Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Fients

Définition

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Fients ; excrémens des animaux qui peuvent servir aux engrais de la terre.

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FIENTS. Comme les fients sont propres & utiles pour réparer les défauts de la terre, il est nécessaire d'en faire distinction, afin que connoissant leur différence, on les puisse employer plus à propos, selon que le besoin l’exigera.

Le fient qui provient des excrémens de l'homme, est plus tempéré & plein de sel qu'aucun autre ; & quand il est bien consommé, il est très-propre pour les orangers, les citronniers & les autres plantes que l'on met dans des vases ou caisses.

Le fient des chevaux & des ânes est abondant en une chaleur tempérée.

Le fient des bœufs & des vaches est frais.


Celui des brebis & des chèvres est & plus gras plus tempéré.

Le fient des pourceaux est chaud.

Celui des pigeons & des autres volailles plus chaud encore, & celui des oiseaux aquatiques est presque brûlant.

Les bouillons & les lavures d'écuelles, la lessive, le sang des animaux & les animaux même servent d'autant de fients tempérés & gras. Celui du marc de vin ou de la lie a une vertu infinie, tenant des qualités excellentes & des esprits subtils, dont la nature a rempli la vigne, sur toute autre plante.

Celui du marc des huiles augmente extrêmement la vertu productive de la terre ; mais le trop est dangereux, faisant le même effet en elles que les choses trop grasses font dans notre estomac.

Le fient des autres fruits participe à leurs qualités, & donne aux mêmes arbres ou plantes qui les portent une vertu fort fructifiante.

Celui qui se fait des sirops & des raffineries de sucre & de miel, est la douceur même, & il est très-propre aux plantes auxquelles on desire une douceur savoureuse. Celui qui est mêlé de saumure, en donnera le goût ; & si les plantes particulières dont on en pourra faire, abondent en qualités puiflantes, en saveurs, couleurs ou odeurs agréables, leurs cendres en participeront aussi.

La corne des animauxa une grande efficacité en terre, l'employant râpée & par coupeaux, comme aussi les ergots & les ongles des brebis & des moutons.

Le tan qui a servi à apprêter les cuirs, y est propre, même celui qui se fait dans le tronc des saules, quand la pluie qui y entre les pourrit.

On peut encore employer la suie des cheminées, sur-tout pour multiplier les fleurs.

Les boues amassées par les rues & les chemins, bien séchées & évaporées, & employées en terre, augmentent d'autant plus sa bonté, qu'elles ont été mêlées & pétries long-tems avec le soleil, l'air & les pluies. Enfin, l’été, les poussières des rues & des chemins sont bonnes aussi, lesquelles n'ayant pas tant de graisse que les fients, sont plus profitables aux vignes, & ne rendent pas le vin gras & huileux, comme font les autres fients en certaines terres grasses de leur nature. Si l'on a même besoin pour les orangers & les autres plantes exquises qui se mettent dans des caisses & des pots, d'un fient qui ait abondance de ce sel produisant, il s'en fera un excellent, si creusant en terre une fosse de six pieds de large, de quatre de profondeur, & d'une longueur proportionnée à la quantité de fumier dont on aura besoin, vous la remplissez d'une couche de fumier menu, bien pourri, d'environ 2 pouces d'épaisseur, sur laquelle vous en mettrez une autre de pareille hauteur de bonne terre, une autre de marc de vendange, une de fumier de mouton, une autre de fumier de pigeon & une autre de vache, y mêlant les tiges & les feuilles des citrouilles, concombres & melons, même leurs fruits gâtés & pourris, continuant à mettre alternativement une couche sur l'autre, jusqu'à ce que la fosse soit remplie ; puis ayant jeté quantité d'eau dessus, vous l'acheverez de couvrir de terre, & la laisserez deux ans se consommer & pourrir, ayant soin d'ôter les herbes qui croîtront dessus en abondance. Il sera bon de faire la fosse en un lieu frais, ou proche d'un puits, afin de la pouvoir arroser pour la faire pourir plus tôt, & empêcher que le fumier ne se brûle faute d'humidité ; & par ce moyen vous aurez au bout de deux années un fient gras & bien pourri, qui servira d'un excellent remède aux arbres malades, & d'un grand secours aux plus vigoureux. Il seroit bon d'en faire tous les automnes, afin d'en avoir toujours de bien consommé & pourri ; mais ceux surtout qui aiment ou qui ont charge des orangers, citronniers & autres plantes rares qui se mettent dans des caisses, & qui par conséquent ont besoin d'une grande nourriture, n'en doivent pas être dépourvus, puisqu'ils la trouveront suffisamment dans cette sorte de fumier. Que rien ne se perde donc ; & que tout ce qui pourra être employé en fients soit recueilli aussi soigneusement que le mérite l’utilité qu'ils apportent, & spécialement les fruits pourris, & qui tombent avant d'être mûrs ; car ils serviront aux mêmes arbres, ou à d'autres semblables, d'une nourriture propre à leur nature.

Chaque sorte de fient étant séparée, doit être mise en monceau par un affaissement soigneux, qui aidera & avancera la pourriture. Le plan de la terre où ils feront amoncelés doit être un peu concave & ferme, afin que leur jus ne se perde quand il viendra à couler. Pour cet effet, il ne faut pas que les fients soient mis en un lieu penchant, ni dessous les gouttières des maisons, de peur que l'abondance d'eau ne les lave & n’emporte leur bonté ; celle des pluies suffit pour contribuer à leur pourriture. Les fients les plus pourris sont les meilleurs pour augmenter la vertu productive de la terre, & s'il étoit possible d'attendre leur perfection, on ne devroit les employer que la troisième année, & alors ils ne produiroient que de bons effets, tous les inconvéniens qui sont dans les fients nouveaux étant


passés, comme la puanteur de leur pourriture, qui donne mauvaise odeur & mauvais goût, & leur chaleur excessive qui rend la terre intempérée, tue les plantes, & engendre des animaux qui les mangent.

Cependant les fients nouveaux ne feront pas inutiles, les uns servant d'un bon remède aux arbres, les autres préservant les plantes de la rigueur du froid. ; ceux-ci faisant germer les graines, ceux-là chassant les mauvaises brouées, & donnant à la terre des secours très-profitables. Nous avons déjà dit que les fients à demi-pourris servent à préparer & à échauffer les terres argilleuses trop pressées & trop froides ; & quand ils sont achevés de pourrir, ils leur distribuent leur sel & leur vertu. La meilleure saison pour les employer est l’automne ; car alors le fient est dissous en terre par les pluies qui surviennent ; & durant l'hiver il est préparé pour la production qui se fait au printems, étant bien mêlé par les labourages.

On le peut aussi employer au printems, lorsqu'on prépare la terre pour les semences & les plantes ; mais l’été il est séché trop soudainement par la chaleur véhémente qui empêche sa vertu, & sa propre chaleur le rend intempéré par celle de cette saison. (Extrait du Traité du Jardinage.)