Encyclopédie méthodique/Amusements/Voix fausse

Panckoucke (p. 871-872).

VOIX FAUSSE. Une belle voix est sans contredit, préférable à tous les instruments. Quel regret n’ont pas bien des personnes d’avoir la voix fausse ? mais ce défaut n’est pas le plus ordinairement un vice de l’organe qui dans presque tous les hommes est construit de même : tout le mal vient des oreilles ; c’est dans ces organes une inégalité de force qui fait que chacune des oreilles éprouvant une sensation de son inégale, on entend nécessairement des sons faux, & que la voix est nécessairement fausse, parceque l’on cherche à chanter comme l’on croit entendre chanter les autres. M. Vandermonde médecin, a fait une expérience bien simple, qu’il rapporte dans son Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine, & que l’on peut répéter sur les enfants qui s’annoncent avec une voix fausse, afin d’y apporter remède dans cette âge tendre où les organes sont encore susceptibles de modification.

La voici telle qu’il la décrite. Je choisis un jour serein, je me plaçai dans un lieu spacieux, je fixai un endroit que je ne quittai pas, & que je réservai pour faire mes expériences ; je bouchai ensuite indifféremment une des oreilles de la personne qui servoit à ces nouvelles épreuves ; je la fis reculer & éloigner de moi, jusqu’à ce qu’elle n’entendît plus la sonnerie d’une montre à répétition que je tenois dans mes mains, ou du moins jusqu’à ce que le son du timbre ne produisît qu’une très foible impression sur son organe : je la priai de s’arrêter dans cet endroit : j’allai aussi-tôt à elle, je lui débouchai son oreille & lui rebouchai l’autre, en observant de lui faire fermer la bouche, de peur que le son ne se communiquât à l’oreille par la trompe d’Eustache ; je retournai à ma place marquée, & je recommençai à faire sonner ma montre ; pour lors elle fut toute surprise de s’apercevoir qu’elle entendît passablement ; je lui fis signe de s’éloigner encore jusqu’à ce qu’elle n’entendît presque plus. Il résulte de ces expériences, que dans les personnes qui ont la voix fausse il y a dans les oreilles inégalité de force ; le moyen d’y remédier dans les enfants, est de s’assurer par cette expérience quelle est l’oreille la plus foible : alors on ne peut mieux faire, à ce que je crois, dit M. Vandermonde, que de la boucher autant qu’il est possible, & de profiter de ce temps précieux pour exercer souvent l’oreille la moins forte, sans cependant la fatiguer. Celle qui est ainsi accoutumée à travailler seule se fortifiera, tandis que l’autre sera toujours dans le même degré de force. On essaiera de temps en temps de rendre l’ouie à l’enfant pour le faire chanter, & pour savoir si les deux oreilles sont au même degré de sensibilité : c’est ainsi que l’on peut corriger ce défaut naturel, & rendre à tout le monde la voix juste.