Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Broye
Broye hollandoise ; instrument pour broyer le lin.
BROYE HOLLANDOISE. (Pl. LIV, fig. 1.) La broye hollandoise, ou l’instrument dont on se sert en Hollande pour broyer le lin, est composé de deux parties principales, l’une fixe & l'autre mobile. Ces deux parties font semblables à tout autre égard : elles sont formées de trois planches minces, ordinairement de hêtre, assemblées suivant leur longueur, & à de petites distances les unes des autres, dans de fortes pièces de bois. La partie mobile est supérieure, & disposée de manière que ses couteaux entrent dans les intervalles qui séparent ceux de la partie fixe ou inférieure. Celle-ci est soutenue à une hauteur convenable par quatre pieds solides, & la supérieure à un manche par lequel on l’élève & on l’abaisse ensuite. C'est par ce mouvement alternatif que le lin est broyé. Il est pressé avec force par le poids & par l'action du levier contre les couteaux ; il est serré entre les intervalles qui les séparent, & là, il est divisé & disposé à se détacher plus facilement de la chénevotte, par l’opération de l’espade.
Il est clair, par cette courte description de la broye & de son action, que les intervalles entre les couteaux n'en devroient pas beaucoup excéder l'épaisseur. Sans cela, le lin, au lieu
d'être pressé & divisé entre les couteaux, seroit seulement froissé par leurs bords & coupé en travers, comme il arrive souvent avec de mauvaises broyes, ou par la mal-adresse de ceux qui s'en servent.
Le même effet arriveroit si les couteaux s'engageoient trop avant les uns dans les autres. Dans ce cas, le lin seroit enfoncé dans les intervalles en résistant aux tranchans avec beaucoup de force, & il recevroit un dommage considérable. C'est pourquoi, dans les broyes bien proportionnées, la pièce solide de bois est presque de niveau avec le bord des couteaux, & elle les empêche de descendre trop bas.
Voilà ce qu'on doit observer dans la construction & dans les proportions de la broye. Il y a une remarque essentielle à faire par rapport à son usage, qui a échappé jusqu'ici aux apprêteurs françois.
Ce n'est pas le coup qui broye le lin, il l’endommage toujours plus ou moins, & lorsqu'il est fort & preste, & que le lin ne cède pas sur le champ, il doit nécessairement le couper. Il est aisé d'en faire l’expérience : étendez fortement le lin sur les couteaux ; liez-le ensuite dans cette situation, afin qu'il ne puisse céder, & vous verrez que deux ou trois coups vifs suffiront pour le rompre. Le lin est broyé par la pression contre les couteaux. Cette pression est latérale, elle tend à diviser la filasse & non à la couper. L'apprêteur devroit donc rendre le coup aussi léger & la pression aussi forte qu'il est possible ; & c'est à quoi réussissent les Hollandois, en plaçant bien la poignée de lin sous la broye.
On sait, par les premiers principes de la mécanique, que la mâchoire supérieure de la broye agit avec plus de vitesse & avec plus de force en A qu'en B (Voyez pl. LIV, fig. 1.) ; que le coup y est plus preste & plus violent, & qu'il tend, par conséquent à endommager & à couper le lin. D'ailleurs la pression est moindre en A, elle finit avec le coup, & elle ne peut être augmentée ni diminuée. Ainsi lorsque le lin est placé en A. comme, il l’est presque toujours par les apprêteurs françois, toute l'opération se fait de la manière la plus destructive, par des coups continuellement répétés, qui rompent & qui coupent inévitablement la filasse. La pression, qui peut seule le diviser, n'a point lieu.
Le contraire arrive en B ; le coup est lent & foible, & la pression est aussi forte qu'il est possible. C'est pourquoi les Hollandois suivent une pratique contraire à la nôtre ; ils broyent toujours leur lin ; en B ; ils élèvent la mâchoire supérieure avec la main gauche en C, & ils placent le lin, & le retournent, sous la broye, aussi près qu'il est possible du centre de son mouvement.
Voyez Espade hollandoise. (Essai de la société de Dublin).