Texte établi par Inst. des Sourds Muets,  (p. 119-im04).

STANCES
AUX ANCIENS ALGONQUINS D’OKA

Aux rivages d’Oka, la nacelle algonquine
Et le nocher à longs cheveux
Dont, légère, sur l’eau, courait la rame fine,
Ont fait leurs suprêmes adieux.

Voyant par l’homme blanc la nature asservie.
L’arbre indignement ravalé,
L’ombrage s’éclaircir, pris de mélancolie.
L’enfant des bois s’en est allé.

En des vals plus cachés, au fond des Laurentides,
Il coule doucement ses jours.
Dans l’épaisse forêt, près des ondes limpides,
Ses héréditaires amours.

C’est là qu’en fictions son candide génie
Aime encore à s’épanouir.
Garde, ô terre d’Oka, la douce poésie
Qui s’attache à son souvenir.

***
De ses créations tu fus jadis peuplée :

Dans ses contes très vieux, souvent,
Par le zéphyr, la vierge est comme ensorcelée,
Car le dieu vit dans l’élément.


Dans tes sombres massifs où chuchote la brise,
Habite l’esprit du sommeil ;
D’autres ont leurs palais sous les vagues où puise
La coupe ardente du soleil.

Le fin Nibanabègue y cache ses embûches
Aux canotiers de ton beau lac ;
Sur la rive se plaît dans les pins et les pruches,
Le fugitif Imakinac.

Les Poukouaginins, épris de romanesque,
Hantent la cime du mont Bleu,
Et font de gais saluts à l’aube pittoresque
Entr’ouvrant ses portes de feu.

Car, peintre de l’aurore émigré de la terre,
Leur sœur, l’étoile du matin,
Pour redoubler l’éclat naissant de la lumière.
L’enrichit d’or et de carmin.

Le ciel brille et, parmi les radieux nuages
Couchés au fond de l’Orient,
L’astre aimable se montre aux jolis nains sauvages
Et leur répond en souriant.

Ah ! puisque le Peau-Rouge à sa terre choisie
Ne doit plus jamais revenir.
Gardez, rives et monts, la douce poésie
Qui s’attache à son souvenir.

Le Concert d’Oka,
Génie du Lac des Deux-Montagnes.