Endehors/Note de l’Éditeur

Chamuel (p. --ix).



note de l’éditeur


L’éditeur voudrait, dès l’abord, indiquer le double but qu’il s’est proposé en publiant ce choix d’articles de l’Endehors[1]. Dans une de ses récentes chroniques des lettres, M. Jean de Mitty disait : « Je n’ai connu Zo d’Axa que par ses articles de l’Endehors, cette publication désormais fameuse dont il fut le créateur en même temps que le directeur. On sait les conséquences de l’entreprise et le bruit qu’elle fit de par le monde. La petite feuille, si modeste d’apparence et tellement précieuse d’allure qu’on l’eût prise plutôt pour un périodique de cénacle ou pour l’organe exclusif de quelques raffinés d’art, souleva plus de tempêtes et provoqua plus de passions qu’une émeute dans la rue. Violente, certes, elle l’était, et d’une violence qui, pour apparaître toujours sous une forme littéraire, subtile, composée, ne pénétrait pas moins profondément dans les esprits et ne gagnait pas moins à son objet les volontés éparses, les énergies en mal d’une direction précise. Opportune ou non, l’influence de l’Endehors s’exerça effective. Je n’ai pas à la discuter ici et me garderai d’y toucher. Mais, à côté de son action proprement politique, le journal de Zo d’Axa réalisa un incontestable effort intellectuel et c’est pour la beauté de cet effort qu’il me plaît de l’évoquer, à cette heure. » Faut-il rappeler que des écrivains tels Clemenceau, Laurent Tailhade, Henri Bauër, dix autres dont les noms valent et comptent, eurent, à propos de l’Endehors, des appréciations aussi nettes. Nous donnerons seulement encore une citation de Lucien Descaves esquissant à la fois les campagnes engagées et l’homme qui les mena : « Le rédacteur en chef de l’Endehors, dit-il dans les Hommes d’Aujourd’hui, peut regarder, sans jactance, s’allonger derrière soi le ruban de ses articles, une belle route bordée de haines et de pitié, empierrée de colères et pavée de révolte. Selon le mot expressif qu’il voulut, d’Axa est un Endehors, militant mais pas sectaire, un tirailleur, un irrégulier. Son esprit est d’une chaude ironie. La phrase est rapide. La mèche de ses articles est courte ; quand on en approche l’allumette, quelque chose est près de sauter. Et d’Axa est fort capable de sauter avec, le cas échéant ; il l’a prouvé. » Ceci était écrit au moment où paraissait le journal qui, en dépit des perquisitions, des poursuites et des saisies, ne devait succomber plus tard que par l’emprisonnement de son directeur. Aujourd’hui malgré l’éloignement, ces articles de Zo d’Axa, ont, en leur réunion, l’intérêt d’un ensemble panoramique de faits, visant, par delà même l’actualité, les institutions d’une Société : armée, magistrature, autorité, famille, propriété, patrie… Si les numéros de l’Endehors furent détruits, ces feuilles volantes mises au pilon demeurent pourtant les pages d’une œuvre. Et nous avons pensé qu’il y avait, pour nous, une besogne de restitution à les faire revivre dans leur forme naturelle et définitive : le livre.

On ne nous accusera pas d’un parti pris de violence. On remarquera au contraire que non seulement nous ne publions pas les articles poursuivis, Brelan de valets[2], Lhérot de Beaurepaire[3] ; mais encore que nous avons élagué ceux, comme 14 Juillet sanglant, Dans le dos, Grâce pour Lui, etc., qui semblent composés sur un ton plus âpre. Cela — bien que l’auteur nous le tienne en grief — ne nous doit pas être reproché par un public qui attend de d’Axa moins les attaques brutales que les propos aiguisés du railleur.

Nous disions que notre but était double. En effet : on parle de crise de la librairie, de marasme de l’édition — et l’on continue à vendre trois francs cinquante des livres, des livres et des livres que souvent aucune réelle valeur ne recommande. Par leur prix, lorsque même les volumes sont à lire, ils ne s’adressent qu’à un groupe restreint… Nous avons pensé atteindre la foule. Ce livre est le premier d’une série que les libraires donneront pour un franc. La tentative était à faire, et pouvions-nous la faire mieux qu’en débutant par une œuvre qui est de jeunesse et d’audace ?

L’Éditeur


  1. Le journal portait en épigraphe cette phrase de d’Axa : « Celui que rien n’enrôle et qu’une impulsive nature guide seule, ce hors la loi, ce hors d’école, cet isolé chercheur d’audelà ne se dessine-t-il pas dans ce mot : l’Endehors ? »
  2. 18 mois de prison, 3000 francs d’amende ; cour d’assises du 4 juin 92.
  3. 2 ans de prison, 3000 francs d’amende ; condamnation par défaut le 5 juillet 92, réduite à 6 mois, contradictoirement, le 29 mars 93.