Doctrine de l’Église catholique orthodoxe/I/Différences sur les mondes et leurs rapports


Librairie de l’Union Chrétienne (p. 50-57).

Il y a deux points sur lesquels les Églises chrétiennes sont en divergence, ce sont ceux des relations de communion qui existent entre les élus qui sont au ciel et les fidèles qui sont encore sur la terre ; et de l’état des âmes non damnées et non encore bienheureuses, après leur séparation du corps, et, par suite, la prière pour les morts.

Les Églises protestantes nient d’une manière absolue cet état des âmes et par conséquent l’utilité de la prière pour elles. Par conséquent, il n’y a pour les protestants que des élus et des réprouvés qui, aussitôt après la mort, entrent dans l’état de béatitude ou dans l’état de damnation absolue, et avec lesquels toutes relations sont rompues. Ils veulent aussi que toute relation cesse entre les élus qui sont au ciel et les fidèles qui sont sur la terre, au point que ces derniers ne puissent plus demander les prières des premiers. La mort, à leurs yeux, est une rupture complète entre les deux mondes invisible et visibles.

L’Église anglicane, par son vingt-deuxième article de foi, rejette, d’une manière absolue, toute la doctrine romaine sur le purgatoire et l’invocation des saints, sans distinguer ce qui, dans cette doctrine, est vrai de ce qui est faux.

Cependant, elle a conservé les fêtes des saints dans son calendrier et elle les célèbre par ses offices publics. Elle honore donc et vénère les saints ; seulement, elle ne les invoque pas. On peut croire qu’elle veut protester ainsi contre l’idée d’un culte idolâtrique que l’on reproche à l’Église romaine ; mais l’invocation en elle-même ne peut être considérée comme un culte de ce genre. Si les fidèles peuvent et doivent se demander mutuellement leurs prières pendant qu’ils sont sur la terre ; si saint Paul lui-même demandait les prières des fidèles qu’il avait enfantés à la foi, pourquoi ne demanderait-on pas les prières de ceux que l’on honore, que l’on vénère, qui sont auprès de Dieu, et que la mort n’a pas séparés de cette Église chrétienne dont ils ont été l’honneur et l’appui’? La mort ne rompt pas les liens entre les fidèles. Donc, ils peuvent prier les uns pour les autres et se demander mutuellement leurs prières. Ainsi considérée, l’invocation des saints n’est pas plus idolâtrique que la vénération que l’on professe pour eux. On ne les considère pas plus comme médiateurs, dans le sens strict du mot, que les fidèles dont on réclame, en ce monde, les prières.

L’Église anglicane, tout en rejetant le purgatoire, semble prier pour les morts, comme on le voit par l’office des inhumations qui se trouve dans le Livre de prières. Elle admet donc que les âmes de certains fidèles peuvent être dans un état où les prières peuvent leur être utiles. Quoique cette doctrine ne soit pas assez nettement formulée par elle, nous pensons cependant que l’on doit la déduire de sa liturgie, et qu’elle l’a laissée seulement tomber en désuétude.

L’Église romaine actuelle professe des erreurs formelles touchant l’état des âmes non damnées et non encore admises dans le ciel ; elle les place dans un lieu qu’elle appelle purgatoire et dans lequel ces âmes expient leurs fautes vénielles par la souffrance du feu ; satisfont aux peines qu’elles ont méritées par ces fautes, et obtiennent leur pardon.

Ce pardon peut leur être accordé par le pape, en tout ou en partie, au moyen des indulgences partielles ou plénières, attachées à tel ou tel acte pieux, à telle ou telle prière.

L’Église orientale ne croit pas qu’après la mort l’âme puisse mériter ou démériter, puisse expier[1] ; elle rejette par conséquent toute peine expiatoire, ou le purgatoire ; elle n’admet pas que les âmes puissent être dans un lieu, mais seulement dans un état provisoire. Elle ne regarde les indulgences que comme des adoucissements aux pénitences canoniques qui doivent être accomplies sur la terre, et qui ne regardent point l’autre vie ; elle n’admet pas, par conséquent, les indulgences étendues à cette autre vie, et elle ne reconnaît à l’évêque de Rome, non plus qu’à tout autre évêque, le droit de décharger, en tout ou en partie, les âmes des défunts de peines purement ecclésiastiques, imposées en ce monde et pour ce monde par l’autorité ecclésiastique.

L’Église orientale appuie sa croyance touchant l’état provisoire de certaines âmes destinées au salut, sur la foi de la primitive Église qui est attestée par les plus anciennes liturgies, et en particulier par la plus ancienne de toutes, connue sous le nom de Saint-Jacques de Jérusalem. Toutes contiennent des prières pour les morts. Saint Cyrille de Jérusalem exprimait donc, au quatrième siècle, la foi de l’Église primitive lorsqu’il disait : « Il est très-avantageux aux âmes de ceux qui nous ont précédés, que l’on prie pour elles durant le sacrifice saint et terrible. » (Catéch., V, 9.)

La véritable doctrine, commune aux Églises d’Orient et aux anciennes Églises d’Occident, tient le milieu entre les négations des Églises protestantes, et les innovations de l’Église romaine actuelle.

  1. C’est par une contradiction étrange et évidente que des théologiens romains admettent que les âmes ne méritent pas après la mort, et qu’ils admettent en même temps une peine satisfactoire, c’est-à-dire méritante.