Ennéades (trad. Bouillet)/Sommaires de la deuxième Ennéade

Les Ennéades de Plotin
Sommaires de la deuxième Ennéade
Traduction française de M.-N. Bouillet


DEUXIÈME ENNÉADE.

Les livres qui composent la deuxième Ennéade se rapportent, dit Porphyre, à la Physique, c’est-à-dire au Monde et aux choses qu’il embrasse. Ils sont liés entre eux moins étroitement que les livres qui forment la première ; cependant on peut les diviser en deux groupes d’après les considérations suivantes :

I. Les éléments des êtres célestes sont la matière et la forme, par la nature desquelles Plotin explique la perpétuité, le mouvement circulaire et l’influence du ciel et des astres (livres i, ii, iii).

II. Les éléments des êtres contenus dans la région sublunaire sont également la matière et la forme : la matière est la puissance de devenir toutes choses, et la forme est l’acte et la qualité. Leur étude est l’objet des livres iv, v, vi, vii.

Quant au livre viii (De la Vue), on peut le regarder comme une application des idées de Plotin sur la forme[1].

Enfin, les théories développées dans les livres précédents sont réunies et appliquées dans le livre ix, où, pour réfuter les Gnostiques qui enseignaient que le Démiurge est mauvais ainsi que le monde même, Plotin résume sa propre doctrine sur l’Âme universelle, la matière et la création.


LIVRE PREMIER.
DU CIEL[2].

(§ I-II) Le monde, être corporel, a toujours existé et existera toujours. Chez les animaux, l’espèce seule est perpétuelle, tandis que les individus meurent ; le monde, au contraire, possède à la fois la perpétuité de la forme spécifique et celle de l’individualité. C’est qu’il joint à une Âme parfaite un corps que sa constitution naturelle rend apte à l’immortalité[3].

(III-V) Quelles que soient les transformations que subissent les éléments contenus dans le monde, rien ne s’écoule hors de lui. Si l’on considère en particulier le feu, qui constitue l’élément principal du ciel, on voit qu’il demeure dans la région céleste, où il se trouve placé par sa nature, et qu’il se meut circulairement. En outre, il est contenu par l’Âme universelle, qui administre le monde avec une admirable puissance et qui doit le faire subsister toujours. Si les choses d’ici-bas n’ont pas la même durée que les astres, c'est qu’elles sont composées d’éléments moins parfois, et qu’elles sont gouvernées par la partie inférieure de l'Âme universelle (par la Nature ou Puissance génératrice), tandis que les choses célestes sont gouvernées par sa partie supérieure (par la Puissance principale de l'Âme universelle)[4].

(VI-VIII) En examinant la nature des quatre éléments, on trouve que le ciel et les astres doivent être composés de feu, tandis que l’air, la terre et l’eau ne peuvent subsister que dans la région sublunaire[5]. Il en résulte que le ciel et les astres ont des corps immortels, parce qu’ils ont pour matière un feu incorruptible, et qu’ils reçoivent leur forme de l’Ame universelle qui leur imprime un mouvement circulaire dans une région parfaitement pure[6].


LIVRE II.
DU MOUVEMENT DU CIEL[7].

(§ I-III) Le mouvement circulaire du ciel est l’image du retour sur soi-même qui constitue la réflexion. Il résulte à la fois de la nature de l’Âme et de celle du corps : le mouvement propre à l’Âme, c’est de contenir ; le mouvement propre au corps, c’est de se transporter en ligne droite ; de ces deux mouvements combinés résulte le mouvement circulaire, dans lequel il y a tout à la fois translation et permanence, et qui est en harmonie parfaite avec la nature du feu céleste.

Le mouvement circulaire du ciel est aussi une conséquence de la nature des trois hypostases. On peut se représenter le Bien comme un centre, parce qu’il est le principe duquel tout dépend et auquel tout aspire ; l’Intelligence, comme un cercle immobile, parce qu’elle possède et embrasse le Bien immédiatement ; l’Âme, comme un cercle mobile, mû par le désir, parce qu’elle aspire m Bien qui est placé au-dessus de l’Intelligence. La sphère céleste, possédant l’Âme, qui aspire ainsi au Bien, aspire elle-même, comme le peut un corps, au principe hors duquel elle est, c’est-à-dire cherche à s’étendre autour de lui pour le posséder partout, par conséquent tourne et se meut circulairement[8]. Le mouvement circulaire, qui implique à la fois translation et permanence, est l’image du mouvement de l’Intelligence qui se replie sur elle-même.

Le pneuma (esprit éthéré), qui entoure notre âme, a un mouvement circulaire comme le ciel ; mais ce mouvement est entravé par notre corps. Quand notre âme obéit à l’influence du désir et de l’amour, elle se meut elle-même, et, par une réaction naturelle, elle produit un mouvement dans le corps auquel elle est unie[9].


LIVRE III.
DE L’INFLUENCE DES ASTRES[10].

(§ I) Il est des hommes qui prétendent que les astres ne se bornent pas à annoncer les événements, mais que leur influence produit tout. Selon eux, pour expliquer tout ce qui arrive à un individu, il suffit de considérer dans le ciel cinq choses : les maisons, les signes du zodiaque, les planètes, les aspects et les étoiles[11].

(§ II-VII) Si les astres sont inanimés, ils ne peuvent exercer qu’une influence physique, par exemple, produire de la chaleur ou du froid. S’ils sont animés, ils doivent, en vertu de leur nature divine, ne pas nuire aux hommes qui n’ont rien fait pour s’attirer leur colère ; ils doivent encore, toujours en vertu de leur nature divine, n’éprouver aucune modification dans leur manière d’être par l’effet des aspects et des maisons. Les raisonnements que les astrologues font à ce sujet impliquent des contradictions étranges et conduisent à attribuer aux dieux les plus indignes passions.

En considérant l’Univers dans son ensemble, on voit qu’il constitue un vaste organisme, que tous les êtres sont des parties de ce Tout, et, par la sympathie qui les unit les uns aux autres, y constituent une harmonie unique. Les astres sont, comme tout le reste, subordonnés à la Puissance de l’Âme universelle qui gouverne l’Univers. En même temps qu’ils concourent par leur mouvement à la conservation de l’Univers, ils y remplissent un autre rôle : par les figures qu’ils forment, ils annoncent les événements en vertu des lois de l’analogie. La raison en est que, l’Univers étant un animal un et multiple, tout y est coordonné, tout conspire à un but unique ; par conséquent, en vertu de cette liaison naturelle, chaque chose est signe d’une autre[12].

(VIII-X) L’Univers étant un animal un suppose un principe unique. Ce principe unique est l’Âme universelle qui fait régner dans l’univers l’ordre et la justice : l’ordre, parce qu’elle donne à chaque être un rôle conforme à sa nature ; la justice, parce qu’elle punit ou récompense les hommes par les conséquences naturelles de leurs actions. En effet, nous renfermons en nous deux puissances différentes, l’âme raisonnable et l’âme irraisonnable. Quand nous développons les facultés de l’âme raisonnable qui nous constitue essentiellement, alors nous nous affranchissons des passions par la vertu, nous nous élevons au monde intelligible par la contemplation, et nous sommes véritablement libres. Quand, au contraire, nous exerçons les facultés de l’âme irraisonnable plus que l’intelligence et la raison, alors nous nous égarons dans le monde sensible et nous sommes soumis à la fatalité, c’est-à-dire à l’action qu’exercent sur nous les circonstances extérieures, par conséquent, à l’influence des astres ; dans ce cas, nous partageons les passions du corps[13].

(XI-XII) Les maux que l’on voit ici-bas ne proviennent pas de la volonté des astres ; ils ont des causes diverses, telles que l’action des êtres les uns sur les autres, la résistance de la matière à la forme, etc.[14] La génération de l’homme ne s’explique pas non plus par l’influence seule des astres ; il faut y tenir compte du rôle des parents, des circonstances extérieures, de l’action de l’Âme universelle[15].

(XIII-XVI) Si l’on veut remonter au principe général de toutes les choses qui arrivent ici-bas, il faut dire : L’Âme gouverne l’Univers par la Raison, comme chaque animal est gouverné par la raison séminale qui façonne ses organes et les met en harmonie avec le tout dont ils sont des parties. Les raisons séminales de tous les êtres étant contenues dans la Raison totale de l’univers, il en résulte que tous les êtres sont à la fois coordonnés entre eux, parce qu’ils forment par leur concours la vie totale de l’univers, et subordonnés les uns aux autres, parce qu’ils occupent un rang plus ou moins élevé selon qu’ils sont animés ou inanimés, raisonnables ou irraisonnables. La richesse et la pauvreté, la beauté et la laideur, etc., proviennent du concours des circonstances extérieures et des causes morales. C’est sous ce rapport que l’homme est soumis à la fatalité ; il s’en affranchit, quand il exerce les facultés qui le constituent essentiellement. Pour bien comprendre ce point, il faut résoudre les questions suivantes : 1° Qu’est-ce que séparer l’âme du corps ?qu’est-ce que l’Animal ? qu’est-ce que l’Homme[16] ? Elles seront discutées ailleurs[17].

Le rôle que la puissance de l’Âme joue dans l’univers donne lieu à plusieurs questions. On peut les résoudre par le développement du principe suivant : L’Âme gouverne l’univers par la Raison[18]. Comme la raison séminale de chaque individu comprend tous les modes de l’existence du corps qu’elle anime, et que la Raison totale de l’univers comprend les raisons séminales de tous les individus, il en résulte que gouverner l’univers par la Raison c’est, pour l’Âme, faire arriver à l’existence et développer successivement dans le monde sensible toutes les raisons séminales contenues dans la Raison totale de l’univers. Pour cela, elle n’a pas besoin de raisonner. Il lui suffit d’un acte d’imagination par lequel, tout en demeurant en elle-même, elle produit à la fois la matière et les raisons séminales qui, en façonnant la matière, constituent tous les êtres vivants. De là vient que toutes choses forment un ensemble harmonieux, et que même ce qui est moins bon concourt à la perfection de l’univers[19].

(XVII-XVIII) L’Âme universelle comprend deux parties analogues aux deux parties de l’âme humaine : ce sont la Puissance principale de l’Âme et la Puissance naturelle et génératrice. La Puissance principale de l’Âme contemple l’Intelligence divine et conçoit ainsi les idées ou formes pures dont l’ensemble constitue le monde intelligible. La Puissance naturelle et génératrice reçoit de la Puissance principale de l’Âme les idées sous la forme de raisons séminales, dont l’ensemble constitue la Raison totale de l’univers ; elle transmet ces raisons à la matière, et donne ainsi naissance à tous les êtres. Il en résulte que le monde sensible est fait à la ressemblance du monde intelligible, et que c’est une image qui se forme perpétuellement.


LIVRE IV.
DE LA MATIÈRE[20].
(§ I) Les philosophes s’accordent à définir la matière la substance, le sujet, le réceptacle des formes. Mais les uns [les Stoïciens] regardent la matière comme un corps sans qualité ; les autres [les Pythagoriciens, les Platoniciens, les Péripatéticiens] la croient incorporelle ; quelques-uns de ces derniers en distinguent deux espèces, la substance des corps ou matière sensible, et la substance des formes incorporelles ou matière intelligible.

De la matière intelligible. — (II-V) L’existence de la matière intelligible soulève plusieurs difficultés : il semble qu’il ne saurait y avoir dans le monde intelligible rien d’informe ni de composé. Pour répondre à ces objections, il suffit de remarquer qu’appliqués aux êtres intelligibles les termes d’informe et de composé n’ont qu’une valeur relative : par exemple, l’âme n’est informe que par rapport à l’intelligence qui la détermine. En outre, la matière intelligible est immuable et toujours unie à une forme. Pour expliquer son existence, il faut considérer que les idées ou essences ont quelque chose de commun et quelque chose de propre qui les différencie les unes des autres : ce qu’elles ont de commun, c’est leur matière ; ce qu’elles ont de propre, c’est leur forme. Ainsi, la matière des idées est le sujet unique des différences multiples. Elle est le fond des choses ; et, comme la forme, l’essence, l’idée, la raison, l’intelligence sont appelées la lumière, la matière est assimilée aux ténèbres. Mais il y a une grande différence entre le fond ténébreux des choses intelligibles et celui des choses sensibles. La forme des intelligibles possédant une véritable réalité, leur substance a le même caractère ; c’est une essence éternelle, immuable. Sa raison d’être est que chaque intelligible est informe avant d’être déterminé par son principe générateur : c’est ainsi que l’Âme reçoit sa forme de l’Intelligence, et l’Intelligence de l’Un, qui est la source de toute lumière[21].

De la matière sensible. — (VI-VIII) L’existence de la matière sensible, qui sert de sujet aux corps, se démontre par la transformation des éléments les uns dans les autres, par la destruction des choses visibles, etc. Elle n’est ni le mélange d’Anaxagore, ni l’infini d’Anaximandre, ni les éléments d’Empédocle, ni les atomes de Démocrite. La matière première (qu’il faut bien distinguer de la matière propre) est une, simple, sans qualité ni quantité. Elle reçoit sa quantité comme toutes ses qualités de la forme ou essence.

(IX-X) La matière n’a point de quantité parce que l’être est distinct de la quantité : par exemple, la substance incorporelle n’a point d’étendue. L’esprit peut d’ailleurs concevoir la matière sans quantité. Pour cela, il n’a qu’à faire abstraction de la quantité et de toutes les qualités des corps ; étant ainsi arrivé à un état d’indétermination, il conçoit la matière en vertu de cette indétermination même et il reçoit l’impression de l’informe.

(XI-XII) Pour composer les corps, il ne suffit pas de la quantité et des qualités ; il faut encore un sujet qui les reçoive. Ce sujet, c’est la matière première, qui n’a point d’étendue. Elle n’est point, comme on l’a avancé, la quantité séparée des qualités. Elle possède l’existence, quoique son existence ne soit pas claire pour la raison ni saisissable par les sens.

(XIII-XIV) Si la matière n’est pas la quantité, elle n’est pas non plus une qualité commune à tous les éléments. On ne saurait d’ailleurs regarder comme une qualité la privation, qui est l’absence de toute propriété. La matière n’est pas l’altérité, mais seulement une disposition à devenir les autres choses. Elle n’est pas non plus le non-être, mais seulement le dernier degré de l’être.

(XV-XVI) La matière n’est pas l’infini par accident ; elle est l’infini même, dans le monde intelligible comme dans le monde sensible. Cet infini, qui constitue la matière, procède de l’infinité de l’Un ; mais entre l’infini de l’Un et l’infini de la matière il y a cette différence que le premier est l’infini idéal et le second l’infini réel. Ce caractère d’infini se concilie fort bien dans la matière avec la privation de toute quantité et de toute qualité.

Étant privée de la forme, qui est la source de toute beauté et de toute bonté, la matière est par cela même laide et mauvaise[22].

En résumé, dans le monde intelligible, la matière est l’être parce que ce qu’il y a au-dessus d’elle, l’Un, est supérieur à l’être ; dans le monde sensible, la matière est le non-être, parce que ce qu’il y a au-dessus d’elle, l’Essence ou la Forme, est l’être véritable.


LIVRE V.
DE CE QUI EST EN PUISSANCE ET DE CE QUI EST EN ACTE[23].

Ce livre se rattache au précédent parce que Plotin y traite encore de la matière, qu’il considère comme la puissance de devenir toutes choses.

(§ I) Quand on dit qu’une chose est en puissance, c’est parce qu’elle peut devenir autre que ce qu’elle est : c’est ainsi, par exemple, que l’airain est en puissance une statue. — Être en puissance n’est pas d’ailleurs la même chose qu’être en puissance, si l’on entend la puissance productrice. La puissance est opposée à l’acte, être en puissance à être en acte. La chose qui est ainsi en puissance est le sujet des modifications passives, des formes et des caractères spécifiques, c’est-à-dire la matière.

(II) Ce qui est en puissance étant la matière, ce qui est en acte est la forme. Une substance corporelle, comme l’airain, ne peut être à la fois en puissance et en acte une autre chose, par exemple une statue. Une substance incorporelle, comme l’âme, peut être à la fois en puissance et en acte une autre chose, par exemple le grammairien.

On donne souvent le nom d’acte à la forme de tel ou tel objet. Ce nom conviendrait mieux à l’acte qui n’est pas la forme de tel ou tel objet, à l’acte correspondant à la puissance qui amène une chose à l’acte.

Quant à la puissance qui produit par elle-même ce dont elle est la puissance, elle est une habitude.

(III) Si l’on applique au monde intelligible les considérations précédentes, on voit, en examinant l’intelligence et l’âme, que tout intelligible est en acte et est acte.

(IV-V) Dans le monde sensible, au contraire, ce qui est une chose en puissance est une autre chose en acte. Quant à la matière, elle est en puissance tous les êtres et elle n’est aucun d’eux en acte ; on l’appelle l’informe par opposition à la forme, le non-être par opposition à l’être, dont elle n’est qu’une faible et obscure image. L’être de la matière est ce qui doit être, ce qui sera, la puissance de devenir toutes choses.


LIVRE VI.
DE L’ESSENCE ET DE LA QUALITÉ[24].

Ce livre se rattache au précédent parce que l’essence est un acte.

(§ I) Dans le monde intelligible, les qualités sont des différences essentielles dans l’être ou dans l’essence. Dans le monde sensible, il y a deux espèces de qualités : la qualité essentielle, qui est une propriété de l’essence, et la simple qualité, qui fait que l’essence est de telle façon et qui lui donne une certaine disposition extérieure. Ce qui constitue une quiddité dans le monde intelligible devient une qualité dans le monde sensible.

(II-III) L’essence est la forme et la raison. La qualité est une disposition soit originelle, soit adventice dans l’essence. La qualité intelligible diffère de la qualité sensible en ce que la première est la propriété qui différencie une essence d’une autre essence, et que la seconde consiste dans une simple modification, un accident, une habitude, une disposition, qui ne fait point partie de l’essence d’un être.


LIVRE VII.
DE LA MIXTION OÙ IL Y A PÉNÉTRATION TOTALE[25].

Ce livre se rattache au précédent parce qu’il y est traité des qualités qui constituent l’essence corporelle.

(§ I) La mixtion, qu’il ne faut pas confondre avec la juxtaposition, a pour caractère de former un tout homogène. Il y a à ce sujet deux opinions : selon les Péripatéticiens, dans la mixtion de deux corps, les qualités seules se mêlent et les étendues matérielles ne sont que juxtaposées ; selon les Stoïciens, deux corps qui constituent un mixte se pénètrent totalement[26].

(II) On peut objecter aux Stoïciens que, si les qualités s’altèrent et se confondent dans la mixtion, il ne saurait en être de même des étendues corporelles ; aux Péripatéticiens, que des qualités incorporelles peuvent pénétrer un corps sans le diviser, et que la matière ne possède pas plus, en vertu de sa nature propre, l’impénétrabilité que toute autre qualité.

(III) Si l’on examine l’essence du corps, on voit qu’il est le composé de toutes les qualités réunies avec la matière. Cet ensemble de qualités constitue la corporéité, qui est une forme, une raison.


LIVRE VIII.
DE LA VUE.
Pourquoi les objets éloignés paraissent-ils petits[27] ?

Le seul lien qui existe entre ce livre et les précédents, c’est que Plotin y traite de la couleur en la considérant exclusivement comme une forme.

(§ I-II) D’où vient que les objets paraissent plus petits dans l’éloignement ? C’est que, lorsqu’un corps est près de nous, nous voyons quelle est son étendue colorée, et que, lorsqu’il se trouve éloigné, nous voyons seulement qu’il est coloré. L’étendue, étant liée à la couleur, diminue proportionnellement avec elle ; en même temps que la couleur devient moins vive, l’étendue devient moins grande, et la quantité décroît ainsi avec la forme.


LIVRE IX.
CONTRE LES GNOSTIQUES.[28]
(I-II) Il y a trois hypostases divines, l’Un ou le Bien, l’Intelligence, l’Âme universelle. — L’Un ou le Bien est, en vertu de sa simplicité même, le Premier et l’Absolu. On ne saurait donc distinguer en lui l’acte et la puissance [comme les Gnostiques ont distingué dans Bythos Ennoia et Thelesis[29]]. L’intelligence réunit en elle même, jusqu’à la plus parfaite identité, le sujet pensant, l’objet pensé et la pensée même. Il en résulte qu’on ne saurait admettre avec les Gnostiques l’existence de plusieurs Intelligences, dont l’une serait en repos et l’autre en mouvement, ou dont l’une penserait et l’autre penserait que la première pense [comme le Noûs et le Logos de Valentin[30]]. La Raison qui découle de l’Intelligence dans l’Âme universelle ne constitue pas non plus une hypostase distincte de l’Intelligence et de l’Âme et intermédiaire entre elles [comme le second Logos ou l’Éon Jésus de Valentin[31]]. — Enfin, l’Âme universelle, à laquelle notre âme est unie sans se confondre avec elle, contemple le monde intelligible, et, sans raisonner ni sortir d’elle même, embellit le monde sensible avec une admirable puissance en faisant rayonner sur lui la lumière qu’elle reçoit elle-même de l’Intelligence.

(III) Il est dans la nature des trois hypostases de communiquer chacune quelque chose de leurs perfections aux êtres inférieurs. Il en résulte que ces êtres sont perpétuellement engendrés par les trois hypostases. La matière elle-même existe de tout temps parce qu’elle résulte nécessairement des autres principes ; de tout temps aussi elle reçoit du monde intelligible les formes qui constituent les êtres sensibles. Elle n’est donc pas, comme l’imaginent les Gnostiques, une nature qui ait été créée à un moment déterminé et qui doive périr[32] ; elle n’occupe pas non plus une région qui soit entièrement séparée du monde intelligible par une limite infranchissable [l’Horus de Valentin[33]].

(IV) Les vérités précédentes ont été complètement méconnues par les Gnostiques. Ils prétendent que l’Âme [Achamoth] a créé par suite d’une chute, qu’elle s’est repentie, et qu’elle détruira le monde dès que les âmes individuelles auront accompli leur œuvre ici-bas[34] : car, dans ce système, le monde n’est qu’une œuvre imparfaite.

(V) Les Gnostiques croient que leur âme est d’une nature supérieure aux âmes des astres et à l’âme du Démiurge, laquelle est, selon eux, composée des éléments. Ils enseignent aussi qu’il existe un principe intermédiaire entre le monde intelligible et le monde sensible, et ils lui donnent les noms de Terre nouvelle et de Raison du monde. Ils disent qu’ils ont reçu dans leurs âmes une émanation de ce principe, et qu’ils iront se réunir à lui après leur mort. Mais on ne voit pas bien si, dans leur système, ce principe est antérieur ou postérieur à la création du monde, ni comment il est nécessaire au salut des âmes.

(VI) Les Gnostiques parlent encore d’empreintes, d’exils, de repentirs, de jugements, de métensomatoses. Tous ces mots pompeux ne servent qu’à déguiser les emprunts qu’ils ont faits à Platon. C’est à Platon qu’ils ont pris tout ce qu’ils enseignent sur le Premier [l’Un], sur l’existence du monde intelligible, sur l’immortalité de l’âme et sur la nécessité de la séparer du corps. Mais, en même temps ils défigurent la doctrine du sage auquel ils sont si redevables : ils font de l’Intelligence divine plusieurs hypostases [Noûs, Logos] ; ils admettent qu’il existe en dehors de cette Intelligence d’autres essences intelligibles [les Éons]. Pour donner du crédit à leurs idées, ils cherchent à rabaisser indignement la sagesse antique des Grecs. Cependant, ces innovations dont ils sont si fiers se bornent à supposer l’existence d’un grand nombre d’Éons, à se plaindre de la constitution de l’univers, à critiquer la puissance qui le gouverne, à identifier le Démiurge avec l’Âme universelle, et à donner à cette Âme les mêmes passions qu’aux âmes individuelles.

(VII) Il y a de grandes différences entre l’Âme universelle et notre âme. Tandis que notre âme a été liée au corps involontairement, et souffre de l’union qu’elle a contractée avec lui, l’Âme universelle, au contraire, n’a pas besoin de se détourner de la contemplation du monde intelligible pour gouverner le monde sensible et lui communiquer quelque chose de ses perfections.

(VIII) Quant au monde sensible, son existence est nécessaire parce qu’il est dans la nature des principes intelligibles de créer pour manifester leur puissance. Inférieur au monde intelligible, il en offre une image aussi parfaite que possible, soit que l’on considère les astres mis en mouvement par des âmes divines, soit que l’on abaisse ses regards sur la terre où, malgré les obstacles qu’elle rencontre à l’exercice de ses facultés, notre âme peut cependant acquérir la sagesse et mener une vie semblable à celle des dieux. D’ailleurs, la justice règne ici-bas, si l’on tient compte des existences successives par lesquelles nous passons.

(IX-XII) Les Gnostiques ont tort de ne pas vouloir reconnaître que l’univers manifeste la puissance divine, de s’imaginer qu’ils ont une nature supérieure, non-seulement à celle des autres hommes, mais encore à celle des astres, de croire enfin qu’ils ont le privilége d’entrer seuls en communication avec le Bien [Bythos] et de jouir exclusivement de sa grâce. On ne peut voir sans étonnement avec quelle jactance ces hommes se vantent de posséder la science parfaite des choses divines : car il est facile de montrer combien leur doctrine soulève d’objections. En voici le résumé :

« L’Âme [Sophia supérieure] a incliné, c’est-à-dire a illuminé les ténèbres de la matière. De cette illumination de la matière est née la Sagesse [Achamoth] qui a incliné aussi. Les membres de la Sagesse [les natures pneumatiques] sont descendus en même temps ici-bas pour entrer dans des corps. En outre, après avoir conçu la Raison du monde ou la Terre étrangère, la Sagesse a créé et produit des images psychiques [les natures psychiques]. C’est ainsi qu’elle a donné naissance au Démiurge, qui est composé de matière et d’une image. Ce Démiurge lui-même, s’étant séparé de sa mère, a fait les êtres corporels à l’image des êtres intelligibles [des Éons]. Il a formé successivement le feu et les trois autres éléments, les astres, le globe terrestre, enfin toutes les choses qui étaient contenues dans le type du monde.

Si l’on examine attentivement en quoi consiste cette illumination des ténèbres par laquelle les Gnostiques expliquent la création de toutes choses, on peut amener ces hommes à reconnaître les vrais principes du monde, les forcer d’avouer que tous les êtres ont reçu des premiers principes leur matière aussi bien que leur forme, et que les ténèbres sont nées du monde intelligible comme la lumière elle-même.

(XIII) On n’a donc pas le droit de se plaindre de la nature du monde puisqu’un enchaînement étroit unit les choses du premier, du second et du troisième rang, et descend jusqu’à celles du plus bas degré. Le mal n’est que ce qui, par rapport à la sagesse, est moins complet, moins bon, en suivant toujours une échelle décroissante.

(XIV) Non-seulement les Gnostiques méprisent le monde visible, mais ils prétendent par leur puissance magique commander aux êtres intelligibles aussi bien qu’aux démons. Leur but unique est d’imposer au vulgaire par leur jactance. Les gens sages ne sauraient donc trouver aucun profit à étudier un pareil système.

(XV) La morale des Gnostiques est encore pire que la doctrine qu’ils enseignent sur Dieu et sur l’univers. Ils refusent tout respect aux lois établies ici-bas et prétendent que les actions ne sont bonnes ou mauvaises que d’après l’opinion des hommes. Aux préceptes de vertu que nous ont légués les anciens, ils veulent substituer cette maxime : « Contemple Dieu. » Mais rien n’empêche de s’abandonner aux passions, comme ils le font, tout en contemplant Dieu. Sans la véritable vertu, Dieu n’est qu’un mot.

(XVI-XVII) La cause principale des erreurs dans lesquelles tombent les Gnostiques, c’est qu’ils méprisent les astres et qu’ils s’imaginent que le monde visible est complètement séparé du monde intelligible. Selon eux, Dieu prive l’univers de sa présence, et sa Providence ne s’étend qu’aux pneumatiques. Pour reconnaître leur erreur, il suffit de considérer la beauté du monde visible : car il ne peut être beau que parce qu’il participe aux perfections du monde intelligible et qu’il en offre une fidèle image. On a le droit d’en dire autant de la sphère céleste. Le mépris que les Gnostiques affectent pour les merveilles qui frappent tous les regards est une preuve de leur perversité.

(XVIII) C’est en vain que ces hommes prétendent que leur doctrine est supérieure aux autres en ce qu’elle inspire de la haine pour le corps. Ce n’est pas en critiquant l’œuvre de l’Âme universelle, c’est en s’affranchissant des passions par la vertu qu’on devient semblable à Dieu et qu’on s’élève à la contemplation du monde intelligible.


N. B. Notre travail sur ce livre était terminé lorsque nous avons eu connaissance d’un curieux manuscrit gnostique annoncé dans le Catalogue d’une Collection d’antiquités égyptiennes laissée par M. Anastasi, consul général de Suède à Alexandrie, et vendue à Paris en juin 1857. Ce manuscrit, qui a été acquis par la Bibliothèque impériale, était décrit comme il suit, sous le no 1073, dans le Catalogue de la Collection, rédigé par M. François Lenormant :

« Ms. sur feuilles de papyrus pliées en livre, formant 33 feuillets écrits des deux côtés. Traité de Magie et d’Astrologie gnostique, en grec, supposé écrit par un nommé Néophtès et dédié au roi Psammétichus. Entre autres choses curieuses, il contient une série de prescriptions et de recherches pour faire les amulettes et les pierres magiques. En tête sont trois pages de Copte qui débutent par l’histoire d’un gâteau mystique, pour la composition duquel s’associent Osiris, Sabaoth, Iao, Jésus et tous les Éons. Ce gâteau n’est autre que la Gnose. Écriture du second siècle de notre ère. »

Nous aurions désiré, avant de livrer au public notre premier volume, prendre connaissance de ce manuscrit, afin de voir s’il n’ajouterait pas quelque chose a l’exposé que nous donnons de la doctrine des Gnostiques ; mais l’état de vétusté où il se trouve est tel qu’il tombe en lambeaux dès qu’on y touche, et qu’il ne peut être communiqué avant d’avoir reçu une restauration complète, qui entraînera d’assez longs retards.

Dès qu’il sera possible d’en prendre communication, nous en ferons une étude particulière, et, s’il y a lieu, nous exposerons dans la suite de cette publication le résultat de nos recherches.

FIN DES SOMMAIRES.
  1. Voy, plus loin, p. cxxxi, le sommaire de ce livre.
  2. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 444.
  3. Pour les rapports de la théorie de Plotin avec celle de Platon et celle d’Aristote, Voy. les Notes, p. 444-445.
  4. La différence qu’il y a entre la Puissance principale de l’Âme universelle et sa Puissance génératrice est expliquée p. 193, note 1. C’est la Puissance génératrice qui organise le corps de l'homme avant qu’il soit gouverné par l’Âme raisonnable. Sur ce point obscur de la doctrine de Plotin, Voy. p. 475-478.
  5. K. Steinhart dit, dans ses Meletemata plotiniana (p. 20-21), que Plotin s’écarte ici de la doctrine de Platon.
  6. Voy. dans les Notes, p. 446-447, ce que saint Augustin dit de cette théorie.
  7. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 449.
  8. Pour les rapports qui existent sur ce point entre la théorie de Plotin et celle d’Aristote, Voy. p. 449-451.
  9. Sur le mouvement de l’âme humaine et du pneuma, Voy. p. 452-456. Les Kabbalistes ont admis aussi, comme Plotin, que l’âme est entourée d’un esprit éthéré : « Dans leur état primitif, dit l’un d’eux, les âmes humaines sont unies à des corps fins et éthérés, de nature céleste, qui ne sont pas perceptibles au sens de la vue. Dès lors les âmes ne s’en séparent plus, ni avant, ni pendant leur vie terrestre, ni après qu’elles ont quitté leur corps terrestre. » (G. Brecher, L’Immortalité de l’âme chez les Juifs, p. 136 de la trad. de M. Is. Cahen.)
  10. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 457.
  11. Pour l’exposition des principes d’astrologie judiciaire dont la connaissance est nécessaire à l’intelligence de cette discussion, Voy. p. 457-464.
  12. La doctrine de Plotin sur l’influence des astres peut se formuler ainsi : 1° Les astres indiquent les événements futurs en vertu de l’ordre général de l’univers ;ils n’exercent qu’une influence physique par leur corps ou sympathique par leur âme irraisonnable. Pour le développement de ces deux propositions et pour toutes les remarques auxquelles elles donnent lieu, Voy. p. 464-468.
  13. Pour les explications qui sont nécessaires à l’intelligence de la doctrine de Plotin sur la liberté et la fatalité, la vertu et le vice, la récompense et la punition de l’âme humaine, Voy. p. 464-468.
  14. Les diverses causes des maux physiques sont énumérées p. 468.
  15. Sur la génération de l’homme, Voy. p. 475-478. Les diverses hypothèses des anciens sur la génération de l’homme sont énumérées par Jamblique dans un fragment de son traité De l’Âme (Stobée, Eclogœ physicœ, i, 52, p. 912, éd. Heeren).
  16. Voy. les Notes, p. 380-385.
  17. Voy. Enn. I, liv. i.
  18. Pour la doctrine de Plotin sur l’action providentielle de l’Âme universelle et sur ses rapports avec l’âme humaine, Voy. p. 473-478.
  19. Voy. les Notes, p. 427-434.
  20. Pour les Remarques générales sur ce livre, Voy. les Notes, p. 481. Voici le jugement que K. Steinhart porte sur ce livre : « Plotinus recepit ab Aristotele ea quæ ille accuratius et subtilius Platone de materia et forma disputaverat, quod veræ totius doctrinæ Aristotelicæ fundamentum dicere possumus : nam nec materiam sine forma, nec sine materia formam aliquid esse rectissime cognoverat, et unam altera indigere, ut, utraque demum conjuncta, vera essentiæ notio expleatur. Plotinus hæc ita ampliflicavit, ut, Platonem cum Aristotele concilians, duplex istud omnium rerum externarum et sensibilium principium esse statueret, et quidquid in iis infinitum, malum, deforme esse videretur, id materiæ attribueret, quidquid finitum, bonum, pulchram, formæ supervenlentis opus esse putaret ; quamobrem tertium illud, quod in singulis rebus invenerat Aristoteles, principium, privationem, a materia, prima negationis omnis ratione, noluit distingui. » (Meletemata plotiniana, p. 31.)
  21. Cette théorie de la matière intelligible a été reproduite presque littéralement par Ibn-Gebirol (Avicebron) dans le livre IV de la Source de la Vie. Voy. M. S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe, p. 263.
  22. Voy. Enn. I, liv. vi, viii.
  23. Pour les Remarques générales sur ce livre, Voy. les Notes, p. 486. Dans ses Meletemata plotiniana (p. 31), K. Steinhart signale fort bien l’importance de ce livre : « Aristoteles, ad rerum vires et mutationes attendens, invenerat discrimen potentiœ et efficaciœ, materiæ et formæ discrimini non dissimile : nam quidquid fleri potest, materiam nominaverat ; efficaciam vero illam, qua vere aliquid fit, formœ assignaverat. Hoc discrimen nullum esse in mente æterna, quæ omnia semper efficiat quæ facere possit, et ipsam animæ vitam non, ut res inanimas, ab aliis rebus moveri atque impeili, sed suo motu efficacem esse et potentiam suam agendo perpetuo exserere jam Aristoteles viderat. Plotinus librum exigui voluminis, sed gravissimi argumenti, de his notionibus scripsit, quo diversas earum formas exposuit et ostendit in ipsa mente esse quidem et vim agendi et ipsam actionem, sed utramque cogitatione tantum discerni, vere non esse diversas. Eo magis admiramur quod Plotinum ita ab uberrima illa notione proprii et efficacis animæ motus, quem Aristoteles entelecheiam nominaverat (quoverbo indicaverat animam ipsam et motus sui causam et finem esse), abhorrere videmus : nam, quanquam idem fere de animæ natura docuit, acerrime tamen illud dogma, quod philosophiæ Aristotelicœ culmen quasi fuit, impugnavit ; non alia fortasse causa quam quod Peripateticos quosdam, qui sententiam magistri minus recte perspexissent, in eorum errores recidisse viderat qui animam corporis aliquam harmoniam et vim effectricem esse putarent, non ipsam in se aliquam vitam vitalem habere censerent. »
  24. Pour les Remarques générales sur ce livre, Voy. les Notes, p. 487.
  25. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 488.
  26. Voici comment M. Ravaisson explique la doctrine des Stoïciens sur la pénétration totale : « Il y a dans tout être, suivant les Stoïciens, deux principes, l’un passif, la matière, qui forme la substance, l’autre actif, la cause ou qualité, qui fait de la matière telle ou telle chose déterminée... Comme la qualité constitutive ne peut faire défaut à aucune des parties de la matière en laquelle elle réside, elle est physiquement et corporellement coétendue à la matière ; elle l’embrasse en tous ses contours, elle la parcourt et la pénètre dans toute sa profondeur ; elle occupe, elle remplit avec elle l’espace. Ainsi se trouve renversé le principe que deux corps ne peuvent en même temps occuper le même lieu. Par l’hypothèse de la pénétration absolue, les Stoïciens attribuent à un corps, pour lui faire jouer un rôle qui appartient à la cause incorporelle, une propriété qu’exclut l’idée même du corps. » (Sur le Stoïcisme, Mém. de l’Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXI, p. 15-17.)
  27. Pour les Remarques générales, Voy. les Notes, p. 400.
  28. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements auxquels ce livre donne lieu, Voy. les Notes placées à la fin du volume, p. 491-488.
  29. Ibid., p. 520-521.
  30. Ibid., p. 521-522.
  31. Ibid., p. 593.
  32. Voy. ibid., p. 521.
  33. Ibid., p. 531.
  34. Ibid., p. 512, 518.