Texte établi par Inst. des Sourds Muets,  (p. 3-4).

AVANT-PROPOS

La race huronne-iroquoise et la race algonquine. comprenaient deux grandes familles de tribus et se partageaient, à l’époque de la découverte du Canada, tout l’Est de l’Amérique Septentrionale : de la Virginie à la baie d’Hudson et des rivages de l’Atlantique à ceux du Mississipi.

Tous ces Indiens plus ou moins sauvages, possédaient en commun certaines coutumes que Ferland a décrites dans son histoire. Ils se ressemblaient aussi par la mentalité. Ingénieusement superstitieux et tenus par l’ignorance dans une forêt de mystères, ils avaient tous une tendance à voir des esprits dans les forces occultes de la nature et à créer du merveilleux. De là leurs folk-lores si richement nourris de croyances naïves et de fictions.

Grands enfants enthousiastes, ils trouvaient un plaisir extrême à raconter ou à chanter, avec accompagnement de danse, tout ce dont leur âme vivait.

Ils avaient des rondes pour célébrer le retour des saisons ; invoquer les esprits ; préparer la pêche, la chasse et la guerre ; pour pleurer les défunts et rappeler le souvenir des ancêtres. Ils avaient des chants pour mourir au poteau du supplice.

Nonobstant ces traits communs, les Hurons-Iroquois différaient beaucoup des Algonquins, et l’étude qui va suivre essaie de le montrer. Sans prétendre combler toute une vaste lacune, elle tend à mettre en relief les caractères propres à chacune de ces deux races.

Ignorant leurs idiomes, je n’exploite que des traductions nécessairement très imparfaites, analogues peut-être aux grossières imitations de mocassins que chaussent nos habitants. Car, si l’on en croit les philologues, ces langues, entièrement faites de formes verbales aux mille nuances, se prêtent si naturellement à la métaphore, à la prosopopée, à la vive peinture, qu’elles semblent courir dans un dédale mythologique, légères comme des manitous, en souple mocassins brodés.

C’est à la suite des Sagard, des La Potherie, des Lafitau, de tous nos anciens chroniqueurs et de collectionneurs plus récents, que j’ose m’aventurer dans la forêt vierge de l’âme sauvage. Je m’attends à y trouver beaucoup d’ombre, un désordre grandiose, des échappées de vue aussi vers l’azur ; et je n’avouerai pas que c’est tant pis, les silhouettes douteuses ayant aussi leur charme.

Je ferai néanmoins un aveu : celui que m’imposent les essais poétiques et littéraires dont je fais suivre ma modeste étude, celui d’avoir puisé à des sources précieuses, abondantes, avec une coupe trop petite.