Discours de Louis XVI pour l'ouverture des Etats Généraux de 1789

Chez l'Artiste, rue des Cinq Diamants (p. 1).

DISCOURS DU ROI,
Prononcé le 5 mai 1789, jour où Sa Majesté a fait l’ouverture des États-Généraux.

Messieurs,


Ce jour que mon cœur attendoit depuis long-temps est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la Nation à laquelle je me fais gloire de commander.

Un long intervalle s’étoit écoulé depuis les dernieres tenues des Etats-généraux ; et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n’ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la Nation une nouvelle source de bonheur.

La dette de l’Etat, déjà immense à mon avénement au trône, s’est encore accrue sous mon regne : une guerre dispendieuse, mais honorable, en a été la cause ; l’augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition.

Une inquiétude générale, un desir exagéré d’innovations, se sont emparés des esprits, et finiroient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtoit de les fixer par une réunion d’avis sages et modérés.

C’est dans cette confiance, Messieurs, que je vous ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu’elle a déjà été justifiée par les dispositions que les deux premiers Ordres ont montrées à renoncer à leurs privileges pécuniaires. L’espérance que j’ai conçue de voir tous les Ordres réunis de sentiments concourir avec moi au bien général de l’Etat, ne sera point trompée.

J’ai déjà ordonné dans les dépenses des retranchements considérables ; vous me présenterez encore à cet égard des idées que je recevrai avec empressement : mais malgré la ressource que peut offrir l’économie la plus sévere, je crains, Messieurs, de ne pouvoir pas soulager tous mes sujets aussi promptement que je le desirerois. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances ; et quand vous l’aurez examinée, je suis assuré d’avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y établir un ordre permanent, et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans, et sa considération au dehors, vous occupera essentiellement.

Les esprits sont dans l’agitation ; mais une assemblée des représentants de la Nation n’écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. Vous aurez jugé vous-mêmes, Messieurs, qu’on s’en est écarté dans plusieurs occasions récentes ; mais l’esprit dominant de vos délibérations répondra aux véritables sentiments d’une Nation généreuse, et dont l’amour pour ses Rois a toujours fait le caractere distinctif : j’éloignerai tout autre souvenir.

Je connois l’autorité et la puissance d’un Roi juste au milieu d’un peuple fidele et attaché de tout temps aux principes de la Monarchie : ils ont fait la gloire et l’éclat de la France ; je dois en être le soutien, et je le serai constamment.

Mais tout ce qu’on peut attendre du plus tendre interêt au bonheur public, tout ce qu’on peut demander à un Souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l’espérer de mes sentiments.

Puisse, Messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et le prospérité du royaume ! C’est le souhait de mon cœur, c’est le plus ardents de mes vœux, c’est enfin le prix que j’attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples.

Mon Garde des Sceaux va vous expliquer plus amplement mes intentions ; et j’ai ordonné au Directeur général des finances de vous en exposer l’état.