Dix Écrits de Richard Wagner/Un musicien étranger à Paris

Traduction par Henri Silège.
Dix Écrits de Richard Wagner, Texte établi par Henri Silège Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (p. 113-152).


UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS




Nous venons de le mettre en terre ! Le temps était sombre et glacial, et nous n’étions qu’en bien petit nombre. L’Anglais était encore là ; il veut maintenant lui élever un monument. — Il aurait bien mieux fait de lui payer ses dettes !

C’était une triste cérémonie. Notre respiration était gênée par un de ces vents aigres qui signalent le commencement de l’hiver. Personne, parmi nous, n’a pu parler, et il y a eu absence totale d’oraison funèbre. Pourtant, vous n’en devez pas moins connaître celui à qui nous venons de rendre les derniers devoirs : c’était un homme excellent, un digne musicien, né dans une petite ville de l’Allemagne, mort à Paris, où il a bien souffert. Doué d’une grande tendresse de cœur, il ne manquait pas de se prendre à pleurer toutes les fois qu’il voyait maltraiter les malheureux chevaux dans les rues de Paris. Naturellement doux, il supportait sans colère de se trouver dépossédé par les gamins de sa part des trottoirs si étroits de la capitale. Malheureusement, il joignait à tout cela une conscience d’artiste d’une scrupuleuse délicatesse ; il était ambitieux sans aucun talent pour l’intrigue ; de plus, dans sa jeunesse, il lui avait été donné de voir une fois Beethoven, et cet excès de bonheur lui avait tourné la tête de telle sorte qu’il ne put jamais se retrouver dans son assiette pendant son séjour à Paris.

Un jour, il y a de cela plus d’un an, je me promenais au Palais-Royal, lorsque j’aperçus un magnifique chien de Terre-Neuve se baignant dans le bassin. Amateur de chiens comme je le suis, je ne pus refuser mon admiration à ce bel animal qui sortit de l’eau, et obéit à l’appel d’un homme auquel je ne fis d’abord nulle attention, et sur lequel mes regards ne s’arrêtèrent que parce que je vis en lui le propriétaire de ce chien d’une si merveilleuse beauté. Il s’en fallait de beaucoup que cet homme fût aussi beau que son compagnon quadrupède. Il était vêtu proprement, mais Dieu sait à la mode de quelle province pouvait appartenir sa toilette. Cependant, ses traits ne laissaient pas d’éveiller en moi je ne sais quel vague souvenir ; peu à peu j’en vins à me les rappeler d’une manière de plus en plus distincte, et enfin, oubliant l’intérêt que le chien venait de m’inspirer, je me précipitai dans les bras de mon ami R.... Nous fûmes l’un et l’autre enchantés de nous revoir. Il faillit s’évanouir d’attendrissement. Je le menai au café de la Rotonde. — Je pris du thé mêlé de rhum, et lui demanda du café, qu’il but les yeux tout humides de larmes.

— Mais, au nom du ciel, lui dis-je, quel motif peut t’amener à Paris ? qui peut t’avoir fait quitter, à toi, modeste musicien, ta province allemande et ton cinquième étage ?

— Mon ami, me répondit-il, ai-je été poussé à une telle démarche par la passion aérienne d éprouver la vie qu’on mène dans Paris, à un sixième étage, ou bien par le désir plus mondain d’essayer s’il ne me serait possible de descendre au second ou même au premier, c’est un point sur lequel je ne suis pas encore bien fixé moi-même. Avant tout, j’ai cédé à un irrésistible besoin de m’arracher aux misères des provinces allemandes, et sans vouloir tàter de nos capitales, villes grandioses, sans aucun doute, je me suis rendu tout d’abord dans la capitale du monde, dans ce centre commun où vient aboutir l’art de toutes les nations, où les artistes de tous pays rencontrent la juste considération qui leur est due, et où moi-même j’espère trouver moyen de faire germer enfin le grain d’ambition que le ciel m’a mis au cœur.

— Ton ambition est bien naturelle, lui répliquai-je, et je te la pardonne, quoique, à vrai dire, elle doive m’étonner en toi. Mais d’abord, explique-moi par quels moyens tu prétends te soutenir dans cette nouvelle carrière. Combien as-tu à dépenser par an ? Voyons, ne t’effarouche pas ainsi ; je sais bien que tu n’étais qu’un pauvre diable, et que, par conséquent, il ne peut être question de tes rentes. Mais enfin, puisque te voilà ici, je dois supposer ou que tu as gagné à la loterie, ou bien que tu as su te concilier la faveur et la protection, soit de quelque parent haut placé, soit de quelque personnage important, de telle sorte que tu te trouves assuré d’un revenu passable au moins pour dix bonnes années.

— Vous voilà bien, vous autres fous, avec votre manière d’envisager toutes les questions, me répondit mon ami avec un sourire de bonne humeur, et, après s’être remis d’un premier saisissement : vous ne manquez jamais de porter avant tout votre attention sur ces misérables et prosaïques détails. De toutes tes suppositions, mon très cher, il n’en est pas une seule qui se trouve juste. Je suis pauvre ; dans quelques semaines même je vais me trouver sans le sou. Mais qu’importe cela ? J’ai du talent ; on me l’a assuré du moins. Eh bien ! ce talent, pour le faire valoir, devais-je par hasard choisir la ville de Tunis ? Non sans doute, et je suis venu tout droit à Paris. Ici, je ne tarderai pas à éprouver si l’on m’a trompé en me faisant croire à ma vocation d’artiste, si l’on a eu tort de me faire espérer des succès, ou si réellement je possède quelque mérite. Dans le premier cas, je serai bientôt et volontairement désabusé, et alors, éclairé sur le peu que je vaux, je n’hésiterai pas à retourner au pays pour y reprendre ma modeste chambrette ; mais s’il en est autrement, c’est à Paris que mon talent sera plus vite connu et plus dignement payé qu’en aucun autre pays du monde. Oh ! ne ris pas ainsi, et tâche plutôt de me répondre par quelque objection fondée.

— Mon pauvre ami, lui dis-je, je ne ris plus ; en ce moment, au contraire, j’éprouve pour toi et pour ton chien une inquiétude qui m’afflige profondément, car, quelque modéré que tu puisses être dans ton appétit, je sais que ce bel animal ne laissera pas de manger beaucoup. Tu veux nourrir toi et ton chien avec ton talent ? C’est un beau projet, car si notre propre conservation est le premier devoir qui nous soit imposé, l’humanité envers les animaux est le second et le plus beau. Mais dis-moi maintenant, quels moyens comptes-tu employer pour mettre ton talent en évidence ? Quels sont tes projets ? Voyons, fais-moi part de tout cela.

— Oh ! pour ce qui est des projets, je n’en manque pas, et je vais t’en soumettre un grand nombre. D’abord je pense à un opéra. J’en ai une bonne provision ; les uns sont entièrement terminés, les autres ne sont faits qu’à moitié ; d’autres encore, et en grand nombre, ne sont qu’ébauchés, soit pour le Grand-Opéra, soit pour l’Opéra-Comique. Ne m’interromps pas ! Je sais parfaitement que de ce côté les affaires ne marcheront pas très vite, et je ne considère ce projet que comme le but principal vers lequel doivent tendre et se concentrer tous mes efforts. Mais si je ne dois pas espérer d’obtenir si promptement la représentation de mes ouvrages, tu m’accorderas bien au moins qu’avant peu je pourrai être fixé sur la question de savoir si mes compositions seront acceptées ou non par les directions théâtrales. Eh quoi ! tu ris encore ! Ne dis rien ; je connais d’avance l’objection que tu médites, et je vais y répondre à l’instant. Je suis bien persuadé qu’ici encore j’aurai à lutter contre des obstacles sans cesse renaissants ; mais enfin ces obstacles, en quoi peuvent-ils consister, après tout ? Uniquement dans la concurrence. Les plus grands talents se trouvant réunis ici, chacun à l’envi vient offrir ses œuvres ; or, il est du devoir des directeurs de soumettre ces œuvres à un examen sévère et consciencieux ; la lice doit être impitoyablement fermée aux médiocrités, et il ne peut être donné qu’aux travaux d’un mérite avéré d’avoir l’honneur d’être choisis entre tous. Eh bien ! cet examen, je m’y suis préparé, et je ne demande aucune faveur, sans en avoir été reconnu digne. Mais en dehors de cette concurrence, que pourrais-je encore avoir à redouter ? Me faudrait-il craindre par hasard de me trouver, ici comme en Allemagne, dans l’obligation d’avoir recours à des voies tortueuses pour me procurer l’entrée des théâtres royaux ? Dois-je croire que, pendant des années entières, il me faudra mendier la protection de tel ou tel laquais de cour, pour finir par arriver, grâce à un mot de recommandation qu’aura daigné m’accorder quelque femme de chambre, à obtenir pour mes œuvres l’honneur de la représentation ? Non sans doute, et à quoi bon d’ailleurs des démarches si serviles, ici, à Paris, la capitale de la France libre ! à Paris, où règne une presse puissante qui ne fait grâce à aucun abus ni à aucun scandale et les rend par cela même impossibles ! à Paris enfin où le vrai mérite peut seul espérer d’obtenir les applaudissements d’un public immense et incorruptible ?

— Le public, m’écriai-je, tu as raison. Je suis aussi d’avis qu’avec ton talent tu pourrais espérer de réussir, si tu n’avais affaire qu’au public seul ; mais c’est précisément dans le plus ou le moins de facilité d’arriver jusqu’à lui que tu te trompes lourdement, mon pauvre ami. Ce n’est pas la concurrence des talents contre laquelle tu auras à combattre, mais bien celle des réputations établies et des intérêts particuliers. Es-tu bien assuré d’une protection ouverte et influente, alors tente la lutte, mais sans cela, et surtout si tu manques d’argent, tiens-toi soigneusement à l’écart, car tu ne pourras que succomber, sans même avoir attiré sur toi l’attention publique. Il ne sera pas question de mettre à l’épreuve ton talent et tes travaux. Oh ! non, ce serait là une faveur sans pareille ! On pensera seulement à s’enquérir du nom que tu portes, et comme ce nom est étranger à toute espèce de réputation, comme de plus il ne se trouve inscrit sur aucune liste de propriétaires ou de rentiers, il vous faudra végéter inaperçus, toi et ton talent.

(Je n’ai nul besoin, je pense, de faire remarquer au lecteur que, dans les objections dont je me sers et dont j’aurai encore à me servir vis-à-vis de mon ami, il ne s’agit nullement de voir l’expression complète de ma conviction personnelle, mais seulement une série d’arguments que je regardais comme urgent d’employer pour amener mon enthousiaste à abandonner ses plans chimériques, sans diminuer pourtant en rien sa confiance en son talent.)

Ma controverse manqua cependant son effet sur lui : il devint chagrin, mais il ne m’accorda aucune foi. Je continuai en lui demandant à quels moyens il prétendait avoir recours pour se faire, en attendant, un commencement de réputation qui put lui être de quelque utilité dans la mise à exécution de l’important projet qu’il venait de me communiquer.

Ma question sembla dissiper sa mauvaise humeur.

— Ecoute donc bien, me répondit-il : tu sais que depuis longtemps je me suis adonné avec amour à la musique instrumentale. Ici, à Paris, où l’on semble avoir voué un véritable culte à notre Beethoven, j’ai quelque lieu d’espérer que le compatriote et le plus fervent admirateur de ce grand homme pourra être accueilli sans trop de défaveur, s’il tâche de faire entendre au public les faibles essais qui lui ont été inspirés par l’étude de son inimitable modèle.

— Permets que je t’arrête ici, m’écriai-je ; Beethoven est déifié, tu as parfaitement raison ; mais fais bien attention que sa réputation et son nom sont maintenant choses reçues et consacrées. Mis en tête d’un morceau digne de ce grand maître, ce nom sera bien un talisman assez puissant pour en révéler les beautés à l’instant et comme par magie, mais à ce nom substitues-en tout autre, et tu ne parviendras jamais à rendre les directeurs de concerts attentifs aux passages les plus brillants de ce même morceau. (Le lecteur voudra bien ne pas oublier de faire ici une nouvelle application de la remarque que je lui ai recommandée ci-dessus.)

— Tu mens, s’écria mon ami avec quelque violence ; maintenant je te devine ; ton plan bien arrêté est de me décourager et de me détourner du chemin de la gloire ! mais tu n’y parviendras pas !

— Je te connais, lui dis-je, et je sais que ce que tu viens de dire, tu ne lepenses pas sérieusement ; ainsi je te le pardonne. Dans tous les cas, je dois te dire qu’ici encore tu auras à renverser les obstacles qui se dressent indubitablement devant tout artiste sans réputation, quel que puisse être d’ailleurs son talent. Tes deux projets sont bons comme moyens de soutenir et d’augmenter une gloire déjà acquise, mais nullement de commencer une réputation. Ou l’on te laissera te morfondre à attendre en vain l’exécution de ta musique instrumentale, ou bien, si tes compositions sont conçues dans cet esprit audacieux et original que tu admires dans Beethoven, on ne manquera pas de les trouver boursouflées et incompréhensibles, et l’on se débarrassera ainsi de toi avec ce beau jugement. (Le lecteur voudra bien ne pas oublier, etc.)

— Mais ce reproche, me dit-il, si j’avais eu soin de m’y soustraire d’avance ? Si, dans cette prévision, pour prendre mes précautions contre un public superficiel, j’avais eu soin de broder plusieurs morceaux de ces enjolivements légers et modernes que j’abhorre, il est bien vrai, du fond du cœur, mais auxquels les meilleurs artistes ne dédaignent pas d’avoir recours pour assurer leurs succès ?

— Alors on te donnera à entendre que tes œuvres sont trop légères ou trop insignifiantes pour être offertes au public à côté de celles d’un Beethoven ou d’un Musard. (Le lecteur voudra bien ne pas oublier, etc.)

— Ah ! monsieur le mauvais plaisant, s’écria mon ami ; c’est bien, c’est bien ; je vois enfin que maintenant ton seul but était de te moquer de moi ! Tu es et tu seras toujours un drôle de corps

À ce moment, il frappa en riant du pied contre terre, et il atteignit si lourdement les pattes de son beau chien que celui-ci poussa un cri perçant ; mais aussitôt, léchant les mains de son maître, il jeta sur lui un triste regard comme pour le supplier de ne plus traiter mes objections comme des plaisanteries.

— Tu vois, dis-je, qu’il n’est pas toujours bon de confondre le sérieux et le comique. Mais laissons cela. Fais-moi part, je t’en prie, des autres projets qui peuvent t’avoir encore engagé à échanger ta modeste patrie contre l’abîme de Paris. Dis-moi ; dans le cas où, pour l’amour de moi, tu consentirais à abandonner les deux plans dont tu viens de m’entretenir, par quels autres moyens te proposes-tu de chercher à te faire une réputation ?

— Soit, me répondit-il, malgré ton inconcevable disposition à me contredire, je veux te faire ma confidence tout entière. Rien, que je sache, n’est plus recherché dans les salons parisiens que ces romances pleines de grâce et de sentiment telles que les a produites le goût particulier du peuple français, ou que ces lieder venus de notre Allemagne, et qui ont acquis ici droit de bourgeoisie. Pense aux lieder de Schubert et à la vogue dont ils jouissent en France. Ce genre est précisément un de ceux qui me conviennent particulièrement. Je sens en moi la faculté de créer dans cette branche de l’art quelque chose de remarquable. Je ferai entendre mes lieder, et je serai peut-être aussi chanceux que maint et maint compositeur. Comme tant d’autres, je serai peut-être assez heureux, sans autre secours que ces productions si simples, pour captiver l’attention d’un directeur de théâtre à ce point qu’il n’hésitera pas à me confier la composition d’un opéra.

Ici encore le chien de mon ami poussa un cri douloureux ; cette fois, c’était moi qui, dans une contraction pour retenir une violente envie de rire, avais marché sur la patte du noble animal.

— Eh quoi ! m’écriai-je, est-il bien possible que, sérieusement, tu entretiennes de si folles pensées ? Mais où diable as-tu vu ?…

— Mon Dieu, répliqua mon enthousiaste, serait-ce donc la première fois qu’une semblable circonstance se serait présentée ? Faut-il te citer ici tous les journaux dans lesquels j’ai lu si souvent comment tel ou tel directeur de théâtre avait été si profondément ému par l’audition d’une romance, comment tel ou tel poète s’était trouvé si soudainement impressionné par le talent jusqu’alors ignoré d’un compositeur, que, d’un commun accord, poète et directeur se sont à l’instant engagés, l’un à fournir un libretto, l’autre à assurer la représentation de l’ouvrage ?

— Ah ! est-ce donc là que nous en sommes ? lui répondis-je en soupirant ; c’est par des articles de journaux que tu as laissé égarer ton candide et honnête esprit. Puisses-tu arriver un jour à te persuader qu’on ne doit ajouter foi qu’au tiers tout au plus de toutes ces réclames, et se bien garder encore d’y croire par trop pieusement. Nos directeurs de théâtres ont, par ma foi, bien autre chose à faire que d’écouter des romances, et à devenir fous d’enthousiasme ! (Le lecteur voudra bien ne pas oublier, etc.) Et puis, admettons que ce soit là un moyen excellent pour se créer une réputation, tes romances, par qui les feras-tu chanter ?

— Eh ! par qui, si ce n’est par ces célèbres virtuoses de l’un et de l’autre sexe qui se font si souvent un devoir de recommander au public, avec le plus aimable empressement et le talent le plus complaisant, les productions de talents inconnus ou opprimés ? Suis-je encore ici la dupe de quelque article de journal ?

— Ami, lui répondis-je, à Dieu ne plaise que je prétende nier la noblesse de cœur dont s’honorent à juste titre nos principaux chanteurs ou nos chanteuses. (Le lecteur voudra bien ne pas oublier, etc.) Mais, pour arriver à l’honneur d’une telle protection, n’y a-t-il pas encore bien des exigences à satisfaire ? Tu ne saurais imaginer quelle concurrence, ici encore, tu auras à redouter ; et tu te ferais difficilement une idée des nombreuses et influentes protections que tu devras te ménager auprès de ces cœurs si nobles, pour leur persuader que, réellement, tu possèdes un talent inconnu. Mon bon, mon excellent ami, as-tu encore quelque autre projet ?

Ici, mon enthousiaste fut réellement hors de lui. Il s’éloigna de moi vivement et avec colère, quoique non sans ménagement pour son chien qui, cette fois, ne cria pas. — Et maintenant, s’écria-t-il, quand mes autres plans seraient aussi innombrables que les grains de sable de la mer, je ne voudrais plus t’en confier un seul ! Railleur impitoyable, sache pourtant que tu ne triompheras pas ! Mais, dis-moi, je ne veux plus t’adresser que cette seule question, apprends-moi donc de quelle manière ont débuté tous ces grands artistes à qui il a bien fallu pourtant commencer par se faire connaître, et qui ont fini par arriver à la gloire !

— Va le demander à l’un d’eux, lui répondis-je froidement ; peut-être apprendras-tu ce que tu désires savoir. Quant à moi, je l’ignore.

— Ici ! ici ! cria-t-il vivement à son chien. Tu n’es plus mon ami, me cria-t-il avec emportement. Malgré ta froide raillerie, tu ne me verras pas faiblir ! Dans un an, rappelle-toi bien mes paroles ; dans un an, tu pourras apprendre le lieu de ma demeure par la bouche du premier gamin venu, ou j’aurai soin de t’informer du lieu où il faudra que tu viennes pour me voir mourir

Puis, il siffla son chien d’une manière aigre et perçante, et disparut avec la rapidité de l’éclair, aussi bien que son superbe compagnon. Il me fut impossible de les rejoindre.

Dès les premiers jours qui suivirent notre séparation, quand je vis échouer successivement toutes mes tentatives pour découvrir la demeure de mon ami, je pus me convaincre profondément combien j’avais eu tort de n’avoir pas su combattre les nobles susceptibilités d’un esprit si hautement enthousiaste avec de meilleures armes qu’avec les objections si froides, si désespérantes, et à tout prendre peu sincères que j’avais constamment opposées aux projets qu’il me confiait avec une candeur toute naïve. Dans la louable intention de l’effrayer autant que possible afin de le détourner de ses projets, parce que je savais à n’en pas douter qu’il n’était nullement homme à suivre avec succès la route qu’il prétendait se tracer, dans cette louable intention, dis-je, j’avais perdu de vue que je n’avais pas affaire à un de ces esprits légers et flexibles qu’il est facile de convaincre, mais bien à un homme qu’une foi ardente dans la divine et incontestable vérité de son art avait amené à un tel degré de fanatisme que, de doux et pacifique qu’il était naturellement, son caractère était devenu d’une roideur et d’une opiniâtreté à toute épreuve. Assurément, pensais-je en moi-même, il erre maintenant dans les rues de Paris avec la ferme confiance qu’il doit arriver à ce point de n’avoir plus qu’à choisir, entre tous ses projets, celui qu’il mettra d’abord à exécution, de manière à voir briller son nom sur ces affiches vers lesquelles se concentrent tous ses efforts. Assurément, il donne maintenant un sou à quelque vieux mendiant bien misérable, avec l’intention bien arrêtée de lui offrir un napoléon d’ici à quelques mois.

Plus le temps s’écoulait depuis que nous nous étions perdus de vue, plus mes efforts pour découvrir mon ami étaient infructueux, et plus je me laissais entraîner par l’assurance imperturbable dont il avait fait preuve dans notre dernière entrevue, si bien qu’enfin j’en vins à jeter de temps à autre un regard inquiet et curieux sur les affiches musicales pour voir si, dans quelque coin de ces affiches, je n’apercevrais pas par hasard le nom de mon enthousiaste. Chose étrange, plus l’inutilité de mes recherches me laissait triste et mécontent, plus aussi je me laissais involontairement aller à l’espoir toujours croissant que mon ami avait peut-être fini par réussir. J’en étais presque venu à me figurer qu’en ce moment même où j’errais inquiet à sa poursuite, l’originalité de son talent avait déjà été reconnue et appréciée par quelque grand personnage ; que déjà peut-être il s’était trouvé chargé de quelques travaux importants, dont il avait su tirer gloire, honneur, que sais-je encore ? Et, après tout, pourquoi non ? me disais-je. Toute âme profondément inspirée ne suit-elle pas les destinées de quelque astre ? Le sien ne peut-il pas être une heureuse étoile ? La découverte d’un trésor caché ne peut-elle donc pas être amenée par un miracle ? Précisément parce qu’il ne m’arrivait jamais de rencontrer soit une romance, soit une ouverture, soit enfin quelque composition du genre facile, portant le nom de mon ami, j’aimais à croire qu’il s’était attaqué tout d’abord et avec succès à la réalisation de ses plans les plus grandioses, et que, dédaignant les éléments d’une modeste réputation, il s’était voué corps et âme à la composition de quelque opéra en cinq actes pour le moins. Il est bien vrai que je m’étonnais parfois de ne jamais entendre prononcer son nom, dans aucune des réunions artistiques où il m’arrivait d’assister. Mais comme j’allais peu dans cette sorte de monde, car je tiens moins du musicien que du banquier, je croyais ne m’en devoir prendre qu’à ma mauvaise chance qui m’éloignait précisément des cercles où sa gloire brillait sans doute de l’éclat le plus vif.

On croira sans peine qu’il dut s’écouler un temps assez considérable avant que le douloureux intérêt que m’avait d’abord inspiré mon ami put se changer chez moi en une confiance presque sans bornes dans sa bonne étoile. Pour en venir là, il me fallut nécessairement passer par toutes les phases les plus diverses de la crainte, de l’incertitude et de l’espoir. Aussi s’était-il déjà écoulé près d’un an depuis ma rencontre au Palais-Royal avec un beau chien et un artiste enthousiaste. Dans cet intervalle, des spéculations singulièrement heureuses m’avaient amené à un si surprenant degré de prospérité, qu’à l’exemple de Polycrate, je ne pouvais m’empêcher de craindre que je ne fusse sous le coup imminent de quelque grand malheur. Il me semblait même l’éprouver par avance ; ce fut donc dans une disposition d’esprit assez peu riante qu’un jour j’entrepris ma promenade accoutumée aux Champs-Élysées. On était alors en automne ; les feuilles jaunies jonchaient la terre, et le ciel semblait couvrir d’un vaste manteau gris la magnifique promenade. Cependant Polichinelle ne laissait pas de se livrer comme de coutume aux accès toujours renaissants de sa vieille et frappante colère. S’abandonnant à son aveugle fureur, l’audacieux bravait comme toujours la justice des hommes, jusqu’à ce qu’enfin le courroux du mortel téméraire fût forcé de céder aux épouvantables coups de griffes du principe infernal si merveilleusement représenté par le chat enchaîné. Soudain j’entendis auprès de moi, à peu de distance du modeste théâtre des terribles exploits de Polichinelle, quelqu’un débiter d’une voix étrangement accentuée le monologue suivant :

— Admirable en vérité ! admirable ! mais comment diable ai-je été chercher si loin ce que j’avais là sous la main ? Eh quoi ! Est-ce donc un théâtre si méprisable que celui-ci où les vérités les plus saisissantes en poésie et en politique viennent se dérouler devant le public le plus impressionnable et le moins prétentieux du monde ? Ce héros si téméraire, n’est-ce pas Don Juan ? Ce chat blanc, d’une beauté si mystérieusement effrayante, ne me représente-t-il pas trait pour trait le gouverneur à cheval ? Quelle ne sera pas l’importance artistique de ce drame quand j’y aurai adapté une musique ! Quels organes sonores chez ces acteurs ! Et le chat ! Ah ! le chat ! Quels trésors secrets restent maintenant cachés dans son admirable gosier ! Jusqu’à présent il n’a pas fait entendre sa voix ; maintenant il est encore tout démon. Mais quel indicible effet ne produira-t-il pas lorsqu’il chantera les roulades que je saurai si bien calculer pour sa voix ! Quel incomparable portamento dans cette céleste gamme chromatique que je lui destine ! Qu’il sera terrible, son sourire, quand il dira ce passage qui doit avoir un si prodigieux succès ! Oh ! Polichinelle, tu es perdu ! Quel plan admirable ! Et puis quel excellent prétexte pour l’emploi constant du tam-tam que les éternels coups de bâton de Polichinelle ne viennent-ils pas me fournir ! Eh bien ! pourquoi tarder à m’assurer la protection du directeur ? Je puis me présenter tout de suite ; ici, du moins, il ne sera pas question de faire antichambre ; un seul pas, et me voilà au milieu du sanctuaire, devant celui dont l’œil divinement clairvoyant n’hésitera pas à reconnaître en moi l’illumination du génie ! ou bien faudrait-il encore craindre la concurrence ? Le chat, par hasard ?… Entrons vite avant qu’il soit trop tard !

En disant ces derniers mots l’homme au soliloque voulut se précipiter dans la baraque de Polichinelle : je n’avais pas eu de peine à reconnaître mon ami, et j’étais bien résolu à lui éviter une fâcheuse démarche. Je le saisis par l’habit, et mes embrassements le forcèrent à se retourner de mon côté.

— Qui diable est là ? s’écria-t-il vivement. Il ne tarda pas à me reconnaître ; il commença par se débarrasser froidement de moi, puis il ajouta : J’aurais dû penser que toi seul pouvais me détourner de cette tentative, la dernière planche de salut qui me reste. Laisse-moi ; il pourrait être trop tard !…

Je le retins de nouveau ; je parvins même à l’entraîner un peu plus loin, vis-à-vis du théâtre, mais il me fut tout à fait impossible de l’éloigner entièrement de cet endroit.

Pourtant, je pris le temps de l’observer avec plus d’attention. Dans quel état le retrouvais-je, bon Dieu ! Je ne parle pas de son habillement, mais de ses traits. Celui-là était misérable, mais ceux-ci offraient un aspect effrayant. La bonne et franche humeur en avait disparu. Il portait autour de lui des regards fixes et inanimés ; ses joues pâles et flasques ne parlaient pas seulement de douleur morale ; les taches colorées qui les marbraient témoignaient encore des souffrances de la faim ! Comme je le considérais avec le plus profond sentiment d’affliction, il parut touché jusqu’à un certain point, car il ne chercha que faiblement à se dégager de mes bras.

— Comment cela va-t-il, mon cher R... ? lui dis-je d’un ton d’hésitation. Puis j’ajoutai avee un sourire triste : Où donc est ton beau chien ? Son regard s’assombrit : — Volé ! répondit-il laconiquement.

— Pas vendu ? dis-je à mon tour.

— Misérable ! répondit-il d’une voix creuse, tu es donc aussi comme l’Anglais, toi ?

Je ne compris pas ce qu’il voulait dire par ces mots. — Mens, repris-je d’une voix émue, viens, conduis-moi chez toi ; j’ai besoin de causer avec toi.

— Tu n’auras bientôt plus besoin de me demander ma demeure, répondit-il ; je suis enfin maintenant sur la véritable voie qui mène à la réputation, à la fortune. Va-t’-en, car tu n’en crois rien ; que sert de prêcher un sourd ? Pour croire, vous autres, vous avez besoin de voir. C’est bien, tu verras bientôt ! Lâche-moi maintenant, si tu ne veux pas que je te regarde comme mon ennemi juré.

Je n’en serrai que plus fortement ses mains. — Où demeures-tu ? lui dis-je encore. Viens, conduis-moi chez toi. Nous parlerons de cœur et d’amitié, et, s’il le faut, tu m’entretiendras même de tes projets.

— Tu les connaîtras par l’exécution, fit-il. Des quadrilles, des galops, voilà qui est de ma force, n’est-ce pas ? Tu verras, tu entendras. Vois-tu ce chat ? Il me vaudra de solides droits d’auteur. Figure-toi un peu l’effet, quand, de ce museau si fin, du milieu de ces dents rangées en perles sortiront les mélodies chromatiques les plus inspirées, accompagnées des gémissements et des sanglots les plus délicats du monde ! Mais l’imagines-tu, mon cher ? — Bah ! vous n’avez pas d’imagination, vous autres ! — Laissez-moi ! laissez-moi ! vous n’aurez pas de fantaisie !

Je le retins avec de nouveaux efforts, renouvelant ma plus instante prière pour qu’il me conduisît chez lui, sans qu’il voulût y avoir plus d’égards. Son regard se tournait toujours vers le chat avec une sorte de surexcitation fébrile.

— Mais tout dépend de lui, s’écriait-il ; fortune, considération, gloire, tout cela est entre ses pattes veloutées. Que le ciel dirige son cœur et m’accorde la faveur de ses bonnes grâces. Son regard est bienveillant ; oui, oui, c’est de la nature chatière. Il est bienveillant, poli, poli par-delà toute mesure ; — mais c’est toujours un chat.

— Attends, je puis te réduire ; j’ai un chien magnifique qui te tiendra en respect. Victoire ! j’ai gagné. Où est mon chien ?

Il avait poussé ces derniers mots avec un cri rauque et dans un mouvement d’exaltation insensée. Il regarda vivement autour de lui, et parut chercher son chien ; son œil allumé se porta sur la large chaussée. À ce moment passait sur un magnifique cheval un homme élégant qu’à sa physionomie et à la coupe de ses habits on reconnaissait pour un Anglais. À ses côtés courait en aboyant fièrement un grand et beau chien de Terre-Neuve. — Ah ! mon pressentiment ! s’écria à cette vue mon pauvre ami transporté de rage et de fureur. Le maudit ! mon chien ! mon chien !

Toute ma force fut brisée par le pouvoir surhumain avec lequel le malheureux, prompt comme l’éclair, s’arracha de mes mains. Il vola comme une flèche à la suite de l’Anglais, qui, par hasard, mit au même instant son cheval au grand galop, que suivait le chien avec les bonds les plus joyeux du monde. Je courus aussi, mais en vain. Quels efforts pourraient égaler l’exaltation d’un fou furieux ? Je vis cavalier, chien et ami disparaître dans une des rues latérales qui conduisent dans le faubourg du Roule. Arrivé à cette rue, je ne les vis plus. Il suffit de dire que tous mes efforts pour retrouver leurs traces demeurèrent sans résultat.

Ébranlé et surexcité moi-même jusqu’à une sorte de délire, je dus pourtant me résoudre à la fin à suspendre provisoirement mes recherches. Mais on m’accordera facilement qu’aucun jour ne se passa de ma part sans efforts pour retrouver quelque indice qui pût me faire découvrir la demeure de mon malheureux ami. Je pris des informations dans tous les endroits qui avaient avec la musique un rapport quelconque ; je ne pus trouver nulle part le moindre renseignement. Ce ne fut que dans les antichambres révérées de l’Opéra que les employés subalternes se rappelèrent une triste apparition, une sorte de fantôme lamentable qui s’était montré souvent, attendant qu’on lui accordât une audience, et dont naturellement on n’avait jamais su le nom ni la demeure. Toutes les autres voies, celles même de la police, ne purent me remettre sur sa trace. Les gardiens même de la sûreté publique n’avaient pas jugé à propos de s’occuper du plus misérable des hommes.

J’étais tombé dans le désespoir. Un matin, — c’était environ deux mois après la rencontre des Champs-Élysées, — je reçus par voie indirecte une lettre que m’avait fait tenir une personne de connaissance. Je l’ouvris avec un triste pressentiment, et j’y lus ce peu de mots : « Mon cher, viens me voir mourir ! » L’adresse qui s’y trouvait jointe indiquait une étroite ruelle à Montmartre.

Je ne pus pleurer, et m’en fus gravir les pentes de Montmartre. J’arrivai, en suivant les indications de l’adresse, à une de ces maisons de pitoyable apparence comme il s’en trouve dans les rues latérales de cette petite ville. Cette bâtisse, en dépit de son chétif extérieur, n’avait pas manqué de se compléter de cinq étages. Cette condition avait dû, selon toute apparence, influer favorablement sur la détermination de mon misérable ami, et je fus ainsi forcé de me guinder au haut d’un escalier en échelle à donner le vertige. La chose en valait pourtant la peine, car en demandant mon ami, l’on m’indiqua une petite chambre sur le derrière. Or, si, de ce côté moins favorisé de cette respectable masure, il fallait renoncer à la vue de la rue gigantesque, large de deux mètres, on en était dédommagé par la perspective qui s’étendait sur tout Paris. Ce fut donc en présence de cet aspect magnifique, mais sur un lit de douleur, que je trouvai mon malheureux enthousiaste. Son visage, son corps tout entier était infiniment plus amaigri, plus creusé que le jour de notre rencontre aux Champs-Élysées ; l’expression de sa pensée était néanmoins bien plus satisfaisante qu’à cette époque. Le regard farouche, sauvage et presque insensé, la flamme indéfinissable de ses yeux, avaient disparu. Son regard était mat et presque éteint : les affreuses taches foncées de ses joues semblaient s’être dissoutes dans la consomption générale.

Tremblant, mais avec une expression calme, il me tendit la main en disant : « Pardonne-moi, cher ami : merci d’être venu. »

Le ton étrangement tendre et sonore avec lequel il avait dit ce peu de mots m’impressionna peut-être encore plus douloureusement que ne l’avait fait d’abord son aspect. Je lui serrai la main et pleurai sans pouvoir parler.

— Il y a, ajouta-t-il après une pause d’émotion, plus d’un an, ce me semble, que nous nous rencontrâmes au brillant Palais-Royal. Je n’ai pas tenu tout à fait parole. Devenir célèbre dans l’année m’a été impossible avec la meilleure volonté du monde. D’un autre côté, ce n’est pas ma faute si je n’ai pu t’écrire au bout d’un an révolu, pour te prier de me voir mourir. Je n’avais pu, malgré tous mes efforts, en venir encore là. Oh ! ne pleure pas, mon ami. Il fut un temps où j’ai dû te prier de ne pas rire.

Je voulus parler, mais la parole me manqua encore. — Laisse-moi continuer, dit le mourant, cela m’est facile en ce moment, et je te dois un récit assez long. Je suis persuadé que je ne serai plus demain ; c’est pourquoi il faut que tu m’écoutes aujourd’hui. Ce récit est simple, mon ami, très simple : pas de complications étranges, pas de péripéties étonnantes, pas de détails prétentieux. Tu n’as pas à craindre pour ta patience que la facilité de langage dont je jouis momentanément m’enivre et m’emporte trop loin. Il y a eu en revanche des jours, mon cher, où je n’ai pas proféré un son. — Écoute ! — Quand je pense à l’état dans lequel tu me trouves aujourd’hui, je crois inutile de t’assurer que ma destinée n’a été rien moins que belle. Il n’est guère plus nécessaire que je te raconte en détail les circonstances dans lesquelles succomba ma foi enthousiaste. Qu’il te suffise de savoir que ce n’étaient pas des écueils sur lesquels j’échouai. — Heureux, hélas ! le naufragé qui périt dans la tempête ! — Non, c’est dans la vase, dans la boue que je me perdis. — Ce marécage, mon cher, environne tous ces orgueilleux et brillants temples de l’art vers lesquels nous autres, pauvres insensés, marchions en pèlerinage avec une ferveur aussi profonde que si nous eussions dû y gagner le salut de notre âme. Heureux le pèlerin léger de bagage ! L’élan d’un seul entrechat bien réussi peut suffire à lui faire franchir la largeur du marais. Heureux le riche ambitieux ! son cheval bien manié n’a besoin que d’une seule pression de ses éperons d’or, pour le transporter rapidement de l’autre côté. Malheur, hélas ! à l’enthousiaste qui, prenant ce marais pour un pré fleuri, s’y abîme sans retour, et y devient la pâture des grenouilles et des crapauds ! Vois, mon cher, comme cette infâme vermine m’a rongé : il n’y a plus en moi une seule goutte de sang. — Dois-je te dire ce qui m’est arrivé ? — Pourquoi ? après tout. Tu me vois mourir. C’est bien assez de savoir que je n’ai pas été terrassé sur le champ de bataille, mais que... cela est horrible à dire !... je suis mort de faim dans les antichambres. Sache qu’il y en a beaucoup à Paris, beaucoup de ces antichambres avec des bancs de velours ou des bancs de bois, chauffées ou non chauffées, pavées ou non pavées !

« Dans ces antichambres, continua mon pauvre ami, j’ai passé à rêver une belle année de ma vie. J’y ai rêvé beaucoup et prodigieusement, de choses folles et fabuleuses des Mille et une Nuits, d’hommes et de bêtes brutes, d’or et d’immondices. J’y ai rêvé de dieux et de contrebasses, de brillantes tabatières et de premières cantatrices, de choristes et de pièces de cinq francs. Au milieu de tout cela, il me semblait entendre souvent le son plaintif et inspiré d’un hautbois. Ce son pénétrait tous mes nerfs et me déchirait le cœur. Un jour, comme j’avais fait les rêves les plus désordonnés, et que ce son m’avait ébranlé de la façon la plus douloureuse, je m’éveillai soudain et trouvai que j’étais devenu fou. Je me rappelle du moins que j’oubliai la chose dont j’avais le plus d’habitude, à savoir, de faire au garçon de théâtre ma plus profonde révérence au moment où je quittai l’antichambre.

— Ce fut, soit dit en passant, la raison pour laquelle je n’osai jamais y retourner, car le garçon ne m’y aurait probablement plus reçu ! — Je quittai donc d’un pas chancelant l’asile de mes songes, mais en franchissant le seuil de la maison, je tombai. J’avais trébuché sur mon pauvre chien qui, selon son habitude, antichambrait dans la rue en attendant son heureux maître auquel il était permis d’antichambrer au milieu des hommes. Il faut que je te dise que ce chien m’avait été fort utile. C’était à lui seulement et à sa beauté que je devais d’avoir été quelquefois honoré d’un regard complaisant par le valet de l’antichambre. Malheureusement, il perdait chaque jour un peu de sa beauté, car la faim ravageait aussi ses entrailles. Cela me donna de nouvelles inquiétudes, puisqu’il devenait évident pour moi que c’en serait bientôt fait de la faveur de ce valet qui m’accueillait déjà parfois avec un sourire de dédain. — Je te disais donc que j’avais trébuché sur mon chien. J’ignore combien de temps je restai là, et combien de coups de pieds je pus recevoir des allants et venants. Enfin, je fus éveillé par les tendres caresses, par la chaude langue du pauvre animal. Je me relevai, et, dans un moment lucide, je compris sur-le-champ le devoir qui m’était le plus impérieusement recommandé : je devais donner à manger à mon chien. Un marchand d’habits intelligent m’offrit quelques sous pour mon mauvais gilet. Mon chien mangea, et je dévorai ce qu’il voulut bien me laisser. Cela lui réussit à merveille, mais rien ne pouvait plus me réussir à moi. Le produit d’une relique, du vieil anneau de ma grand’mère, suffit pour restituer au chien toute sa beauté disparue. Il resplendit de nouveau de tout l’éclat de sa beauté. Ô beauté fatale ! — L’état de ma tête était de plus en plus déplorable. Je ne sais plus très bien ce qui s’y passa, mais je me souviens qu’un jour j’éprouvai l’irrésistible fantaisie de voir le diable. Mon chien, éblouissant de beauté, m’accompagnait quand j’arrivai à l’entrée des concerts Musard. Avais-je l’espoir d’y rencontrer le diable ? Je ne le sais au juste. Je me mis à examiner les gens qui entraient ; et que vois-je dans le nombre ? l’abominable Anglais, tout à fait le même en chair et en os. Il n’était point changé, et m’apparut tout à fait comme dans le temps où il me joua auprès de Beethoven cet atroce tour que j’ai raconté. — La terreur me saisit : j’étais bien préparé à affronter un démonde l’autre monde, mais jamais à rencontrer ce fantôme de notre terre à nous. Eh ! qu’éprouvai-je, hélas ! quand le malheureux me reconnut sur-le-champ ? Je ne pouvais l’éviter ; la foule nous poussait l’un vers l’autre. Contre son gré et contre la coutume de ses compatriotes, il se vit forcé de se jeter dans mes bras que j’avais étendus pour me frayer un passage. Il y était et fut pressé fortement contre mon cœur agité de mille émotions cruelles. Ce fut un terrible moment ! Cependant nous nous trouvâmes bientôt plus au large, et il se dégagea avec quelque contrariété de mes étreintes involontaires. Je voulus fuir, mais cela me fut impossible. — Soyez donc le bienvenu, mon cher monsieur ! s’écria-t-il ; c’est charmant pour moi de vous rencontrer toujours ainsi sur les chemins de l’art ! Nous allons cette fois chez Musard ! Rempli de rage, je ne pus trouver que cette exclamation : — Au diable ! — Ah ! oui, répondit-il, cela doit être diabolique. J’ai ébauché dimanche dernier une composition que je dois offrir à Musard. Connaissez-vous Musard ? Voulez-vous me présenter à lui ? — Mon horreur pour ce spectre se changea en une angoisse sans nom. Surexcité comme je l’étais, je réussis à me dégager de lui et à m’enfuir vers le boulevard. Mon beau chien courait en aboyant à mon côté. En un clin d’œil l’Anglais était auprès de moi, m’arrêta, et me dit avec un accent d’exaltation : — Sire, ce beau chien est-il à vous ? — Oui. — Oh ! cela est très bien, monsieur ; je vous compte pour ce chien cinquante guinées ! Savez-vous que c’est la mode pour les gentlemen d’avoir des chiens de cette espèce ? Aussi j’en ai déjà possédé une quantité innombrable. Malheureusement, ces animaux étaient tous anti-musiciens : ils n’ont jamais pu souffrir que je jouasse de la flûte ou du cor, et se sont toujours enfuis de chez moi pour cette cause. Mais je dois supposer, puisque vous avez le bonheur d’être musicien, que votre chien est aussi organisé pour la musique. C’est pourquoi je vous en offre cinquante guinées. — Misérable ! m’écriai-je, je ne vendrais pas mon chien pour la Grande-Bretagne tout entière ! Et je me mis là-dessus à courir, mon chien courant devant moi. Je louvoyai dans les rues de traverse, qui conduisaient à l’endroit où je passais ordinairement la nuit. Il faisait un beau clair de lune. De temps à autre je jetais autour de moi des regards inquiets. Je crus remarquer avec effroi que la longue silhouette de l’Anglais me poursuivait. Je doublai le pas avec un surcroît d’anxiété. Tantôt j’apercevais le fantôme, tantôt je le perdais de vue. Enfin j’atteignis tout tremblant mon asile. Je donnai à manger à mon chien, et m’étendis sans souper sur un lit bien dur. Je dormis longtemps, et fis des rêves horribles. Quand je m’éveillai, mon beau chien avait disparu. Comment s’était-il échappé, ou plutôt comment l’avait-on attiré de l’autre côté de la porte mal fermée d’ailleurs ? c’est ce que je ne puis comprendre encore aujourd’hui. J’appelai, je le cherchai jusqu’à ce que je tombasse en sanglotant. Tu te rappelles qu’un jour je revis l’infidèle dans les Champs-Élysées ; tu sais quelles peines je me donnai pour le reprendre, mais tu ne sais pas que l’animal me reconnut bien, et que lorsque je l’appelai, il s’enfuit loin de moi comme une bête fauve. Je ne l’en poursuivis pas moins, et avec lui le cavalier satanique, jusqu’à la porte cochère où celui-ci se précipita, et qui se referma en criant sur lui et sur le chien. Dans ma rage, je fis à la porte un bruit de tonnerre. Des aboiements furieux furent la seule réponse que je reçus. Épuisé et presque abruti, je fus forcé de m’asseoir jusqu’à ce que je fusse tiré de mon anéantissement par une horrible gamme exécutée sur le cornet, dont les sons sortant du fond de l’hôtel percèrent mon oreille et provoquèrent dans la cour des hurlements douloureux. Alors, j’éclatai de rire, et m’en retournai. »

Profondément ému, mon pauvre ami s’arrêta. Si la parole lui était devenue plus facile, l’exaltation intérieure ne lui causait pas moins une affreuse fatigue. Il ne lui était plus possible de se tenir assis. Il retomba avec un faible gémissement. Une longue pause suivit. J’observai ce malheureux avec une émotion pénible. Ses joues avaient revêtu cette teinte rouge transparente particulière aux phtisiques. Il avait fermé les yeux, et restait là comme endormi. Sa respiration ne se trahissait que par un mouvement peu sensible et presque éthéré. J’attendais avec anxiété le moment où je pourrais lui parler pour lui demander à quoi je pourrais encore lui être bon en ce monde. Enfin, il ouvrit les yeux. Un éclat glauque et surnaturel animait son regard qu’il tourna sans hésiter vers moi.

— Mon pauvre ami, lui dis-je, tu me vois plein d’un désir douloureux de te servir en quelque chose. As-tu quelque vœu à faire ? dis-le moi.

Il répondit en souriant : — Tu es bien impatient, ami, de connaître mon testament. Oh ! sois sans inquiétude, je ne t’y ai pas oublié. Mais ne veux-tu donc pas apprendre auparavant comment ton malheureux frère en est venu jusqu’à mourir ? Vois-tu, je voudrais que mon histoire fût connue au moins d’une âme sur cette terre, et je n’en sais pas une, si ce n’est la tienne, de qui je puisse croire qu’elle se soucie de moi. Ne crains pas que je me fatigue ; je me sens à mon aise, et la chose m’est facile. Aucune pesanteur dans la respiration, et les paroles coulent de source. Au reste, vois-tu, je n’ai plus que peu de chose à raconter. Tu te figures bien qu’au point j’en étais arrivé de mon histoire, je n’avais plus rien à faire avec les choses du monde extérieur. C’est de là que date mon histoire intime, car je sus dès ce moment que je mourrais bientôt. Cette affreuse gamme sur le cornet dans l’hôtel de l’Anglais me remplit d’un dégoût de la vie, mais dégoût tellement irrésistible que je résolus de mourir. Je ne devrais point, à la vérité, tirer gloire de cette résolution, car je n’étais plus guère libre de vouloir mourir ou vivre. Quelque chose avait éclaté dans ma poitrine et y avait laissé une résonnance prolongée et perçante. Quand ce son s’éteignit, je me sentis à mon aise comme je ne l’avais jamais été, et sus que j’allais mourir. Oh ! que cette conviction me remplit de contentement ! Comme je m’exaltai au pressentiment d’une dissolution prochaine que je surpris dans toutes les parties de mon être délabré ! Insensible à tous les objets extérieurs, et ne sachant où me portaient mes pas tremblants, j’arrivai un jour sur les hauteurs de Montmartre. Je saluai le mont des Martyrs, et résolus de finir sur ce coin de terre ; car je mourais, moi aussi, pour la pureté de la croyance ; je pouvais, moi aussi, me dire martyr, quoique ma foi n’eût jamais été combattue par personne, si ce n’est par la faim. Ici, malheureux, sans asile, j’ai trouvé un toit ; je n’ai pas demandé autre chose, sinon qu’on me donnât ce lit et qu’on fît chercher les partitions et les papiers que j’avais déposés dans un misérable bouge de la grande ville, car je n’avais, hélas ! pu réussir à les mettre quelque part en gage. Tu me vois, j’ai résolu de mourir en Dieu et dans la véritable musique. Un ami me fermera les yeux ; mon chétif avoir suffira pour payer mes dettes, et j’aurai sans doute une sépulture honorable, que puis-je donc souhaiter de plus ?

Je donnai jour enfin aux sentiments qui m’oppressaient :

— Comment, m’écriai-je, as-tu pu ne m’invoquer que pour ce triste service ! Ton ami, quelque mince que fût son pouvoir, ne pouvait-il donc pas t’être utile d’une autre manière ? Je t’en conjure, pour ma tranquillité, parle sincèrement, était-ce un défaut de confiance dans mon amitié, qui t’empêcha de t’adresser à moi et de me faire connaître plus tôt ton sort ?

— Oh ! ne te fâche pas, répondit-il d’un air suppliant, ne te fâche pas contre moi quand je t’avouerai que je m’opiniâtrais à te regarder comme mon ennemi ! Quand je reconnus mon erreur à cet égard, ma tête tombait dans un état qui m’enlevait la responsabilité de mes actions. Je sentis que je n’avais plus rien à faire avec les hommes sensés. Pardonne-moi, et montre-toi plus bienveillant que je ne le fus à ton égard. — Allons ! donne-moi la main, et que cette faute de ma vie soit comme effacée !

Je ne pus résister ; je saisis sa main et fondis en larmes. Cependant, je reconnus combien les forces de mon ami diminuaient. Il n’était plus en état de se dresser : cette rougeur passagère alternait sur ses joues avec des teintes de plus en plus mates.

— Mon cher, occupons-nous d’une petite affaire, reprit-il. Nomme cela, si tu le veux, mes dernières volontés, car je veux d’abord que mes dettes soient soldées. Les pauvres gens qui m’ont reçu m’ont soigné bien volontiers, et ne m’ont guère fait souvenir qu’ils devaient être payés. Il en est de même de quelques autres créanciers, dont tu trouveras la liste sur ce papier. Pour le paiement, je fais cession de tous mes biens ; là mes compositions, ici mon journal, où je portais mes notes musicales et mes caprices. Tu as de l’habitude, mon cher ami ; je me repose sur ton habileté du soin de tirer de ces valeurs de ma succession le meilleur prix possible, et d’employer le produit à l’acquittement de mes dettes terrestres. — En second lieu, je veux que tu ne maltraites pas mon chien, si jamais tu le rencontres ; car je suppose que le cornet de l’Anglais l’a déjà terriblement puni de son manque de fidélité. — Troisièmement, je veux que le récit de mes souffrances à Paris soit publié, sauf à taire mon nom, pour servir d’avertissement à tous les fous qui me ressemblent. Enfin, je veux un enterrement décent, mais sans éclat et sans foule. Peu de personnes suffiront à m’accompagner. Tu trouveras dans mon journal leur nom et leur adresse. Les frais de l’enterrement seront supportés par eux et par toi. — Amen.

— Maintenant, reprit le mourant après une interruption que rendit nécessaire son affaiblissement de plus en plus sensible, maintenant, un dernier mot sur ma croyance : Je crois à Dieu, à Mozart, à Beethoven, ainsi qu’à leurs disciples et à leurs apôtres ; je crois au Saint-Esprit et à la vérité d’un art un et indivisible ; je crois que cet art procède de Dieu, et vit dans les cœurs de tous les hommes éclairés d’en haut ; je crois que celui qui a goûté une seule fois les sublimes jouissances de cet art, lui est dévoué pour toujours, et ne peut le renier ; je crois que tous peuvent devenir bienheureux par cet art, et qu’il est en conséquence permis à chacun de mourir de faim en le confessant ; je crois que la mort me donnera la suprême félicité ; je crois que j’étais sur la terre un accord dissonant qui va trouver dans la mort une pure et magnifique résolution ; je crois à un jugement dernier où seront affreusement damnés tous ceux qui, sur cette terre, ont osé faire métier, marchandise et usure de cet art sublime qu’ils profanaient et déshonoraient par malice de cœur et grossière sensualité ; je crois que ces immondes seront condamnés à entendre pendant l’éternité leur propre musique ; je crois au contraire que les fidèles disciples de l’art sublime seront glorifiés dans une essence céleste, radieuse de l’éclat de tous les soleils au milieu des parfums des accords les plus parfaits, et réunis dans l’éternité à la source divine de toute harmonie. Puisse un sort pareil m’être octroyé en partage ! Amen.

Je crus un instant que la fervente prière de mon enthousiaste ami était exaucée, tant son oeil resplendissait d’une lumière céleste, tant il restait immobile dans une extase sans souffle. Vivement ému, je me penchai sur son visage pour reconnaître s’il appartenait encore à ce monde. Sa respiration très faible et presque imperceptible m’apprit qu’il vivait encore. Il murmura à voix bien basse, quoique intelligible, ces mots : — Réjouissez-vous, croyants ; les joies qui vous attendent sont grandes. — Puis il se tut ; l’éclat de son regard s’éteignit ; un sourire aimable resta sur ses lèvres. — Je lui fermai les yeux, et priai Dieu de m’accorder une mort semblable.

Qui sait ce qui, dans cette créature humaine, s’éteignit sans laisser de traces ! Était-ce un Mozart, un Beethoven ? qui peut le savoir, et qui voudrait me contredire si je déclarais qu’avec cet homme mourut un artiste qui eut ravi le monde par ses créations, s’il ne fût mort de faim préalablement. Je le demande, qui me prouvera le contraire ?

— Aucun de ceux qui suivirent sa dépouille mortelle ne pensa à soutenir cette thèse. Ils n’étaient que deux avec moi, un philologue et un peintre ; un autre fut empêché par un rhume ; plusieurs autres n’eurent pas le temps. Comme nous arrivions sans pompe au cimetière Montmartre, nous remarquâmes un beau chien qui s’approcha de la civière et flaira le cercueil en renâclant avec une curiosité triste et inquiète. Je reconnus l’animal et regardai autour de nous : j’aperçus, fièrement assis à cheval, l’Anglais, qui parut ne rien comprendre à l’étrange préoccupation de son chien qui suivait le cercueil; il descendit, donna son cheval à garder à son domestique, et nous rejoignit dans le cimetière : — Qui enterrez-vous là, monsieur ? dit-il, en s’adressant à moi. — Le maître de votre chien, répondis-je. — Goddam ! s’écria-t-il, il est fort désagréable pour moi que ce gentleman soit mort sans avoir reçu son argent pour le prix de l’animal. Je le lui avais destiné et cherchais une occasion de le lui faire parvenir, quoique ce chien hurle pendant mes exercices de musique. Mais je réparerai ma sottise, et disposerai des cinquante guinées, qui sont le prix du chien, pour une pierre funéraire qui sera placée sur la sépulture de l’honorable gentleman. Puis il s’en fut et remonta à cheval ; le chien resta près de la fosse pendant que l’Anglais s’éloignait.

Il me reste maintenant à exécuter le testament. Je publierai dans les prochains numéros de cette gazette, sous le titre de Caprices esthétiques d’un musicien, les différentes parties du journal du défunt, pour lesquelles l’éditeur a promis de payer un prix élevé, par égard pour la destination respectable de cet argent. Les partitions qui composent le reste de sa succession sont à la disposition de MM. les directeurs d’Opéra, qui peuvent, pour cet objet, s’adresser, par lettres non affranchies, à l’exécuteur testamentaire.