Dix vers d’André Chenier. ― Sont-ils inédits ?

Dix vers d’André Chenier. ― Sont-ils inédits ?
L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 1864
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Dix vers d’André Chénier. — Sont-ils inédits ?


Proserpine incertaine......
Sur sa victime encor suspendait ses ciseaux,
Et le fer, respectant ses longues tresses blondes,
Ne l’avait pas vouée aux infernales ondes.
Iris, du haut des cieux, sur ses ailes de feu,
Descend vers Proserpine : « Oui, qu’à l’infernal dieu
Didon soit immolée ; emporte enfin ta proie… »
Elle dit ; sous le fer soudain le crin mortel
Tombe ; son œil se ferme au sommeil éternel,
Et son souffle s’envole à travers les nuages.

(Virg., Æn. IV, 698 et seq. : Nundum illi flavum…)

Ces dix vers m’ont été donnés d’après une copie datée de 1801, et prise, en marge d’un Virgile in-4o, sur le manuscrit même d’André, alors, comme on sait, entre les mains de son frère Marie-Joseph, ou plutôt dans celles de tous les curieux du royaume. L’original de ce petit fragment est-il connu ? est-il perdu ? S’il a disparu, ne doit-on pas craindre la perte de pièces plus importantes ?

Comme des épaves, indices d’un naufrage voisin, puisse cette feuille détachée faire trouver la trace de celles qui ont dû s’envoler au même vent ! Et puisse-t-on recueillir, jusqu’à la dernière parcelle, le miel attique de ce doux poëte ! Car c’est lui, lui seul qui sut réveiller les abeilles de l’Hymette, engourdies de froid dans les bosquets géométriques où soupiraient en négligé de satin les bergères de son temps.

A. France.