Hachette (p. 171-185).
VII. L’univers est-il infini ?

CHAPITRE SEPTIÈME

L’UNIVERS EST-IL INFINI ?

Kant et le nombre des astresÉtoiles éteintes et nébuleuses obscuresExtension et aspect de l’Univers astronomiqueDiverses sortes d’UniversLe calcul de Poincaré Définition physique de l’InfiniL’Infini et l’IllimitéStabilité et courbure de l’espace-temps cosmiqueÉtoiles réelles et étoiles virtuellesDiamètre de l’Univers einsteinienL’hypothèse des bulles d’éther.


L’univers est-il infini ? C’est une question que les hommes se sont toujours posée… sans peut-être en préciser le sens avec exactitude. La théorie de la Relativité généralisée permet de l’aborder sous un angle nouveau et fort subtil.

Kant — ce grognon génial qui trouvait horriblement monotone de voir tous les ans briller le même soleil et fleurir le même printemps — se fondait sur des considérations métaphysiques pour soutenir que l’espace est infini et partout semé d’astres semblables.

Il est peut-être plus prudent de n’examiner ce problème qu’à l’aide des données récentes de l’observation, en fermant soigneusement l’huis de notre discussion sur cette brouilleuse de cartes qu’est la métaphysique. Aussi bien celle-ci nous obligerait à définir l’espace pur, à convenir que nous n’en savons rien et à douter même s’il existe.

La preuve que nous n’en connaissons pas grand’chose est que les newtoniens y croient tandis que les einsteiniens ne le conçoivent que comme un attribut inséparable des objets. Ils définissent l’espace par la matière ; il leur faut alors définir celle-ci. Descartes au contraire définissait la matière par l’étendue, c’est-à-dire par l’espace. Cercle vicieux. Le mieux est donc de laisser nettement en dehors de notre exposé les raisonnements métaphysiques de Kant et de nous river éperdûment à l’expérience, à ce qui est mesurable.

Pour simplifier, nous admettrons la réalité de ce continuum où baignent les astres, que parcourent les radiations et que le sens commun appelle l’espace. S’il y avait partout et indéfiniment des étoiles et si le nombre de celles-ci était infini, il y aurait à la fois de l’espace et de la matière partout. Les newtoniens en pourraient triompher comme les einsteiniens, ceux qui croient à l’espace absolu comme ceux qui le nient, les « absolutistes » comme les « relativistes. »

Quel bonheur si les observations astronomiques montraient que le nombre des étoiles est en effet infini, et que par conséquent les tenants des deux opinions contraires peuvent également chanter victoire dans leurs communiqués ! Mais que montrent les observations astronomiques ?

Certains ont nié a priori que le nombre des étoiles pût être infini. Le nombre des étoiles, disaient-ils, pourrait être augmenté ; il n’est donc pas infini puisqu’on ne peut rien ajouter à l’infini. Ce raisonnement est spécieux, mais faux, bien que Voltaire s’y soit laissé prendre. Point n’est besoin d’être grand clerc ès mathématiques pour savoir qu’on peut toujours ajouter à un nombre infini et qu’il existe des quantités infinies qui sont elles-mêmes infiniment petites par rapport à d’autres.

Venons-en donc aux faits.

Si l’Univers des étoiles est sans fin, il n’y a pas une seule ligne visuelle menée de la Terre vers le ciel qui ne doive rencontrer un de ces astres. L’astronome Olbers a remarqué que le ciel nocturne serait alors tout entier d’un éclat comparable à celui du Soleil. Or l’éclat total de toutes les étoiles réunies n’est guère que 3 000 fois celui d’une étoile de première grandeur, c’est-à-dire trente millions de fois plus petit que celui du Soleil.

Mais cela ne prouve rien, car le raisonnement d’Olbers est faux pour deux raisons. D’une part, il y a nécessairement dans le ciel beaucoup d’étoiles éteintes ou obscures. Nous en connaissons qui sont fort bien étudiées et même pesées, et qui manifestent leur existence en venant périodiquement éclipser les étoiles voisines autour desquelles elles tournent. D’autre part, on a découvert depuis peu que l’espace céleste est occupé sur de larges étendues par des masses gazeuses obscures et des nuages de poussière cosmique qui absorbent la lumière des astres situés au delà. On voit bien que l’existence d’un nombre infini d’étoiles est parfaitement compatible avec la faible clarté du ciel nocturne.

Et maintenant, si nous ajustons nos besicles… nos télescopes, veux-je dire, et si nous passons du domaine du possible à celui du réel, les observations astronomiques récentes nous fournissent un certain nombre de faits fort remarquables, et qui conduisent irrésistiblement aux conclusions suivantes.

Le nombre des étoiles n’est pas, comme on l’a cru longtemps, limité par la seule puissance des lunettes. Lorsqu’on s’éloigne du Soleil le nombre des étoiles contenues dans l’unité de volume, la fréquence des étoiles, la densité de la population stellaire, si j’ose dire, ne restent pas uniformes, mais diminuent à mesure qu’on approche des confins de la Voie Lactée.

Celle-ci est un gigantesque archipel d’astres et notre Soleil paraît situé dans sa région centrale. Cet amas, cette fourmilière d’étoiles dont nous faisons partie a grossièrement la forme d’un boîtier de montre dont l’épaisseur serait à peu près la moitié de sa largeur. La lumière qui va en une seconde de la Terre à la Lune, en huit minutes de la Terre au Soleil, en trois ans de la Terre à l’étoile la plus proche, la lumière a besoin d’au moins 30 000 ans, 300 siècles, pour parcourir la Voie Lactée.

Celle-ci contient un nombre d’étoiles compris entre 500 et 1 500 millions. C’est un très petit nombre, au plus égal à celui des êtres humains sur la Terre, et beaucoup plus petit que celui des molécules de fer que renferme une tête d’épingle.

En outre on a découvert des amas très serrés d’étoiles, comme la Nuée de Magellan, l’Amas d’Hercule et divers autres qui ne paraissent guère dépasser les confins de notre Voie Lactée, et sont comme ses faubourgs. Ces faubourgs semblent d’ailleurs s’étendre très loin et surtout d’un côté de la Voie Lactée, et le plus éloigné n’est peut-être pas à moins de 200 000 années de lumière de nous.

Au delà, l’espace paraît désert et privé d’étoiles sur des distances énormes par rapport aux dimensions de notre Univers lacté tel que nous venons de le définir. Mais plus loin encore ?

Eh bien ! plus loin, on trouve ces astres singuliers, que sont les nébuleuses spirales, posés comme des escargots d’argent dans le jardin des étoiles et dont on a repéré plusieurs centaines de mille. Certains astronomes croient que les amas spiraloïdes d’étoiles sont peut-être des annexes de la Voie Lactée, et des images réduites de celle-ci. Le plus grand nombre incline à penser, par des raisons très fortes, que les nébuleuses spirales sont des systèmes en tout analogues à la Voie Lactée et de dimensions comparables aux siennes.

Dans le premier cas, l’ensemble des astres accessibles à nos télescopes a des dimensions franchissables à la lumière en quelques centaines de milliers d’années. Dans la seconde hypothèse les dimensions de l’Univers stellaire dont nous faisons partie sont encore décuplées et c’est des millions d’années au moins qu’il faudrait à la lumière pour les parcourir.

Dans le premier cas, l’Univers stellaire tout entier, tel qu’il nous est accessible, est constitué par la Voie Lactée et ses annexes, c’est-à-dire par une concentration locale d’étoiles au delà de laquelle on n’observe rien. L’Univers stellaire est donc pratiquement limité, ou du moins fini.

Dans le cas contraire, la Voie Lactée n’est plus qu’une des myriades de nébuleuses spirales qu’on observe. La nébuleuse spirale (avec ses centaines de millions d’étoiles) joue dans cet Univers agrandi le même rôle que l’étoile dans l’Univers lacté. Le problème se pose comme auparavant, mais sur une plus vaste échelle : de même que la Voie Lactée est formée d’un amas, d’une concentration d’étoiles en nombre fini — cela l’observation le prouve, — de même l’Univers accessible est-il formé d’un amas de nébuleuses spirales en nombre fini ?

Sur ce dernier point l’expérience n’a pas encore prononcé. Mais il est probable, à mon sentiment, que lorsque nos instruments seront d’une puissance proportionnée à ce vaste problème, c’est-à-dire bientôt… dans quelques siècles, ils répondront : oui.

S’il en était autrement, si la répartition des nébuleuses spirales restait toujours à peu près la même, à mesure qu’on s’éloigne, le calcul montre que, l’attraction étant en raison inverse du carré des distances, la gravitation croîtrait au delà de toute limite dans cet univers, par exemple dans la région où nous vivons. Or cela n’est pas.

Ceci prouve : soit que, aux très grandes distances, l’attraction de deux masses décroît un peu plus vite que suivant l’inverse du carré des distances (ce qui n’est pas tout à fait impossible), soit que le nombre des systèmes stellaires et des étoiles est fini. Personnellement j’incline vers la seconde hypothèse, mais elle est indémontrable. En ces matières il y a toujours une alternative, toujours un moyen d’échapper suivant la pente de ses préférences, et rien en somme ne permet réellement d’affirmer que le nombre des étoiles est fini.

En partant de la valeur moyenne, telle qu’on l’observe, des mouvements propres des étoiles voisines de nous, Henri Poincaré a calculé que le nombre total des étoiles de la Voie Lactée doit être d’environ 1 milliard. Ce nombre concorde bien avec celui qui résulte expérimentalement des jaugeages astro-photographiques.

Il a montré aussi que les mouvements propres des étoiles devraient être plus forts, s’il y avait beaucoup plus d’étoiles que nous n’en voyons ! C’est ainsi que les calculs de Poincaré sont contraires à l’hypothèse d’une extension indéfinie de l’Univers stellaire, puisque le nombre des étoiles « comptées » concorde à peu près avec le nombre qui a été « calculé ». Mais, encore un coup, ces calculs ne prouvent plus rien si la loi d’attraction n’est pas tout à fait l’inverse du carré, aux distances énormes.

Pourtant si l’Univers est fini, dans l’espace tel que le conçoit la science classique, la lumière des étoiles et les étoiles isolées elles-mêmes iraient peu à peu se perdre sans retour dans l’infini, et le cosmos s’évanouirait. Notre esprit répugne à cette conséquence et les observations astronomiques ne montrent aucun indice d’une telle dislocation.

En un mot dans l’espace des « absolutistes » l’Univers stellaire ne peut être infini que si la loi du carré des distances n’est pas tout à fait exacte pour des masses très éloignées, et il ne peut être fini que s’il est éphémère dans le temps.

D’ailleurs pour Newton, l’Univers stellaire pourrait être fini dans un Univers infini, puisque l’espace pour lui ne suppose point la matière. Pour Einstein au contraire, l’Univers tout court et l’Univers matériel ou stellaire sont une seule et même chose, puisqu’il n’y a point d’espace sans matière ou énergie.

Les difficultés et les incertitudes précédentes disparaissent en grande partie lorsqu’on considère l’espace ou plutôt l’espace-temps du point de vue einsteinien de la Relativité généralisée.

Que signifient ces mots : l’Univers est infini ? Du point de vue einsteinien, comme du point de vue newtonien, comme du point de vue pragmatiste cela veut dire : Si je marche droit devant moi, toujours et jusqu’à la fin de l’éternité, je ne reviendrai jamais à mon point de départ.

Est-ce possible ? Newton dit nécessairement oui, puisque l’espace pour lui s’étend, indéfini, indépendant des corps qui y sont plongés, que le nombre des étoiles soit ou non limité.

Mais Einstein dit : non. Pour le relativiste, l’Univers peut n’être pas infini. Est-il donc borné, limité par je ne sais quelles balustrades ? Non. Il n’est pas limité.

Quelque chose peut être illimité sans être infini. Par exemple un homme qui se déplace à la surface de la Terre pourra en faire indéfiniment le tour en tous sens sans être arrêté par une limite. La surface de la Terre ainsi envisagée, comme la surface d’une sphère quelconque est donc à la fois finie et illimitée. Eh bien ! il suffit de reporter, dans l’espace à trois dimensions, ce qui se passe dans l’espace à deux dimensions qu’est la surface sphérique, pour comprendre que l’Univers puisse être à la fois fini et illimité.

Nous avons vu que, par suite de la gravitation, l’Univers einsteinien n’est pas euclidien mais incurvé. Il est difficile sinon impossible, nous l’avons déjà dit, de se représenter, de visualiser une incurvation de l’espace. Mais cette difficulté ne doit exister que pour notre imagination limitée par nos habitudes sensibles, non pour notre raison qui va plus loin et plus haut. Car c’est encore une des erreurs les plus fréquentes des hommes de croire que l’imagination a des ailes plus puissantes que la raison. Pour être persuadé du contraire il suffit de comparer ce que les anciens les plus poétiques avaient pu rêver au sujet de la voûte étoilée et ce que la science moderne nous y montre…

Voici alors comment notre problème se pose.

Négligeons, pour l’instant, la répartition un peu irrégulière des étoiles dans notre système stellaire, et supposons-la à peu près homogène. Quelle est la condition pour que cette répartition des étoiles sous l’influence de la gravitation demeure stable ? La réponse fournie par le calcul est : pour cela la courbure de l’espace doit être constante et telle que l’espace se ferme sur lui-même à la manière d’une surface sphérique.

Les rayons de lumière des étoiles peuvent faire éternellement, indéfiniment le tour de cet Univers illimité et pourtant fini. Si le cosmos est sphérique de la sorte, on peut même penser que les rayons émanés d’une étoile, du Soleil par exemple, iront converger au point diamétralement opposé de l’Univers après en avoir fait le tour.

On pourrait s’attendre alors à voir, en des points opposés du ciel, des étoiles dont l’une ne serait que l’image, que le fantôme de l’autre, que son « double » au sens où les anciens Égyptiens entendaient ce mot. Au vrai, ce « double », cette étoile-image, nous représenterait, non pas ce qu’est l’étoile génératrice, l’étoile-objet, mais ce qu’elle était à l’époque où elle a émis les rayons qui forment cette image, c’est-à-dire des millions d’années auparavant.

Si d’un point donné du système stellaire, par exemple de notre planète, nous observons en même temps l’étoile-objet et l’étoile-image, la réalité et le mirage, nous les verrons bien différentes l’une de l’autre, puisque l’image nous montrera l’objet tel qu’il était des milliers de siècles auparavant. Il pourra même arriver que l’étoile-image soit plus brillante que l’étoile-objet parce que, dans l’intervalle, celle-ci se sera éteinte, peu à peu refroidie par les siècles.

En fait, il est improbable que nous trouvions souvent de ces astres-fantômes, de ces étoiles-virtuelles, filles lumineuses et irréelles des lourds soleils. La raison en est que les rayons dans leur trajet à travers l’univers seront en général déviés par les étoiles non loin desquelles ils passeront. Leur concentration, leur convergence sera donc rarement parfaite à l’antipode de l’étoile réelle. Et puis ces rayons auront été plus ou moins absorbés par les matières cosmiques rencontrées chemin faisant. Pourtant il n’est point impossible que quelquefois dans l’avenir les astronomes observent ce phénomène. Il n’est point impossible qu’ils l’aient déjà, sans le savoir, observé dans le passé !

Mais ce que les observateurs n’ont pas fait hier, ils le pourront demain grâce aux suggestions de la science nouvelle, et c’est ainsi qu’elle va bouleverser peut-être l’astronomie d’observation et y trouver quelque jour l’éclatante auréole de nouvelles vérifications.

Conséquences étonnantes, follement imprévues, des nouvelles conceptions et qui dépassent par leur poésie fantastique toutes les constructions les plus romanesques de l’extrapolation imaginative.

Le réel ou du moins le possible monte à des hauteurs vertigineuses où jamais n’avaient atteint les ailes dorées de la fantaisie.

J’ai parlé tout à l’heure des millions d’années que la lumière emploie à faire le tour de notre Univers incurvé. C’est qu’en partant de la valeur à peu près connue de la quantité de matière incluse dans la Voie Lactée on peut calculer facilement la courbure du monde et son rayon. On trouve que ce rayon a une valeur au minimum égale à 150 millions d’années de lumière.

Il faut donc au moins 900 millions d’années à la lumière pour faire le tour de l’Univers si celui-ci est limité à la Voie Lactée et à ses annexes. Le chiffre est parfaitement compatible avec ceux que nous ont donnés ci-dessus les observations astronomiques pour la dimension du système galactique, et aussi avec ceux — beaucoup plus grands — que nous avons obtenus en assimilant les nébuleuses spirales à des Voies Lactées.

Ainsi, pour le relativiste, l’Univers peut être illimité sans être infini.

Quant au pragmatiste qui marche droit devant lui — c’est-à-dire qui suit ce qu’il appelle une ligne droite : le trajet de la lumière — il finira forcément par retrouver l’astre d’où il est parti, pourvu qu’il dispose d’un temps suffisant. Il dira donc, si telle est la nature des choses : l’Univers n’est pas infini.

L’infinité ou la finité de l’Univers peut donc en principe être contrôlée par l’expérience, et on pourra vérifier quelque jour si le cosmos dans son ensemble et si l’espace sont newtoniens ou einsteiniens. Malheureusement, c’est une expérience de très longue haleine et qui soulèvera quelques petites difficultés pratiques.

On peut donc, sans trop se compromettre jusqu’à nouvel ordre, ne pas se croire obligé de choisir entre les deux conceptions et laisser planer le bénéfice du doute sur celle des deux qui est fausse…

Il y a d’ailleurs peut-être encore une troisième issue sinon pour le pragmatiste, du moins pour le philosophe j’entends par là le physicien, me souvenant que les Anglais appellent la physique Natural Philosophy.

Voici : si tout ce que nous connaissons d’astres se rattache à notre Voie Lactée, d’autres Univers très éloignés peuvent nous être inaccessibles parce qu’ils sont optiquement isolés du nôtre, peut-être par les phénomènes d’absorption cosmique de la lumière dont nous avons parlé déjà.

Mais ceci pourrait être aussi causé par autre chose qui choquera peut-être quelques relativistes mais semblera possible aux newtoniens. L’éther, ce milieu qui transmet les vibrations lumineuses et dont Einstein lui-même a fini par réadmettre l’existence tout en lui refusant ses propriétés cinématiques habituelles ; l’éther, dis-je, et la matière, semblent de plus en plus n’être que des modalités l’un de l’autre. Nous l’avons expliqué dans un chapitre précédent, d’après les découvertes physiques les plus récentes. Rien ne prouve donc que ces deux formes de la substance ne soient pas toujours associées l’une à l’autre.

N’ai-je pas alors le droit de penser que peut-être notre Univers visible tout entier, concentration locale de matière, n’est qu’une bulle d’éther isolée ? Si l’espace absolu existe (ce qui ne veut pas dire qu’il nous soit sensible, accessible), il est indépendant non seulement de la matière, mais de l’éther. Et alors, autour de notre Univers, s’étendent des espaces vides d’éther. D’autres Univers, peut-être, palpitent au delà, et ces mondes sont à jamais pour nous comme s’ils n’étaient pas.

Rien de sensible, rien de connaissable ne peut nous en parvenir ; rien ne peut franchir les abîmes noirs et muets qui entourent notre île stellaire.

Nos regards sont à jamais prisonniers dans cette monade géante… et déjà trop petite.

« Il y a donc des choses qu’on ne saura jamais et qui, pourtant, existent peut-être ? » vont s’écrier les naïfs étonnés. Plaisante prétention de vouloir tout contenir dans quelques centimètres cubes de substance grise…