Doctrine de la vertu (trad. Barni)/Eléments métaphysiques/Introduction/XVIII-Rem

Doctrine de la vertu
Traduction par Jules Barni.
Auguste Durand (p. 62-63).


remarque.


xxMais comment ai-je été conduit, me demandera-t-on, à diviser l’éthique en doctrine élémentaire et méthodologie, tandis que j’ai pu me passer de cette division dans la doctrine du droit ? — C’est que dans celle-ci il ne s’agissait que de devoirs stricts, tandis que dans celle-là il s’agit de devoirs larges. Aussi la doctrine du droit, qui par sa nature doit être d’une précision rigoureuse, n’a pas plus besoin que les mathématiques pures d’une règle générale (d’une méthode) qui lui enseigne comment elle doit procéder dans ses jugements, mais ils sont vrais par le fait même. — L’éthique au contraire, à cause de la latitude qu’elle laisse à ses devoirs imparfaits, conduit inévitablement à des questions qui poussent le jugement à décider comment une maxime doit être appliquée dans les cas particuliers, ou quelle maxime particulière (subordonnée) elle fournit à son tour (en quoi l’on peut toujours s’enquérir du principe de l’application de cette maxime aux cas qui se présentent) ; et ainsi elle tombe dans une casuistique dont la doctrine du droit n’a point du tout à s’occuper.
xxLa casuistique n’est donc ni une science, ni une partie d’une science ; car elle serait alors dogmatique, et elle est moins une doctrine qui enseigne à trouver quelque chose qu’un exercice qui apprend à chercher la vérité. Elle ne se mêle donc à la science que d’une manière fragmentaire et non systématique (ce qui doit être au contraire le caractère de l’éthique) ; elle ne s’ajoute au système que sous la forme de scholies.
xxIl appartient spécialement à l’éthique, comme methodologie de la raison moralement pratique, d’exercer la raison, plutôt encore que le jugement, dans la théorie des devoirs aussi bien que dans la pratique. La méthode relative au premier exercice (à la théorie des devoirs) se nomme didactique, et elle est ou acroamatique ou érotématique. La méthode érotématique est l’art d’interroger l’élève sur

ce qu’il sait déjà des idées de devoir, soit qu’on ne lui demande que ce qu’on lui a déjà dit, et qu’on s’adresse simplement à sa mémoire, auquel cas la méthode est proprement catéchétique ; soit qu’on suppose que ces connaissances sont déjà contenues naturellement dans sa raison et qu’il n’y a plus qu’à les en tirer, ce qui est la méthode dialogique (socratique).

xxÀ la didactique, comme méthode d’exercice théorétique, correspond, dans la pratique, l’ascétique, c’est-à-dire cette partie de la méthodologie où l’on n’enseigne pas seulement l’idée de la vertu, mais où l’on apprend aussi à mettre en exercice et à cultiver la faculte de la vertu[1], ainsi que la volonté qu’elle exige.
xxD’après ces principes, nous diviserons donc tout le système de l’éthique en deux parties : la doctrine élémentaire et la méthodologie. Chaque partie aura ses divisions principales, et celles de la première partie se subdiviseront elles-mêmes en divers chapitres : en premier lieu, suivant la différence des sujets envers lesquels l’homme est obligé, et en second lieu, suivant la différence des fins que la raison lui enjoint de se proposer, et ses dispositions à l’égard de ces fins[2].

Notes du traducteur modifier

  1. Tugendvermögen.
  2. Empfänglichkeit für dieselbe.

Notes de l’auteur modifier