret de S. M.
  4. Cùm caput obscurâ nitidum ferrugine texit,
    Impiaque æternam timuerunt secula noctem.

    Virg., Georg. I.
  5. Suave mari magno turbantibus æquora ventis,
    É terrâ magnum…… Spectare laborem.

    Lucrèce, lib. II.
  6. Vultu…… cœlum tempestatesque serenat.
    Virg., Æneid. I.
  7. ……Vivos ducent de marmore vultus.
    Virg., Æneid. VI.
  8. Parcere subjectis et debellare superbos.
    Virg., Æneid. VI.
  9. Les prisonniers en Angleterre.
  10. Et ingenti ramorum proteget umbrâ.
    Virg., Georg. II.